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dimanche, 12 mars 2006

Ariane 5 est partie !!!

 

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Plein ciel

 

Qu'importe le moment ! qu'importe la saison !
La brume peut cacher dans le blême horizon
Les Saturnes et les Mercures ;
La bise, conduisant la pluie aux crins épars,
Dans les nuages lourds grondant de toutes parts,
     Peut tordre des hydres obscures ;

Qu'importe! il va. Tout souffle est bon ; simoun, mistral !
La terre a disparu dans le puits sidéral.
     Il entre au mystère nocturne ;
Au-dessus de la grêle et de l'ouragan fou,
Laissant le globe en bas dans l'ombre, on ne sait où,
     Sous le renversement de l'urne.

Intrépide, il bondit sur les ondes du vent ;
Il se rue, aile ouverte et la proue en avant,
     Il monte, il monte, il monte encore,
Au delà de la zone où tout s'évanouit,
Comme s'il s'en allait dans la profonde nuit
     A la poursuite de l'aurore!

Calme, il monte où jamais nuage n'est monté ;
Il plane à la hauteur de la sérénité,
     Devant la vision des sphères ;
Elles sont là, faisant le mystère éclatant,
Chacune feu d'un gouffre, et toutes constatant
     Les énigmes par les lumières.

Andromède étincelle, Orion resplendit ;
L'essaim prodigieux des Pléiades grandit ;
     Sirius ouvre son cratère ;
Arcturus, oiseau d'or, scintille dans son nid ;
Le Scorpion hideux fait cabrer au zénith
     Le poitrail bleu du Sagittaire.

L'aéroscaphe voit, comme en face de lui,
Là-haut, Aldébaran par Céphée ébloui,
     Persée escarboucle des cimes,
Le chariot polaire aux flamboyants essieux,
Et, plus loin, la lueur lactée, ô sombres cieux,
     La fourmilière des abîmes!

Vers l'apparition terrible des soleils,
Il monte ; dans l'horreur des espaces vermeils,
      Il s'oriente, ouvrant ses voiles ;
On croirait, dans l'éther où de loin on l'entend,
Que ce vaisseau puissant et superbe, en chantant,
        Part pour une de ces étoiles !

Tant cette nef, rompant tous les terrestres nœuds,
Volante, et franchissant le ciel vertigineux,
         Rêve des blêmes Zoroastres,
Comme effrénée au souffle insensé de la nuit,
Se jette, plonge, enfonce et tombe et roule et fuit
          Dans le précipice des astres !

 

* * *

 

Où donc s'arrêtera l'homme séditieux ?
L'espace voit, d'un oeil par moment soucieux,
L'empreinte du talon de l'homme dans les nues ;
Il tient l'extrémité des choses inconnues ;
Il épouse l'abîme à son argile uni ;
Le voilà maintenant marcheur de l'infini.
Où s'arrêtera-t-il, le puissant réfractaire ?
Jusqu'à quelle distance ira-t-il de la terre ?
Jusqu'à quelle distance ira-t-il du destin ?
L'âpre Fatalité se perd dans le lointain ;
Toute l'antique histoire affreuse et déformée
Sur l'horizon nouveau fuit comme une fumée.
Les temps sont venus. L'homme a pris possession
De l'air, comme du flot la grèbe et l'alcyon.
Devant nos rêves fiers, devant nos utopies
Ayant des yeux croyants et des ailes impies,
Devant tous nos efforts pensifs et haletants,
L'obscurité sans fond fermait ses deux battants ;
Le vrai champ enfin s'offre aux puissantes algèbres ;
L'homme vainqueur, tirant le verrou des ténèbres,
Dédaigne l'Océan, le vieil infini mort.
La porte noire cède et s'entre-bâille. Il sort !

Ô profondeurs ! faut-il encor l'appeler l'homme ?
L'homme est d'abord monté sur la bête de somme ;
Puis sur le chariot que portent des essieux ;
Puis sur la frêle barque au mât ambitieux ;
Puis, quand il a fallu vaincre l'écueil, la lame,
L'onde et l'ouragan, l'homme est monté sur la flamme ;
A présent l'immortel aspire à l'éternel ;
Il montait sur la mer, il monte sur le ciel.

L'homme force le sphinx à lui tenir la lampe.
Jeune, il jette le sac du vieil Adam qui rampe,
Et part, et risque aux cieux, qu'éclaire son flambeau,
Un pas semblable à ceux qu'on fait dans le tombeau ;
Et peut-être voici qu'enfin la traversée
Effrayante, d'un astre à l'autre, est commencée !

* * *

 

Stupeur ! Se pourrait-il que l'homme s'élançât ?
Ô nuit ! se pourrait-il que l'homme, ancien forçat,
     Que l'esprit humain, vieux reptile,
Devint ange, et, brisant le carcan qui le mord,
Fût soudain de plain-pied avec les cieux ? La mort
     Va donc devenir inutile !

Oh! franchir l'éther ! songe épouvantable et beau !
Doubler le promontoire énorme du tombeau!
     Qui sait ? Toute aile est magnanime :
L'homme est ailé. Peut-être, ô merveilleux retour !
Un Christophe Colomb de l'ombre, quelque jour,
     Un Gama du cap de l'abîme,

Un Jason de l'azur, depuis longtemps parti,
De la terre oublié, par le ciel englouti,
     Tout à coup, sur l'humaine rive
Reparaîtra, monté sur cet alérion,
Et montrant Sirius, Allioth, Orion,
     Tout pâle, dira : J'en arrive !

Ciel! ainsi, comme on voit aux voûtes des celliers
Les noirceurs qu'en rôdant tracent les chandeliers,
     On pourrait, sous les bleus pilastres,
Deviner qu'un enfant de la terre a passé,
A ce que le flambeau de l'homme aurait laissé
     De fumée au plafond des astres !

 

Victor Hugo

Vingtième Siècle, La Légende des siècles, 1e série, 1859

mardi, 17 janvier 2006

Julie est née !!!

 

 

medium_grandmere.jpg"Les enfants martyrs sont ceux qu'on embrasse trop. Les grand-mères sont particulièrement recherchées pour cette tâche de tortionnaire." (Henry de Montherlant)

Eh bien à partir d'aujourdh'hui, je deviens tortionnaire, pardon …. grand-mère !!!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dansez, les petites filles,
Toutes en rond.
En vous voyant si gentilles,
Les bois riront.

Dansez, les petites reines,
Toutes en rond.
Les amoureux sous les frênes
S'embrasseront.

Dansez, les petites folles,
Toutes en rond.
Les bouquins dans les écoles
Bougonneront.

Dansez, les petites belles,
Toutes en rond.
Les oiseaux avec leurs ailes
Applaudiront.

Dansez, les petites fées,
Toutes en rond.
Dansez, de bleuets coiffées,
L'aurore au front.

Dansez, les petites femmes,
Toutes en rond.
Les messieurs diront aux dames
Ce qu'ils voudront.

 

Victor Hugo

 

 

 

vendredi, 09 décembre 2005

Décidément, tout est bon chez Victor …

 

medium_discours_enseignement.2.jpg

J'ai trouvé sur le site du Centre d'Étude et de Recherche en Histoire de l'Éducation de l'Académie de Rennes le texte du discours de Victor Hugo prononcé le 15 janvier 1850 à la tribune de l’Assemblée législative contre le projet de loi sur l’enseignement du Ministre de l’Instruction publique, le comte de Falloux. Cette loi, finalement adoptée en mars 1850, donnait une part prépondérante à l'Église catholique dans le système éducatif français.
Ce discours marque, et avec quel éclat, l'entrée de Victor Hugo dans le combat pour les libertés et bientôt pour la République !!!

 

 

Petit Papa Noël, dépose dans ma chaussure quelques ouvrages de ce bon Victor, que je puisse continuer à me régaler ….


 

 

lundi, 05 décembre 2005

Victor et le "Quatre-vingt treize"

Petit extrait de poème à méditer...

 

 

A ceux qu'on foule aux pieds

 

Étant les ignorants, ils sont les incléments¶

Hélas combien de temps faudra t-il vous redire

À vous tous que c'est à vous de les conduire

Qu'il fallait leur donner leur part de la cité

Que votre aveuglement produit leur cécité

D'une tutelle avare, on recueille les suites

Et le mal qu'ils vous font, c'est vous qui le leur fîtes

Vous ne les avez pas guidés, pris par la main

Et renseignés sur l'ombre et sur le vrai chemin,

Vous les avez laissés en proie au labyrinthe

Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte

C'est qu'ils n'ont pas senti votre fraternité

Comment peut-il penser, celui qui ne peut vivre ?

Quoi ! pour que les griefs, pour que les catastrophes,

les problèmes, les angoisses, et les convulsions

s'en aillent, suffit-il que nous les expulsions ?

 

Victor Hugo, Juin 1871 (Pour les communards).

 

 


 

 

 

 

mercredi, 30 novembre 2005

A qui la faute ?

 

Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?

 

- Oui.

J'ai mis le feu là.

 

- Mais c'est un crime inouï !

Crime commis par toi contre toi-même, infâme !

Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !

C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !

Ce que ta rage impie et folle ose brûler,

C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage

Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.

Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.

Une bibliothèque est un acte de foi

Des générations ténébreuses encore

Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.

Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,

Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,

Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,

Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,

Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,

Dans ce qui commença pour ne jamais finir,

Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,

Dans le divin monceau des Eschyles terribles,

Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,

Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,

Tu jettes, misérable, une torche enflammée !

De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !

As-tu donc oublié que ton libérateur,

C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;

Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,

Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine

Il parle, plus d'esclave et plus de paria.

Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.

Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille

L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;

Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;

Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;

Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,

Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître

À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,

Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;

Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;

Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,

Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,

Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !

Car la science en l'homme arrive la première.

Puis vient la liberté. Toute cette lumière,

C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !

Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.

Le livre en ta pensée entre, il défait en elle

Les liens que l'erreur à la vérité mêle,

Car toute conscience est un noeud gordien.

Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.

Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.

Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !

Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,

Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,

Le progrès, la raison dissipant tout délire.

Et tu détruis cela, toi !

 

- Je ne sais pas lire.

 

Victor HUGO

(L'année terrible - 1872)