dimanche, 27 juin 2010
Bordeaux, Juin 1940 ...
Pour la troisième fois, pendant quelques jours, Bordeaux devient "capitale" française ...
Depuis Mai, l’invasion de la Belgique et l’avancée éclair de l’armée allemande, nombre de véhicules de toutes sortes, de toutes tailles, camionnettes, voitures avec ou sans remorques, charrettes à bras, venues de Belgique, du Luxembourg, de Lorraine, du Nord et de la région parisienne, surchargées de valises, de cartons, de baluchons mal ficelés surmontés de matelas fixés tant bien que mal pour protéger des mitraillages, fuient sur les chemins de l’exode, traversent l’unique pont de Bordeaux, déferlent sur les quais ... Au cours des semaines leur nombre augmente sans cesse
La population bordelaise assiste à un raz-de-marée humain de près de 1,5 million d’hommes, de femmes et d’enfants qui va tenter de trouver refuge dans la région. . La place des Quinconces, l'une des plus vastes du port de la lune, est noire de monde. Les réfugiés vivent dans la rue ... mais l'arrivée des réfugiés se concentre surtout dans deux lieux précis : À la gare Saint-Jean, tout d'abord, où s'entassent des centaines d'hommes, de femmes, d'enfants, effondrés sur leurs ballots. Des étudiants de Bordeaux sont mobilisés pour leur distribuer des repas froids; place Pey-Berland, ensuite, point de ralliement des réfugiés équipés de voitures et en partance pour l'Espagne, le Portugal ou le sud de la France, transformée en gare routière.
Le "port de la lune" subit lui aussi les conséquences du conflit. De nombreux navires se rendant vers les ports de Bretagne et de la Manche sont détournés vers Bordeaux au fur et à mesure que les villes du Nord sont prises par les Allemands. L’embouchure de la Gironde reçoit dans un désordre général des dizaines de navires venus de toute la France. Bien sûr, l’intégralité des importations militaires est orientée vers Bordeaux. Le trafic passe de 65 000 t par semaine à 184 000 t pour la semaine du 30 mai au 5 juin. Mais cette joyeuse pagaille n’est que de courte durée car, bientôt, tout doit repartir. Casablanca, qui est proche de Bordeaux et a depuis longtemps des liens privilégiés avec elle, reçoit l’essentiel des navires en fuite. Les produits militaires sont réexpédiés vers les colonies nord-africaines ou l’Angleterre pour ne pas tomber entre les mains des Allemands. Les navires se trouvant dans le port de Bordeaux sont chargés de matériel aéronautique, comme le San Diego, de métaux, en particulier les Casamance ou le Sloga. Le contre-amiral Barnouin, qui sait que la Gironde nécessite des dragages fréquents, expédie la puissante drague Pierre Lefort à Casablanca, dans l'espoir de gêner l’exploitation économique du port par les nazis.
L’eau lourde (oxyde de deutérium) et le radium utilisés pour les expériences menées sur la fission de l'uranium et la réaction en chaîne, dans les laboratoires du collège de France, qui avaient été transportés en Gironde, sont envoyés en Angleterre. Le 18 juin Frédéric Joliot ayant décidé de rester en France, ses collègues Kowarski et Halban emmènent avec eux vingt-six bidons contenant le stock mondial d'eau lourde, soit cent quatre vingt cinq kilos, prêté en mars 1940 à la France de préférence à l'Allemagne par la Norvège, un mois avant son invasion par les troupes nazies. Ils sot munis d'un ordre de mission antidaté du ministre de l'Armement démissionnaire, Raoul Dautry, spécifiant "qu'ils sont chargés de poursuivre en Angleterre les recherches entreprises au Collège de France et sur lesquelles sera observé un secret absolu ". A Paris, les Allemands furieux convoquent Joliot-Curie. Trois bateaux avaient quitté Bordeaux ce jour-là. Deux ont été coulés par la Luftwaffe. Halban et Kowalski étaient sur le troisième. Avec beaucoup de sang froid, Joliot donne le nom d’un des bâtiments qui ont disparu. Les Allemands sont rassurés. Jusqu'à la fin de la guerre, ils ignoreront que l’eau lourde est à la disposition de l’effort de guerre allié ainsi que les deux ingénieurs français qui l’on emportée.
C’est aussi de Bordeaux que part une partie des réserves de la Banque de France, qui y a transféré son siège social. Des devises, de l’or, des titres et valeurs sont chargés sur quatre bâtiments qui partent pour le Maroc et le Canada. Les derniers navires quitteront Bordeaux le 24 juin, alors que l’armistice a déjà été signé à Compiègne. De même le personnel de la radio d'Etat est transféré de Paris à Bordeaux le 10 juin 1940.
A Bordeaux se replie aussi une partie de l'industrie : en 1938, l'expansion hitlérienne et les Accords de Munich avaient conduit le gouvernement français à inviter les industriels à créer des usines loin des zones présumées des futurs combats. La Société anonyme des automobiles Peugeot (SAAP), avait opté pour des usines en région bordelaise : une 18 quai de Queyrie dans une fabrique de conserves de fruits abandonnée depuis 7 ans, pour la fabrication des pièces du moteur Gnome-Rhone 14M, une 84 rue du Médoc au Bouscat dans les ateliers de réparation d'une de ses succursales pour la fabrication d'outillages, et la dernière à Mérignac, le château de Beauséjour à Arlac, destinée aux ateliers de carrosserie et de fonderie sur les 22 hectares du site, dans le but de fabriquer des trains d'atterrissage, une partie de cellules d'avions Amiot et des compresseurs Gnome-Rhône, mais aussi avec l'arrière pensée d'installer une usine d'automobiles après la guerre ... Peugeot crée même une école d'apprentissage au Bouscat. En juin 1940, les usines Peugeot de la région bordelaise sont opérationnelles, et 4 000 salariés de Sochaux ainsi qu’une partie des archives sont évacués sur Bordeaux, à la demande du gouvernement. L'école Flornoy, dans le quartier Saint Augustin, accueille quelques uns de ces réfugiés. Le bombardement de Bordeaux de Juin 1940 par les avions allemands fera rentrer chez eux la plupart des Franc-Comtois. Pendant l'occupation, les troupes allemandes organiseront à Beauséjour un atelier de réparation des automobiles, en particulier celles récupérées sur les chemins de l'exode; mais un groupe de résistance "Peugeot" sabotera les machines-outils.
En quelques semaines, la population bordelaise est multipliée par deux, passant de 300 000 à 700 000 habitants. Une telle foule n'est plus contrôlable ... Le Ministre de l'intérieur Georges Mandel prend un arrêté obligeant les réfugiés de Belgique, de Hollande et du Luxembourg entrés en France depuis le 10 mai, à se présenter aux autorités, sous peine d'internement. Le 28 mai, le préfet demande aux non-Français (Belges et Luxembourgeois surtout) de se replier sur la Haute-Garonne, l'Hérault ou la Côte d'Or. Le 6 juin, le maire Adrien Marquet prend la décision de rationner l'eau. Le 10 juin, les réfugiés sont sommés de quitter Bordeaux et un périmètre de 20 kilomètres autour de Bordeaux avant le 13 juin, dernier délai ! Il s'agit de faire de la place pour le Gouvernement français qui a quitté Paris ...
Le préfet Bodeman ordonne que tous les navires quittant le port et à destination soit de l’Afrique du Nord, soit de l’Angleterre, soit des colonies, emmènent autant de passagers étrangers que possible. Cela diminue les interminables files d’attente devant les consulats des pays neutres (Etats-Unis, Espagne, Portugal) et de Grande-Bretagne, lesquels, de toute manière, ne délivrent les visas qu’au compte-gouttes. L’évacuation des ressortissants étrangers, mêlés aux civils français partant pour l’Afrique du Nord, dure ainsi jusqu’à ce que la Gironde et ses ports deviennent impraticables.
Le consul portugais à Bordeaux, Aristides de Sousa Mendes, homme de grande culture et de grande sensibilité, est au fait de la situation des réfugiés étrangers qui ont, pour la plupart, déjà fui le régime nazi quand il s’est installé dans leur pays natal. Confronté à une demande massive, il essaie chaque fois d'obtenir de son premier ministre l'autorisation de délivrance de visas, et se heurte à des refus systématiques, car Salazar, qui a peur de voir arriver chez lui trop de personnes jugées indésirables, a commis la fameuse circulaire numéro quatorze, du 11 novembre 1939, qui permet de trier les réfugiés et interdit aux consuls de délivrer des visas sans un accord préalable du ministère. ... mi juin, Sousa Mendes décide de délivrer, sans aucun critère et sans aucune limite, des visas, des faux passeports à tous ceux qui en font la demande. "Je déclare que je donnerai, gratuitement, un visa à quiconque le réclamera. Je désire être du côté de Dieu contre l’homme, plutôt que de servir l’homme, contre Dieu." La nouvelle se répand comme une traînée de poudre parmi la population cosmopolite des réfugiés. L'espoir renaît. Entre le 17 et 21 juin il sauve ainsi plus de 30 000 personnes en mettant sa signature et son tampon sur des documents de toutes natures. Le 22 juin, Aristides de Sousa Mendes continue de délivrer les précieux sésames depuis Bayonne où il se réfugie, puis à Hendaye où il tient une sorte de permanence administrative à la terrasse des cafés. Le 23 juin, Salazar décrète que les visas émis par le consul général du Portugal à Bordeaux sont nuls et sans effet. Fin juin, les autorités allemandes et espagnoles félicitent Salazar pour sa décision de maintien de l'ordre et pour avoir mis un terme aux agissements de son consul général à Bordeaux. Salazar ordonne l'ouverture d'une procédure disciplinaire contre Aristides de Sousa Mendes quatre jours avant son retour au Portugal, le 4 juillet 1940. Ce même jour, il informe les autorités anglaises qu'il a mis fin aux dysfonctionnements qui se sont produits à Bordeaux et à Bayonne et que le consul a été relevé de ses fonctions. Aristides de Sousa Mendes prend alors la tête d’une colonne de réfugiés et se dirige vers la frontière espagnole. Il parvient à faire passer la frontière espagnole à tous les réfugiés, qui parviendront ainsi au Portugal. Rentré au Portugal le 8 juillet, Sousa Mendes se voit privé de nombreux droits : exercice de la profession, permis de conduire. Il survit alors grâce à la solidarité de la communauté juive de Lisbonne. Il mourra dans la misère le 3 avril 1954. Yad Vashem le fera Juste parmi les Nations.
À partir du 14 juin, le gouvernement français et tout l'appareil d'État, soit plus d'un millier de fonctionnaires, se replient à leur tour en Gironde. Le président de la République, Albert Lebrun, s’installe dans l’hôtel de préfecture et le président du Conseil, Paul Reynaud, également ministre des Affaires étrangères, de la Défense nationale et de la Guerre, dans l’hôtel du commandant de la XVIIIe région militaire, deux bâtiments situés rue Vital-Carles.
Etrange théâtre, ce 16 juin 1940, que la ville de Bordeaux, devenue la capitale improvisée d'une France déjà largement envahie par les troupes hitlériennes : trois conseils de ministres en vingt-quatre heures, présidés par deux chefs de gouvernement successifs, Paul Reynaud et le maréchal Pétain, l'un à bout de résistance, l'autre usé par l'âge et décidé à arrêter les combats. Un monde s'écroule au milieu d'un immense exode et d'un chaos indescriptible. Une république se meurt dans une indifférence quasi générale. Le 17 juin, Paul Reynaud démissionne, aussitôt remplacé par le maréchal Pétain, le "vainqueur de Verdun", qui invite le jour même, depuis le studio de la radio Bordeaux-Lafayette, les Français "à cesser le combat". Il demande l'armistice à l’Allemagne, signant la défaite de la France, la fin de la IIIe République et s’engageant dans la politique de collaboration avec l'occupant. Jusqu'au 29 juin, date du départ du gouvernement pour Vichy, Bordeaux est bien la capitale de la défaite. Le 27 juin, son maire, Adrien Marquet, devient le ministre de l'Intérieur de Philippe Pétain ...
Mais ce même 17 juin à Bordeaux, le général de Gaulle n’accepte pas de déposer les armes. En désaccord avec Pétain, il choisit de désobéir ! Il quitte la France et s'envole de Mérignac pour Londres, "emportant avec lui l'honneur de la France" comme l’écrivait sir Winston Churchill. Il y prononcera le lendemain sur les ondes de la BBC "radio Londres" le fameux Appel du 18 juin 1940 ... Le 23 juin, sera voté, à la demande du maréchal Pétain, un décret rétrogradant le général de Gaulle au rang de colonel et le mettant à la retraite d’office par mesure disciplinaire.
A peine arrivé à Bordeaux, le Gouvernement français envisage de s'installer à Alger. Le Conseil des ministres du 18 juin décide que le président Lebrun, accompagné d'une partie des ministres et des présidents des deux chambres, doit s'embarquer à Port-Vendres, tandis que le paquebot Massilia sera mis à la disposition des parlementaires au départ de Bordeaux. Sous l'influence de Laval, la décision n'est pas exécutée et le 20 juin 1940, 27 parlementaires seulement - dont Édouard Daladier, Georges Mandel arrêté le 17 juin et accusé d’avoir fomenté un coup d’Etat puis relaché, Jean Zay, Pierre Mendès France – appareillent du Verdon à bord du Massilia pour Casablanca, sous les insultes de l’équipage.
Dans la nuit du 19 au 20 juin, aux alentours de minuit, douze bombardiers Heinkels He-111 du IV Fliegerkorps, basé à Dinard, font leur apparition au dessus de Bordeaux, larguant au hasard 61 bombes (88 au total dans l’agglomération), causant de nombreux dégâts matériels et humains : 185 blessés et 68 morts, dont certains, dans le quartier Saint Michel, noyés par la rupture de canalisations. Dans la nuit du 14 au 15 juin, des avions allemands avaient bien survolé Bordeaux, mais nul n’avait imaginé un bombardement !!!
Le 22 juin 1940, alors que le gouvernement français est toujours installé à Bordeaux, la France signe l'Armistice. Le IIIe Reich met en place toute une série de mesures pour limiter la circulation des personnes et instaure la ligne de démarcation.
Le 10 juin 1940, Georges Mandel, ministre de l’Intérieur et ancien député de la Gironde, avait ordonné l’évacuation vers le sud de la population des prisons du Cherche-Midi et de la Santé. 1 865 détenus sont d'abord transférés à Bordeaux au Fort du Hâ ; 306 viennent du Cherche-Midi, 1 559 de la Santé. La plupart sont en attente de jugement devant les tribunaux militaires de Paris, déserteurs, insoumis, militaires détenus pour motifs de droit commun et politiques ... Le 21 juin 1940, au terme d’un exode éprouvant d’une dizaine de jours, 1020 des 1865 détenus parviennent au camp de Gurs, dans les Pyrénées Atlantiques. En route, des prisonniers épuisés ont été abattus, d'autres ont réussi à s'évader. Parmi eux, Henri Chamberlin dit Henri Lafont, qui deviendra chef de la gestapo à Paris, au 93 rue Lauriston
C'est à la prison militaire de Bordeaux, la caserne Boudet, à l’angle de la rue de Pessac et de la rue des Treuils, que sont remis, le 20 juin, dix hommes de ce convoi, condamnés à mort pour trahison par le 3e Tribunal militaire de Paris et dont la grâce a été refusée quelques jours plus tôt par le président de la République Albert Lebrun : Jean Amourelle (33 ans, espionnage), Jacques Ferréa (espionnage), Léon Lebeau (34 ans, sabotage), Maurice Lebeau (17 ans, sabotage), Charles Masson (44 ans, trahison), Marcel Rambaud (23 ans, sabotage), Roger Rambaud (17 ans, sabotage), René Spieth (24 ans, espionnage), Raymond Verdaguer (28 ans, espionnage) et Otto Weil (29 ans, espionnage).
Jean Amourelle, secrétaire sténographe au Sénat et membre du Parti socialiste (SFIO), a été convaincu d'espionnage pour avoir reçu 400 000 francs des agents nazis en échange des délibérations secrètes de la commission des affaires militaires du Sénat pour financer un journal qu’il avait le projet de fonder, "La Carmagnole". Roger Rambaud travaille comme ajusteur aux usines d’aviation Farman, à Boulogne-Billancourt. Son frère aîné est militaire au 503e régiment de chars de combat à Versailles tandis que Léon Lebeau appartient au 3e régiment de génie. Ils sont tous trois communistes et ont été reconnus coupables de sabotage d'avions de guerre. Roger Rambaud a sectionné, sur les conseils de son frère et de Léon Lebeau, des fils de laiton dans le but de favoriser l'explosion en vol des appareils. Tous les quatre sont "remis au commissaire du Gouvernement pour être conduit sur le terrain d’exécution".
Le frère de Léon Lebeau, Maurice Lebeau, condamné à mort lui aussi pour "complicité de destruction ou détérioration volontaire d’appareils de navigation aérienne ou toute installation susceptible d’être employée pour la Défense Nationale", voit sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité par décision présidentielle du 18 juin 1940. Le 23 juin, il est transféré à la prison du Fort du Hâ. Les cinq autres condamnés - Jacques Ferréa, Charles Masson, René Spieth, Raymond Verdaguer et Otto Weil - doivent rejoindre les autres prisonniers au camp de Gurs et seront finalement libérés par les autorités allemandes en gare d’Orthez, pendant leur transfert.
Jean Amourelle, les frères Rambeau et Léon Lebeau sont exécutés le samedi 22 juin, à 5 heures 45, sur le champ de tir de Verthamon, qui jouxte les vignes du célèbre château Haut-Brion, à Pessac. La veille, le commandant de la place d’armes de Bordeaux a donné ses instructions concernant l’exécution, qui doit avoir lieu à 4 heures 30 du matin. Le 181e régiment régional est chargé de la besogne. Le peloton d’exécution se compose "d’un adjudant, un sous-officier armé du révolver [chargé de donner le coup de grâce] et 24 hommes (12 sergents et 12 caporaux)". La note précise aussi : "Assisteront au réveil des condamnés à 3 heures 45 le major de garnison ou son représentant, le commissaire du gouvernement, un juge d’instruction et un greffier désignés par le commissaire du gouvernement, un juge militaire désigné par l’état-major, l’officier comptable de la prison, un médecin désigné par le médecin-chef de la place, l’aumônier du culte catholique de l’hôpital Robert Picqué et un défenseur désigné par le bâtonnier de l’ordre des avocats à la cour de Bordeaux. Les condamnés seront ensuite transportés sur le lieu de l’exécution dans la voiture cellulaire de la place et escortés par huit gendarmes qui devront être rendus à la prison militaire à 3 heures 45." Sans doute craint-on que des communistes fomentent une action pour délivrer leurs camarades emprisonnés puisque la note précise encore : "Le service d’ordre sera assuré par un demi peloton de gardes mobiles qui devra être pour 3 heures 45 au stand de Verthamon.". Un procès-verbal confirme que l’exécution a bien eu lieu à 5 heures 45. Mais Roger Rambaud, exécuté au même âge que Guy Môquet, et ses compagnons ont été oubliés par l'histoire, vraisemblablement parce qu'ils sont tombés sous des balles républicaines et non allemandes..
Selon les clauses de l’armistice du 22 juin 1940, la France est coupée en deux par une ligne de démarcation. Pour des impératifs économiques et stratégiques, le littoral atlantique est englobé dans la zone occupée. Ainsi, les Allemands mettent la main sur Bordeaux et son port qui seront occupés le 1er juillet. Le 29 juin 1940, le gouvernement français quitte la ville pour s’installer trois jours plus tard à Vichy, choisie comme capitale de la zone dite "libre". Le 10 juillet, la Chambre des députés et le Sénat y sont réunis en congrès. Ils confèrent les fonctions de chef de l’Etat Français au maréchal Philippe Pétain ainsi que les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs. Pierre Laval est nommé vice-président du Conseil. L’Etat Français, régime autoritaire et paternaliste, dont la devise est "Travail, Famille, Patrie", le programme la "Révolution Nationale", le symbole la "Francisque" et l’hymne "Maréchal, nous voilà !" remplace la Troisième République.
Sources et images :
http://bertrandfavreau.net/bordeaux-juin1940.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_port_de_Bordeaux...
http://www.ajpn.org/commune-1940-33063.html
http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/06/10/sur-les-r...
http://www.editions-perrin.fr/_docs/9782262029647.pdf
http://sousamendes.org/Bordeaux-dans-la-tourmente.html
http://perso.numericable.fr/arts-et-l/arts-loisirs-arlac/...
http://www.criminocorpus.cnrs.fr/spip.php?article643
http://www.sudouest.fr//2010/06/22/opposes-a-la-guerre-fu...
http://prisons-cherche-midi-mauzac.com/des-hommes/ces-qua...
http://prisons-cherche-midi-mauzac.com/actualites/les-fus...
http://www.arkheia-revue.org/Pessac-ces-quatre-fusilles-d...
http://prisons-cherche-midi-mauzac.com/varia/le-sabotage-...
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dimanche, 18 janvier 2009
Difficile de faire le pont à Bordeaux ! la suite ...
Je le disais dans ma note précédente, la ville de Bordeaux, classée en 2006 au patrimoine de l'Unesco, risque de perdre son label ... à cause de ses ponts !
La destruction du Pont du Pertuis a été l'élément déclencheur de l'indignation de l'UNESCO et du Ministère de la culture. Quésako ? Encore un pont ? Oui, mais celui-ci ne franchit pas la Garonne mais est situé au cœur des bassins à flot du port de Bordeaux. Construit en 1911, il était le seul pont à culasse (tournant autour d'un axe à l'arrière du pont) restant en France, et à ce titre il était reconnu comme patrimoine remarquable dans le cadre du classement de Bordeaux. Les inspecteurs de l'ICOMOS, l'organisme qui a inspecté la ville avant qu'elle soit classée à l'UNESCO, étaient r'ailleurs restés baba des heures devant ce petit bijou. Et pourtant il a été détruit en décembre 2007, ce que les bombardements de la base sous-marine n'avaient pas réussi à faire. Officiellement, l’état de dégradation de cet ouvrage, rouillé, rendait une simple rénovation impossible et une reconstitution à l’identique aurait été de fait nécessaire, faisant soit disant perdre tout intérêt à cette opération. En fait sa réhabilitation coutait 2,2 millions d'euros alors qu'une démolition-reconstruction coutait 1,7 million d'euros. Eh oui, pour 500 000 €, on a détruit un des témoins des grandes heures de l’histoire maritime de ce qui fut un des plus grands ports d’Europe ! il devrait être remplacé par un pilier au milieu de l'écluse, ce qui parait-il est en plus une aberration économique puisque cela ne permettra de faire rentrer dans le bassinnuméro 2 que les petits bateaux de plaisance de 8 m de large alors que la mode est aux catamarans plus larges.
Ensuite, un second projet a failli s'attirer les foudres de l'Unesco, la destruction de passerelle Saint-Jean, elle aussi dans le périmètre Unesco. Edifiée en 1858, cette passerelle ferroviaire est le premier chantier mené par Gustave Eiffel. Autant dire qu'il s'agit là aussi d'un ouvrage appartenant au patrimoine culturel de la ville. Bien sûr, l'œuvre Bordelaise de Gustave Eiffel n'était plus adaptée, notamment en raison de son étroitesse, aux besoins actuels du trafic ferroviaire, et sa destruction était programmée en 2008 ... Après y avoir été favorable, Alain Juppé s'y est opposé, tout en affirmant n'avoir pas les moyens, seul, de sa réhabilitation. Heureux hasard : au moment où le directeur du centre du Patrimoine mondial se trouvait à Bordeaux, l'Etat a annoncé, le 23 juin 2008, l'instance de classement du pont au titre des monuments historiques pour une durée de un an. Pendant cette année des études sont réalisées pour évaluer combien couterait le maintien de cet ouvrage, et s'il doit être classé monument historique. L'avenir de la passerelle Eiffel reste donc incertain car le coût de sa remise en état dépasserait les 7 millions d'euros. Plusieurs projets ont été proposés, dont un est la transformation en galerie culturelle, passerelle démontée puis reconstruite dans un autre lieu, ou encore mise à la verticale en signe d'entrée dans Bordeaux, les bruits les plus fous circulent, mais pour l'instant aucune décision définitive ne semble avoir été arrêtée ... à suivre donc !
Dernier dossier qui fâche, le futur pont Bacalan-Bastide, encore appelé pont Lucien Faure ! Alerté par les opposants au projet qui, pour certains y voient un "aspirateur à voitures", et pour d'autres contestent son architecture, le directeur du Centre du patrimoine mondial, Francesco Bandarin, doit débarquer à la fin du mois à Bordeaux avec une délégation d’experts de l’ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites), chargée d’évaluer l’impact de la construction du futur pont levant haut de 112 m, au design résolument moderne, sur le classement du Port de la Lune au patrimoine mondial. "Il peut y avoir des adaptations", a concédé Alain Juppé début janvier, évoquant le sujet dans le cadre de ses vœux à la presse. Mais "Il s’agit de savoir si une ville classée à l’Unesco est un musée ou si elle peut vivre".
Mais dernier rebondissements, le tribunal administratif de Bordeaux examinait mercredi dernier le recours en annulation déposé par une quinzaine d'associations qui dénoncent depuis des années ce projet de construction. Après trente minutes passées à balayer certains des arguments avancés sur les violations du Code de l'environnement ou l'insuffisance de la consultation publique, la sentence est tombée : Le commissaire du gouvernement, Antoine Bec, a demandé à la ville de Bordeaux l'annulation d’une délibération de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), qui déclarait d'intérêt général la construction du pont. La faille de ce dossier ? l'absence d’une véritable "évaluation financière des modalités de financement". En clair, rien sur la participation financière respective de l'Etat, de la région, du conseil général et de la CUB. Autre lacune pointée par le juge qui évoque la loi Loti (Loi d'orientation des transports intérieurs) qui impose une information totale non seulement sur l'ouvrage à réaliser mais aussi sur les travaux annexes qui en découleront, le coût de l'ouvrage, estimé à 120 millions d'euros, "mais qui ne comprend pas tous les aménagements nécessaires pour accéder au pont". Constatant que l'avis des services maritimes figure dans le dossier, mais pas celui des compagnies maritimes qui fréquentent le port de la Lune, le magistrat s'est aussi interrogé sur la compatibilité de ce pont levant avec les gros navires de croisière, qui pourraient se voir dans l'impossibilité "de franchir l'ouvrage" dont la travée mobile sera de 110 m, et dont le coût représente pourtant "un montant triple de celui d'un pont fixe"
Les partisans d'un tunnel interdit aux poids lourds reprennent du poil de la bête ... A suivre là aussi !!!
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vendredi, 16 janvier 2009
Difficile de faire le pont à Bordeaux !
Je suis née à Bordeaux, et lorsque j'étais enfant, un seul pont routier enjambait la Garonne, le "Pont de pierre", que je prenais tous les jeudis pour aller voir ma grand-mère qui habitait sur la rive droite. Quand aux trains, ils empruntaient la "passerelle Eiffel" qui, avec ses 2 voies, était déjà insuffisante et constituait un étranglement. Une légère passerelle pour piétons y était accrochée, qui a été supprimée en 1981 car elle était trop dangereuse. C'est dire s'il était difficile de passer sur l'autre rive !
En fait Bordeaux n’a eu un pont qu’en 1822 avec la construction du "Pont de Pierre". Certes, la variation des marées (le "marnage") est importante let a Garonne est large (500 mètres), mais pourtant avant cette époque la technique permet déjà de construire des ponts importants dans des conditions identiques.
En fait, Bordeaux n’avait pas besoin de ponts puisque la vie de la ville se résumait à la Garonne, son cabotage, et non à son franchissement. De plus, Bordeaux, c’était la ville de la rive gauche, et uniquement cette rive. Il fadra attendre Napoléon, qui veut faire passer ses garnissons par Bordeaux pour atteindre l’Espagne, pour voir la construction de ce premier pont. Les travaux commencent en 1810, mais la chute de l'Empire en 1814 les arrête jusqu'en 1816, faute d'argent. Finalement de riches négociants et armateurs bordelais, dirigés par Balguerie-Stuttenberg dont un "cours" porte le nom, avancent la plus grande partie des capitaux, à condition de percevoir, pendant quatre-vingt-dix neuf ans, un droit de péage, et ils créent La Compagnie du pont de Bordeaux le 18 avril 1818. L'inauguration a lieu le 25 août 1821 et le 1er mai 1822, il est livré à la circulation, moyennant péage. Bien sûr je n'ai jamais vu ce péage, qui a pris fin en 1863, donc bien avant la fin des 99 ans !
En 1860, à ce premier pont, s’ajoute donc la passerelle Eiffel ... ensuite la ville se recroqueville sur sa rive gauche pendant plus d'un siècle. Bordeaux est la seule ville française qui reste 140 ans avec un seul et unique pont, quand, dans le même temps, Paris en compte une vingtaine, Lyon et Nantes une douzaine. Le manque de pont est une histoire du non-intérêt entre les deux rives de Bordeaux.
Pourtant de nombreux projets dormaient dans des cartons. Au début du XXème siècle, on débute même la construction d'un pont transbordeur de 1910, interrompue par la guerre 14-18; seuls les pylônes seront terminés, que les allemands bombarderont en 1942.
Ensuite dans les années 1930, sous la houlette du maire Adrien Marquet, Jacques Boistel d’Welles, l’architecte en chef de la ville, engage la ville dans une politique de grands travaux connue sous le nom de "plan Marquet". Leur objectif ? Doter Bordeaux des infrastructures indispensables à son développement, mais aussi redonner du travail à ceux de ses habitants que la crise de 1929 a plongés dans les affres du chômage. Jacques d’Welles construit ainsi la Piscine de la rue Judaïque et la Bourse du Travail cours Aristide Briand, des monuments art déco tous deux classés monuments historiques, ainsi que le stade Lescure, aujourd'hui stade Chaban-Delmas, ou encore le stadium de l'université à Pessac. Evidemment il prévoit aussi de nouveaux ponts dans son plan d’urbanisme, dont un franchissement amont de la Garonne, un autre en aval de la Garonne, et entre les deux, il souhaite un doublement du pont de Pierre, ainsi qu’un tunnel au niveau des Quinconces. Il envisage également un pont depuis Bacalan et un autre sur les rives d’Arcins.
Les ouvrages nés de cette réflexion seront le pont Saint Jean inauguré le 4 avril 1965, le pont d’Aquitaine, pont autoroutier inauguré le 6 mai 1967, et enfin en 1993 le pont François Mitterrand que les bordelais appellent toujours Pont d’Arcins. Bordeaux possède enfin 4 ponts routiers permettant de traverser la Garonne, dont 2 urbains ! Et dernier en date, 2008 a vu la mise en service d'un nouveau pont ferroviaire, dont on prévoit déjà le doublement des voies, la fin du projet étant programmée pour 2015.
Tout va bien, Bordeaux comble son retard me direz-vous ? Oui, mais il y a encore un Schmilblick ! La ville de Bordeaux, classée en 2006 au patrimoine de l'Unesco, risque de perdre son label ... à cause de ses ponts ! mais ça, je vous le raconterai demain ...
22:13 Publié dans balade, Bavardage, Bordeaux, Histoire, Voyage | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |