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mardi, 27 avril 2010

27 avril 1578, le duel des "mignons"

Artus,_Thomas-Les_Hermaphrodites,_1605.jpgJacques de Lévis, comte de Caylus ou Quélus selon la prononciation du nord de la France, (1554-1578) fut l'un des "mignons" du roi Henri III.

Le nom " mignon " désigne alors les courtisans et favoris des seigneurs de chaque grande maison comme celle duc de Guise, le duc de Montmorency et bien évidemment la Cour des Valois. Le terme a été dévoyé et pourvu d'une connotation péjorative propagée par les calvinistes qui condamnaient avec démesure le genre de vie raffiné.

Henri III s'entoure d'hommes qui lui sont complètement dévoués. Pensions et dons royaux, responsabilités militaires et politiques, positions honorifiques... autant de largesses qui échappent aux grandes familles aristocratiques, qui considèrent les "mignons" comme illégitimes auprès du roi parce que n'appartenant pas à la plus haute noblesse, et les méprisent car ils les jugent dénuées de cet esprit d'indépendance qui fait encore le noble à la fin du XVIe siècle. Pourtant, malgré l'appui du roi, les mignons n'ont pas réussi supplanter les grands princes, comme les Guise et les Montmorency, ou les responsables de partis religieux.

Ces gentilshommes s'habillent avec raffinement, se fardent, se poudrent et se frisent les cheveux, portent des boucles d'oreilles, de la dentelle et de grandes fraises empesées. A l'époque on tolère mal le penchant d'Henri III et de son entourage pour la fête et le goût pour l'apparence et on les accuse d'avoir dévergondé la cour avec leurs jeux pervers. Ces courtisans font donc aussi l'objet des railleries de la part du peuple qui, habitué à la virilité brute, considère le raffinement comme de la faiblesse. Et en ces temps troublés des Guerres de Religion, c'est à travers eux que s'exprime l'hostilité au roi. En 1577, un sonnet ironise ainsi sur les honneurs trop facilement acquis des mignons: "Saint Luc, petit qu'il est, commande bravement / A la troupe Hautefort, que sa bourse a conquise / Mais Caylus, dédaignant si pauvre marchandise / Ne trouve qu'en son cul tout son avancement."

Certes efféminés, ces "mignons" sont aussi des courageux guerriers, de fines lames qui affrontent régulièrement les adversaires du roi. Car le règne d'Henri III est celui des rivalités entre trois factions : le parti du roi, celui du duc de Guise et des Ligueurs et les Huguenots. Les guerres de religion ont été avant tout fomentées par ces partis. "Malgré la paix, la discorde régnoit partout, et surtout à la cour, le roi avoit ses mignons, Monsieur avoit ses braves, ceux-ci insultoient les mignons qui les persécutoient ; le roi haïssoit Monsieur... " .

Au printemps 1578, l'hostilité est à son comble contre les Mignons, qui ont eu l'outrecuidance de persuader le roi de retirer au duc de Guise la dignité de grand maître de France pour le donner à l'un d'entre eux, Jacques de Lévis, comte de Caylus. Et le 27 avril, un de ces duels va rester dans les mémoires par les récits qui en ont été fait dans la littérature : les mignons s'entretuent place des Vosges non loin du Louvre. Pourtant Henri III a tenté de réglementer le duel en promulguant, le 29 décembre 1576, l'édit de Blois, qui définit cette pratique comme crime de lèse-majesté. Mais l'usage du duel est si profondément ancré dans les mentalités et la noblesse y a si souvent recours pour "laver" son honneur qu'il n'a jamais fait appliquer cette loi...

En apparence, simple querelle amoureuse ! "un trait de jalousie que le Sieur de Quélus conceut contre Entraguet, le voyant sortir un samedy au soir de la chambre d'une Dame plus doüée de beauté que de chasteté. Et pour ce qu'elle estoit aimée d'un grand, Quélus luy dit comme en folastrant qu'il estoit un sot : l'autre luy respond de mesme, qu'il avojt menty. Là dessus il font complot de se battre" (Jean de La Taille, Discours notable des duels, de leur origine en France, et du malheur qui en arrive tous les jours au grand interest du public. Ensemble des moyens qu'il y auroit d'y pourvoir, 1607)

Mais cet événement traduit l'affrontement à distance entre le roi et le duc de Guise : "Sire, ce mal m'a esté faict pour l'amour de vous et pour avoir sostenu vostre honneur" aurai dit Caylus au roi avant de mourir. Il peut aussi être interprété comme le signe d'une compétition permanente entre les gentilshommes de la cour pour accéder aux faveurs du roi. Car en fait, le jeune Entraguet, qui fut lui aussi "mignon" du roi, est surtout alors en disgrâce, et c'est surtout par opportunisme politique que le duc de Guise va se souvenir que la maison de Balsac l'a précédemment servi...

Donc, le 26 au soir, Caylus, amoureux d'une dame, se rend chez elle et trouve devant sa porte Charles de Balzac, baron d'Entragues, surnommé "le bel Entraguet" et favori d'Henri de Guise. Querelle, insultes, provocations en duel, rendez-vous est pris pour régler l'affaire le lendemain, Porte St Antoine, au marché aux chevaux, près de la forteresse de la Bastille (actuelle place des Vosges).

Entragues a pour seconds Georges de Schomberg, dit Schomberg le Jeune, et le seigneur de Ribérac. Caylus est accompagné de Jean d'Arcès, seigneur de Livarot et de Louis de Maugiron, dit "le brave borgne" depuis qu'il a perdu un oeil au siège d'Issoire au printemps 1577.

Le combat est si furieux que Maugiron et Schomberg meurent sur place. Ribérac, très grièvement blessé, meurt le lendemain à l'hôtel de Guise. Livarot également est très sérieusement atteint et restera estropié à vie. Caylus, qui a reçu dix neuf coups d'épée, est transporté à l'hôtel de Boissy, où il va agoniser pendant un mois.  Entraguet est le seul à ne recevoir q'une égratignure au bras.

dumas_monsoreau.jpgAlexandre Dumas père a immortalisé le duel dans "la Dame de Monsoreau":

Le terrain sur lequel allait avoir lieu cette terrible rencontre était ombrage d'arbres, ainsi que nous l'avons vu, et situe a l'écart.

Il n'était fréquenté d'ordinaire que par les enfants, qui venaient y jouer le jour, ou les ivrognes et les voleurs, qui venaient y dormir la nuit.

Les barrières, dressées par les marchands de chevaux, écartaient naturellement la foule, qui, semblable aux flots d'une rivière, suit toujours un courant, et ne s'arrête ou ne revient qu'attirée par quelque remous.

Les passants longeaient cet espace et ne s'y arrêtaient point.

D'ailleurs, il était de trop bonne heure, et l'empressement général se portait vers la maison sanglante de Monsoreau.

Chicot, le coeur palpitant, bien qu'il ne fût pas fort tendre de sa nature, s'assit en avant des laquais et des pages sur une balustrade de bois.

Il n'aimait pas les Angevins, il détestait les mignons; mais les uns et les autres étaient de braves jeunes gens, et sous leur chair courait un sang généreux que bientôt on allait voir jaillir au grand jour.

D'Epernon voulut risquer une dernière fois la bravade.

- Quoi! On a donc bien peur de moi? s'écria-t-il.

- Taisez-vous, bavard! lui dit Antraguet.

- J'ai mon droit, répliqua d'Epernon; la partie fut liée à huit.

- Allons, au large! dit Ribérac impatiente en lui barrant le passage.

Il s'en revint avec des airs de tête superbes, et rengaina son épée.

- Venez, dit Chicot, venez, fleur des braves, sans quoi vous allez perdre encore une paire de souliers comme hier.

- Que dit ce maître fou?

- Je dis que tout à l'heure il y aura du sang par terre, et vous marcheriez dedans comme vous fîtes cette nuit.

D'Epernon devint blafard. Toute sa jactance tombait sous ce terrible reproche.

Il s'assit à dix pas de Chicot, qu'il ne regardait plus sans terreur.

Ribérac et Schomberg s'approchèrent après le salut d'usage.

Quélus et Antraguet, qui, depuis un instant déjà, étaient tombes en garde, engagèrent le fer en faisant un pas en avant.

Maugiron et Livarot, appuyés chacun sur une barrière, se guettaient en faisant des feintes sur place pour engager l'épée dans leur garde favorite.

Le combat commença comme cinq heures sonnaient à Saint-Paul.

La fureur était peinte sur les traits des combattants; mais leurs lèvres serrées, leur pâleur menaçante l'involontaire tremblement du poignet, indiquaient que cette fureur était maintenue par eux à force de prudence, et que, pareille à un cheval fougueux, elle ne s'échapperait point sans de grands ravages.

Il y eut durant plusieurs minutes, ce qui est un espace de temps énorme, un frottement d'épées qui n'était pas encore un cliquetis. Pas un coup ne fut porté.

Ribérac, fatigué ou plutôt satisfait d'avoir tâté son adversaire, baissa la main, et attendit un moment.

Schomberg fit deux pas rapides, et lui porta un coup qui fut le premier éclair sorti du nuage.

Ribérac fut frappé. Sa peau devint livide, et un jet de sang sortit de son épaule; il rompit pour se rendre compte à lui-même de sa blessure.

Schomberg voulut renouveler le coup; mais Ribérac releva son épée par une parade de prime, et lui porta un coup qui l'atteignit au coté.

Chacun avait sa blessure.

- Maintenant, reposons-nous quelques secondes, si vous voulez, dit Ribérac.

Cependant Quélus et Antraguet s'échauffaient de leur cote; mais Quélus, n'ayant pas de dague, avait un grand désavantage; il était oblige de parer avec son bras gauche, et, comme son bras était nu, chaque parade lui coûtait une blessure.

Sans être atteint grièvement, au bout de quelques secondes, il avait la main complètement ensanglantée.

Antraguet, au contraire, comprenant tout son avantage, et non moins habile que Quélus, parait avec une mesure extrême. Trois coups de riposte portèrent, et, sans être touche grièvement, le sang s'échappa de la poitrine de Quélus par trois blessures.

Mais, à chaque coup, Quélus répéta:

- Ce n'est rien.

Livarot et Maugiron en étaient toujours à la prudence.

Quant à Ribérac, furieux de douleur et sentant qu'il commençait à perdre ses forces avec son sang, il fondit sur Schomberg.

Schomberg ne recula pas d'un pas et se contenta de tendre son épée.

Les deux jeunes gens firent coup fourré.

Ribérac eut la poitrine traversée, et Schomberg fut blessé au cou.

Ribérac, blessé mortellement, porta la main gauche à sa plaie en se découvrant.

Schomberg en profita pour porter à Ribérac un second coup qui lui traversa les chairs.

Mais Ribérac, de sa main droite, saisit la main de son adversaire, et, de la gauche, lui enfonça dans la poitrine sa dague jusqu'à la coquille.

La lame aigue traversa le coeur.

Schomberg poussa un cri sourd et tomba sur le dos, entraînant avec lui Ribérac, toujours traversé par l'épée.

Livarot, voyant tomber son ami, fit un pas de retraite rapide et courut à lui, poursuivi par Maugiron. Il gagna plusieurs pas dans la course, et, aidant Ribérac dans les efforts qu'il faisait pour se débarrasser de l'épée de Schomberg, il lui arracha cette épée de la poitrine.

Mais alors, rejoint par Maugiron, force lui fut de se défendre avec le désavantage d'un terrain glissant, d'une garde mauvaise et du soleil dans les yeux.

Au bout d'une seconde, un coup d'estoc ouvrit la tête de Livarot, qui laissa échapper son épée et tomba sur les genoux.

Quélus était vivement serré par Antraguet. Maugiron se hâta de percer Livarot d'un coup de pointe. Livarot tomba tout a fait.

D'Epernon poussa un grand cri.

Quélus et Maugiron restaient contre le seul Antraguet. Quélus était tout sanglant, mais de blessures légères.

Maugiron était a peu près sauf.

Antraguet comprit le danger. Il n'avait pas reçu la moindre égratignure; mais il commençait à se sentir fatigué; ce était cependant pas le moment de demander trêve à un homme blessé et à un autre tout chaud de carnage. D'un coup de fouet il écarta violemment épée de Quélus, et, profitant de l'écartement du fer, il sauta légèrement par-dessus une barrière.

Quélus revint par un coup de taille, mais qui n'entama que le bois.

Mais, en ce moment, Maugiron attaqua Antraguet de flanc. Antraguet se retourna. Quélus profita du mouvement pour passer sous la barrière.

- Il est perdu, dit Chicot.

- Vive le roi! dit d'Epernon, hardi, mes lions, hardi!

- Monsieur, du silence, s'il vous plait, dit Antraguet; n'insultez pas un homme qui se battra jusqu'au dernier souffle.

- Et qui n'est pas encore mort! s'écria Livarot.

Et, au moment ou nul ne pensait plus à lui, hideux de la fange sanglante qui lui couvrait le corps, il se releva sur ses genoux et plongea sa dague entre les épaules de Maugiron, qui tomba comme une masse en soupirant:

- Jésus, mon Dieu! Je suis mort!

Livarot retomba évanoui; l'action et la colère avaient épuisé le reste de ses forces.

- Monsieur de Quélus, dit Antraguet, baissant son épée, vous êtes un homme brave, rendez-vous, je vous offre la vie.

- Et pourquoi me rendre? dit Quélus, suis-je à terre?

- Non; mais vous êtes criblé de coups, et moi, je suis sain et sauf.

- Vive le roi! Cria Quélus, j'ai encore mon épée, monsieur.

Et il se fendit sur Antraguet, qui para le coup, si rapide qu'il eut été.

- Non, monsieur, vous ne l'avez plus, dit Antraguet, saisissant à pleine main la lame près de la garde.

Et il tordit le bras de Quélus, qui lâcha épée

Seulement Antraguet se coupa légèrement un doigt de la main gauche.

- Oh! hurla Quélus, une épée! une épée!

Et, se lançant sur Antraguet d'un bond de tigre, il l'enveloppa de ses deux bras.

Antraguet se laissa prendre au corps, et, passant son épée dans sa main gauche et sa dague dans sa main droite, il se mit àa frapper sur Quélus sans relâche et partout, s'éclaboussant à chaque coup du sang de son ennemi, à qui rien ne pouvait faire lâcher prise, et qui criait à chaque blessure:

- Vive le roi!

Il réussit même à retenir la main qui le frappait, et à garrotter, comme eut fait un serpent, son ennemi intact entre ses jambes et ses bras.

Antraguet sentit que la respiration allait lui manquer.

En effet, il chancela et tomba.

Mais, en tombant, comme si tout le devait favoriser ce jour-la, il étouffa, pour ainsi dire, le malheureux Quélus

- Vive le roi! murmura ce dernier, à l'agonie.

Antraguet parvint à dégager sa poitrine de l'étreinte; il se raidit sur un bras, et, le frappant d'un dernier coup qui lui traversa la poitrine:

- Tiens, lui dit-il, es-tu content?

- Vive le r..., articula Quélus, les yeux à demi fermés.

Ce fut tout; le silence et la terreur de la mort régnaient sur le champ de bataille.

Antraguet se releva tout sanglant, mais du sang de son ennemi; il n'avait, comme nous l'avons dit, qu'une égratignure à la main.

D'Epernon, épouvanté, fit un signe de croix et prit la fuite, comme s'il eut été poursuivi par un spectre.

Antraguet jeta sur ses compagnons et ses ennemis, morts et mourants, le même regard qu'Horace dut jeter sur le champ de bataille qui décidait les destins de Rome.

Chicot secourut et releva Quélus, qui rendait son sang par dix-neuf blessures.

Le mouvement le ranima.

Il rouvrit les yeux.

- Antraguet, sur l'honneur, dit-il, je suis innocent de la mort de Bussy.

- Oh! Je vous crois, monsieur, fit Antraguet attendri, je vous crois.

- Fuyez, murmura Quélus, fuyez, le roi ne vous pardonnerait pas.

- Et moi, monsieur, je ne vous abandonnerai pas ainsi, dit Antraguet, dut l'échafaud me prendre.

- Sauvez-vous, jeune homme, dit Chicot, et ne tentez pas Dieu; vous vous sauvez par un miracle, n'en demandez pas deux le même jour.

Antraguet s'approcha de Ribérac, qui respirait encore.

- Eh bien? demanda celui-ci.

- Nous sommes vainqueurs, répondit Antraguet à voix basse pour ne pas offenser Quélus

- Merci, dit Ribérac. Va-t'en.

Et il retomba évanoui.

Antraguet ramassa sa propre épée, qu'il avait laissée tomber dans la lutte, puis celles de Quélus, de Schomberg et de Maugiron.

- Achevez-moi, monsieur, dit Quélus, ou laissez-moi mon épée

- La voici, monsieur le comte, dit Antraguet en la lui offrant avec un salut respectueux.

Une larme brilla aux yeux du blesse.

- Nous eussions pu être amis, murmura-t-il.

Antraguet lui tendit la main.

- Bien! fit Chicot; c'est on ne peut plus chevaleresque. Mais sauve-toi, Antraguet, tu es digne de vivre.

- Et mes compagnons? demanda le jeune homme.

- J'en aurai soin, comme des amis du roi.

Antraguet s'enveloppa du manteau que lui tendait son écuyer, afin que l'on ne vit pas le sang dont il était couvert, et, laissant les morts et les blessés au milieu des pages et des laquais, il disparut par la porte Saint-Antoine.

 

La perte de ses favoris préférés, Jacques de Caylus et Louis de Maugiron, laisse le roi en proie à une tristesse et à une douleur indicibles. Leurs funérailles sont celles réservées aux personnes de premier rang. Et leurs tombeaux, commandés par le roi à Germain Pilon, sont décrits comme des "tombeaux étincelants de marbre et de bronze, avec de merveilleuses statues de marbre". Sur celui de Caylus, cette épitaphe : Non injuriam, sed mortem, patienter tulit. Ces tombeaux seront saccagés quelques années plus tard par la vindicte populaire après l'assassinat des Guise.

Parce qu'il frappe directement l'entourage le plus intime du roi, mais surtout parce qu'il montre le fossé qui se creuse entre le roi et ses sujets, ce duel a rapidement un écho national et même international. Le petit peuple se réjouit de l'événement "c'est grand dommage/qu'on en a tué davantage" proclament des libellés abondamment diffusés dans le royaume. Au delà des victimes, c'est tout l'entourage du roi qui est malmené, comme dans une petite pièce commençant ainsi : "Vers semés après ce beau combat, qu'on titra du nom de courtisans, c'est-à-dire peu honnêtes, sales et vilains, à la mode de la cour".

Antraguet est, lui, accusé de venir se recueillir au pied des tombeaux de ses victimes, ce dont se moquent les pamphlets de l'époque Il n'est pas poursuivi par la justice parce  que le souverain n'a pas intérêt à renforcer le mécontentement de ses adversaires, en particulier du duc de Guise qui revendique le statut de protecteur du meurtrier et qui affirme qu'il est prêt à le défendre l'épée au poing.

Malgré le désespoir du roi, il semble qu'Entraguet obtint grâce auprès du roi quelques temps après. .Il fut lieutenant général au gouvernement d'Orléans et capitaine de 50 hommes d'armes des ordonnances, enfin chevalier des ordres du roi et reçut le collier du Saint Esprit en 1595, à moins que ce ne soit son neveu, nommé comme lui Charles de Balsac.

En tous les cas, dans Henri III et sa cour, drame en 5 actes, en prose, Alexandre Dumas imagine un dialogue entre le roi et Entraguet :

Henri : "Approchez ici, baron, et fléchissez le genou...Charles Balzac d'Entragues, nous vous avons accordé la faveur de notre présence royale, au milieu de notre cour, pour vous rendre, là où nous vous les avions ôtés, vos dignités et vos titres...Relevez-vous, baron de Dunes, comte de Graville, gouverneur général de notre province d'Orléans, et reprenez près de notre personne royale les fonctions que vous y remplissiez autrefois...Relevez-vous"

D'entragues :"Non, sire,...je ne me relèverai pas, que Votre Majesté n'ait reconnu publiquement que ma conduite, dans ce funeste duel, a été celle d'un loyal et honorable cavalier"

Henri : "Oui,...nous le reconnaissons, car c'est la vérité...Mais vous avez porté des coups bien malheureux !"

D'entragues :"Et maintenant, sire ... votre main à baiser, comme gage de pardon et d'oubli

Henri : "Non, non Monsieur ne l'espérez pas

Catherine : "Mon fils que faites vous

Henri : "Non, Madame, non ... j'ai pu lui pardonner comme chrétien, le mal qu'il m'a fait ... mais je ne l'oublierai de ma vie

D'entragues :"Sire ... j'appelle le temps à mon secours; peut être ma fidélité et ma soumission finiront-elles par fléchir le courroux de Votre Majesté

 

 

 

José-Maria de Heredia, dans Les Trophée,s écrira plus tard en 1893 ce sonnet :

 

Épitaphe

Suivant les vers de Henri III

 

Ô passant, c'est ici que repose Hyacinte

Qui fut de son vivant seigneur de Maugiron ;

Il est mort -  Dieu l'absolve et l'ait en son giron ! -

Tombé sur le terrain, il gît en terre sainte.

 

Nul, ni même Quélus, n'a mieux, de perles ceinte,

Porté la toque à plume ou la fraise à godron ;

Aussi vois-tu, sculpté par un nouveau Myron,

Dans ce marbre funèbre un morceau de jacinthe.

 

Après l'avoir baisé, fait tondre, et de sa main

Mis au linceul, Henry voulut qu'à Saint-Germain

Fût porté ce beau corps, hélas ! inerte et blême ;

 

Et jaloux qu'un tel deuil dure éternellement,

Il lui fit en l'église ériger cet emblème,

Des regrets d'Appolo triste et doux monument.

 

 

A lire : Nicolas Le Roux, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (vers 1547-vers 1589), Seyssel, Champ Vallon, collection « Époques », 2001. C'est sur internet

 

Commentaires

Merci de cet article sur un épisode marquant de la vie d'Henri III. Cependant, ayant lu de nombreux ouvrages sur ce roi, je pense être important d'être particulièrement méfiant quant aux sources citées et en particulier à ne pas prendre pour l'opinion générale les pamphlets qui devaient sans doute venir soit des Guise, soit des protestants... (et à prendre avec des pincettes les ouvrages de M. le Roux qui sont loin d'être impartiaux sur leur vision d'Henri...)
Par ailleurs, Henri avait toutes les bonnes raisons du monde de se constituer ce cercle de fidèles au vu des agissements des familles nobles du royaume (y compris les plus élevées comme les Guise et les Bourbon) qui depuis son enfance n'avaient cessé de comploter contre les rois, ses frères et sa mère, Catherine.

Écrit par : Anne | mardi, 27 avril 2010

Oh, je ne prétends pas faire œuvre d'historienne ! ce qui m'amuse c'est lier histoire avec littérature, et peinture ... et puis je découvre plein de choses oubliées, ou que je n'ai jamais su en faisant mes recherches ...
merci de m'avoir lue !

Écrit par : dominique | mercredi, 28 avril 2010

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