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lundi, 04 août 2008

De la rose de marbre à la rose de fer

La rose de marbre immense et blanche était seule sur la place déserte

Où les ombres se prolongeaient à l'infini.

Et la rose de marbre seule sous le soleil et les étoiles était la reine de la Solitude

Et sans parfum la rose de marbre sur sa tige rigide au sommet du piédestal de

Granit ruisselait de tous les flots du ciel.

La lune s'arrêtait pensive en son cœur glacial et les déesses des jardins les déesses

Fe marbre à ses pétales venaient éprouver leurs seins froids.

 

La rose de verre résonnait à tous les bruits du littoral.

Il n'était pas un sanglot de vague brisée qui ne la fît vibrer.

Autour de sa tige fragile et de son cœur transparent des arcs en ciel tournaient

Avec les astres.

La pluie glissait en boules délicates sur ses feuilles que parfois le vent faisait gémir à L'effroi des ruisseaux et des vers luisants.

 

Le rose de charbon était un phénix nègre que la poudre transformait en rose de feu. Mais sans cesse issue des corridors ténébreux de la mine où les mineurs

La recueillaient avec respect pour la transporter au jour dans sa gangue d'anthracite la Rose de charbon veillait aux portes du désert.

 

La rose de papier buvard saignait parfois au crépuscule

Quand le soir à son pied venait s'agenouiller.

La rose de buvard gardienne de tous les secrets et mauvaise conseillère

Saignait un sang plus épais que l'écume de mer et qui n'était pas le sien.

 

La rose de nuages apparaissait sur les villes maudites à l'heure des

Éruptions de volcans à l'heure des incendies à l'heure des émeutes et

Au-dessus de Paris quand la commune y mêla les veines irisées du

Pétrole et l'odeur de la poudre. Elle fut belle au 21 janvier belle au

Mois d'octobre dans le vent froid des steppes belle en 1905 à l'heure

Des miracles à l'heure de l'amour.

 

 

La rose de bois présidait aux gibets.

Elle fleurissait au plus haut de la guillotine puis dormait dans la mousse

À l'ombre immense des champignons.

 

La rose de fer avait été battue durant des siècles par des forgerons d'éclairs.

Chacune de ses feuilles était grande comme un ciel inconnu.

Au moindre choc elle rendait le bruit du tonnerre.

Mais qu'elle était douce aux amoureuses désespérées la rose de fer.

 

La rose de marbre, la rose de verre, la rose de charbon, la rose de papier

Buvard la rose de nuages, la rose de bois, la rose de fer refleuriront

Toujours mais aujourd'hui elles sont effeuillées sur ton tapis.

 

Qui es-tu ? toi qui écrases sous tes pieds nus les débris fugitifs de la rose de marbre, de la rose de verre, de la rose de charbon, de la rose de papier buvard, de la rose de Nuages, de la rose de bois, de la rose de fer.

 

 

Robert Desnos ("Les Ténèbres", XXIV)

Extraits de Corps et biens (1930)

 

 

19:06 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

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