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dimanche, 27 mai 2007

Arènes sanglantes

16b4b936ff9730bf69ef62a465bf5f5f.jpg"Pendant que le public envahissait tumultueusement la place, et que le vaste entonnoir des gradins se noircissait d’une foule de plus en plus compacte, les toreros arrivaient les uns après les autres par une porte de derrière dans l’endroit qui leur sert de foyer, et où ils attendent l’heure de la funcion.

C’est une grande salle blanchie à la chaux, d’un aspect triste et nu. Quelques petites bougies y font trembloter leurs étoiles d’un jaune fade devant une image enfumée de Notre-Dame suspendue à la muraille ; car, ainsi que tous les gens exposés par état à des périls de mort, les toreros sont dévots, ou tout au moins superstitieux ; chacun possède une amulette, à laquelle il a pleine confiance ; certains présages les abattent ou les enhardissent ; ils savent, disent-ils, les courses qui leur seront funestes. Un cierge offert et brûlé à propos peut cependant corriger le sort et prévenir le péril. Il y en avait bien, ce jour-là, une douzaine d’allumés, ce qui prouvait la justesse de la remarque de don Andrès sur la force et la férocité des taureaux de Gaviria qu’il avait vus la veille à l’Arroyo, et dont il décrivait avec tant d’enthousiasme les qualités à sa fiancée Feliciana, médiocre appréciatrice de semblables mérites.

Il vint à peu près une douzaine de toreros, chulos, banderilleros, espadas, embossés dans leurs capes de percaline glacée. Tous, en passant devant la madone, firent une inclinaison de tête plus ou moins accentuée. Ce devoir accompli, ils allèrent prendre sur une table la copa de fuego, petite coupe à manche de bois et remplie de charbon, posée là pour la plus grande commodité des fumeurs de cigarettes et de puros, et se mirent à pousser des bouffées en se promenant ou campés sur les bancs de bois le long du mur.

Un seul passa devant le tableau révéré sans lui accorder cette marque de respect, et s’assit à l’écart en croisant l’une sur l’autre des jambes nerveuses que le luisant du bas de soie aurait pu faire croire de marbre. Son pouce et son index, jaunes comme de l’or, sortaient par l’hiatus de son manteau, tenant serré un reste de papelito aux trois quarts consumé. Le feu s’approchait de l’épiderme de manière à brûler des doigts plus délicats; mais le torero n’y faisait pas attention, occupé qu’il paraissait d’une pensée absorbante.

C’était un homme de vingt-cinq à vingt-huit ans. Son teint basané, ses yeux de jais, ses cheveux crépus démontraient son origine andalouse. Il devait être de Séville, cette prunelle noire de la terre, cette patrie naturelle des vaillants garçons, des bien plantés, des bien campés, des gratteurs de guitare, des dompteurs de chevaux, des piqueurs de taureaux, des joueurs de navaja, de ceux du bras de fer et de la main irritée.

Il eût été difficile de voir un corps plus robuste et des membres mieux découplés. Sa force s’arrêtait juste au point où elle serait devenue de la pesanteur. Il était aussi bien taillé pour la lutte que pour la course, et, si l’on pouvait supposer à la nature l’intention expresse de faire des toreros, elle n’avait jamais aussi bien réussi qu’en modelant cet Hercule aux proportions déliées.

Par son manteau entrebâillé, on voyait pétiller dans l’ombre quelques paillettes de sa veste incarnat et argent, et le chaton de la sortija qui retenait les bouts de sa cravate ; la pierre de cet anneau était d’une assez grande valeur, et montrait, comme tout le reste du costume, que le possesseur appartenait à l’aristocratie de sa profession. Son moño de rubans neufs, lié à la petite mèche de cheveux réservée exprès, s’épanouissait derrière sa nuque en touffe opulente ; sa montera, du plus beau noir, disparaissait sous des agréments de soie de même couleur, et se nouait sous son menton par des jugulaires qui n’avaient jamais servi ; ses escarpins, d’une petitesse extraordinaire, auraient fait honneur au plus habile cordonnier de Paris, et eussent pu servir de chaussons à une danseuse de l’Opéra.

Cependant Juancho, tel était son nom, n’avait pas l’air ouvert et franc qui convient à un beau garçon bien habillé et qui va tout à l’heure se faire applaudir par les femmes : l’appréhension de la lutte prochaine troublait-elle sa sérénité ? Les périls que courent les combattants dans l’arène, et qui sont beaucoup moins grands qu’on ne pense, ne devaient avoir rien de bien inquiétant pour un gaillard découplé comme Juancho. Avait-il vu en rêve un taureau infernal portant sur des cornes d’acier rougi un matador embroché ?"

Théophile gautier (Militona)


950600abc28da3a403970c8ff5d3ac53.jpgCe week-end, c'est la féria de Nîmes, véritable institution pour la ville : Pendant quelques jours la ville prend des accents espagnols et la fièvre s'empare de la population qui vit au rythme du flamenco, entraînée par la musique des penas ! On célèbre un animal élevé au rang d'un dieu, le Taureau que l'homme défie lors de courses effrénées et de corridas.

J'aime les animaux et la corrida devrait me révulser et pourtant j'avoue qu'elle me fascine depuis l'enfance. Sans doute le souvenir des arènes en bois du Bouscat, près de Bordeaux, qui furent détruites par un incendie en 1961, à quelques centaines de mètres de chez mes grands parents. Les camions, après avoir déchargé les taureaux, venaient se garer dans la rue, devant la maison, et je me souviens d'avoir vu (et senti !) les bêtes mortes mais encore chaudes que l'on ramenait vers l'abattoir. Ma ville natale avait d'ailleurs une forte tradition tauromachique puisqu'elle possédait aussi autrefois 2 autres arènes à La Benatte et à Talence, tradition glorifiée par Francisco Goya qui réalisa pendant son exil aquitain un recueil de lithographies intitulé Les Taureaux de Bordeaux.

be2f2b201d39662f977d675a00525800.jpgAutre souvenir qui m'a marquée, le premier film que j'ai vu au cinéma, 2 ou 3 ans avant l'incendie du Bouscat : j'étais en vacances au Pays basque, un petit village appelé Estérencuby, et c'était jour de fête : pelote basque, danses, chants... et le soir, pour finir en beauté, quelques parents avaient décidé d'emmener les enfants au cinéma à Saint Jean Pied de Port. Refus de mes parents qui estimaient que le film n'était pas pour les enfants, et déception de voir partir mes copains. J'ai dû pleurer à chaudes larmes, ce qui a dû amadouer mon père ! Alors course folle pour parcourir la dizaine de kilomètres et finalement j'ai rejoint mes copains; le film était déjà ancien et s'appelait Arènes sanglantes, je me souviens encore de Tyrone Power endossant l'habit de lumière …

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