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lundi, 28 mars 2011

A mon jardinier

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Laborieux valet du plus commode maître

Qui pour te rendre heureux ici-bas pouvait naître,

Antoine, gouverneur de mon jardin d’Auteuil,

Qui diriges chez moi l’if et le chèvrefeuil,

Et sur mes espaliers, industrieux génie,

Sais si bien exercer l’art de la Quintinie;

Oh ! que de mon esprit triste et mal ordonné,

Ainsi que de ce champ par toi si bien orné,

Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines,

Et des défauts sans nombre arracher les racines !

Mais parle : raisonnons. Quand, du matin au soir,

Chez moi, poussant la bêche, ou portant l’arrosoir,

Tu fais d’un sable aride une terre fertile,

Et rends tout mon jardin à tes lois si docile,

Que dis-tu de m’y voir rêveur, capricieux,

Tantôt baissant le front, tantôt levant les yeux,

Des paroles dans l’air par élans envolées

Effrayer les oiseaux perchés dans mes allées ?

Ne soupçonnes-tu point qu’agité du démon

Ainsi que ce cousin des quatre fils Aimon

Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire,

Je rumine en marchant quelque endroit du grimoire ?

Mais non : tu te souviens qu’au village on t’a dit

Que ton maître est nommé pour coucher par écrit

Les faits d’un roi plus grand en sagesse, en vaillance,

Que Charlemagne aidé des douze pairs de France.

Tu crois qu’il y travaille, et qu’au long de ce mur,

Peut-être en ce moment il prend Mons et Namur.

Que penserais-tu donc, si l’on t’allait apprendre

Que ce grand chroniqueur des gestes d’Alexandre,

Aujourd’hui méditant un projet tout nouveau,

S’agite, se démène, et s’use le cerveau,

Pour te faire à toi-même en rimes insensées

Un bizarre portrait de ses folles pensées ?

Mon maître, dirais-tu, passe pour un docteur ;

Et parle quelquefois mieux qu’un prédicateur :

Sous ces arbres pourtant, de si vaines sornettes

Il n’irait point troubler la paix de ces fauvettes,

S’il lui fallait toujours, comme moi, s’exercer,

Labourer, couper, tondre, aplanir, palisser;

Et, dans l’eau de ces puits sans relâche tirée,

De ce sable étancher la soif démesurée.

Antoine, de nous deux tu crois donc, je le vois,

Que le plus occupé dans ce jardin, c’est toi ?

Oh ! que tu changerais d’avis et de langage,

Si deux jours seulement, libre du jardinage,

Tout à coup devenu poète et bel esprit,

Tu t’allais engager à polir un écrit

Qui dît, sans s’avilir, les plus petites choses ;

Fît des plus secs chardons des œillets et des roses ;

Et sût, même aux discours de la rusticité,

Donner de l’élégance et de la dignité ;

Un ouvrage, en un mot, qui, juste en tous ses termes

Sût plaire à d’Aguesseau, sût satisfaire Termes ;

Sût, dis-je, contenter, en paraissant au jour,

Ce qu’ont d’esprits plus fins et la ville et la cour !

Bientôt de ce travail revenu sec et pâle,

Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle,

Tu dirais, reprenant ta pelle et ton râteau :

J’aime mieux mettre encor cent arpents au niveau,

Que d’aller follement, égaré dans les nues,

Me lasser à chercher des visions cornues,

Et, pour lier des mots si mal s’entr’accordants,

Prendre dans ce jardin la lune avec les dents.

Approche donc, et viens ; qu’un paresseux t’apprenne,

Antoine, ce que c’est que fatigue et que peine.

L’homme ici-bas, toujours inquiet et gêné,

Est, dans le repos même, au travail condamné.

La fatigue l’y suit. C’est en vain qu’aux poètes

Les neuf trompeuses Sœurs dans leurs douces retraites

Promettent du repos sous leurs ombrages frais :

Dans ces tranquilles bois pour eux plantés exprès,

La cadence aussitôt, la rime, la césure,

La riche expression, la nombreuse mesure,

Sorcières dont l’amour sait d’abord les charmer,

De fatigues sans fin viennent les consumer.

Sans cesse poursuivant ces fugitives fées,

On voit sous les lauriers haleter les Orphées.

Leur esprit toutefois se plait dans son tourment,

Et se fait de sa peine un noble amusement.

Mais je ne trouve point de fatigue si rude,

Que l’ennuyeux loisir d’un mortel sans étude,

Qui jamais ne sortant de sa stupidité,

Soutient, dans les langueurs de son oisiveté,

D’une lâche indolence esclave volontaire,

Le pénible fardeau de n’avoir rien à faire.

Vainement offusqué de ses pensers épais,

Loin du trouble et du bruit il croit trouver la paix :

Dans le calme odieux de sa sombre paresse,

Tous les honteux plaisirs, enfants de la mollesse,

Usurpant sur son âme un absolu pouvoir,

De monstrueux désirs le viennent émouvoir,

Irritent de ses sens la fureur endormie,

Et le font le jouet de leur triste infamie.

Puis sur leurs pas soudain arrivent les remords :

Et bientôt avec eux tous les fléaux du corps,

La pierre, la colique et les gouttes cruelles ;

Guenaud, Rainsant, Brayer, presque aussi tristes qu’elles,

Chez l’indigne mortel courent tous s’assembler,

De travaux douloureux le viennent accabler ;

Sur le duvet d’un lit, théâtre de ses gênes,

Lui font scier des rocs, lui font fendre des chênes,

Et le mettent au point d’envier ton emploi.

Reconnais donc, Antoine, et conclus avec moi

Que la pauvreté mâle, active et vigilante,

Est, parmi les travaux, moins lasse et plus contente

Que la richesse oisive au sein des voluptés.

Je te vais sur cela prouver deux vérités :

L’une, que le travail, aux hommes nécessaire,

Fait leur félicité plutôt que leur misère ;

Et l’autre, qu’il n’est point de coupable en repos.

C’est ce qu’il faut ici montrer en peu de mots.

Suis-moi donc. Mais je vois, sur ce début de prône,

Que ta bouche déjà s’ouvre large d’une aune,

Et que, les yeux fermés, tu baisses le menton.

Ma foi, le plus sûr est de finir ce sermon.

Aussi bien j’aperçois ces melons qui t’attendent,

Et ces fleurs qui là-bas entre elles se demandent

S’il est fête au village, et pour quel saint nouveau

On les laisse aujourd’hui si longtemps manquer d’eau.

 

Nicolas Boileau — Épitres

Épitre XI (1695)

 

Illustration par Emile Bayard (1837-1891)

dimanche, 20 mars 2011

Jeu

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Ils sont occupés à jouer,

Tous bons compagnons, dans le bouge,

En buvant jusqu'à s'enrouer,

Pâles sous la chandelle rouge.

 

L'un d'eux, qui s'est évertué,

Caresse une femme, qui rue.

Ils ont de l'or, ayant tué

Tout à l'heure un vieux dans la rue.

 

Là sont Pirot, Cadet, Flanquin,

Mordeval, Blésimar, Polyte,

Mélasse en chapeau d'Arlequin,

Ceinturon, Fripouille, une élite!

 

Et des femmes: Irma Bassin,

Clarinette, qui vient du Havre,

Chiffonnette, qui n'a qu'un sein,

Carillon, Morphine et Cadavre.

 

Avalant des alcools verts,

Elles sont parfois embrassées,

Laissant leurs corsages ouverts

Et leurs sales jupes troussées.

 

Chiffonnette dit à Flanquin:

A la fin, laisse-moi; ça m'use!

Irma soupire: Cré coquin!

On joue, on se saoule, on s'amuse;

 

Et Carillon, qui rêve encor,

Ainsi qu'une bête assouvie,

Voit se mêler le ruisseau d'or

Avec le ruisseau d'eau-de-vie.

 

Un rayon, comme un farfadet,

Chatouille ces femmes frivoles.

Mais tout à coup le grand Cadet

Dit à Blésimar: Tu nous voles!

 

Parbleu! tes cartes sont de poids.

Ah! tu marches bien, petit homme:

Elles ont, dessous, de la poix.

Ça n'est pas si cher que la gomme!

 

Mais Blésimar, ce garnement,

Dont la voix ainsi qu'une strophe

Est douce, n'est aucunement

Dérouté par cette apostrophe;

 

Et vite, enfonçant sur son front

Sa casquette, ignoble couvercle,

Il dit: Eh bien, quoi? Pas d'affront.

Je vole; après? C'est comme au Cercle!

 

Théodore de Banville

Nous tous

18 février 1884.

lundi, 14 mars 2011

Accourez, contemplez ces ruines affreuses, ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses.

Inspiré par le tremblement de terre de Lisbonne, qui eut lieu le 1er novembre 1755, suivi d'un raz-de-marée et d'un incendie, et qui fit plus de 50 000 victimes, Voltaire exprime de manière pathétique son émotion devant le désastre et réfute les thèses optimistes. Ce courant, représenté par Leibniz, Pope et Wolf, affirme que le monde créé par Dieu est organisé par la Providence de manière à ce qu'un Mal nécessaire, en proportion infime, soit compensé par un Bien toujours plus grand.. Il va alors dénoncer le danger redoutable de ces thèses qui engendrent le fatalisme et l'inaction. « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » caricaturera-t-il dans Candide.

 

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O malheureux mortels ! ô terre déplorable !

O de tous les mortels assemblage effroyable !

D'inutiles douleurs éternel entretien !

Philosophes trompés qui criez : " Tout est bien " ;

Accourez, contemplez ces ruines affreuses,

Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses.

Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés,

Sous ces marbres rompus ces membres dispersés :

Cent mille infortunés que la terre dévore,

Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,

Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours

Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours !

Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,

Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,

Direz-vous : " C'est l'effet des éternelles lois

Qui d'un Dieu libre et bon nécessitent le choix " ?

Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :

" Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes " ?

Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants

Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?

Lisbonne, qui n'est plus, eut-elle plus de vices

Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?

Lisbonne est abîmée, et l'on danse à Paris.

Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,

De vos frères mourants contemplant les naufrages,

Vous recherchez en paix les causes des orages :

Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,

Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.

Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes,

Ma plainte est innocente et mes cris légitimes.

Partout environnés des cruautés du sort,

Des fureurs des méchants, des pièges de la mort

De tous les éléments éprouvant les atteintes,

Compagnons de nos maux, permettez-nous les plaintes.

C'est l'orgueil, dites-vous, l'orgueil séditieux,

Qui prétend qu'étant mal, nous pouvions être mieux.

Allez interroger les rivages du Tage;

Fouillez dans les débris de ce sanglant ravage;

Demandez aux mourants, dans ce séjour d'effroi

Si c'est l'orgueil qui crie "O ciel, secourez-moi!

O ciel, ayez pitié de l'humaine misère!"

"Tout est bien, dites-vous, et tout est nécessaire."

Quoi! l'univers entier, sans ce gouffre infernal

Sans engloutir Lisbonne, eût-il été plus mal?

Etes-vous assurés que la cause éternelle

Qui fait tout, qui sait tout, qui créa tout pour elle,

Ne pouvait nous jeter dans ces tristes climats

Sans former des volcans allumés sous nos pas?

Borneriez-vous ainsi la suprême puissance?

Lui défendriez-vous d'exercer sa clémence?

L'éternel artisan n'a-t-il pas dans ses mains

Des moyens infinis tout prêts pour ses desseins?

Je désire humblement, sans offenser mon maître,

Que ce gouffre enflammé de soufre et de salpêtre

Eût allumé ses feux dans le fond des déserts.

Je respecte mon Dieu, mais j'aime l'univers.

Quand l'homme ose gémir d'un fléau si terrible

Il n'est point orgueilleux, hélas! Il est sensible.

Les tristes habitants de ces bords désolés

Dans l'horreur des tourments seraient-ils consolés

Si quelqu'un leur disait: "Tombez, mourez tranquilles;

Pour le bonheur du monde on détruit vos asiles.

D'autres mains vont bâtir vos palais embrasés

D'autres peuples naîtront dans vos murs écrasés;

Le Nord va s'enrichir de vos pertes fatales

Tous vos maux sont un bien dans les lois générales

Dieu vous voit du même oeil que les vils vermisseaux

Dont vous serez la proie au fond de vos tombeaux"?

A des infortunés quel horrible langage!

Cruels, à mes douleurs n'ajoutez point l'outrage.

Non, ne présentez plus à mon coeur agité

Ces immuables lois de la nécessité

Cette chaîne des corps, des esprits, et des mondes.

O rêves des savants! ô chimères profondes!

Dieu tient en main la chaîne, et n'est point enchaîné

Par son choix bienfaisant tout est déterminé:

Il est libre, il est juste, il n'est point implacable.

Pourquoi donc souffrons-nous sous un maître équitable?

Voilà le noeud fatal qu'il fallait délier.

Guérirez-vous nos maux en osant les nier?

Tous les peuples, tremblant sous une main divine

Du mal que vous niez ont cherché l'origine.

Si l'éternelle loi qui meut les éléments

Fait tomber les rochers sous les efforts des vents

Si les chênes touffus par la foudre s'embrasent,

Ils ne ressentent point des coups qui les écrasent:

Mais je vis, mais je sens, mais mon coeur opprimé

Demande des secours au Dieu qui l'a formé.

Enfants du Tout-Puissant, mais nés dans la misère,

Nous étendons les mains vers notre commun père.

Le vase, on le sait bien, ne dit point au potier:

"Pourquoi suis-je si vil, si faible et si grossier?"

Il n'a point la parole, il n'a point la pensée;

Cette urne en se formant qui tombe fracassée

De la main du potier ne reçut point un coeur

Qui désirât les biens et sentît son malheur

"Ce malheur, dites-vous, est le bien d'un autre être."

De mon corps tout sanglant mille insectes vont naître;

Quand la mort met le comble aux maux que j'ai soufferts

Le beau soulagement d'être mangé des vers!

Tristes calculateurs des misères humaines

Ne me consolez point, vous aigrissez mes peines

Et je ne vois en vous que l'effort impuissant

D'un fier infortuné qui feint d'être content.

Je ne suis du grand tout qu'une faible partie:

Oui; mais les animaux condamnés à la vie,

Tous les êtres sentants, nés sous la même loi,

Vivent dans la douleur, et meurent comme moi.

Le vautour acharné sur sa timide proie

De ses membres sanglants se repaît avec joie;

Tout semble bien pour lui, mais bientôt à son tour

Un aigle au bec tranchant dévore le vautour;

L'homme d'un plomb mortel atteint cette aigle altière:

Et l'homme aux champs de Mars couché sur la poussière,

Sanglant, percé de coups, sur un tas de mourants,

Sert d'aliment affreux aux oiseaux dévorants.

Ainsi du monde entier tous les membres gémissent;

Nés tous pour les tourments, l'un par l'autre ils périssent:

Et vous composerez dans ce chaos fatal

Des malheurs de chaque être un bonheur général!

Quel bonheur! ô mortel et faible et misérable.

Vous criez: "Tout est bien" d'une voix lamentable,

L'univers vous dément, et votre propre coeur

Cent fois de votre esprit a réfuté l'erreur.

Eléments, animaux, humains, tout est en guerre.

Il le faut avouer, le mal est sur la terre:

Son principe secret ne nous est point connu.

De l'auteur de tout bien le mal est-il venu?

Est-ce le noir Typhon, le barbare Arimane,

Dont la loi tyrannique à souffrir nous condamne?

Mon esprit n'admet point ces monstres odieux

Dont le monde en tremblant fit autrefois des dieux.

Mais comment concevoir un Dieu, la bonté même,

Qui prodigua ses biens à ses enfants qu'il aime,

Et qui versa sur eux les maux à pleines mains?

Quel oeil peut pénétrer dans ses profonds desseins?

De l'Etre tout parfait le mal ne pouvait naître;

Il ne vient point d'autrui, puisque Dieu seul est maître:

Il existe pourtant. O tristes vérités!

O mélange étonnant de contrariétés!

Un Dieu vint consoler notre race affligée;

Il visita la terre et ne l'a point changée!

Un sophiste arrogant nous dit qu'il ne l'a pu;

"Il le pouvait, dit l'autre, et ne l'a point voulu:

Il le voudra, sans doute"; et tandis qu'on raisonne,

Des foudres souterrains engloutissent Lisbonne,

Et de trente cités dispersent les débris,

Des bords sanglants du Tage à la mer de Cadix.

Ou l'homme est né coupable, et Dieu punit sa race,

Ou ce maître absolu de l'être et de l'espace,

Sans courroux, sans pitié, tranquille, indifférent,

De ses premiers décrets suit l'éternel torrent;

Ou la matière informe à son maître rebelle,

Porte en soi des défauts nécessaires comme elle;

Ou bien Dieu nous éprouve, et ce séjour mortel

N'est qu'un passage étroit vers un monde éternel.

Nous essuyons ici des douleurs passagères:

Le trépas est un bien qui finit nos misères.

Mais quand nous sortirons de ce passage affreux,

Qui de nous prétendra mériter d'être heureux?

Quelque parti qu'on prenne, on doit frémir, sans doute

Il n'est rien qu'on connaisse, et rien qu'on ne redoute.

La nature est muette, on l'interroge en vain;

On a besoin d'un Dieu qui parle au genre humain.

Il n'appartient qu'à lui d'expliquer son ouvrage,

De consoler le faible, et d'éclairer le sage.

L'homme, au doute, à l'erreur, abandonné sans lui,

Cherche en vain des roseaux qui lui servent d'appui.

Leibnitz ne m'apprend point par quels noeuds invisibles,

Dans le mieux ordonné des univers possibles,

Un désordre éternel, un chaos de malheurs,

Mêle à nos vains plaisirs de réelles douleurs,

Ni pourquoi l'innocent, ainsi que le coupable

Subit également ce mal inévitable.

Je ne conçois pas plus comment tout serait bien:

Je suis comme un docteur, hélas! je ne sais rien.

Platon dit qu'autrefois l'homme avait eu des ailes,

Un corps impénétrable aux atteintes mortelles;

La douleur, le trépas, n'approchaient point de lui.

De cet état brillant qu'il diffère aujourd'hui!

Il rampe, il souffre, il meurt; tout ce qui naît expire;

De la destruction la nature est l'empire.

Un faible composé de nerfs et d'ossements

Ne peut être insensible au choc des éléments;

Ce mélange de sang, de liqueurs, et de poudre,

Puisqu'il fut assemblé, fut fait pour se dissoudre;

Et le sentiment prompt de ces nerfs délicats

Fut soumis aux douleurs, ministres du trépas:

C'est là ce que m'apprend la voix de la nature.

J'abandonne Platon, je rejette Épicure.

Bayle en sait plus qu'eux tous; je vais le consulter:

La balance à la main, Bayle enseigne à douter,

Assez sage, assez grand pour être sans système,

Il les a tous détruits, et se combat lui-même:

Semblable à cet aveugle en butte aux Philistins

Qui tomba sous les murs abattus par ses mains.

Que peut donc de l'esprit la plus vaste étendue?

Rien; le livre du sort se ferme à notre vue.

L'homme, étranger à soi, de l'homme est ignoré.

Que suis-je, où suis-je, où vais-je, et d'où suis-je tiré?

Atomes tourmentés sur cet amas de boue

Que la mort engloutit et dont le sort se joue,

Mais atomes pensants, atomes dont les yeux,

Guidés par la pensée, ont mesuré les cieux;

Au sein de l'infini nous élançons notre être,

Sans pouvoir un moment nous voir et nous connaître.

Ce monde, ce théâtre et d'orgueil et d'erreur,

Est plein d'infortunés qui parlent de bonheur.

Tout se plaint, tout gémit en cherchant le bien-être:

Nul ne voudrait mourir, nul ne voudrait renaître.

Quelquefois, dans nos jours consacrés aux douleurs,

Par la main du plaisir nous essuyons nos pleurs;

Mais le plaisir s'envole, et passe comme une ombre;

Nos chagrins, nos regrets, nos pertes, sont sans nombre.

Le passé n'est pour nous qu'un triste souvenir;

Le présent est affreux, s'il n'est point d'avenir,

Si la nuit du tombeau détruit l'être qui pense.

Un jour tout sera bien, voilà notre espérance;

Tout est bien aujourd'hui, voilà l'illusion.

Les sages me trompaient, et Dieu seul a raison.

Humble dans mes soupirs, soumis dans ma souffrance,

Je ne m'élève point contre la Providence.

Sur un ton moins lugubre on me vit autrefois

Chanter des doux plaisirs les séduisantes lois:

D'autres temps, d'autres moeurs: instruit par la vieillesse,

Des humains égarés partageant la faiblesse

Dans une épaisse nuit cherchant à m'éclairer,

Je ne sais que souffrir, et non pas murmurer.

Un calife autrefois, à son heure dernière,

Au Dieu qu'il adorait dit pour toute prière:

"Je t'apporte, ô seul roi, seul être illimité,

Tout ce que tu n'as pas dans ton immensité,

Les défauts, les regrets, les maux et l'ignorance."

Mais il pouvait encore ajouter l'espérance.

 

VOLTAIRE

Poème sur le désastre de Lisbonne (1756)

 


 

voltaire_rousseau_2.jpgVoltaire envoie son texte à Rousseau le 4 juin 1756. Rousseau va lui répondre dans sa lettre sur la Providence, le 18 août 1756, où il oppose, au pessimisme voltairien, une foi optimiste en la Providence. Si le mal existe dans le monde, c'est l'homme et non Dieu qui en est responsable.

 

Vos deux derniers poèmes, Monsieur, me sont parvenus dans ma solitude, et quoique mes amis connaissent l’amour que j’ai pour vos écrits, je ne sais de quelle part ceux-ci me pourraient venir, à moins que ce ne soit de la vôtre…Je ne vous dirai pas que tout m’en plaise également, mais les choses qui m’y blessent ne font que m’inspirer plus de confiance pour celles qui me transportent….Tous mes griefs sont donc contre votre Poème sur le désastre de Lisbonne, parce que j’en attendais des effets plus dignes de l’Humanité qui paraît vous l’avoir inspiré. Vous reprochez à Pope et à Leibniz d’insulter à nos maux en soutenant que tout est bien, et vous amplifiez tellement le tableau de nos misères que vous en aggravez le sentiment : au lieu de consolations que j’espérais, vous ne faites que m’affliger ; on dirait que vous craignez que je ne voie pas assez combien je suis malheureux, et vous croiriez, ce semble, me tranquilliser beaucoup en me prouvant que tout est mal.

Ne vous y trompez pas, Monsieur, il arrive tout le contraire de ce que vous proposez. Cet optimisme que vous trouvez si cruel, me console pourtant dans les mêmes douleurs que vous me peignez comme insupportables. Le poème de Pope1 adoucit mes maux, et me porte à la patience, le vôtre aigrit mes peines, m’excite au murmure, et m’ôtant tout hors une espérance ébranlée, il me réduit au désespoir. Dans cette étrange opposition qui règne entre ce que vous prouvez et ce que j’éprouve, clamez la perplexité qui m’agite, et dites-moi qui s’abuse du sentiment ou de la raison.

" Homme, prends patience, me disent Pope et Leibniz. Tes maux sont un effet nécessaire de ta nature, et de la constitution de cet univers. Si l’Être éternel n’a pas mieux fait, c’est qu’il ne pouvait mieux faire."

Que me dit maintenant votre poème ? "Souffre à jamais, malheureux. S’il est un Dieu qui t’ait créé, sans doute il est tout-puissant ; il pouvait prévenir tous tes maux : n’espère donc jamais qu’ils finissent ; car on ne saurait voir pourquoi tu existes, si ce n’est pour souffrir et mourir." Je ne sais ce qu’une pareille doctrine peut avoir de plus consolant que l’optimisme, et que la fatalité même : pour moi, j’avoue qu’elle me paraît plus cruelle encore que le manichéisme. Si l’embarras de l’origine du mal vous forçait d’altérer quelqu’une des perfections de Dieu, pourquoi justifier sa puissance aux dépends de sa bonté ? S’il faut choisir entre deux erreurs, j’aime encore mieux la première.

Vous ne voulez pas, Monsieur, qu’on regarde votre ouvrage comme un Poème contre la providence, et je me garderai bien de lui donner nom, quoique vous ayez qualité de livre contre le genre humain un écrit où je plaidais la cause du genre humain contre lui-même. Je sais la distinction qu’il faut faire entre les intentions d’un Auteur & les conséquences qui peuvent se tirer de sa doctrine. La juste défense de moi-même m’oblige seulement à vous faire observer qu’en peignant les misères humaines, mon but était excusable & même louable à ce que je crois. Car je montrais aux hommes comment ils faisaient leurs malheurs eux-mêmes, et par conséquent comment ils les pouvaient éviter.

Je ne vois pas qu’on puisse chercher la source du mal moral ailleurs que dans l’homme libre, perfectionné, partant corrompu ; et, quant aux maux physiques, ils sont inévitables dans tout système dont l’homme fait partie ; la plupart de nos maux physiques sont encore notre ouvrage. Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul. Combien de malheureux ont péri dans ce désastre, pour vouloir prendre l’un ses habits, l’autre ses papiers, l’autre son argent ?

Vous auriez voulu, et qui ne l’eût pas voulu ! que le tremblement se fût fait au fond d’un désert. Peut-on douter qu’il ne s’en forme aussi dans les déserts, mais nous n’en parlons point, parce qu’ils ne font aucun mal aux Messieurs des villes, les seuls hommes dont nous tenions compte. Ils en font peu même aux animaux et Sauvages qui habitent épars ces lieux retirés, et qui ne craignent ni la chute des toits, ni l’embrasement des maisons. Mais que signifierait un pareil privilège, serait-ce donc à dire que l’ordre du monde doit changer selon nos caprices, que la nature doit être soumise à nos lois, et que pour lui interdire un tremblement de terre en quelque lieu, nous n’avons qu’à y bâtir une ville ?

Il y a des événements qui nous frappent souvent plus ou moins selon les faces par lesquelles on les considère, et qui perdent beaucoup de l’horreur qu’ils inspirent au premier aspect, quand on veut les examiner de près. J’ai appris dans Zadig, et la nature me confirme de jour en jour, qu’une mort accélérée n’est pas toujours un mal réel et qu’elle peut passer quelquefois pour un bien relatif. De tant d’hommes écrasés sous les ruines de Lisbonne, plusieurs, sans doute, ont évité de plus grands malheurs ; et malgré ce qu’une pareille description a de touchant, et fournit à la poésie, il n’est pas sûr qu’un seul de ces infortunés ait plus souffert que si, selon le cours ordinaire des choses, il eût attendu dans de longues angoisses la mort qui l’est venue surprendre. Est-il une fin plus triste que celle d’un mourant qu’on accable de soins inutiles, qu’un notaire & des héritiers ne laissent pas respirer, que les médecins assassinent dans son lit à leur aise, & à qui des prêtres barbares font avec art savourer la mort ? Pour moi, je vois partout que les maux auxquels nous assujettit la nature sont moins cruels que ceux que nous y ajoutons.

[...] Pour revenir, Monsieur, au système que vous attaquez, je crois qu’on ne peut l’examiner convenablement, sans distinguer avec soin le mal particulier, dont aucun philosophe n’a jamais nié l’existence, du mal général que nie l’optimisme. Il n’est pas question de savoir si chacun de nous souffre ou non, mais s’il était bon que l’univers fût, et si nos maux étaient inévitables dans la constitution de l’univers, et au lieu de Tout est bien, il vaudrait peut-être mieux dire : Le tout est bien, ou Tout est bien pour le tout. Alors il est très évident qu’aucun homme ne saurait donner des preuves directes ni pour ni contre. Si je ramène ces questions diverses à leur principe commun, il me semble qu’elles se rapportent toutes à celle de l’existence de Dieu. Si Dieu existe, il est parfait ; s’il est parfait, il est sage, puissant et juste ; s’il est juste et puissant, mon âme est immortelle ; si mon âme est immortelle, trente ans de vie ne sont rien pour moi, et sont peut-être nécessaires au maintien de l’univers. Si l’on m’accorde la première proposition, jamais on n’ébranlera les suivantes ; si on la nie, il ne faut point disputer sur ses conséquences. Non, j'ai trop souffert en cette vie pour n'en pas attendre une autre. Toutes les subtilités de la métaphysique ne me feront pas douter un moment de l’immortalité de l’âme, et d’une Providence bienfaisante.

dimanche, 13 mars 2011

Il y a vingt cinq ans, la sonde Giotto survolait la comète de Halley.

Il y a vingt cinq ans, dans la nuit du 13 au 14 mars 1986, la sonde Giotto de l'Agence spatiale européenne (ESA) survolait la comète de Halley. Elle était destinée à étudier la chevelure interne et le noyau de la comète.

Giotto-comet-Halley-alt-1016x1024.jpgC'était la toute première mission de l'ESA vers l'espace lointain, destinée à lever le voile de mystère qui entourait cette comète, et il s'agissait de ne pas rater son passage qui ne se reproduirait pas avant 75 ans ! Une exceptionnelle coopération mondiale avait abouti au lancement de 5 sondes à la rencontre de la comète, les sondes soviétiques VEGA 1 et VEGA 2, avec une instrumentation partiellement européenne, qui survolent la comète de Halley respectivement à 8900 et 8000 km de distance, les 6 et 9 mars 1986, les petites sondes japonaise Suisei et Sakigake qui explorent la comète de Halley respectivement le 8 et 11 mars 1986, mais à plus grande distance, et enfin la sonde Giotto, , qui passe la plus près, à 600 km du noyau de la comète le 14 mars 1986. Le projet de l'ESA était donc la mission la plus risquée, mais aussi celle dont les résultats furent les plus fructueux.

halley_bayeux.jpgLe nom de la sonde, Giotto, rappelle le peintre florentin (Italie) Giotto di Bondone qui, sur un tableau de l'"Adoration des mages" peint en 1302 pour la chapelle Scrovagni à Padoue, a représenté la comète de Halley dont le passage datait de 1301. Elle est représentée à la place de l'étoile de Bethléem, et pour une fois associée à un événement heureux. La comète avait été représentée précédemment sur le fragment de tapisserie de Bayeux où on voit le roi d'Angleterre Harold II et ses conseillers inquiets suite à son apparition en 1066. Elle y est mise en rapport avec la mort du roi Harold II, tué dans une bataille peu après l'apparition de la comète, et avec l'accession au pouvoir, qui s'ensuivit, de Guillaume le Conquérant. On a même prétendu que son impact sur les esprits avait eu la plus grande influence sur le sort de la bataille de Hasting, qui livra ce pays aux Normands. Un versificateur du temps, faisant probablement allusion au diadème d'Angleterre dont GuiIlaume s'était couronné, avait proclamé dans un distique : "que la comète avait été plus favorable à Guillaume que la nature à César : celui-ci n'avait pas de chevelure, Guillaume en reçut une de la comète."

 

giotto1 slide9.jpgConstruite par British Aerospace à Bristol sur la base d'un satellite de recherche de type GEOS, Giotto était de forme cylindrique de 1,87 m de diamètre pour une hauteur d'environ 1,1 m, et atteignait 2,85 m de hauteur avec l'antenne parabolique. Elle pesait 960 kg (574 kg au moment de la rencontre avec la comète). Les instruments embarqués comprenaient : une chambre photographique à petit champ (1 m de focale, 16 cm de diamètre), trois spectromètres de masse, deux analyseurs de plasma, un détecteur d'impact de poussières, une sonde optique photopolarimétrique, un magnétomètre et un détecteur de particules.

Le problème le plus difficile à résoudre fut comment assurer que Giotto survivrait assez longtemps pour prendre ses photographies au plus près du noyau cométaire alors que la sonde et la comète se dirigeaient l'une vers l'autre à une vitesse combinée de 245 000 km/h (ce qui équivaut à traverser l'Océan Atlantique en 11 minutes). A cette vitesse, une particule de poussière de 0,1 g est capable de pénétrer dans 8 cm d'aluminium. La sonde fut donc dotée d'un bouclier protecteur composé d'une première feuille d'aluminium de 1 mm puis, à une distance de 23 cm, d'une feuille de kevlar de 1,2 cm d'épaisseur, l'une pour vaporiser les grains de poussières rencontrés, l'autre pour arrêter les gaz résultants.

 

 

giotto1 slide16.jpgL'aventure en vol avait commencé 8 mois plus tôt, le 2 juillet 1985 à 11 h 23 mn (UT), avec le quatorzième vol d'Ariane 1. Le 3 juillet, Giotto fut mis sur une orbite héliocentrique coupant la trajectoire de la comète de Halley. La sonde effectuait trois révolutions autour de la Terre, puis le moteur embarqué Mage 1SB, pouvant délivrer 1400 m/s, la propulsa sur une orbite interplanétaire. Le 26 août 1985, une correction d'orbite, pour faire passer la sonde à 4 000 km du noyau, fut effectuée au moyen du système de contrôle d'attitude utilisant 4 petites fusées de 2 N de poussée (remplies de 69 kg d'hydrazine). Le 12 février 1986, une seconde correction devait permettre de ramener la distance minimale d'approche à 850 km.

giotto correction Vega.jpgPour permettre à Giotto de passer au plus près de Halley, masquée par l'énorme quantité de poussière et de gaz de la chevelure, les astronomes soviétiques fournirent à l'ESA les observations des caméras des sondes Vega. La NASA (US National Aeronautics and Space Administration) apporta également son soutien au groupe d'agences chargé de cette "Opération Eclaireur" (Pathfinder Concept) afin de diriger Giotto vers sa cible avec une précision accrue. Ces aides permirent de réduire l'erreur de la trajectoire programmée depuis le sol de 1500 km à 75 km, et la distance minimale entre la sonde Giotto et le noyau de la comète fut descendu à 605 km.

Le 12 mars 1986, à 21 h UT, après huit mois de croisière dans l'espace et près de 150 millions de kilomètres parcourus, les instruments détectaient pour la première fois des ions d’hydrogène en provenance de Halley, alors que la sonde se trouvait encore à une distance de 7,8 millions de kilomètres de la comète. A 19 h UT le lendemain, à encore 1 064  000 km out, Giotto croisait une onde de choc due au vent solaire et rentrait dans la poussière de la comète. À ce stade, la sonde était mise en mode "suivi" pour suivre l'objet le plus lumineux (le noyau de la comète) dans son champ de vision et a commençait à envoyer le premier, des images floues sur la Terre.. Le compte à rebours d'une durée de 4 h commençait 35 minutes après ...

Halley2.jpgLes techniciens de l'ESA permirent à la sonde de passer à 596 km du noyau, à une vitesse de 68,4 km/s. La sonde, stabilisée en rotation à 15 tours/seconde fit son approche avec le bouclier et son axe de rotation pointant vers le noyau. Son antenne devait pointer  continuellement vers la Terre pour assurer des communications sans interruption. Durant le trajet à l'intérieur de la chevelure, où la vitesse relative par rapport au noyau cométaire avoisinait alors les 68 km/s, 12 000 impacts de particules de poussière seront enregistrés, le premier 122 minutes avant le passage au plus près. L'impact le plus violent, 7 secondes et demi avant que la sonde n'atteigne le point le plus rapproché de la comète, à 00 h 03 min 02 s exactement, envoya celle-ci tournoyer sur elle-même et fit perdre momentanément le contact avec la terre. Mais la mission était déjà accomplie et avait été un succès total. En fait, Giotto avait parfaitement fonctionné. Le système de contrôle automatique de la sonde réussit à ramener la sonde dans la bonne position et une demi-heure plus tard, des stations de surveillance australiennes captaient de nouveau le signal télémétrique de Giotto, qui continuait de transmettre ses observations, et les communications purent reprendre.

 

La sonde Giotto, grâce à son passage rapproché et à son spectromètre de masse, put toutefois envoyer 2112 images inédites d'un noyau boutonneux, déterminant ses dimensions, à peu près deux fois plus long que large, émettant de violents jets de gaz du côté du noyau chauffé par le soleil, situer ses zones actives et inactives et analyser la composition des gaz s'échappant du noyau, soit à distance avec des spectromètres ultraviolet, visible et infrarouge, soit directement à l'aide de spectromètres de masse. Elles a aussi déterminé la distribution de masse des particules de poussière, étudié le plasma et le champ magnétique dans l'environnement de la comète, et l'interaction avec le vent solaire ...

La caméra était endommagée, mais huit expériences ayant survécu à la traversée de la chevelure, l'ESA décida donc de mettre Giotto en hibernation le 2 avril, dans l'attente de la mission GEM (Giotto Extended Mission). Au printemps 1990 la sonde fut remise en marche dans le but d'effectuer cette nouvelle mission, rencontrer la comète Grigg-Skjellerup. La rencontre eut lieu le 10 juillet 1992, après avoir "rasé" la Terre à 22 730 km d'altitude, afin de changer son orbite par assistance gravitationnelle, et trois corrections d'orbite. La sonde passa à seulement 200 km du noyau de la comète et traversa la queue à la vitesse de 14 km/s. Cette nouvelle mission permit d'effectuer une précieuse comparaison entre les deux comètes.

 

A noter que la Cité des sciences et de l'industrie, inaugurée par François Mitterand, a ouvert ses portes pour la première fois à l'occasion de cette rencontre entre la sonde astronomique Giotto et la Comète de Halley.

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samedi, 12 mars 2011

Pétronille

 

Scan20002_2.jpg

 

 

Je suis une petite fille

Mais je mets des pantalons.

J'ai beau m'appeler Pétronille

J'aime mieux etre un garçon.

 

Quand la crémiere m'interpelle

« Bonjour ma petite demoiselle »

Expres je lui réponds

« Bonjour M'sieur Potiron. »

 

Quand le boucher s'écrie

« Qu'est-ce que veut aujourd'hui Ma petite escalope ? »

Je fronce les sourcils

Et lui dis : « Du persil, Mademoiselle Pénélope. »

 

Ça crée la confusion.

 

J'ai beaucoup d'caractère

Beaucoup de formation

 

Et sous mes petits airs

Se cache un grand garçon

 

Je n'aime pas les filles

Aux réflexes sanguins

Moites sous les charmilles

Et pâles dans les trains.

 

Quand on est un garçon

On siffle dans ses doigts

On est Ali-Baba

On grimpe sur les toits.

 

On s'en va sur les mers

Où y'a plein de moutons.

On vole dans les airs

Avec les électrons.

 

Et devant ces exploits

Tout l'monde reste baba.

 

« Non Maman, pas ma robe, je veux mon pantalon

Ma ceinture de cuir, mon colt, mes munitions

Je vais faire un hold-up

A Plessis-Robinson. »

 

René de Obaldia

Innocentines

jeudi, 10 mars 2011

"Dans la nuit du 10 au 11 mars tous les français vont subitement rajeunir de 9 minutes et 21 secondes"

"Dans la nuit du 10 au 11 mars tous les français vont subitement rajeunir de 9 minutes et 21''. L’heure légale française ne sera plus celle du méridien de Paris, mais celle du méridien de Greenwich. Il en résultera un retard de 9’21’’ sur l’heure actuelle.

En conséquence le 10 mars toutes les horloges publiques seront arrêtées à minuit pendant 9’21’’ pour reprendre ensuite leur marche régulière.

En ce qui concerne les trains, afin de les mettre en concordance avec leurs horaires, ils devront s’arrêter 9’21’’ dans la première gare où ils s’arrêteront après minuit.

Les Compagnies de chemins de fer profiteront de cette circonstance pour mettre en concordance les horloges intérieures et les horloges extérieures. Ces dernières n’avanceront plus de 5 minutes."

L’Indépendant du Loir et Cher du 3 Mars 1911

 

100_5876.JPGEn 1884, la conférence internationale de Washington, avait adopté le méridien de Greenwich comme référence, et l'Europe occidentale se référait au "temps moyen civil de Greenwich", plus communément "Greenwich meridian time", ou G.M.T. Depuis 1891 la France faisait de la résistance et utilisait comme heure légale "l'heure temps moyen de Paris" en avance de 9 minutes sur sa concurrente ! Pour compliquer les choses, le 19 juillet 1851 la Compagnie de l'Est avait décidé que les horaires des trains (et les horloges intérieures des gares) seraient retardés de 5 minutes par rapport à l'heure légale de Paris affichée par les horloges extérieures des gares. Les autres réseaux suivront ... Cette mesure était motivée par le fait que les montres des voyageurs avaient souvent tendance à retarder de quelques minutes, ce qui pouvait leur faire rater le départ du train !

La loi du 9 mars 1911 marquait donc la "capitulation" française. Le changement d'heure fut mis en application dans la nuit du 10 au 11 mars 1911 à minuit par les P & T pour ce qui concerne en particulier les signaux horaires envoyés par l'Observatoire de Paris aux navires. Puis toutes les horloges de France s'arrêtèrent à minuit dans la nuit du 18 au 19 mars 1911 pour repartir 9 minutes et 21 secondes plus tard. C'en était bel et bien fini de la rivalité franco-anglaise, en astronomie comme dans en politique!

haroldlloyd2.jpgCette heure légale fut ensuite aménagée par la loi du 9 juin 1916 qui instaurait une "heure d'été" décalée de 30 minutes du 14 juin au 1er octobre, à l'instigation d'André Honnorat ("la prolongation de la guerre nous fait un devoir impérieux de ne négliger aucune source d'économie") qui reprend une idée déjà développée en Australie sous le nom de "Day light saving bill" (la lumière du soleil limite la facture"), puis par la loi du 24 mai 1923 qui instaurait un décalage d'une heure avec l'heure "GMT" du dernier samedi de mars à 23 h au premier samedi d'octobre à 24 h. Toutefois, en cas d'entente avec les nations voisines, le gouvernement pouvait reporter la première date au troisième samedi d'avril et la seconde au troisième samedi de septembre.

Durant la guerre, un décret-loi du 26 septembre 1939 permit de nouvelles dérogations à la loi de 1923. Mais l'Allemagne suivait l'heure d'Europe centrale, GMT + 1, ce qui risquait d'engendrer des problèmes pour son armée, aussi dès le début de l'invasion du territoire français, celle-ci imposa "l'heure allemande" au fur et à mesure de sa progression. On peut donc supposer que depuis Sedan le 14 mai 1940 jusqu'à Angoulême le 24 juin, l'heure "change" peu à peu dans la France occupée, jusqu'à l'application de l'armistice le 25 juin à 0 h 35. Celui-ci mentionne d'ailleurs qu'il a été signé le 22 juin 1940 à 18 h 50 "heure d'été allemande".

horloge parlante esclangon.jpgA Paris, le "bulletin municipal officiel" du samedi 15 juin avise la population du changement d'heure le 14 juin à 23h. Quand à l'horloge parlante, elle a déménagé à Bordeaux avec le directeur de l'Observatoire de Paris Ernest Esclangon et le gouvernement, pour ce qui est de donner l'heure à la radio lors des informations. L'horloge parlante de l'observatoire de Paris, un temps interrompue, reprend son service pour les consultations par téléphone avec le numéro ODE 84 00 !

Dans la France coupée en deux par la ligne de démarcation, c'est une complication de plus, et une perturbation pour les horaires de chemin de fer ... les trains venant de la zone non occupée circulent avec une heure de retard dans la zone occupée, et les trains venant de la zone occupée attendent une heure à la ligne de démarcation, tout cela bouleversant les correspondances ! Il suffit de conserver l'heure d'été "française" pour avoir la même heure d'hiver "allemande" ... on aboutit donc finalement à la loi du 19 décembre 1940 selon laquelle "le gouvernement fixera chaque année par décret l'amplitude de l'avance de l'heure légale, [...] ainsi que les dates d'entrée en vigueur de l'avance de l'heure et de rétablissement de l'heure normale". L'unité des deux zones semble donc acquise. Et comme en 1891, lorsque les horaires des bateaux avaient imposé cette unité, c'est maintenant ceux des trains qui l'emportent sur toute autre considération, même de souveraineté nationale.

La libération du territoire en 1944-1945 s'effectue donc, selon l'avance des alliés, pour partie à l'heure d'été fixée par Vichy (GMT+2), pour partie à l'heure d'hiver (GMT+1) fixé par le gouvernement provisoire à partir du 8 octobre 1944.

Ce n'est qu'au mois d'août 1945 qu'un décret prévoit le rétablissement de l'heure d'hiver à l'heure de Greenwich en 2 étapes, le 16 septembre et le 18 novembre, avec chaque fois un retard d'une heure. Mais un décret du 5 novembre supprime le second changement prévu pour le 18 novembre, si bien que la France reste de fait à l'heure d'hiver d'Europe centrale (GMT+1) ... ou pour ménager les susceptibilités issues du conflit avec l'Allemagne, à l'heure d'été d'Europe occidentale. De nouveaux les heures anglaises et françaises divergent, sauf 6 mois de l'année jusqu'au 28 mars 1975, puisqu'il n'est plus question alors, en France, de changement saisonnier de l'heure !

 

Voir aussi un article plus ancien sur le même sujet dans ce blog ...

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mardi, 08 mars 2011

MOI, CHRISTINE, QUI AI PLEURÉ

BL-pizan2.jpgChristine de Pisan (Venise vers 1363 -  vers 1430) est la première femme à vivre de sa plume.

Christine de Pizan est née à Venise, vraisemblablement en 1364. Son père, Tommasso di Benvenuto, originaire de Pizzano, près de Bologne, a étudié la médecine dans cette ville et y a enseigné l’astrologie, avant de devenir conseiller de la république de Venise. Peu après la naissance de Christine, il est appelé à Paris par Charles V comme médecin et astrologue. Très en faveur auprès du roi qui rétribue largement ses services, il fait venir sa famille d’Italie vers 1368. Christine reçoit de lui une instruction plus poussée qu’il n’était d’usage, jusqu’à son mariage, en 1379 ou 1380, avec Étienne du Castel, secrétaire du roi. La mort de Charles V, en 1380, affecte gravement la position de Thomas: il meurt dans la gêne vers 1387. Le mari de Christine s’éteint peu après, à l’automne 1390.

Veuve à 25 ans, Christine de Pisan reste seule avec sa mère et ses trois enfants, aux prises avec des débiteurs indélicats, en butte aux attaques des créanciers qui veulent lui enlever les biens hérités de son père, Thomas di Pizzano, et de son mari, Étienne de Castel. Elle se bat courageusement, défend sa famille, et réussit à éviter la ruine complète.

"Je suis veuve, seulette et noir vêtue

A triste vis simplement affublée ;

En grand courroux de manière adoulée

Porte le deuil très amer qui me tue.

De triste coeur, chanter joyeusement

Et rire en deuil, c’est chose forte à faire."

Christine de Pisan ne perd pas courage. Dès la mort de son père, elle cherche à se créer des ressources par ses talents. Le succès des poésies légères qu'elle a composées avec facilité la persuade de s'essayer à des écrits plus sérieux. Mais avant de rien entreprendre, elle se remet, pendant plusieurs années à l'étude des meilleurs auteurs anciens et modernes, qu'elle lit dans leur langue. "Tu ne dois pas te tenir pour malheureuse quand tu as, entre autres biens, une des choses du monde qui te cause le plus de délices et de plaisirs, c’est assavoir le doux goût de science." Ecrit-elle, ou encore "Ce n’est pas à la faiblesse de son esprit, mais à son manque d’instruction que la femme doit son infériorité."

A l’exception des lettres d’Amour d’Héloïse, de quelques oeuvres de nonnes érudites, les ouvrages littéraires écrits par des femmes sont rares. On peut donc dire que Christine de Pisan a été en France la première des femmes savantes et des femmes auteures. C'est d'ailleurs grâce à ses œuvres, riches en confidences autobiographiques, que son existence passablement mouvementée et son parcours littéraire sont relativement bien connus en France. Sa production est considérable. Elle en fait le bilan en 1405, dans le Livre de l’advision : "Depuis l’an 1399 que je commençai jusqu’à cette année 1405 auquel encore je ne cesse, j’ai compilé quinze volumes principaux sans les autres petits dictés, lesquels tout ensemble contiennent environ soixante-dix cahiers de grand volume."

Mais quoique ses diverses productions fussent toujours aussi bien accueillies par la cour et les lettrés, elles suffisent à grand-peine à la subsistance de la famille de Christine de Pisan. Heureusement, elle a nombre de mécènes pour qui elle compose poèmes, éloges et panégyriques. On rapporte aussi que Henri IV d'Angleterre lui offrit de se fixer à sa cour; mais elle ne se laisse pas séduire, et elle préfère rester avec peu d'aisance en France. Mais le premier poème de Christine, l’Épître au dieu d’Amour, écrit en 1399, sera traduit outre-Manche, dès 1402, par Thomas Occleve, lui-même auteur de renom.

pisan_cité dames.jpgEn 1399, le maréchal Jean II Le Maingre (en vieux français , Jehan le Meingre), appelé Boucicaut, fonde l'ordre de chevalerie L'Ecu vert à la Dame blanche un ordre chevaleresque inspiré par l'idéal de l'amour courtois dont la vocation est la défense des femmes. L'année suivante, le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, préside à la création de la fameuse "cour d'Amour" qui débat de casuistique amoureuse et se réunit à la Saint-Valentin pour un tournoi poétique en l'honneur des dames. Au même moment, en 1399, Christine se lance dans la polémique littéraire pour défendre les femmes, qui s'achèvera en 1405 par la rédaction de deux traités, la Cité des dames, suivi du Livre des Trois Vertus (ou Trésor de la Cité des Dames), véritable cours d'éducation à l'usage des femmes où la "dame" est une femme dont la noblesse est celle de l'esprit plutôt que de la naissance. Christine y fait une analyse lucide et précise de la société française, vue du côté féminin, détaillant tous les "états des femmes" et donnant de chacun, depuis celui des princesses jusqu’à celui des femmes de laboureur, une vision réaliste et positive. La première, elle a compris que les femmes ont une place à elles dans la société politique, et avec l'aide de Dame Raison, Droiture, Justice, elle veut construire la Cité imprenable où les femmes seront à l'abri des calomnies

Dans ces ouvrages la narratrice veut combattre les clichés qui circulent sur les femmes et leur infériorité "naturelle", en particulier dans des œuvres misogynes et cyniques comme la seconde partie du Roman de la rose (entre 1275 et 1280) de Jean de Meung, qui s’avère l’antithèse de la première partie écrite par Guillaume de Lorris (vers 1245). La quête amoureuse de la première partie a complètement disparu, en revanche, le mépris de la Femme y est ouvertement affiché et Christine de Pisan estime qu'on est passé d’un culte raffiné de la femme à la conception grossière qui va peu à peu faire d’elle un objet.: "Toutes êtes, serez et fûtes/De fait ou de volonté putes" écrit-il !

Christine de Pisan, qui connaît le latin, a aussi lu Les Lamentations de Matheolus, où l'auteur Matthieu de Boulogne-sur-Mer (vers 1260 – vers 1320) présente sa femme Péronnelle (eh oui, ce serait l'origine du mot ...) sous un jour très noir. Ces œuvres la remplissent d’horreur pour elle-même, "et pour le sexe féminin dans son entier, comme si nous étions des monstres de la nature". Jean Le Fèvre, officier au parlement de Paris qui a traduit les Lamentations de Matheolus, s'est lui aussi insurgé contre les propos misogynes, fréquents dans la littérature et a écrit Le Livre de leesce, sorte d'apologie de ce sexe que l'on dit faible, et qui présente pour la première fois Neuf Preuses,

 

christine_disput_harl4431.jpgLa Cité des dames n’est d'ailleurs pas le premier texte féministe de Christine de Pisan ; elle a déjà rédigé quelques années auparavant une Epistre au Dieu d’Amours (1399), une protestation contre les habitudes discourtoises de la société devenue misogyne, et une tentative de réhabilitation de la Femme comme un être moral : "Que les femmes aient de tels vices je le nie ; Je lève les bras pour les défendre …", et un Dit de la rose (14 février 1401, anc. st.), critique justement de la seconde partie du Roman de la rose, ce qui provoque, entre 1401 et 1405, un "débat sur le Roman de la Rose" avec des secrétaires du roi, Jean de Montreuil, prévôt de Lille, et Gontier Col, secrétaire et conseiller du roi, et des clercs, Pierre Col, frère du précédent et chanoine de Paris et Jean Gerson, chancelier de l'université de Paris.

De ce "débat", on peut citer une lettre de Christine de Pisan adressée à Jean de Montreuil. La lettre répond à l’éloge du Roman de la Rose de Jean de Meung que Jean de Montreuil a écrit et fait circuler dans un petit traité aujourd’hui perdu, Opusculum gallicum. La correspondance qui en résulte provoque le premier débat épistolaire connu dans le monde littéraire français! Prenant le contre-pied de Montreuil, Christine attaque méthodiquement le Roman de la Rose de Jean de Meung comme un ouvrage immoral, misogyne et obscène, l'accusant d'enseigner les moyens de séduire les femmes sous le couvert d'un art d'aimer ... "Une honnête femme est aussi rare qu’un cygne noir" écrit Jean de Meung ! "Le talent de Christine de Pisan aidant, écrit Jean Favier dans sa Guerre de Cent Ans (où Christine n’est citée que trois fois ...), tout Paris se passionnait pour la grande querelle soulevée autour des thèses de l’antiféminisme clérical et du cynisme sentimental formulé au XIIIe siècle par le vieux Roman de la Rose. On était pour le Roman […] ou bien on était contre cette satire acerbe du naturel féminin qui avait fait la joie de générations d’hommes et particulièrement de clercs. Dans son Épître au dieu d’amour, Christine de Pizan se fit, en 1399, la théoricienne d’un équilibre entre les élans du cœur et le plaisir des sens."

querelle.jpgJean de Montreuil obtient le soutien de son collègue Gontier Col qui attaque vivement Christine dans deux épîtres lui demandant ouvertement de retirer ses affirmations qui, d'après lui, constituent une insulte à la plus grande œuvre littéraire contemporaine. "Folle outrecuidance. Parole trop tôt issue sans avis de la bouche d'une femme", s'écrie Pierre Col, le frère de Gontier. Jean de Montreuil, lui, menace : "Si tu continues à mal parler, sache qu'il y a des champions et des athlètes". Dans le débat, Christine peut compter sur l'appui de Jean de Gerson, auteur d'une Vision contre le Roman de la Rose, de Eustache Moel dit Deschamps, conseiller de Louis d'Orléans, de Guillaume de Tignonville, prévot de Paris, mais aussi de la Reine Isabeau de Bavière à qui elle a fait parvenir une lettre lui demandant son soutien. Quelques années plus tard, Mathieu Thomassin lui rendra hommage dans son Registre Delphinal, Martin Le Franc ne tarira pas d'éloge dans son Champion des Dames (1442). Plus tard Jean Boucher composera Le Jugement poétique de l'honneur féminin et sejour des illustres claires & honnestes Dames (1538), et enfin Clément Marot se fera l'interprète des mêmes sentiments dans La vray disant advocate des Dames

La querelle s'apaise peu à peu. Dans sa dernière lettre à Pierre Col datée du 2 octobre 1402, elle annonce qu'elle se retire du débat : "Non mie tairé pour doubte de mesprendre quant a oppinion, combien que faulte d'engin et de savoir me toult biau stile, mais mieulx me plaist d'excerciter en autre matiere a ma plaisance" [Je ne me tais pas non plus par peur d'être calomniée à cause de mes opinions, bien que je manque d'intelligence et d'un beau style. Je souhaite simplement me tourner vers un sujet qui me plaît davantage.] Christine sent très clairement que le Débat est une perte de temps pour quelqu'un qui a des affaires plus importantes à traiter. Et Philippe Le Hardi, duc de Bourgogne, qui fait confiance à son talent et son jugement, lui demande en 1404 d’écrire le récit du règne son frère, le Livre des faits et bonnes moeurs du sage roi Charles V.

Mais si dans le Livre de Mutacion de Fortune (1403), Christine de Pisan avoue comment le destin, en la faisant devenir écrivain, l'a fait changer de sexe : "de femelle devins masle", elle n'oubliera cependant jamais qu'elle doit défendre, contre les injustices de la société masculine, la dignité de son sexe. Ainsi, en 1405, paraît le Livre de la Cité des Dames ...

1405 marque une rupture. La situation politique en France devient de plus en plus grave, lucide, Christine voit monter le péril de la guerre civile. Les misères du temps, ravagé par la Guerre de Cent ans, expliquent que Christine de Pizan, Italienne devenue Française, ait senti le besoin d’exprimer son patriotisme, en participant, grâce à ses œuvres, aux douleurs publiques : en 1405 le Livre de la Prudence, paraphrasé de Sénèque, et le Trésor de la cité des dames, également appelé le Livre des trois vertus, dédié à la jeune dauphine de France Marguerite de Bourgogne, et dans lequel elle attire l’attention des femmes sur les conflits perpétuels que les hommes se livrent dans leur royaume, en 1407, le Livre du corps de policie (le mot "policie" désignant celui de politique) emprunté d’Aristote et de Plutarque, en 1410 le Livre des fais d’armes et de chevalerie, traité de guerre traduit principalement de Végèce, de Frontin, mais renfermant toutefois une partie originale, un code du droit des gens dans la société féodale, et Lamentation sur les maux de la France, et en 1413 le Livre de la paix, tous ces ouvrages ont désormais un but, sauver la France des divisions.

Elle emploie aussi d’excellents artistes pour illustrer ses livres, dont un grand recueil de ses oeuvres qui est offert à la reine Isabeau de Bavière en 1414. Ce manuscrit des Œuvres de Christine de Pisan (Londres, British Library, Harley 4431) est l'un des plus somptueux, des plus connus et des plus étudiés parmi ceux qui ont été réalisés à Paris en pleine apogée de l'enluminure parisienne.

Images_Online_025354.jpgLa guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons conduit à l’intervention étrangère. Ainsi, en 1415, c’est la terrible bataille d’Azincourt. Christine écrit une Epître de la prison de la vie humaine, dans laquelle elle déplore les bouleversements de la guerre et le comportement des Anglais, qui massacrent leurs prisonnier. Christine de Pisan fuit Paris, occupé par le parti bourguignon allié aux Anglais, et se réfugie dans un couvent, probablement l’abbaye des dominicaines de Saint-Louis de Poissy où sa fille est religieuse et dont la sœur de Charles VII, Marie, est devenue prieure. Elle consacre alors la fin de sa vie à un ouvrage d'inspiration purement religieuse, Les Heures de contemplation sur la Passion de Notre Seigneur, un livre pour les femmes, accablées comme elle, par les maux du temps. Mais après la prise de Paris par les Bourguignons et le traité de Troyes, elle sort du silence et écrit Les Lamentations sur les maux de la guerre civile (1420) inspiré par l’actualité de la guerre de Cent Ans :.

Retirée depuis une dizaine d'années elle écrit son Ditié de la Pucelle, saluant l’épopée de Jeanne d’Arc qui venait de faire sacrer le roi (1429); ce sont les derniers vers qu'on a d'elle ... Christine de Pizan meurt en 1430.

 

jeanne arc.jpgEstimée des meilleurs écrivains de son temps, Christine de Pisan a joui jusqu’au début du XVIe siècle d’une grande réputation en France et dans plusieurs pays d’Occident, où certaines de ses oeuvres ont été traduites. Par la suite, elle plutôt maltraitée. Au XIXeme siècle, Gustave Lanson, historien de la littérature et critique littéraire, mais aussi témoin par excellence de la misogynie qu’il était de bon ton d’afficher à la fin du XIXe siècle, aura même ce jugement dans son Histoire de la littérature française : "Ne nous arrêtons pas à l’excellente Christine de Pisan, bonne fille, bonne épouse, bonne mère, du reste un des plus authentiques bas-bleus qu’il y ait dans notre littérature, la première de cette insupportable lignée de femmes auteurs, à qui nul ouvrage sur aucun sujet ne coûte, et qui pendant toute la vie que Dieu leur prête, n’ont affaire que de multiplier les preuves de leur infatigable facilité, égale à leur universelle médiocrité"

Certes elle n’a jamais été totalement oubliée, mais son œuvre est bien souvent réduite à la trop célèbre ballade Seulete sui et seulete veuil estre. Il faudra attendre Mathilde Laigle, l'une des premières bachelières françaises et également des premières femmes diplômées de l'enseignement supérieur américain et qui fut la première à avoir publié en 1912 une édition critique du Livre des Trois vertus de Christine de Pisan, Le livre des trois vertus de Christine de Pisan et son milieu historique et littéraire, pour qu'on commence à reconnaître timidement son intérêt historique et politique.

Mathilde Laigle écrit que "Les revendications qu'elle propose par le respect de l'usage, la pratique, les devoirs, le culte de l'honneur, tels qu'une femme sensée et vertueuse les concevait au XVe siècle. Il semble que l'antiféministe le plus convaincu ne pourrait que gracieusement s'incliner devant le féminisme de Christine de Pisan", mais ajoute que Christine de Pisan ne formule aucune des revendications que l'on pourrait à proprement appeler qualifier de féministes : "Le livre des Trois Vertus, tout attaché aux devoirs et non aux droits de la femme, ne porte aucune trace de ces timides protestations, et si Christine nourrissait quelques secrètes velléités de révolte contre le sort injuste réservé à ses sœurs, nous n'en savons rien. Elle n'en parle pas. La Cité des dames nous fournirait aussi bien son contingent d'idées anti-féministes.", ajoutant "Ce que Christine prêche, ce n'est pas le murmure, la rébellion contre les lois ou usages établis, c'est l'énergie personnelle, l'effort constant pour parer au mal : l'éviter, si possible, l'atténuer, si on ne peut l'anéantir, ou le subir avec courage, s'il est plus fort que la volonté humaine.". Pourtant les réactions à ses travaux sont parfois rudes : lors d'une conférence en 1912 à Strasbourg, Mathilde Laigle est interrompue par une personne de l'assistance qui lance à propos de Christine de Pisan : "Elle aurait mieux fait de se trouver un autre mari et de s'occuper des gamins" !

Il faudra donc attendre la seconde moitié du XXeme siècle, la naissance des sentiments féministes et le désir de réhabiliter la femme dans la littérature pour que son œuvre prenne vraiment place dans le milieu des études littéraires.

Certes si elle écrivait aujourd'hui, Christine de Pisan, soucieuse de sauvegarder les vertus féminines plus que de prôner liberté et émancipation, passerait pour une traîtresse à la cause féminine, prompte à ramper sous les fourches caudines du mâle ! En effet, si le discours de Christine de Pisan vise à préserver l'intégrité des femmes en tant que jeunes filles et jeunes femmes, il ne préconise pas vraiment une révolte par rapport à leur condition. Christine de Pisan encourage les femmes à se prendre en main afin de défendre et protéger leur honneur, les hommes n’en étant plus capables. Christine ne défend pas les femmes, mais leur honneur, la réalité de leurs capacités intellectuelles, de leur grandeur morale, de leur vertu. Jamais elle ne remet en cause la distribution des rôles des hommes et femmes dans la société. Il est donc délicat de la considérer comme féministe. Mais Christine de Pisan est surtout originale par le fait même qu'elle a pris la première la parole au nom des femmes, contre le flot de méchancetés que déversaient les écrivains de son temps, une position particulièrement inédite à l'époque, suffisamment provocatrice pour que nombre d'érudits l'aient aussitôt combattu.

En tous les cas, 550 ans avant le fameux "on ne naît pas femme, on le devient" de Simone de Beauvoir, Christine de Pisan attribue l'inégalité entre hommes et femmes non à la nature, mais à l'éducation et aux représentations d'elles-mêmes fournies aux femmes par le discours misogyne dominant.

 

Moi, Christine, qui ai pleuré

Onze ans en abbaye fermée,

Ou j'ai toujours demeuré depuis

Que Charles (c'est chose étrange !)

Le fils du roi, si j'ose rappeler ce souvenir,

S'enfuit de Paris, tout droit,

Par suite de la trahison là incluse :

Maintenant pour la première fois je me prends à rire.

 

L'an mil quatre cent vingt neuf

Recommença à luire le soleil ;

Il ramène le temps nouveau

Qu'on n'avait pas vu de l'oeil

Depuis longtemps ; dont plusieurs en deuil

Ont vécu. Je suis de ceux-là ;

Mais de rien je ne me chagrine plus,

Puisque maintenant je vois ce que je veux.

 

Qui vit donc chose advenir

Plus hors de toute atteinte,

Laquelle à noter et de laquelle se souvenir

Est bon en toute région :

C'est à savoir que France, de qui discours,

On faisait qu'à terre était renversée,

Soit par divine mission,

Du mal en si grand bien changée ?

 

Et cela par tel miracle vraiment

Que, si la chose n'était notoire

Et évidents le fait et la manière,

Il n'est homme qui pût le croire :

C'est une chose bien digne de mémoire

Que Dieu par une vierge tendre

Ait précisément voulu (c'est une chose vraie)

Sur la France si grande grâce étendre.

 

O ! Quel honneur à la couronne

De France se voit par divine preuve !

C'est par les grâces qu'il lui donne

Il paraît combien Dieu l'approuve

Et que plus de foi d'autre part il trouve

En la maison royale, dont je lis

Que jamais (ce n'est pas une chose nouvelle)

En la foi errèrent les fleurs de lis.

 

Toi, Jeanne, à une bonne heure née,

Béni soit celui qui te créa !

Pucelle de Dieu envoyée

En qui le Saint Esprit fit rayonner

Sa grande grâce ; et qui eus et as

Toute largesse en son haut don,

Jamais ta requête ne te refusa

Et il te donnera assez grande récompense...

 

Et sa belle vie, par ma foi !

Montre qu'elle est en la grâce de Dieu,

C'est pourquoi on ajoute plus de foi

A son fait ; car, quoi qu'elle fasse,

Toujours à Dieu devant la face,

Qu'elle invoque, sert et prie

En actions, en paroles ; en quelque endroit qu'elle aille,

Elle ne retarde pas ses dévotions.

 

Oh ! comme alors cela bien parut

Quand le siège était à Orléans,

Où en premier lieu sa force apparut !

Jamais miracle, ainsi que je pense,

Ne fut plus clair ; car Dieu aux siens

Vint tellement en aide, que les ennemis

Ne se défendirent pas plus que chiens morts.

Là furent pris ou à mort mis.

 

Hé ! quel honneur au féminin

Sexe ! Que Dieu l'aime il paraît bien,

Quand tout ce grand peuple misérable comme chiens

Par qui tout le royaume était déserté

Par une femme est ressuscité et a recouvré ses forces,

Ce que hommes n'eussent pas fait,

Et les traîtres ont été traités selon leur mérite,

A peine auparavant l'auraient-ils cru.

 

Une fillette de seize ans

(N'est-ce pas une chose au-dessus de la nature ?)

A qui les armes ne sont pesantes,

Mais il semble que son éducation

Ait été faite à cela, tant elle y est forte et dure ;

Et devant elle vont fuyant

Les ennemis, et nul n'y résiste.

Elle fait cela, maint yeux le voyant.

 

Et elle va d'eux débarrassant la France

En recouvrant châteaux et villes,

Jamais force ne fut si grande,

Qu'ils soient par centaines ou par milliers...

lundi, 07 mars 2011

No gazaram !

 Alertée par une voisine blogueuse sur un projet de recherche d"hydrocarbures" pratiquement à ma porte, j'ai fini de collecter toutes les informations pertinantes que j'ai pu trouver sur les hydrocarbures de schistes. "nimby" (Not In My Back Yard - Pas dans mon jardin) me direz-vous ? Pas du tout, cet article était en préparation déjà depuis quelques semaines !

 

Le pétrole est mort ! Vive les hydrocarbures de schiste ? oui mais ...

NON-au-gaz-de-schiste-08-A03.jpgLe gaz de schiste, c'est parait-il la promesse d’un avenir énergétique radieux pendant encore quelques décennies. Les réserves sont gigantesques et il y en a un peu partout sur la planète. Selon le rapport du géant italien de l’énergie E.ON, des milliers de milliards de mètres cubes de gaz en Europe, sept fois plus en Amérique du Nord et plus encore en Asie et en Australie … De quoi flamber encore pendant quelques décennies sans besoin d’énergies renouvelables. Les réserves mondiales sont gigantesques alors que celles du gaz naturel "classique" risquent de diminuer en parallèle avec celles du pétrole. Les prix mondiaux du gaz sont d'ailleurs orientés à la baisse à cause de l'exploitation des gaz de schiste, contrairement à ce qui se passe en France où le prix du pétrole est indexé sur celui du pétrole. La France serait elle aussi assise sur d'importantes réserves de ce gaz naturel, sauf qu'au lieu d'être concentré au sein de poches souterraines, celui-ci est disséminé dans ces argiles profonds et imperméables.

Alors au moment où on nous annonce une forte hausse des tarifs de gaz, tout va très bien, Madame la Marquise ? Eh bien non, car la technologie qui permet de capturer ce gaz est extrêmement lourde de conséquences pour l'environnement, et en signant en mars 2010 des arrêtés autorisant leur recherche, Jean-Louis Borloo, pourtant déclaré champion des énergies renouvelables, a mis le feu aux poudres ... Et le Centre d’analyse stratégique, "en charge d’éclairer le Gouvernement dans la définition et la mise en œuvre de ses orientations stratégiques en matière économique, sociale, environnementale ou culturelle", s'interroge donc sur l'opportunité de se lancer dans leur exploitation.

 

Gaz et huile de schiste, Kesako ?

Les hydrocarbures se sont formés à partir de diverses matières organiques (algues, végétaux, animaux…) déposées dans une roche mère, puis au cours des temps géologiques une partie des hydrocarbures a migré vers une "roche-réservoir" où ils ont été "piégés", ce qui a empêché que la migration se poursuive jusqu’à la surface. Dans le cas des réserves gazières conventionnelles, la roche-réservoir a une perméabilité suffisante pour permettre l’écoulement du gaz vers des puits forés à partir de la surface, ce qui rend possible l’extraction du gaz. Le pétrole est donc situé dans des "poches" situées au-dessus des "roches-mères".

Mais dans le cas des "gaz de schiste" ("shale gas"), les hydrocarbures se trouvent dans des roches situées entre 1 et 3 kilomètres de profondeur, qui sont à la fois compactes et très peu perméables. Le gaz est contenu dans des couches sédimentaires très riches en matière organique, dont la minéralogie est principalement argileuse, avec des quartz et des carbonates qui les rendent friables et leur donne l’apparence du schiste.

La traduction française "gaz de schistes" est donc géologiquement approximative et vient d'une "mauvaise" traduction de l'anglais "shale" qui désigne en fait toute roche sédimentaire litée à grain très fin, en générale argileuse ou marneuse, alors que le schiste désigne toute roche susceptible de se débiter en feuillet. On devrait donc plutôt parler de "gaz de marnes" ou de "gaz de pélites" ...

 

Même si ce n'est pas notre sujet, parlons tout d'abord des schistes bitumineux (oil shale), ni schiste véritable, ni bitume, mais en fait des roches-mères contenant de la matière organique (kérogène) immature, qui n'a pas encore généré de pétrole, car n'ayant pas subi les conditions de température et de pression nécessaire à la génération d'hydrocarbures. Le schiste bitumineux contient généralement suffisamment de pétrole qui brûle sans traitement supplémentaire, et il est connu comme "la pierre qui brûle".  Il existe deux méthodes d’extractions :

  • des mines à ciel ouvert, où l'on retire les couches supérieures afin d’exposer la kérogène à l’air libre et de le traiter par la suite : On creuse depuis la surface, on récupère la roche, on la pyrolyse par le procédé appelé "Retorting" à une température très élevée (450, 500 °C) dans une enceinte privée d’air et ensuite on récupère la vapeur et on raffine le tout. Les schistes d'âge permien, ont été exploités en France, par extraction minière et cuisson (retorting), dans les bassins d'Autun (Saône-et-Loire), de 1835 à 1957, et d'Aumance (Allier) de 1853 à 2001.
  • In situ : Shell est entrain de développer un procédé de «Retorting in situ» visant à chauffer de gros volumes de roche par le moyen de résistances électriques placées dans des puits verticaux (plusieurs centaines de °C).

Le retorting est très gourmand en énergie et en eau, émet beaucoup de C02 et plusieurs polluants comme les oxydes de souffre, oxydes d’azote, des particules, ou encore du monoxyde de carbone. ... enfin le coût d’extraction des kérogènes peut varier entre 52 et 113 dollars le baril contre 6 et 39 pour le pétrole conventionnel ...

Mais ce n'est pas ce n'est pas ce qui nous préoccupe dans cet article  ... et le pétrole de schiste, ou Shale oil en anglais ne doit pas être confondu avec le Oil shale !

 

Le pétrole de schiste (shale oil) concerne des roches-mères matures qui ont généré du pétrole. Il est contenu dans des couches épaisses d’argile dans lesquelles des intercalations fines contiennent du sable qui enferme du pétrole dans ses pores. Les conditions d’écoulement sont très difficiles car la perméabilité est très faible. Quand au gaz de schiste (shale gas), c'est du méthane formé par la dégradation du kérogène et encore contenu dans sa roche mère, parce que celle-ci n'est pas (ou très peu) perméable. Ce méthane y est souvent contenu dans des (micro)pores ne communiquant pas entre eux, ou éventuellement adsorbé sur des particules argileuses, d’où l’imperméabilité de la roche. Cette non perméabilité a empêché le méthane (et les autres hydrocarbures) de migrer. La roche mère est donc restée riche en gaz. C'est donc à la fois une roche mère et une roche "magasin".

Les couches géologiques concernées sont celles du Lias et notamment celles du Toarcien dont l'âge est d'environ 180 millions d'années.

Le problème est que l'accumulation n'est pas discrète (beaucoup de gaz réuni en un point) mais continue (le gaz est présent en faible concentration dans un énorme volume de roche), ce qui rend l'exploitation bien plus difficile ...

 

Un  trésor empoisonné ...

L'exploitation des huiles et gaz de schiste fait donc appel à de nouvelles techniques, telle que la fracturation de la roche par injection d’un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques propulsé à très haute pression (600 bars), qui fait remonter le gaz vers la surface avec une partie de ce "liquide de fracturation". cliquer sur l'image ci-dessous, puis ensuite sur les flèches rouges pour voir  une animation très bien faite pour tout comprendre sur cette méthode ...

 

ecran1_fond.jpg

 

Problème, à la différence du pétrole, souvent présent dans de vastes gisements, ce gaz de schiste se trouve dans des petites zones plus largement disséminées. Et parfois, dans des zones habitées.

comment-extrait-on-le-gaz-de-schiste.jpgAutre problème, ce procédé nécessite d’énormes quantités d’eau (plusieurs milliers de m3 par fracturation soit plusieurs centaines de camions), dans des  régions déjà frappées de sécheresse endémique depuis plusieurs années (notamment en Drôme et en Ardèche). Question sensible : que faire de l’eau pompée ? L'envoyer dans nos stations d’épuration domestiques qui ne sont pas conçues pour ? De plus une partie reste au fond du puits, avec des résidus de sable et de nombreux produits chimiques (on parle de 500 à 2 000 produits, dont une partie sont des cancérigènes connus, tels le benzène ...) d'où un énorme danger pour les nappes phréatiques ! Or  Selon le site Owni, un puits pourrait être fracturé jusqu’à 14 fois ... Et il faut un grand nombre de puits pour exploiter un champ, de 10 à 15 au km2 selon Roland Vially de l’Institut français du pétrole (Co2 mon amour, France Inter, 8/01).

On imagine alors la pollution de l'eau et de l'air par les produits chimiques et les gaz, les norias de camions pour acheminer la logistique et l’eau ...

De l'avis unanime des scientifiques, la méthode de l'injection de millions de mètres cubes d'eau, de sable et d'additifs chimiques destinés à casser les schistes et libérer les gaz pourrait avoir un impact catastrophique sur le milieu naturel : eau potable contaminée, diffusion de produits toxiques ...

Un documentaire Gasland (1h40 au total), réalisé par l'américain Josh Fox en 2010, porte précisément sur l'impact de l'extraction des gaz de schiste. Il montre une Amérique prête à sacrifier air pur, eau douce et santé humaine pour quelques mètres cubes de gaz de plus … Bien sûr, comme chez Michael Moore, tout est ici à charge et l'industrie combat farouchement ses affirmations.

Une étude dévastatrice publiée par le ministère de l’Environnement américain (Environmental Protection Agency) sur la filière du gaz naturel devrait apporter de l’eau au moulin aux opposants. Selon l’agence, l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste est beaucoup plus polluante que prévu, en particulier à cause de la quantité importante de méthane qui s’échappe dans l’atmosphère. Et lorsque toutes les émissions de gaz à effet de serre sont comptées, la filière du gaz de schiste deviendrait à peine 25 % plus propre que le charbon, la pire des énergies fossiles en ce domaine ... Et si l’on considère l’impact sur 20 ans (en adéquation avec la durée de vie des puits de gaz de schiste), le méthane contenu dans le gaz de schiste, a un PRG (Pouvoir de réchauffement Global) 72 fois plus "efficace" que le CO2 en termes d’effet de serre.

Et la gigantesque enquête sur les gaz de schiste publiée par le New York Times est une nouvelle bombe lancée sur cette technique d'extraction. une traduction de l'article est disponible au format OpenOffice ICI ou Microsoft Office ICI.

Ces documents révèlent que les eaux rejetées par les forages de gaz de schiste sont radioactives à des taux qui peuvent atteindre 1.000 fois les limites autorisées pour l’eau de boisson. Selon les documents que s’est procurés le New York Times, les niveaux de radioactivité dans les eaux usées sont tels que les industriels ne peuvent pas les dépolluer complètement. La moitié des eaux serait donc envoyée dans les stations d’épuration traditionnelles, qui n’ont souvent pas les capacités de ramener les eaux à des niveaux correspondant aux normes requises pour l’eau de boisson.

Pour ceux qui n'ont pas le temps de lire les dix pages de l'original. Rue89 a épluché cette enquête : " Le quotidien américain a consacré de gros moyens au déchiffrage des quelque 30 000 pages de documents confidentiels provenant de l'agence américaine de protection de l'environnement, l'EPA, et de différentes sources internes à l'industrie, qu'il s'est procurés. Une méthode "à la manière de WikiLeaks", mais avec le professionnalisme des équipes du journal, qui ont ajouté aux données brutes :

  • une infographie interactive : une carte recense la radioactivité présente dans 149 des quelque 200 puits installés dans l'Etat de Pennsylvanie et recense 42 puits dont l'eau rejetée dépasse la norme autorisée pour l'eau potable en radium, 4 dans le cas de l'uranium, 41 dans celui du benzène, 128 les dépassent pour le « gross alpha » (des radiations causées par les émissions d'uranium et de radium) ;
  • un reportage vidéo où l'on voit des habitants des montagnes rocheuses (Colorado) obligés de déménager parce que les gaz de schiste les ont « empoisonnés ». Nausées, diarrhées, saignements de nez… ils se disent contaminés par les fuites provenant des extractions autour de chez eux ;
  • et un fichier d'analyse de plus de 200 échantillons pris dans les puits : les taux de radium et d'uranium sont mentionnés ainsi que le cancérigène benzène."

 

Le mensonge par omission du ministre Borloo

1ba555702cda93519a8094967fd55bbe.jpgEn France, un permis, attribué dans le plus grand secret début 2006, a déjà donné lieu en 2007 à des forages d'exploration en Haute-Garonne et en Ariège, selon cette technique de la "fracturation hydraulique". Le site Médiapart a trouvé l'existence de ce permis en examinant le rapport d'activité 2007 de l'ancienne DRIRE (aujourd'hui DREAL, direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement) Midi-Pyrénées. Le permis de Foix, accordé en 2006 à Encana France (filiale d'un groupe canadien), a été prolongé en juin 2010 jusqu'en 2014, mais sur une surface ramenée de 3478 à 549 km2 attribuée à Vermilion Pyrénées SAS (filiale d'un autre canadien). Un forage en octobre 2007, aurait permis, selon la DRIRE, de trouver du gaz mais si cet essai "s’est avéré positif du point de vue de la méthode, la quantité recueillie ne permet pas d'avoir une rentabilité économique du forage". Finalement, l’aventure a vite tourné court pour Encana ...

Encore novices dans l’exploitation des huiles et gaz de schistes, les groupes français ne peuvent se passer de partenaires américains, les seuls à maîtriser la technique clef d’extraction de ces nouvelles ressources. Depuis le printemps 2010, le géant pétrolier français Total s'est donc allié avec l’américain Chesapeake, le leader mondial dans l’exploration, pendant que GDF Suez s’est offert l’expertise des texans Schuepbach Energy et Dale, "spécialiste du forage urbain" pour explorer des milliers de km² dans le Sud de la France.

gaz_schiste_poster.jpgSignés par Jean-Louis Borloo par arrêtés datés du 1er mars 2010, trois permis exclusifs de recherche (Permis de Montélimar; Permis de Nant, Permis de Villeneuve de Berg)) couvrent en effet une surface totale de 9 672 km2 sur les départements de l’Ardèche, la Drôme, le Vaucluse, le Gard, l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère, dessinant un gigantesque V de Montelimar au Nord de Montpellier, remontant à l’Ouest le long du parc naturel des Cévennes.... Un permis de recherche est un euphémisme implicite qui signifie permis d'exploiter ! "On en est encore au début de la phase d’exploration" s’empresse-t-on de souligner chez Total et au ministère de l’écologie – qui a perdu la compétence énergie lors du remaniement de l’automne. Ils se veulent rassurants ... Début janvier, alors que la mobilisation des "anti-gaz de schiste" pointe à peine, le directeur de cabinet de Nathalie Koscuisko-Morizet, Jean-Marie Durant, détaille dans un courrier les étapes prévues par le code minier. Il écrit notamment que les permis d’exploration "ont pour objectif une meilleure connaissance du sous-sol", estimant que "les forages à réaliser sont des puits de reconnaissance faisant appel à des techniques classiques". Il insiste : " Les techniques qui (vous) inquiètent" sont réservées à la phase d’exploitation. C’est faux, comme le démontre le précédent du "permis de Foix" : même en phase d’exploration, la fracturation hydraulique est utilisée.

D’autres permis devraient bientôt être délivrés par le ministère en charges des Mines – compétence d’Eric Besson, principalement dans le Sud-Est, le Bassin parisien et en Aquitaine, en gris sur la "carte des titres miniers d'hydrocarbures" qui fournit 2 fois par an (1er janvier et 1er juillet) les permis, demandes de permis et titres d'exploitation ... Les permis de recherche sont accordés par simple arrêté ministériel sans enquête publique et il sont renouvelables de façon quasi automatique (cf. l’alerte donnée par Corinne Lepage à propos des permis de recherche confirmée ici) ... José Bové estime qu'un "huitième du territoire est concerné".!

Pourquoi découvre-t-on le sujet plusieurs mois après les autorisations accordées par le gouvernement ? La presse, alertée dès le 6 octobre dans Charlie-Hebdo par le journaliste Fabrice Nicolino, était au courant, mais n'avait pas creusé le sujet, les grandes associations écologistes ne se sont mobilisées que tardivement, prétextant un manque d'information ... A la tête de la contestation, on trouve en effet essentiellement des groupes locaux, le député européen José Bové, mais pas ces associations écologistes, plutôt en retrait !

 

Et maintenant ...

Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé une mission, chargée "d'éclairer le gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche-mère", confiée conjointement au Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET), ceux-là même qui ont lancé ce délirant programme, et au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD - nouveau nom des Ponts et Chaussées), avant de préciser qu'aucune autorisation de travaux sur le gaz de schiste ne sera donnée ni même instruite avant le résultat de cette mission'' et qu’il n’était "pas question d’autoriser en France une exploitation telle qu’elle est pratiquée en Amérique du Nord". Cette mission  rendra un rapport d'étape le 15 avril 2011 et un rapport final le 31 mai 2011. "Les rapports seront rendus publics et les conclusions en seront tirées avant fin juin 2011", précisent les ministères. Par ailleurs, le 10 février, au cours d'une réunion avec les deux ministres, les entreprises minières ont présenté leurs projets et il a été "décidé conjointement" de "différer" certaines opérations. En contrepartie, "les ministres ont pris acte de l'intérêt des industriels pour une éventuelle prolongation de la durée des permis d'exploration afin de prendre en compte ces décisions.". Les reports annoncés sont variables selon l'avancement des projets et sont le fruit d'un consensus décidé après avoir "examiné la compatibilité des calendriers industriels avec les travaux de la mission CGIET-CGEDD." Ce retard est d’ailleurs très relatif, Monsieur Balkany ayant déjà annoncé qu’il forerait son premier puits dès le jour de la remise du rapport le 15 avril prochain, cela promet ! Une décision qui pourrait décevoir les organisations qui réclament un moratoire. D'autant qu'Eric Besson a fait sursauter les défenseurs de l’environnement en précisant sur Europe 1 le 16 février que "La France n'a pas fermé la porte au gaz de schiste" ... Les 2 ministres ne semblent pas avoir une position identique ... à moins que l'objectif soit de faire le gros dos jusqu'aux élections cantonales !

La résistance s’organise avec notamment la signature d’une pétition qui a recueilli des dizaines de milliers de signatures pour demander un débat public et un moratoire ... ce qu'interdit le nouveau code minier adopté discrètement !

De nombreux rassemblements de citoyens et d'élus se sont tenus ou doivent se tenir dans le sud-EST ou le Sud-Ouest, comme à Villeneuve de Berg, Barjac, Cahors, Gagnières, Lanuejols ou Ispagnac ...

Les prises de position d'élus se multiplient, comme le Conseil général du Gard, Martin Malvy, Jean-Jacques Queyranne, respectivement présidents (PS) des Régions Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, ainsi que par les eurodéputés d'Europe Ecologie Eva Joly et José Bové, et depuis un mois on assiste à  une volée de questions à l'Assemblée nationale ...

L'Association des Régions de France (ARF) relève que "les eaux usées et sursalées résultant de l'exploitation des gaz de schiste s'apparentent à des déchets dangereux", et rappelle que depuis 2002, les Régions ont à charge de planifier la gestion de ce type de déchets.

Pierre Morel-à-L’Huissier, député UMP de la Lozère et Pascal Terrasse, député PS de l’Ardèche ont créé un comité de surveillance et de précaution sur le gaz de schiste et appellent d’autres parlementaires à les rejoindre.

La fédération des Parcs naturels regionaux s'est également prononcé contre les explorations géologiques et toute exploitation.

 

Et dans En Ile-de-France ...

gazdeschiste2011.jpgL'exploitation des gaz de schiste est plus avancée que celle des huiles pour une raison simple : la viscosité du gaz en sous-sol est bien moindre que la viscosité des liquides. Ces derniers s’écoulent beaucoup moins bien. Dans la région parisienne, comme en Picardie et en Champagne-Ardenne, les permis ne concernent pas la recherche de gaz de schiste mais d'huiles de schistes. S’appuyant sur les similitudes géologiques existant avec la formation de Bakken, dans le Dakota du Nord, aux Etats-Unis, on peut penser que le Bassin Parisien recèle ce pétrole qui était jusqu’à présent inaccessible avec les techniques habituelles.

Il faut trouver des bons coins ("sweet spots"), des endroits où les caractéristiques de la roche permettent d'espérer des débits corrects (entre 500 et 1 000 barils par jour par puits, mais avec un déclin de 50% à 70% la première année). Pour que le "shale oil" fonctionne dans le Bassin de Paris, il faut forer dans les régions où la roche-mère, principalement constituée d’une roche connue sous le nom de "Schistes-Cartons" ("black shales"), d’âge Toarcien (180 millions d’années environ), est à une profondeur suffisante pour avoir engendré des hydrocarbures. Cette profondeur minimale d’enfouissement est de l’ordre de 2 300 mètres. Il existe d’autres roches-mères plus anciennes et donc plus profondes dans le Lias (entre 180 et 200 millions d’années) mais elles sont moins bien connues, et ne seront étudiées que dans un deuxième temps.

Deux sociétés pétrolières, TOREADOR ENERGY FRANCE (qui possède déjà 133 puits conventionnels dans la région, pour 885 barils/jour), associé à l'américain Hess, et Vermilion, se partagent déjà aujourd’hui les permis du sous-sol francilien. Le vice-président de Toréador n’est autre que Julien Balkany, le demi-frère de Patrick Balkany, député maire de Levallois-Perret. Gageons que Julien Balkany et sa société Toreador n'ont pas quitté Dallas pour s'implanter à Paris, sans garanties politiques, ou plutôt que cette Société, qui a déposé sa première demande de permis de forage en France le 3 juillet 2007, a vu d'un très bon œil que Julien Balkany les rejoigne en janvier 2009 ...

La fédération régionale de France nature environnement avait publié en janvier une carte interactive de la Direction générale de l’énergie et du climat faisant état d’autorisations de forages sur un secteur couvrant plus de 8 000 km2, en Seine-et-Marne, mais aussi dans l’Essonne et dans les Yvelines. Trois permis d’exploration ont déjà été accordés, et plus de vingt demandes ont été déposées, sans aucune transparence ni concertation avec les collectivités concernées. Et pour l'heure, seules les opérations de fracturation sont suspendues en Ile-de-France jusqu'au 31 mai. Les premiers forages verticaux devraient, eux, débuter dès le 15 avril. Les travaux de préparation (terrassement, avant-trou) sont déjà en cours près de Château-Thierry.

La Seine-et-Marne est le département francilien le plus touché puisque les trois permis d’exploration y ont déjà été attribués à Doue, Signy-Signets et à Jouarre, au cœur du projet de Parc naturel régional (PNR) de la Brie et des deux Morin. 80% de la surface du département, y compris dans les zones urbaines, est concerné par les permis attribués et les demandes en cours d'instruction. 

Christian Jacob, président du groupe UMP, Jean-François Copé, président de l’UMP, et Franck Riester, tous trois députés du département, disent qu’ils n’étaient pas au courant. Or, M. Jacob a été rapporteur de la loi sur le Grenelle de l’environnement … Et alors que la ministre de l’écologie avait assuré qu’aucune autorisation de forage exploratoire ne serait donnée avant la fin d’une mission d‘information qu’elle a diligentée avec le ministère de l’industrie, les travaux ont bel et bien commencé dans la Brie.

gazdeschiste_gd.jpgEt dans le département des Yvelines, les sociétés POROS SAS et TOREADOR ont déposé des demandes de permis de recherche d’hydrocarbure, conventionnel ou non, respectivement n°1552 et n°1566, déclarées recevable et en fin d’instruction. Ces permis couvrent plus des 2/3 des Yvelines, (cf. plan établi à partir du plan officiel).

 

Les élus socialistes du Conseil Régional, Jean-Paul Huchon en tête, se sont rendus à Doue, en Seine-et-Marne pour exiger un moratoire d’urgence sur tous les forages d’exploration de gaz de schiste prévus ou en cours en Ile de France. Jean-Paul Huchon, qui estime que l’exploitation du pétrole non conventionnel serait contraire aux divers documents d’urbanisme et de protection de l’environnement de la collectivité, a demandé au préfet de Région dans un courrier rendu public lundi 7 février de lui fournir toutes les informations en sa possession, et la tenue d’un débat public. Jean-Paul Huchon a exprimé ainsi son opposition à l'exploitation des gaz de schiste en Ile-de-France : "L'indépendance énergétique durable de notre région viendra plus certainement d'une action résolue pour l'efficacité énergétique des bâtiments, le développement des transports en commun et des véhicules propres, et le soutien constant à la production d'énergie renouvelable."


Pour un moratoire sur le Gaz de schiste !
envoyé par Groupe-socialiste-IDF. - L'info internationale vidéo.

De son côté, Europe Ecologie a annoncé dans un communiqué que les groupes de la majorité du conseil régional d'Ile-de-France avaient à leur tour réclamé à Nathalie Kosciusko-Morizet "un moratoire d'urgence" sur l'exploration du pétrole de schiste (ou "schistes bitumineux") et demandé "d'étendre la mission sur les gaz de schiste aux pétroles de schiste".

 

Samedi 5 mars, une manifestation a eu lieu à Doue. Toreador, qui a investi 120M€, a néanmoins informé la commune de la reprise des travaux dès le 15 avril, avec l’arrivée d’une tour de forage.

 

 

AFFAIRE A SUIVRE !