lundi, 19 janvier 2009
Jacques Boistel d’Welles, architecte et visionnaire ...
En 1925, Bordeaux adopte un vaste programme d'urbanisme appelé "Plan Marquet" (1930-1940). Jacques Boistel d’Welles est alors l’architecte en chef de la ville, et à ce titre participe au développement de la ville, comme je l'ai écrit dans une précédente note.
Mais cet architecte était aussi un visionnaire, il n'y a qu'à lire ce qu'il écrivait sur la circulation automobile dans un texte intitulé "À propos de circulation urbaine", publié en 1951 dans la revue Urbanisme, en France.
Constatant que "le nombre des voitures automobiles augmente selon une progression irrésistible. À chaque augmentation du parc de 1.000 voitures visiteuses correspond la nécessité de trouver des kilomètres de trottoir d’accostage nouveaux" et que "le stationnement est l’obstacle majeur à ce flux (circulatoire)" car "il interdit à la plupart des usagers de l’auto l’avantage primordial attendu de ce moyen de transport : le trajet de porte à porte" puisqu'"on ne sait plus jamais si l’on pourra s’amarrer devant une porte d’entrée déterminée.", il préconise de "prendre des mesures draconiennes si l’on veut maintenir tous les avantages qui étaient, il y a vingt ans, ceux de l’usage de l’auto et qui sont grignotés chaque jour" .Il explique donc l'intérêt d'instaurer une forme de partage des véhicules pour en diminuer le nombre et propose la création d’une "Société de transport en commun" dans ce qu’il nomme les C.A.E. (les "capitales anciennes évoluées") "dont le but essentiel serait d’offrir au citadin la possibilité de se dégager précisément du moyen de transport en commun classique (par autobus ou chemin de fer) en lui permettant de se servir de voitures individuelles.
Il propose donc un certain nombre de solutions comme d'imposer aux immeubles neufs de construire un nombre suffisant de parking, de reléguer la voiture individuelle "dans de vastes garages situés à la naissance des autostrades, à la périphérie de la cité. Sa circulation en ville a été réglementée : heures et voies.de construire" mais surtout il propose que chaque "capitale ancienne évoluée" (Paris, par exemple) créent une "Société de transports en commun" qui fournisse à ses abonnés une " voiture spéciale de ville, la "citadine" [...] monoplace, vitesse limitée, sans klaxon, sans gaz brûlé, silencieuse", ce qui donne au citadin la possibilité de se dégager des moyens de transport en commun classiques, par autobus ou chemin de fer dit métropolitain, en lui permettant de partager des voitures individuelles. Ainsi, était née l'idée d'auto-partage qui permet d'utiliser une voiture sans posséder de voiture.
Sans doute Jacques Boistel d’Welles connaissait-il l'expérience de SEFAGE (Selbstfahrergenossenshaft, ou "club de conducteurs"), fondée à Zurich en 1948, où les membres s’étaient cotisés pour acquérir une automobile, un bien de luxe à l’époque. SEFAGE n’a jamais compté plus que quelques usagers et l’expérience fut sans lendemain et l'idée fut plutôt rangée au rang des utopies et des bizarreries !
Si, entre 1955 et 1960, plusieurs auteurs y allèrent de leurs propres suggestions, les premières expériences françaises d’auto-partage remontent seulement aux années 1970. mais cette forme de transport ne s'est réellement développée qu'à partir de la fin des années 1990, sur le modèle de ce qui avait été inventé en Suisse au milieu des années 80 (la Suisse représente à elle seule près d'un tiers des auto-partageurs européens avec 70 000 adhérents), et il faudra attendre un demi-siècle pour que le législateur lui donne en 2006 un cadre juridique spécifique, à l'initiative de Roland Ries, sénateur socialiste du Bas-Rhin et maire de Strasbourg. Aujourd'hui des expériences d’auto-partage existent dans une vingtaine de grandes villes françaises, en particulier à Paris, Strasbourg, Marseille, Lille ou Lyon ... mais ce service ne représente que 5 % des conducteurs français.
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