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jeudi, 22 avril 2010

Il y a 50 ans, le 21 avril 1960, était inaugurée la ville de Brasília

brasilia_planpilote.jpgBâtie ad nihilo en 1.000 jours sous l'impulsion du Président Juscelino Kubitschek, la ville de Brasília était inaugurée le 21 avril 1960, il y a donc 50 ans.

Mais la justice s'est invitée à la fête. Une colossale affaire de corruption éclabousse une partie des responsables de la ville. L'ex-gouverneur José Arruda sort de deux mois de prison et la justice a cassé les contrats d'éclairage et de son des festivités du cinquantenaire. Des contrats de deux millions de dollars. Mais la fête a eu lieu. Les cloches des églises de la capitale brésilienne ont joué à l'unisson pour célébrer l'anniversaire, et des milliers d'habitants ont défilé sur l'avenue où sont érigés les palais futuristes et les bâtiments du pouvoir, lieux de spectacles.

Car Brasília symbolise les utopies urbaines du XXe siècle ! Il y a ceux qui la détestent et ceux qui l'adorent, les avis étant souvent tranchés. Certains apprécient son futurisme (Youri Gagarine disait en 1961 : "J'ai l'impression de débarquer sur une planète différente, pas sur la terre"), sa tranquillité, sa sécurité, bien loin de l'agitation de Rio de Janeiro et de São Paulo. D'autres critiquent une ville sans âme, où tout déplacement doit se faire en voiture, avec ses "favelas" misérables, loin du rêve de la ville idéale sans classes sociales imaginée par Oscar Niemeyer. Mais preuve de sa place dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, elle a été classée au patrimoine mondial de l'Unesco dès 1987.

Le chantier de Brasília a atteint tous les records : à peine 41 mois de travaux, avec des ouvriers travaillant 24h/24 dans des conditions très difficiles. Elle devait être prête à temps, Kubitschek avait promis aux Brésiliens de réaliser "50 ans de progrès en cinq ans". La conception même de la ville était révolutionnaire et osée pour l'époque. Et malgré tous ses détracteurs, Brasília a réussi son pari.

Oeuvre conjointe imaginée par l'urbaniste Lúcio Costa, le paysagiste Roberto Burle Marx et l'architecte Niemeyer, Brasília symbolisait un vieux rêve d'union nationale au centre du vaste pays.

Dès l'indépendance, en 1822, les hommes d'État brésiliens avaient en effet caressé le rêve de déplacer la capitale, Rio de Janeiro, pour la fixer au centre du pays et briser l'opposition entre le Brésil peuplé du littoral et le Brésil vide des immensités intérieures. La mise en valeur de l'époque coloniale avait, en effet, multiplié les villes du bord de la mer, ports destinés à embarquer les richesses brutes du pays vers le Portugal et à y apporter les produits fabriqués, mais exposés aux raids maritimes. La première capitale du Brésil, Salvador avait, elle aussi, été construite sur la côte.

En 1823, José Bonifacio de Andrade e Silva, l'un des mentors de l'Indépendance du Brésil (conquis en 1822), est l'un de proposer le déménagement, et propose déjà le nom de Brasília. Son plan est présenté à l'Assemblée, mais l'empereur Pedro I ayant dissous l'Assemblée, le projet de loi ne sera finalement pas adopté ...

Selon une légende, saint Don Bosco aurait fait, en 1883 un rêve prémonitoire dans lequel il aurait vu une ville futuriste au bord d'un lac, la future Brasília ! Aujourd'hui, une des principales églises de la ville porte son nom ...

En 1891, la première Constitution de la République brésilienne détermine qu'une nouvelle capitale devra être construite, et en 1894, une zone de 14.400 km² lui était réservée. Le 7 Septembre 1922, la première pierre de Brasília est même posée, dans un endroit qui est aujourd'hui Planaltina, l'une des villes satellites de Brasília.

Dans les années 50, le Brésil vit une période prospère, et en 1955, la Commission pour la nouvelle capitale fédérale choisit de nouveau un endroit pour Brasília. En 1956, Juscelino Kubitschek de Oliveira est élu président et crée la Société de l'urbanisation de la nouvelle capitale (NOVACAP). Kubitschek met un jeune architecte, Oscar Niemeyer, aux commandes du projet. En 1957, un concours public est gagné par l'urbaniste Lúcio Costa, pour ses idées innovante de la nouvelle capitale exposées dans son ouvrage maintenant connu sous le nom Plano Piloto (plan-pilote).

 

Le projet était donc d'attirer vers l'intérieur des terres la population et l'activité économique, jusqu'alors surtout concentrées dans les grandes villes côtières, l'objectif étant d'assurer une meilleure répartition des richesses, mais aussi d'apaiser l'affrontement entre les deux principales villes du pays, Rio de Janeiro et São Paulo. "Brasília n'est pas une improvisation, mais le résultat d'une maturation. Ce n'était pas qu'un changement de Capitale, mais l'annonce d'une réforme. Nous ne voulions pas seulement construire une ville, mais nous nous battions pour l'émancipation d'une région. Le Brésil dans toute son territoire, recevra, lui aussi, les avantages de l'internalisation de la capitale. Tel est l'objet du combat qui sous-tend l'impératif constitutionnel qui a déterminé le changement." écrivait Eduardo Silva en 1983.

Objectif atteint : Brasília a rapproché et réuni les diverses régions du pays. Ainsi, on rencontre à Brasília des gens qui viennent "do Oïapoque ao Chuí" (selon le dicton national qui sonne sur un air de "de Dunkerque à Tamanrasset" pour exprimer le Brésil dans toute son immensité) ... Et la capitale est devenue une énorme agora, un carrefour des plus importants de la culture brésilienne. Enfin, la réussite de Brasília a impliqué en une occupation beaucoup plus effective des régions qui se trouvent à l'arrière pays. Les nouvelles routes construites après le déplacement de la capitale depuis Rio aux hauts plateaux du centre du pays permettent aux voyageurs d'atteindre des localités lointaines, différentes, mais qui font partie de ce grand kaléidoscope brésilien. Et si Sao Paulo reste le centre des affaires et Rio de Janeiro la ville la plus agréable du pays et la plus prestigieuse, Brasília est indéniablement devenu le centre nerveux de toutes les décisions administratives et politiques.

 

 

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1580234143_0fd63b99cd_b.jpgToute visite de Brasília commence par la Torre de Televisão, d'où l'on a une très belle vue de la ville. Surtout à la fin de la journée, au coucher du soleil. C'est bien par là que j'ai commencé ma visite de cette ville en juillet 1971, lors d'un séjour de 2 mois chez mes beaux-parents, alors en poste à Rio de Janeiro ... En effet, la torre da Televisão, haute de plus de 200 mètres, permet, depuis un belvédère à mi-hauteur, de se faire une idée de l'urbanisme de la ville.

En 1971, Brasília, bien que construite depuis onze ans déjà, ressemblait encore à un vaste chantier. Les ministères s'y étaient bien sûr installés, mais nombre d'administrations rechignaient encore à quitter Rio de Janeiro et ses plages de Copacabana et d'Ipanema pour regagner cette ville située au milieu du Mato Grosso, à 1 000m d'altitude, longtemps infectée de moustiques. L'ambassade de France était encore à Rio ... même si le gouvernement brésilien venait d'exiger que toutes les ambassades déménagent, ce qu'elles faisaient à reculons !

Ainsi à l'origine, le projet de l'Ambassade de France à Brasília avait été confié à Le Corbusier, compte tenu de ses étroites relations avec Lúcio Costa et Oscar Niemeyer. Lorsque j'ai séjourné au Brésil, Le Corbusier était mort depuis 6 ans et la décision définitive de construire la nouvelle ambassade venait juste d'être prise l'année précédente. Compte tenu de l'apparition de besoins supplémentaires en surface bâtie, un nouveau projet était en cours d'élaboration par de Guillermo Jullian de la Fuente, architecte d'origine chilienne, ancien collaborateur de l'atelier de Le Corbusier. L'Ambassade et la Résidence, construites entre janvier 1972 et décembre 1974, n'ont donc été inaugurées qu'en 29 janvier 1976, 16 ans après que Brasília soit devenue la capitale !

D'ailleurs, lors de l'inauguration, le 21 avril 1960, les futurs habitants pour qui la ville avait été conçue, les fonctionnaires de Rio de Janeiro, faisaient la moue et tentaient de refuser leur mutation dans le cerrado, alors que les bâtisseurs, les candangos, les habitants de fait, déjà plus de 70 000, étaient parqués à sa périphérie. Pour beaucoup, l'inauguration du Plan Pilote proclamait l'illégalité de leur situation urbaine : ils devaient quitter les cités de chantiers ou les lots mis à leur disposition par contrat jusqu'à ce jour fatal ...

 

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Nous étions arrivés de Rio par avion au petit matin. Après 1 000 km au dessus de la forêt vierge, nous avions survolé les petits villages construits pour loger les milliers de Brésiliens venus de tous les coins du pays, mais surtout du Nordeste pour construire Brasília, ces "candangos".censés rentrer à la maison quand Brasília serait terminé, mais qui, pour la plupart, ont vu à Brasília l'occasion d'une vie meilleure et y sont restés.

Depuis la torre da Televisão, nous découvrons le "Plano Piloto" imaginé par l'urbaniste Lucio Costa en forme de croix avec ses deux bras incurvés de sorte que l'ensemble ressemblait plutôt à un oiseau aux ailes déployées, ou à un avion se dirigeant vers le sud-est. "La ville est née d'un geste basique, celui que l'on fait pour indiquer un endroit ou en prendre possession : celui de la croix, avec deux axes qui se croisent en angle droit" expliquait son concepteur.

La ville s'organise autour de deux axes perpendiculaires : l'Eixo monumental et l'"Eixo Rodoviário" ou Eixāo. Au croisement des deux axes se trouve la rodoviária, station centrale de réseau autobus et terminal du métro. En 1971, lors de mon séjour au Brésil, j'avais d'ailleurs utilisé l'autobus pour visiter la ville ...

 

L'Eixo monumental (Voie Monumentale), orienté est-ouest, axe routier principal de la ville, suit évidemment le corps de l'animal. Elle formée de 2 fois 6 voies routières, séparées par un terre-plein engazonné.

Congresso_brasilia.jpgLes bâtiments les plus impressionnants, la plupart dessinés par Oscar Niemeyer, se situent au niveau de la tête de l'"oiseau- Brasília". La Praça dos Três Poderes (la place des Trois Pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire) en forme, très logiquement, le sommet, avec les bâtiments du  Congrès National (O Congresso Nacional) : coupole évasée concave, symbole d'ouverture, pour la Chambre des députés; coupole plus petite et renversée, symbole de réflexion, pour le Sénat; et deux gratte-ciel jumeaux administratif en guise de pivot, reliées entre eux et formant un H, symbole de l'Humanité. On m'a dit que l'axe est alignée de telle sorte que le soleil se lève précisément entre les deux tours du Congrès le 21 avril, journée marquant la mort de Joaquim Jose da Silva Xavier Tiradentes ("arracheur de dents" en français), martyr de l'indépendance du Brésil en 1792.

Pour compléter les "Trois Pouvoirs", deux bâtiments à l'architecture identique, avec leurs arcades en marbre qui leur donnent l'impression d'être à peine posées sur le sol : le palais du gouvernement (o Palácio do Planalto), avec sa rampe d'accès monumentale et le Tribunal de Justice Suprême Fédéral (O Tribunal Supremo Federal).

The Warriors by Bruno Giorgio.jpgJe me souviens très bien de la célèbre sculpture "os Candangos" de Bruno Giorgi qui se dresse aussi sur cette place : deux figures abstraites en bronze symboles de l'esprit pionnier des travailleurs qui ont construit la ville. Élancés, avec des arêtes saillantes, deux personnages asexués, dont un seul repose sur le sol, portent chacun un bâton et se terminent par des têtes minuscules, ou plutôt par un énorme œil unique. L'ensemble semble en équilibre instable, avec une base trop étroite pour la hauteur. La position des pieds n'est pas naturelle, à 90 degrés du corps, et ils ressemblent plutôt à des pattes de coq ou d'oiseaux de proies. Appelés à l'origine "Os guerreiros" (les guerriers), ils semblent protéger le palais du Gouvernement mais aussi la démocratie, en référence à la célèbre sculpture grecque des "tyranicides" Harmodius et Aristogiton défendant les institutions démocratiques ! Vinicius de Moraes e Tom Jobim chantent ces travailleurs dans "Sinfonia da Alvorada" composée en décembre 1960 : "os trabalhadores, os homens simples e quietos, com pés de raiz, rostos de couro e mãos de pedra, e que, no calcanho, em carro de boi, em lombo de burro, em paus-de-arara...". Os Candangos était le terme peu flatteur employé autrefois par les Africains pour désigner les Portugais. Aujourd'hui, ce mot a perdu cette connotation péjorative et désigne les habitants de Brasília qui ont travaillé à sa construction. Les travailleurs des classes moyenne et supérieure (ingénieurs, médecins, etc.) furent, eux, désignés comme Pioneiros. Les Brésiliens de la nouvelle génération nés à Brasília, par dérision, s'appellent entre eux Calangos, terme qui désigne une espèce de lézard de la région.

A_Justica_Alfredo_Ceschiatti_Brasilia_Brasil.jpgJe n'ai en revanche aucun souvenir de la sculpture en granit devant le tribunal, sculptée par Alfredo Ceschiatti et représentant la Justice (A Justiça). Selon la tradition elle est représentée les yeux bandés, afin de démontrer son impartialité, et tient l'épée, symbole de la force qu'il faut pour faire respecter la loi.

 

Et tout au sommet du crâne de l'"oiseau- Brasília", le Palais de l'Alvorada (O Palácio da Alvorada). Ce palais de l'Aube est la résidence du Président de la République du Brésil. Il fut le premier édifice inauguré, en juin 1958. Il se trouve au bord du Lac Paranoá et à deux kilomètres de la Place des Trois Pouvoirs. Placé au milieu d'un immense jardin, il est connu pour ses façades en marbre et ses colonnes blanches qui s'ouvrent en demi cercles dont André Malraux assura qu'elles constituaient «l'événement architectonique le plus important depuis les colonnes grecques». Rappelant la forme de la Croix du Sud, elles sont devenues le symbole de la capitale, reprises dans les armes de Brasília. Ici on a l'impression d'une villa de vacances, toute ouverte, avec ses immenses baies vitrées, entourée d'eau grâce à la grande piscine, et la statue d'Alfredo Ceschiatti, As banhistas.

 

687906.jpgDerrière le "sommet du crâne" de l'oiseau- Brasília, en revenant vers la ville et ses habitations, le cerveau, c'est-à-dire l'esplanade des Ministères, cœur de la vie politique du Brésil. C'est une immense artère, longue de 2 kilomètres et large de 250 mètres, l'avenue la plus large du monde pour les Brésiliens ! De part et d'autre de l'artère se trouvent les ministères fédéraux, alignés dans un ordre impeccable, avec en particulier le célèbre Palácio do Itamaraty (Ministério das Relações Exteriores ou Ministère des affaires étrangères). Son nom (fleur de pierre) est d'origine indienne, il est aussi celui du premier ministre des Affaires Etrangères de la république du Brésil : Francisco da Rocha, Comte d'Itamaraty. Il venait d'être inauguré lorsque j'ai visité Brasília, et il m'avait particulièrement plu, avec son pont enjambant un grand bassin parsemé d'îles de plantes tropicales, œuvre du paysagiste Robert Burle Marx, et avec la sculpture en marbre de Carrare le "Météor", de Bruno Giorgi, représentant les cinq continents, qui semblait posée sur la surface de l'eau ... cet élégant palais détonnait à côté des bâtiments massifs des autres ministères ! Je regrette de ne pas avoir pu, comme les "grands de ce monde", pénétrer à l'intérieur pour admirer l'immense hall, sans colonne de soutien, qui s'ouvre sur un jardin, ni l'escalier sans pilier, qui tel un ruban de béton, monte à l'étage. Il parait que maintenant l'Itamaraty se visite, comme d'ailleurs la plupart des "monuments" de Brasília ...

Brasilia 9 brazilfilms.com.jpgFace à l'Esplanade des Ministères, La Catedral Metropolitana Nossa Senhora Aparecida do Brasília, conçue par l'architecte Oscar Niemeyer, présente une forme très atypique, constituée de seize paraboloïdes en béton de 40 mètres de haut et de 90 tonnes chacune, séparées de vitraux. Cette structure, d'un diamètre de 70 m, représente pour les uns des mains se rejoignant en direction du ciel, pour les autres une couronne d'épine ... j'opte pour la 1ère interprétation moins religieuse, donc plus universelle !

Construite en sous-sol, le haut de sa nef se trouve au niveau du sol. Son éclairage est naturel, grâce à des vitraux où dominent le blanc, le beige, le vert et le bleu. Ils ont été réalisés par Marianne Perretti. Toujours à l'intérieur, sculptés par Alfredo Ceschiatti, trois anges en aluminium, suspendus à des filins, volent "dans le ciel" de la Cathédrale. Des panneaux peints par l'artiste brésilien Di Cavalcanti représentent la Passion du Christ. L'autel est la réplique de celui du sanctuaire marial d'Aparecida do Norte à Sao paulo. Dans la crypte se trouve une reproduction du Saint Suaire de Turin. A l'extérieur, quatre statues géantes, également du sculpteur Alfredo Ceschiatti représentant les Évangélistes, Matthieu, Marc et Luc sur la gauche et Jean sur la droite, accueillent les visiteurs et les conduisent vers l'entrée. Les 4 cloches du clocher ont été offertes par le gouvernement espagnol et viennent des ateliers Pereira de Saragose. La Cathédrale peut accueillir 2 000 personnes.

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La queue de l'oiseau présente actuellement le mémorial du président Juscelino Kubitschek, mais en 1971, celui-ci n'était pas encore construit, il ne le sera que 10 ans plus tard. Situé à l'Ouest de la ville ce monument est un hommage à l'ex-président Juscelino Kubitschek, "le père" de Brasília". Le Mémorial, qui abrite l'urne funéraire du Président, est constitué d'un piédestal de 28 m du haut duquel Juscelino Kubitschek semble saluer sa ville. La chambre mortuaire où repose l'ancien président est un salon circulaire de 10 mètres de diamètre sous un plafond de vitraux réalisés par Marianne Peretti.

Enfin, les ailes regroupent deux grands quartiers, l'un au nord et l'autre au sud, divisés en "superquadras", gros pâtés de maisons destinés à accueillir autant de "villages" dans la ville, quartiers résidentiels voulus semi-indépendants avec leurs propres magasins, écoles, etc ... L'Eixāo, courbe, d'axe nord-sud, dessert ces quartiers. Il est exclusivement réservé à la circulation des véhicules, des passages souterrains sont aménagés pour la traversée des piétons. Et les enfants qui habitent à l'intérieur des "quadras", les grands patios formés par les immeubles de logement, peuvent y jouer sans surveillance particulière.

Mais ces quartiers abritent essentiellement une population de fonctionnaires, les classes populaires s'entassent dans les 16 Cidades-Satélites (villes satellites maintenant reliées à Brasília par un métro) qui se sont construites en dehors du Plan-pilote, parmi lesquelles Taguatinga, Guará, Gama, Núcleo Bandeirante, Ceilândia, Aguas claras, Samambaia, Sobradinho ou encore Planatina, seule ville du District Fédéral antérieure à la construction de Brasília ... Ces villes concentrent, de nos jours, la majorité de la population des "brasilienses", ceux qui ont édifié Brasília, ainsi que les flots de migrants fuyant la misère des campagnes. Les bidonvilles ont grossi autour de l'"oiseau" et le fossé se creuse entre les différentes parties de la ville, au point d'attrister son créateur : "Les profondes disparités sociales de la nouvelle capitale m'attristent énormément", confie Oscar Niemeyer, fidèle à ses idéaux communistes.

Car planifiée pour compter 600.000 habitants en l'an 2000, le district de Brasília en a aujourd'hui cinq fois plus. Le "Plan pilote", resté par ailleurs inachevé, n'avait pas prévu leur présence ni planifié leur installation. Autour du centre classé, la spéculation immobilière fait rage, interdisant l'accès aux familles modestes. Et la ville reflète les contradictions de la société brésilienne, les très riches encerclés par les très pauvres.

Brasília est une des villes les plus inégales au monde, juste derrière trois villes d'Afrique du Sud, selon l'ONU. "Une carte postale cernée par la misère", selon le journal O Estado ... Le principal quartier résidentiel de la ville a un indice de développement humain du niveau de l'Allemagne tandis que les communes satellites ont des indices inférieurs ceux de la Guinée équatoriale.

Les détracteurs de Brasília critiquent aussi le "tout-voiture" - une obligation dans cette ville sans trottoirs où personne ne marche - et ses embouteillages. Ils s'élèvent également contre le cloisonnement des activités (le quartier des bureaux, des hôtels, des loisirs, des commerces...), ses immenses espaces vides et ses mornes fins de semaine que fuient tous ceux qui le peuvent. Ils critiquent enfin la dette abyssale de cette construction, que les brésiliens n'ont pas fini de rembourser ...

Mais pour les touristes, traverser Brasília en voiture, c'est parcourir un immense parc. L'architecture se dissout dans la végétation. Ainsi au bord du lac Paranoá, à l'écart du centre-ville, de nombreuses maisons de standing ont été construites sur une péninsule à l'extrémité nord; un quartier semblable existe au bord du lac sud. À l'origine, les urbanistes envisagé de vastes zones publiques le long des rives de ce lac artificiel , Mais les clubs privés, des hôtels, des restaurants et des résidences haut de gamme se sont installés pied dans l'eau. Brasília se distingue également par son écosystème unique dans lequel on recense 3 000 espèces végétales et 1 500 espèces animales connues ...

 

Aujourd'hui, qu'en est-il de tous ces beaux bâtiments ? Hâtivement construits et malmenés par le climat, les édifices les plus prestigieux, telle la cathédrale, souffrent de détériorations et présentent de profondes fissures. certains se trouvent en cours de restauration. Et des immeubles des années 60 ou 70, déjà en ruine, sur des trottoirs défoncés ! Pour traverser l'Eixo Monumental, la fameuse 6 voies, pas de passages souterrains, au milieu un terre-plein nu, pelé, à perte de vue, avec des bassins vides, car c'étaient le rendez-vous des moustiques propageant la dengue ... Et, en désaccord avec le "plan pilote" de Costa, certains immeubles ont été surélevés, des espaces libres ont été dénaturés par de nouvelles constructions et le réseau routier a été altéré. Il est vrai qu'avec la dictature militaire à partir de 1964, des milliers d'intellectuels brésiliens s'étaient exilés, dont Neimeyer, et le "Plano piloto" n'avait plus de pilote ! Depuis une vingtaine d'années pourtant, un travail de fond a été entrepris pour cesser les dérives et protéger les zones qui peuvent encore l'être en accord avec les principes urbains initiaux, revisités cependant par Lucio Costa lui-même pour tenir compte de l'expétience acquise. D'où cette remarque lue dans l'Estado de São Paulo, grand quotidien de référence: "Brasília est née d'un chantier et c'est comme chantier qu'elle commémorera ses cinquante ans" ...

 

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Oscar Niemeyer est né le 15 décembre 1907 à Rio de Janeiro. Attiré par l'architecture moderne de Le Corbusier véhiculée au Brésil, entre autres, par l'architecte Lucio Costa, Oscar Niemeyer devient stagiaire dans l'agence de celui qui 25 plus tard dessinera Brasília. En 1956, le président Joscelino Kubitschek fait appel à Niemeyer pour concevoir les principaux équipements publics de la future capitale. La notoriété de l'architecte devient alors mondiale.

Exilé pendant la dictature en 1967, il reviendra au pays avec la démocratie pour s'installer dans sa ville natale. Dans son atelier de Copacabana, Oscar Niemeyer, ne cessera plus de dessiner et d'imaginer de nouveaux projets.

En exclusivité pour les Urbanités, Oscar Niemeyer a accepté à 102 ans de répondre à une interview, à la condition qu'elle soit écrite plutôt qu'enregistrée. Une occasion exceptionnelle d'effectuer un retour en arrière de 50 ans, lorsque Brasília devient la capitale du Brésil... (source : http://www.urbanews.fr/oscar-niemeyer-Brasília-represente...)

 

L'interview d'Oscar Niemeyer est sur http://urbanites.rsr.ch/blog/interview-exclusive-doscar-n...

 

Quelques autres liens :

Plan et description de Brasília sur http://www2.ac-lyon.fr/services/bresil05/pages/architectu...

Visite de Brasília sur http://www.photofiltregraphic.com/20albums/bresil_Brasíli...