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jeudi, 20 juillet 2006

Ballade à la Lune


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C'était, dans la nuit brune,

Sur le clocher jauni,

La lune

Comme un point sur un i.

 

Lune, quel esprit sombre

Promène au bout d'un fil,

Dans l'ombre,

Ta face et ton profil ?

 

Es-tu l'œil du ciel borgne ?

Quel chérubin cafard

Nous lorgne

Sous ton masque blafard ?

 

N'es-tu rien qu'une boule,

Qu'un grand faucheux bien gras

Qui roule

Sans pattes et sans bras ?

 

Es-tu, je t'en soupçonne,

Le vieux cadran de fer

Qui sonne

L'heure aux damnés d'enfer ?

 

Sur ton front qui voyage,

Ce soir ont-ils compté

Quel âge

A leur éternité ?

 

Est-ce un ver qui te ronge

Quand ton disque noirci

S'allonge

En croissant rétréci ?

 

Qui t'avait éborgnée,

L'autre nuit ? T'étais-tu

Cognée

A quelque arbre pointu ?

 

Car tu vins, pâle et morne,

Coller sur mes carreaux

Ta corne

A travers les barreaux.

 

Va, lune moribonde,

Le beau corps de Phébé

La blonde

Dans la mer est tombé.

 

Tu n'en es que la face

Et déjà, tout ridé,

S'efface

Ton front dépossédé…

 

Lune, en notre mémoire,

De tes belles amours

L'histoire

T'embellira toujours

 

Et toujours rajeunie,

Tu seras du passant

Bénie,

Pleine lune ou croissant.

 

T'aimera le pilote,

Dans son grand bâtiment

Qui flotte

Sous le clair firmament.

 

Et la fillette preste

Qui passe le buisson,

Pied leste,

En chantant sa chanson…

 

Et qu'il vente ou qu'il neige,

Moi-même, chaque soir,

Que fais-je

Venant ici m'asseoir ?

 

Je viens voir à la brune,

Sur le clocher jauni,

La lune

Comme un point sur un i.

 

Alfred de Musset

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