jeudi, 17 mai 2007
Eux aussi ont donné leur sang pour la Liberté
Le 21 février 1944
Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien aimée,
Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. Nous serons fusillés cet après-midi à quinze heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie. Je n'y crois pas mais je sais pourtant que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m'étais engagé dans l'armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre. Écoutez la douceur de la liberté, de la paix de demain.
Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement.
Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand. Chacun aura ce qu'il mérite comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous.
J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse. J'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre sans faute et d'avoir un enfant pour accomplir ma: dernière volonté. Marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse.
Tous mes biens et toutes mes affaires, je te les lègue à toi, à ta soeur et à mes neveux. Après la guerre, tu pourras faire valoir ton droit à la pension de guerre en tant que ma femme car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la Libération. Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits. Tu apporteras mes souvenirs, si possible, à mes parents en Arménie.
Je mourrai tout à l'heure avec mes vingt-trois camarades avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille.
Aujourd'hui il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai Adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme, et mes bien chers amis.
Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près. Je vous serre tous sur mon cœur. Adieu.
Ton mari, ton ami, ton camarade.
Missak MANOUCHIAN.
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Commentaires
Générosité, noblesse… quelle leçon de courage et de dignité !
Quel réconfort aussi en cette période de honte.
Merci Dominique.
Écrit par : La Fanchon | jeudi, 17 mai 2007
Cette "période de honte" ? Laquelle permet tout de même de rappeler ces faits et ses drames de laguerre ... Je souhaite simplement que la "honte" ne soit jamais plus importante.
Écrit par : Le Chat! | jeudi, 17 mai 2007
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