vendredi, 13 octobre 2006
BRCA2
"C'est fini, je crois ", disait-elle. Elle abandonnait le stylo, caressait sur la table la petite pyramide de marbre, le boîtier pour ses bagues, le socle de la lampe noire où était appuyée la carte du " génie aux fleurs " qui continuait à la protéger, les régions de bois, plus pâle et, usé où, pendant tant d'années, ses mains s'étaient posées et crispées, puis les feuillets alignés qu'elle aimait traverser de lignes portant, chacune, dans le ciel blanc, en haut de la page, un mot qui était, chaque fois, un peu de son cœur, de sa vie qui s'en allait... Elle restait là, penchée, sans pouvoir pleurer, vers les feuillets comme pour leur demander pardon de les abandonner déjà, de n'avoir plus rien à leur donner, à leur sacrifier. Il lui semblait (et elle frémissait tout entière, comme pour les ressaisir, ne pas les laisser s'enfuir) qu'ils venaient vers elle, du fond du silence de la rue du Delta, tous ses personnages, cette petite troupe ahurie, chavirée et triste, pareille à celle d'une croisière déjà finie, qui allait se séparer après une dernière photo de groupe sur un quai"
Tout est passé si vite.
Jean-Noël Pancrazi
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