samedi, 10 mars 2007
Le 10 mars 1911, la France accepte d'aligner son heure légale sur celle du méridien de Greenwich.
Capitaine Haddock (un sextant dans les mains) : Voilà ... Rentrons, maintenant. Je vais faire mes calculs...
Le point indiqué par les parchemins était : 20°37'42" de latitude nord, 70°52'15" de longitude ouest. Voici notre position : même latitude, 71°2'29" de longitude ouest. Nous avons donc dépassé le point indiqué, et nous n'avons rien vu... Je n'y comprends rien !...
Tintin : Capitaine, nous sommes des ânes !...
Capitaine Haddock : Que voulez-vous dire ?...
Tintin : Voyons, capitaine, le méridien par rapport auquel vous avez compté les degrés de longitude, c'est naturellement le méridien de Greenwich ?...
Capitaine Haddock : évidemment, ce n'est pas celui de Tombouctou !
Tintin : Attendez ! Le chevalier de Hadoque, lui, a certainement compté en prenant comme méridien d'origine le méridien de Paris, qui est situé à plus de deux degrés à l'est du méridien de Greenwich !...
Capitaine Haddock : Mille sabords ! vous avez raison ! Comment n'y avons-nous pas songé plus tôt ?... Nous avons donc été trop loin vers l'ouest !... Il faut rebrousser chemin !
(Les aventures de Tintin dans Le trésor de Rackham le Rouge d'Hergé)
LE REMPLACEMENT DU MÉRIDIEN DE GREENWICH
« Périodiquement, on agite la question d'unifier le méridien, et cela ne serait pas un mal, surtout pour les navigateurs. Mais il y a un hic. Les Anglais veulent conserver le leur, celui de Greenwich, qui retarde de neuf minutes et vingt et une secondes sur le nôtre. Ils ont de bonnes raisons pour y tenir. La majeure partie des cartes employées aujourd'hui dans la marine mondiale, sont des cartes anglaises.
De notre côté, nous voudrions que ce fût le méridien de Paris qui eût gain de cause. Nos raisons ne sont pas moins bonnes. C'est la France qui a innové cette mesure de l'arc du méridien terrestre, c'est l'Académie française qui a envoyé des savants à travers le globe (jusqu'en Laponie) pour établir cette réglementation, et c'est enfin la France qui a dressé les premières et les meilleures cartes, sans compter que ces premiers travaux ont été bien plus coûteux que ceux qui ont suivi, et que, bien entendu, c'est la France qui a payé.
Mais est-il bien politique, à l'heure où beaucoup de nos propres géographes se servent du méridien de Greenwich, et où nous voudrions voir notre système métrique adopté par l'Angleterre, de refuser son méridien ? Nous ne le pensons pas, et ils avaient été bien inspirés, nos députés, lorsqu'en 1897, ils demandaient à ce qu'on adoptât le méridien de nos voisins. Mais c'était, à cette époque, une tare que de faire la moindre concession à l'Angleterre, qui, de son côté, avouons-le, ne nous faisait pas très bonne figure, non plus. D'autant plus que, depuis 1885, le méridien de Greenwich avait été reconnu - par une convention régulière - méridien international.
A cette époque, toujours, la Société astronomique de France avait défendu notre vieux méridien français, avec des avocats comme MM. Janssen et Oppert, de l'Institut ; Capari, ingénieur hydrographe, et d'autres personnages de qualité... scientifique. « La Société astronomique de France, considérant qu'au congrès de Washington, la proposition du méridien de Béring (il devait traverser Venise, Rome et coupait l'Afrique par le milieu), qui avait un caractère éminemment géographique, impersonnel et d'ordre universel, n'a pas été adoptée, ne juge pas à propos d'en adopter un qui n'a, à aucun degré, le caractère auquel la France est toujours restée fidèle dans les réformes dont elle a pris l'initiative... »
Cette bisbille de méridiens est d'autant plus regrettable, qu'en même temps serait résolue la question de l'unification de l'heure. Mais c'est toujours la difficulté pareille qui se dresse dans les unifications, même celle des langues. Quel méridien adopter sans froisser les chauvinismes toujours en éveil ; il y en a plusieurs en usage : celui de l'île de Fer, d'abord, - Ab Jove principium - Cadix, Vienne, Poulkow, Washington, Oudjeïn, Greenwich, Paris, peut-être d'autres que nous ignorons.
Notre seul avantage est que nous pouvons arguer de notre antériorité. Mais encore une fois, cet argument serait-il bien politique ? Vers 1895, on avait proposé, dans la louable intention de mettre tout le monde d'accord, d'adopter le méridien de Jérusalem, de même qu'on demanda d'adopter le latin comme langue universelle. Mais si cette langue rencontre peu d'adversaires, attendu que la majorité du monde intellectuel la parle, le méridien de Jérusalem n'eût contenté que les catholiques. Aussi, fallut-il renoncer à cette fantaisiste proposition.
Le méridien ne date pourtant pas d'aujourd'hui, puisque si nous en croyons nos lectures, le calife Haroun-al-Raschid, le héros des «Mille et une Nuits», eut le premier l'idée de faire mesurer la grandeur exacte de la terre, tentative qui ne réussit pas, puisqu'on croyait la terre beaucoup plus petite qu'elle ne l'était réellement (on ignorait alors l'Amérique et l'Océanie). On remit la question sur le tapis sous Louis XIII et Louis XIV, et c'est alors que brille cette constellation d'astronomes italiens qui forment un des plus beaux fleurons de la science française : les Cassini.
A côté de ces noms illustres, il nous faut inscrire ceux des Méchain, des Delambre, des Legendre qui établirent précisément les différences de longitude entre les méridiens de Paris et de Greenwich, et celui d'Arago, qui, sur la recommandation de Monge, accompagna Biot, collabora en 1806 avec Chaix et Rodriguez à l'achèvement des travaux de mensuration terrestre depuis Dunkerque jusqu'aux îles Baléares. Il nous faut ajouter aussi le nom du capitaine Périer qui, en 1872, redressa une erreur concernant le passage du méridien à Perpignan, et tout récemment, dans les Andes de Quito, les noms de nos compatriotes MM. Lacombe et Maurain.
On voit que la France a toujours tenu la plus large place dans les travaux d'établissement des méridiens, et que nous avons quelque droit vraiment à vouloir que le méridien de Paris soit reconnu comme seul méridien ; mais nous répèterons toujours : « Est-ce bien politique ? Devons-nous montrer la même intransigeance qu'en 1897 ? Sommes-nous comme sous Louis XIII, qui fit remplacer internationalement le méridien de l'île de Fer par celui de Paris le 1er juillet 1634 ; sommes-nous comme sous Louis XIII, le seul peuple scientifique du monde ? » L'humanité a marché depuis.
Peut être aurions-nous dû profiter de la proposition faite par un enseigne de vaisseau, M. Jacotin, qui avait, il y a une dizaine d'années, conseillé aux nations civilisées, d'adopter comme méridien unique et international, le 280° astronomique ; M. Jacotin donnait ses raisons, qui auraient dû paraître très bonnes, ou du moins très sages. Ce 280° méridien était celui dans le plan duquel se trouvait le soleil quand l'homme parut sur la terre, c'est-à-dire le premier jour de l'an 1 de la genèse.
Tout le monde aurait été satisfait, même les chauvinistes ; le difficile était de prouver ce que l'on entendait par l'an 1 de l'humanité ? Était-ce l'apparition de ces grands singes anthropomorphes et pithécanthropes, qui ont fait couler tant d'encre et dont la science veut faire nos grands-pères ? Était-ce aussi ces êtres ni hommes ni singes, qui sont venus sur terre les derniers du règne animal et que les préhistoriens ont classés dans l'humanité ? Or, cette humanité, saluée par le soleil au plan du 280°, est-elle celle de la Bible, et voilée sous le nom d'Adam ? On voit que la question était aussi complexe qu'intéressante, et que ce sont peut-être ces causes qui ont empêché la proposition de M. Jacotin d'être examinée. » (D'après un article paru en 1907 – source http://www.france-pittoresque.com/anecdotes/81b.htm )
Au cours du IIe siècle ap.J.C., Ptolémée, mathématicien et géographe grec, plaça le méridien zéro à l'ouest de toutes les terres connues à cette époque, à savoir sur l'île Ferro (aujourd'hui Hierro), l'île la plus occidentale de l'archipel des Canaries.
Pourtant, pendant des siècles, chaque pays utilisa un méridien zéro différent. C'était le cas en particuliers de ceux de Paris, d'Upsala, de Berlin, de Christiania (Oslo), de Copenhague, de Naples, de Rome, De Saint-Pétersbourg, et de Vienne ! A l'intérieur de certains pays, la situation pouvait même être compliquée par le choix de méridiens d'origine séparés de seulement quelques kilomètres !
En France, Louis XIII convoqua en 1634, une assemblée internationale de mathématiciens, astronomes et géographes pour mettre de l'ordre. Celle-ci fixa officiellement comme méridien zéro celui de l'île Ferro : « Dans la sphère armillaire, Le méridien eft foûtenu à angles droits fur l'horizon, dans deux entaillûres ; c'est luy qui foûtient les poles du monde, & au milieu duquel on fait tourner les autres cercles pour s'en fervir. Il y a autant de Méridien que de degrez dans l'équateur, car tous les Méridiens font de grands cercles paffans par les pôles du monde, & par les points de l'équateur, & qui fervent de Méridien particulier à quelque lieu. Il y a de grandes difputes, touchant le lieu que l'on devoit affigner pour le premier Meridien. Mais en l'an 1634. le 25 d'Avril, les plus fameux Mathématiciens de l'Europe affemblez dans l'Arfenal de Paris, par l'ordre du Cardinal Duc de Richelieu, convinrent qu'il le falloit faire paffer par l'Ifle de Fer, qui eft la plus Occidentale des Canaries : ce qui a été reçu comme une Loy, & depuis on a toûjours conté les Méridiens depuis cet endroit. Les points d'Orient & d'Occident, font les deux pôles du Méridien. On peut encore confiderer plufieurs chofes fur le Meridien, fçavoir la longitude qui eft l'arc de l'équateur compris entre le premier Meridien & le Meridien particulier du lieu. » (texte de l’astronome Jean Richer, publié en 1701 chez Jean Jombert, avec privilège du Roi).
Cette décision fut adoptée par la plupart des nations d'Europe, mais non appliquée ! De son côté, le roi Charles II d’Angleterre créa un Observatoire Royal (Royal Observatory) à Greenwich (faubourg du sud-est de Londres), le 22 juin 1675 dans le but précis de trouver une solution au problème du calcul de la longitude pour les navires anglais en mer et hors de portée de vue de la terre. Quand aux autres pays, ils continuèrent à baser leurs propres mesures de longitude sur les usages locaux : ainsi l'Italie utilisait le méridien de Naples, les Suédois utilisaient celui de Stockholm et les Espagnols celui de Ferro.
Mais avant le 18e siècle, il n'existait aucun moyen de calculer la longitude en mer. Pour une nation maritime comme l'Angleterre, il était essentiel de trouver une façon de définir la longitude en mer. Une solution consistait à utiliser les étoiles et le mouvement de la lune comme horloge géante dans le ciel.
En mars 1675, Charles II désigna John Flamsteed comme premier Astronome Royal. Cet ecclésiastique de 28 ans fut chargé «de s'appliquer avec le plus grand sérieux et la plus grande diligence à la rectification des tables des mouvements célestes et la position des étoiles fixes de façon à ce que l'on puisse découvrir la longitude tant désirée des lieux pour perfectionner l'art de la navigation.». Flamsteed commença ses observations en 1676, mais ce n'est qu'avec la publication du premier Almanach nautique rédigé en 1767 par le 5ème Astronome Royal, Neville Maskelyne, que les marins purent utiliser les méthodes de l'astronomie résolvant le problème de la longitude en mer. Grâce à ces percées essentielles dans les méthodes de navigation, la Grande-Bretagne devint le producteur de cartes nautiques le plus important des 18e et 19e siècles.
Dans les années 1850, il devint évident aux yeux de tous qu'un système d'heure et de longitude international s'imposait. Le temps moyen de Greenwich, déjà utilisé par les marins britanniques, fut adopté au Royaume-Uni par la compagnie ferroviaire Railway Clearing House en 1847, puis par la plupart des autres compagnies dans l'année suivante. Le GMT fut légalement adopté comme temps officiel à travers toute la Grande-Bretagne en 1880. Il fut adopté par l'île de Man en 1883, Jersey en 1898 et Guernesey en 1913. L'Irlande l'adopta en 1916, supplantant ainsi le temps moyen de Dublin.
En 1884, lors de la conférence internationale de Washington, la lutte entre la France et le Royaume-Uni fut rude sur le choix du méridien zéro. Vingt-cinq pays y furent représentés. La délégation française proposa d'adopter un méridien "neutre", ni français ni britannique, comme celui de l'île Ferro. Mais cela revenait à adopter le méridien choisi par les Français deux siècles plus tôt ! De plus, il aurait fallu y construire un observatoire, le connecter par télégraphe aux autres ... La délégation britannique proposa d'adopter le méridien passant justement par l'Observatoire de Greenwich En contrepartie, elle se déclara prête à accepter comme système international le système métrique français. Beaucoup de pays soutinrent cette proposition et, après un mois de délibérations, il fut convenu que l'on adopterait le Méridien à Greenwich comme longitude 0° – le méridien d'origine pour le monde entier. Il fut également convenu que la longitude serait mesurée dans deux directions depuis le méridien d'origine, «la longitude est étant positive, la longitude ouest négative». Sur les 25 pays participants, 22 adoptèrent la résolution, seule la République Dominicaine, représentée par L. de J. Galvan, vota contre, quant au Brésil, représenté par Luis Ceuls, et la France, représentée par A. Lefaivre et P. Jansen, ils s'abstinrent. La convention internationale adopta donc comme méridien zéro le méridien de Greenwich, situé à 2°20'14"à l'ouest de celui de Paris. Ainsi tous les pays d'Europe occidentale, sauf la France, se référèrent-ils au même fuseau horaire ... La République dominicaine et le Brésil se rallièrent toutefois progressivement au choix général au cours des décennies suivantes.
Le temps civil de Paris, devenu le temps légal français en 1891, sera toutefois abandonné en 1911 quand la France intégrera le système international des fuseaux horaires adopté en 1884. Pour les Français la nouvelle heure retarde alors de 9 minutes et 21 secondes sur l'ancienne.
Des signaux horaires furent émis depuis l'observatoire royal de Greenwich à partir du 5 février 1924. celui-ci fut finalement transféré en 1946 à Herttmoncew Castle dans le Sussex. Le complexe de bâtiments de Greenwich fut donc confié au Musée Maritime National. En 1990, les astronomes déménagèrent de nouveau pour s'installer cette fois à Cambridge; et, en octobre 1998, le Royal Greenwich Observatory de Cambridge fut officiellement fermé. En même temps que cette fermeture, le nom de l'Observatoire à Greenwich (qui pendant trente ans avait été connu sous le nom de Old Royal Observatory) fut changé par mandat royal pour devenir le Royal Observatory Greenwich.
Aujourd'hui, le méridien de Greenwich est utilisé comme méridien zéro par tous les marins du monde, mais le système métrique n'est pas encore utilisé sur les routes britanniques !
Un peu de science maintenant : Le Greenwich Mean Time (GMT) a servi de référence temporelle dans le monde pendant une majeure partie du XXe siècle. La mesure du GMT étant basée sur le temps solaire moyen, midi GMT ne correspond pas forcément à la mesure astronomique du moment où le Soleil culmine à Greenwich. À cause de la vitesse variable de la Terre sur son orbite elliptique et de l'inclinaison de son axe de rotation sur l'écliptique, cette heure peut être décalée jusqu'à 16 minutes sur l'heure solaire apparente (cette différence s'appelant l'équation du temps). La rotation de la Terre se ralentit progressivement et, de plus, présente des irrégularités imprévisibles. La durée des jours augmente donc très lentement en moyenne. Avec le développement des horloges atomiques, le GMT ne fut plus suffisamment précis. Le 1er janvier 1972, GMT fut remplacé par le temps universel, divisé entre le temps universel coordonné (UTC) lié au temps atomique international (TAI), défini par le bureau international des poids et mesures (BIPM) (Pavillon de Breteuil à Sèvres en France), maintenu à partir de quelques 300 horloges atomiques au césium réparties dans le monde et UT1, reflétant la rotation de la Terre. L’UTC a la même fréquence que le TAI mais en diffère par un nombre entier de secondes, nombre qui peut être incrémenté ou décrémenté pour assurer que la différence entre UTC et le temps universel UT reste inférieure à 0,9 s.
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Commentaires
CHAPEAU l'ARTISTE !!
Écrit par : ANTIRACKET | samedi, 10 mars 2007
Bravo !!! C'est une recherche sur les Canaries qui m'a amenée ici, je ne m'attendais pas a trouver une explication si claire, nette et précise... je suis trés impressionnée
Écrit par : sol | dimanche, 11 mars 2007
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