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mercredi, 11 juillet 2007

Hommes sous linceul de silence

Camarade,

es-tu vacciné contre toutes maladies toutes?

es-tu tamponné pour l'emballage et l'amour

pour donner

ton sang ta voix tes muscles ton corps

pour la prospérité de leur industrie

pour le bien-être de tous notre humanité

pour rapporter des devises et venir raconter aux autres que là-bas... Ah! là-bas... ce n'est pas comme ici là-bas à Gennevilliers Aubervilliers ou Argenteuil cabanes plombées par treize par sept entassés dans votre fraternité votre solitude votre silence entre le feue et l'usine

avec vos sexes en berne

avec votre désir à jamais refoulé

même pas pour ramasser une infection vénérienne courante

Non, pas de putains pour les Nor'af

 

Assassine en toi l'Arabe

Tu es porteur de germes de barbarie

ressuscite en un autre corps en une autre peau

 

on te veut

comme nos caisses d'oranges

comme nos caisses de conserves

on te veut

sans visage sans regard sans nom sans famille

sans enfants

sans désir sans désir on te veut

brute et force

absolu comme un chiffre

en unité de bulldozer

en bras métalliques

mains calleuses

en acier en fer       marchandise courante

et surtout

refusé au souvenir

camarade.

 

Il est une place

presqu'île dans le silence

où des hommes viennent accrocher le soleil

dans l'indifférence des remparts

et le refus des autres

 

une ombre sort un œil

et le pose sur la natte

 

corps à vendre

pièce maîtresse d'un arsenal dur

et des mains dans les fers

j'ai un front pour casser vos pierres

de l'acier pas de la chair

 

Sur ma vie j'ai prélevé des jours

pour miner votre sommeil

pour pâlir vos rêves

pour polluer l'air

et assurer votre mort

violente

 

Je puise encore dans la réserve des mots-torpilles

des serpents à sonnette

des nids de violence

pour vous préparer un lit dans l'étang cancéreux

attendez pour savoir

vos larmes n'auront pas le temps de conjurer le ciel.

 

 

 

à l'apparition de la lune les hommes ramassent leur corps

et s'en vont le rectifier à la mer.

 

Tahar Ben Jelloun

Hommes sous linceul de silence

Publié en 1970 aux éditions Atalantes

00:33 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

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