vendredi, 16 janvier 2009
Difficile de faire le pont à Bordeaux !
Je suis née à Bordeaux, et lorsque j'étais enfant, un seul pont routier enjambait la Garonne, le "Pont de pierre", que je prenais tous les jeudis pour aller voir ma grand-mère qui habitait sur la rive droite. Quand aux trains, ils empruntaient la "passerelle Eiffel" qui, avec ses 2 voies, était déjà insuffisante et constituait un étranglement. Une légère passerelle pour piétons y était accrochée, qui a été supprimée en 1981 car elle était trop dangereuse. C'est dire s'il était difficile de passer sur l'autre rive !
En fait Bordeaux n’a eu un pont qu’en 1822 avec la construction du "Pont de Pierre". Certes, la variation des marées (le "marnage") est importante let a Garonne est large (500 mètres), mais pourtant avant cette époque la technique permet déjà de construire des ponts importants dans des conditions identiques.
En fait, Bordeaux n’avait pas besoin de ponts puisque la vie de la ville se résumait à la Garonne, son cabotage, et non à son franchissement. De plus, Bordeaux, c’était la ville de la rive gauche, et uniquement cette rive. Il fadra attendre Napoléon, qui veut faire passer ses garnissons par Bordeaux pour atteindre l’Espagne, pour voir la construction de ce premier pont. Les travaux commencent en 1810, mais la chute de l'Empire en 1814 les arrête jusqu'en 1816, faute d'argent. Finalement de riches négociants et armateurs bordelais, dirigés par Balguerie-Stuttenberg dont un "cours" porte le nom, avancent la plus grande partie des capitaux, à condition de percevoir, pendant quatre-vingt-dix neuf ans, un droit de péage, et ils créent La Compagnie du pont de Bordeaux le 18 avril 1818. L'inauguration a lieu le 25 août 1821 et le 1er mai 1822, il est livré à la circulation, moyennant péage. Bien sûr je n'ai jamais vu ce péage, qui a pris fin en 1863, donc bien avant la fin des 99 ans !
En 1860, à ce premier pont, s’ajoute donc la passerelle Eiffel ... ensuite la ville se recroqueville sur sa rive gauche pendant plus d'un siècle. Bordeaux est la seule ville française qui reste 140 ans avec un seul et unique pont, quand, dans le même temps, Paris en compte une vingtaine, Lyon et Nantes une douzaine. Le manque de pont est une histoire du non-intérêt entre les deux rives de Bordeaux.
Pourtant de nombreux projets dormaient dans des cartons. Au début du XXème siècle, on débute même la construction d'un pont transbordeur de 1910, interrompue par la guerre 14-18; seuls les pylônes seront terminés, que les allemands bombarderont en 1942.
Ensuite dans les années 1930, sous la houlette du maire Adrien Marquet, Jacques Boistel d’Welles, l’architecte en chef de la ville, engage la ville dans une politique de grands travaux connue sous le nom de "plan Marquet". Leur objectif ? Doter Bordeaux des infrastructures indispensables à son développement, mais aussi redonner du travail à ceux de ses habitants que la crise de 1929 a plongés dans les affres du chômage. Jacques d’Welles construit ainsi la Piscine de la rue Judaïque et la Bourse du Travail cours Aristide Briand, des monuments art déco tous deux classés monuments historiques, ainsi que le stade Lescure, aujourd'hui stade Chaban-Delmas, ou encore le stadium de l'université à Pessac. Evidemment il prévoit aussi de nouveaux ponts dans son plan d’urbanisme, dont un franchissement amont de la Garonne, un autre en aval de la Garonne, et entre les deux, il souhaite un doublement du pont de Pierre, ainsi qu’un tunnel au niveau des Quinconces. Il envisage également un pont depuis Bacalan et un autre sur les rives d’Arcins.
Les ouvrages nés de cette réflexion seront le pont Saint Jean inauguré le 4 avril 1965, le pont d’Aquitaine, pont autoroutier inauguré le 6 mai 1967, et enfin en 1993 le pont François Mitterrand que les bordelais appellent toujours Pont d’Arcins. Bordeaux possède enfin 4 ponts routiers permettant de traverser la Garonne, dont 2 urbains ! Et dernier en date, 2008 a vu la mise en service d'un nouveau pont ferroviaire, dont on prévoit déjà le doublement des voies, la fin du projet étant programmée pour 2015.
Tout va bien, Bordeaux comble son retard me direz-vous ? Oui, mais il y a encore un Schmilblick ! La ville de Bordeaux, classée en 2006 au patrimoine de l'Unesco, risque de perdre son label ... à cause de ses ponts ! mais ça, je vous le raconterai demain ...
22:13 Publié dans balade, Bavardage, Bordeaux, Histoire, Voyage | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
Commentaires
Ce qui m'a le plus marqué quand j'ai découvert Bordeaux,
c'est effectivement son pont lancé vers l'infini.
Cordialement
Écrit par : temps | dimanche, 18 janvier 2009
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