jeudi, 26 avril 2007
La victoire de Guernica
I
Beau monde des masures
De la nuit et des champs
II
Visages bons au feu visages bons au fond
Aux refus à la nuit aux injures aux coups
III
Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d'exemple
IV
La mort coeur renversé
V
Ils vous ont fait payer le pain
Le ciel la terre l'eau le sommeil
Et la misère
De votre vie
VI
Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l'aumône partageaient un sou en deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s'accablaient de politesses
VII
Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde
VIII
Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs
IX
Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent
X
Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang
XI
La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile
XII
Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché
XIII
Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l'espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l'avenir
XIV
Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison.
Paul Éluard
- 1938 -
Le 26 avril 1937, l’aviation allemande de la légion Condor, alliée de Franco, déverse 30 tonnes de bombes incendiaires sur la petite ville basque de Guernica. En trois heures, la ville est quasiment rasée. Combien de morts ? 800 ? 2 000 ? Un massacre délibéré de civils innocents pour terroriser la population. Sur place, un journaliste, George Steer, témoigne pour le Times et le New York Times, alors que les franquistes tentent par tous les moyens d’étouffer l’affaire et d’en faire disparaître les preuves. Picasso peint l’un de ses plus célèbres tableaux qu’il présente trois mois à l’exposition internationale de Paris. La toile résonne comme un cri de douleur face à l’horreur et à la barbarie, en même temps qu’elle appelle à la résistance. Choqué par le massacre de Guernica en 1937, Paul Eluard prend position en faveur de l’Espagne républicaine et écrit «la Victoire de Guernica» , (Cours naturel, 1938), puis s’engagera dans la Résistance.
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