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lundi, 08 mai 2006

Un voyage à Versailles en 1842

medium_meudon.jpgLe 8 mai 1842 à 17 h 58 se produit le premier accident grave de chemin de fer. Le drame survient sur la ligne Paris-Versailles dans la tranchée de Bellevue près de Meudon (Hauts-de-Seine).et fait 55 morts. Il se produit dans un train qui ramène des Parisiens venus passer la journée à Versailles pour le spectacle des grandes eaux. Les dix-huit voitures en bois déraillent et prennent feu. Les voyageurs succombent sans pouvoir sortir des compartiments, fermés à clé de l'extérieur selon l'usage de l'époque. Sur 750 voyageurs, 100 sont gravement brûlés, et 55 périssent carbonisés Parmi les victimes figurent le navigateur Dumont d'Urville, découvreur de la terre Adélie, ainsi que sa femme et son fils.

L'accident a un retentissement particulier qui renforçe la méfiance à l'égard de la locomotive et fait naître un courant critique à l'égard du progrès technique. La sécurité ainsi que les moyens d'assurer la régularité du service deviennent une priorité absolue pour le chemin de fer naissant.

Dans “Archives du Nord”, Marguerite Yourcenar évoque, d’après les brefs souvenirs qu’aurait rédigés son grand-père (Michel-Charles), ce dimanche 8 mai 1842, funestement célèbre dans l’histoire des chemins de fer français.

“Pour ajouter aux plaisirs de la journée un plaisir plus neuf, on a décidé d’aller à Versailles et d’en revenir par chemin de fer. La ligne du Nord n’étant encore que projetée, c’est la première fois que Charles de Keytspotter, venu à Paris par la diligence, aura l’occasion de voir une locomotive. La ligne Meudon-Versailles ne fonctionne que depuis dix-huit mois ; même pour les Parisiens du petit groupe, rouler sur rails est encore une espèce de nouveauté. On a quelque mal à trouver place dans les wagons, déjà fort remplis. Ida, ou Coralie, a peur, ou fait semblant par coquetterie. Ces messieurs la rassurent en se portant garants de la sécurité des chemins de fer. Durant le trajet, les frères de Keytspotter commettent l’erreur d’engager avec Michel-Charles une conversation sur les grands petits événements de Cassel ; les deux Parisiens parlent politique. Les jeunes personnes qui s’ennuient un peu, s’entretiennent de chiffons et de leurs amoureux de l’an dernier, rient beaucoup, et trouvent que le train va moins vite qu’on n’avait dit. Michel-Charles aide galamment Blanchette à sortir de dessous sa paupière une escarbille, à vrai dire invisible, mais qui, dit-elle, lui fait mal. Le spectacle des Grandes Eaux est un triomphe. [...]. L’après midi se passe très agréablement et il faut penser au retour.

[...] Michel-Charles fait remarquer qu’on n’a que le temps de regagner la Gare, si l’on veut être à Paris pour souper à La Chaumière, où il a retenu une table, et voir ensuite sur la Seine les feux d’artifice. Une atmosphère de fête foraine et d’émeute bon enfant règne à la gare de Versailles. Michel-Charles lui-même conseille d’attendre le train suivant, ce qui après tout les retardera très peu : pour accommoder la foule des voyageurs, des convois partent maintenant toutes les dix minutes. Un train tiré par deux locomotives entre en gare ; des couples bourgeois endimanchés, mais que débraillent la poussière et la chaleur précoce, des lycéens, des ouvriers en casquette, des femmes traînant des enfants et tenant des brassées de jonquilles qui, déjà, commencent à se faner, se ruent sur les hauts marche-pieds. [...] Aidées par leurs messieurs, les grisettes font l’escalade du compartiment, protégeant de leur mieux leurs volants et leurs bonnets. On s’assied ou reste debout faute de place, un peu haletant, [jusqu’au] moment où les employés font claquer les portières et leur donnent un tour de clef, histoire d’empêcher les malins, qui voyagent sans billet, de fausser compagnie avant l’entrée en gare. Paul de Drionville, assis en face de Michel-Charles, s’inquiète un peu : sa mère lui a fait promettre de ne jamais monter dans un wagon de tête. Michel-Charles le rassure : on est dans le second wagon. Il ajoute qu’on va décidément très vite. [...]”

Puis c’est la catastrophe, le déraillement dans la tranchée de Bellevue, à Meudon, l’incendie, les voyageurs brûlés vifs dans des compartiments qu’ils ne peuvent quitter, et, la leçon de cette tragédie, les voitures à voyageurs ne seront plus fermées à clef.

02:20 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |

Commentaires

Bonjour. La vie est dangereuse aussi à notre époque, mais autrement !

Écrit par : olaf | mercredi, 10 mai 2006

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