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vendredi, 05 janvier 2007

Philippe le Bel, les impôts et le droit au logement !!!

Les loyers chers à Paris, cela ne date pas d'hier … ainsi le 5 janvier 1307, il y a donc 700 ans aujourd'hui, vingt-huit Parisiens étaient pendus suite à une émeute qui avait éclaté quelques jours plus tôt à Paris en raison du rétablissement de la monnaie forte par Philippe IV le Bel, les propriétaires parisiens entendant se faire payer des loyers exigibles d'avance en monnaie forte, alors que les salaires étaient encore versés en monnaie faible, ce qui aboutissait à un triplement des charges pesant sur les locataires … D'où, fin 1306, de graves émeutes à Paris, où les artisans de corporations semblent avoir joué un rôle de premier plan. L'exécution de meneurs et de chefs des corporations, la suppression, provisoire, des corporations parisiennes laissent soupçonner que cet épisode mal connu n'a fait que révéler et exacerber des antagonismes sociaux profonds.

medium_philippe_le_bel_et_revoltes.jpg"Cette même année, le roi de France Philippe IV voulut, ainsi qu'il l'avait promis auparavant au pape Benoît XI, rétablir en bon état la monnaie ayant cours dans tout le royaume ; et il fit ordonner, vers la fête de saint Jean Baptiste, partout par les villes et les châteaux du royaume, ainsi qu'il fut consigné dans l'acte, qu'à partir de la Nativité de la Vierge en septembre, tous les contrats seraient passés en bonne monnaie, à la valeur de la monnaie ayant cours au temps de son aïeul Saint Louis, et que tous les revenus et loyers des maisons seraient versés en bonne monnaie. C'est pour cette raison qu'une révolte éclata et beaucoup d'autres par la suite. Les citoyens de Paris, surtout les pauvres et les moyens, qui louaient leurs maisons, à cause de l'augmentation par trois du prix des loyers, ourdirent une conspiration d'abord contre les propriétaires des maisons et ensuite contre le roi. En effet, ces gens en armes et désespérés assiégèrent le roi dans le Temple(1), où il s'était réfugié avec ses sergents d'armes, ses chevaliers, de nombreux barons et conseillers afin qu'il ne puisse recevoir de nourriture et objets de première nécessité avant de leur avoir parlé pacifiquement à propos de leur requête (ce que le roi refusait, au contraire, il se dérobait). Et parce qu'on disait que le conseiller du roi sur ce sujet était Étienne Barbette, citoyen de Paris et voyer de la ville (2), ils se réunirent en une seule foule, puis une partie alla incendier entièrement la maison que ledit Étienne avait en dehors de la ville, et l'autre mit à sac une autre maison qu'il avait dans la ville. medium_philippe_le_bel_et_templiers.jpgEt la foule tenait le roi, ses frères et ses barons si bien assiégés dans le Temple qu'aucun d'eux ou de leurs hommes n'osait entrer ou sortir. Ce fut la raison de bien des malheurs : en effet, le roi par la main armée des nobles répondit par la violence, et plusieurs émeutiers furent tués, et d'autres pendus aux arbres près de la ville le jour de l'Épiphanie, pour que tous les voient ; d'autres encore qui n'étaient que suspects, furent emprisonnés quelque temps dans les prisons royales. Il saisit les biens de tous les gens qui avaient été pendus. Quelques innocents furent pendus ; tandis que d'autres, conscients du péril où ils étaient, choisirent la fuite." Extrait de la Chronique de Jean de Saint-Victor dans Recueil des historiens de France (Traductions du latin)

 

Eh oui, le règne de Philippe IV n'est pas marqué par une réussite extraordinaire en tout, notamment en matière de Finances publiques ! Bien au contraire, nombre de ses initiatives gouvernementales se sont soldées par des échecs, mais son règne marque le début des finances publiques modernes car c'est à partir de celui-ci que les historiens ont identifié une volonté de transformer les finances privées du roi en des finances nationales.

medium_banquiers_juifs.jpgLa nécessité de développer de véritables finances publiques vient du fait que le roi ne pouvait plus gouverner avec les seuls revenus du domaine royal augmentés de taxations extraordinaires levées en vertu des institutions féodales (aides demandées en certains cas aux vassaux), domaniales (tailles levées sur les paysans) ou obtenues du clergé aux fins prétendues de croisade (décimes), ou des villes (subsides) sous des prétextes divers. Il lui faut donc faire appel à un certain nombre d'expédients tels que des dévaluations (en 1295-1296, 1303 et 1305) qui lui vaudront d’être appelé "faux monnayeur" par le Pape Boniface VIII, allié aux banquiers florentins, créanciers du roi, suivies de rétablissements de valeur en 1306 et 1313 pour conjurer l’inflation qui, à la longue appauvrit le Trésor, ou de plusieurs confiscations des biens, qui s'accompagnent d'expulsions collectives : en 1306 les Juifs, en 1277, 1291 et 1311 les banquiers Lombards, qui jouaient un rôle important dans le grand commerce (le plus riche Parisien du temps était probablement le Placentin Gandoufle ou Gandolphe d'Arcelles) et dans les finances royales (les frères florentins Biccio et Musciato Guidi de Franzesi, dits Biche et Mouche, furent les banquiers et les conseillers du roi en matière monétaire)., et en 1307 le célèbre ordre du Temple en 1307 …

medium_pape_et_philippe_le_bel.jpgPhilippe le Bel tenta bien d'établir une imposition directe régulière par différents moyens qui assureraient à l'Etat des ressources stables : centièmes, cinquantièmes, vingtièmes ou autres, assis sur le capital, le revenu, ou par famille ("par feu"). Pour obtenir l'assentiment à cette mesure, à partir de 1302 le roi va convoquer pour la première fois ensemble les ordres du Royaume, représentants de la Noblesse, du clergé ou des villes, chacun octroyant une assistance financière spécifique. L’appellation d’Etats généraux leur sera donnée postérieurement. Mais l'administration de Philippe le Bel, que celui-ci a "laïcisée", est impuissante à fixer l'assiette en matière d'impôt, incapable de connaître le chiffre de la population, la richesse des individus et du pays, de réunir les renseignements indispensables à un gouvernement rationnel. Les projets fiscaux du roi sont donc des échecs.

Par contre les bases historiques des institutions actuelles des Finances publiques sont solidement posées : Philippe le Bel crée un Trésorier, véritable ancêtre du ministre des Finances, et des receveurs spécialement chargés d’encaisser les recettes et de payer les dépenses. Cette création d’un corps spécifique de comptables royaux sera suivi après Philippe IV de l’instauration d’un serment obligatoire devant les chambres des comptes à qui est confié leur contrôle. C’est l’origine lointaine de l’actuelle Cour des comptes.

Et par les consultations des représentants de la Noblesse, du clergé ou des villes, le roi et ses conseillers contribuent à créer une "opinion publique nationale" et la "raison d'État" au niveau de la justification publique.

Comme on le voit, en 700 ans les préoccupations n'ont pas changé !!! vie chère, revenus trop faibles, lourds impôts, fraude fiscale … avec quelque fois des poussées de violence qui pourraient rappeler les "Jacqueries" d'autrefois ?

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