mardi, 18 avril 2006
Simplification
Le chaud, le froid, les arbres, les montagnes, les animaux, les fleurs, les rivières, les cailloux, les bulles; les hommes, les villes, les livres, les véhicules, la nourriture, les yeux, les films
Bref, si on tasse toutes ces choses dans un cube bien étanche, il restera encore :
Les balais, les roues dentées, les nids d'oiseaux, les nuages, les bébés, les routes, les courants d'air, les médicaments.
Et si on rajoute tout cela à ce qui stagne déjà dans le cube, il restera encore :
Les stylos à bille, Saturne, les coquilles d'escargot, les extra-terrestres, les futurs livres, les graines.
Et si on insiste, si on ramasse tous les objets vivants ou morts pour les fourrer dans le cube, on aura encore oublié :
Les momies, les châteaux-forts, les feuilles mortes, les plumes, les bouées, les fossiles, les écorces, les neiges éternelles.
Et si on s'obstine, si on aspire tout cela, on verra errer encore :
Les fractions d'idées, les univers calfeutrés, les horizons défaits.
Et si l'on arrive – par quel exploit! – à concentrer tout cela dans le cube, il sera toujours possible d'entendre :
Les chocs des vents contraires, les gémissements des îles, le cri de la pesanteur.
Et si – quelle performance ! – on enregistre tous ces bruits jusqu'à les neutraliser, il restera encore :
Le silence, c'est-à-dire la lourde digestion du monde.
Jean-Luc Coudray
(Nona)
éditions L'amourier
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