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vendredi, 13 février 2009

Fatrasies

PDP_Affiche_Rose_HD.JPGEn rimes ... en rires !


C'est le titre de la version 2009 du Printemps des poètes qui se déroule du 2 au 15 mars.


Alors je vous ai réservé deux petites fatrasies modernes de Pascal Kaeser, poète-mathématicien suisse :

 

 

 

 

 

Un icosaèdre

couvre un hexaèdre

de ses leucocytes,

un dodécaèdre

ouvre un tétraèdre

à ses phagocytes.

Si l'icône a ses trachytes,

si l'otage a ses exèdres,

par contre les troglodytes

n'ont jamais pu peler Phèdre,

ni son beau-fils Hippolyte.

 

Ou encore :

 

Un chat quadrilingue,

dans une carlingue,

déclenche un esclandre.

Et une meringue

pointe sa seringue

vers l'homme au scaphandre.

" Sandwich à la salamandre ",

réclame un steward cradingue,

" ou mélasse et palissandre ",

ajoute-t-il d'un ton dingue,

avec sa voix de calandre.

 

En fait, j'ai découvert récemment les fatrasies, ces poèmes médiévaux apparemment incohérents qui, réunis à d'autres, formaient des petites pièces satiriques.

C'était au printemps dernier, lors d'une exposition sur les arts du Moyen-âge qui avait lieu dans mon département, et à laquelle participait ma prof d'enluminure.

Enluminures, donc, mais aussi calligraphie, vitrail, peinture, sculpture, photographie ... et c'est là que je rencontrais Bernadette Wiener et ses sculptures toujours drôles et parfois coquines, mais aussi son amour de la poésie. Elle m'avait donné un marque-pages sur ce sujet, que j'avais gardé et utilisé dans un gros bouquin que j'ai mis du temps à lire.

En fait je croyais que c'était une invention de sa part, et ce n'est donc que cette semaine que j'ai eu la curiosité d'aller vérifier sur internet ... eh oui, cela a bien existé au XIIIe siècle. Des cercles de lettrés s'adonnaient alors à des expérimentations joyeuses sur le langage dignes d’André Breton et de l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) et s'illustrèrent dans ce type de composition comme en témoigne les Fatrasies d'Arras, recueil anonyme (souvent attribuées à Jehan Bodel) composé dans la deuxième moitié du Xlllème siècle dans une langue du Sud de la Picardie et conservé à l'Arsenal.

La fatrasie a une forme très rigoureuse, constituée par une strophe de six vers de cinq syllabes (rimes aabaab), suivis de cinq vers de sept syllabes (rimes babab), soit un onzain), mais son contenu est irrationnel. Les phrases grammaticalement correctes semblent ne pas avoir de sens réel, l'auteur s'y abandonne au pur plaisir des mots. Mais parfois ces phrases cachent des critiques ou des pamphlets du pouvoir en place. Malraux a pu écrire que "l'audience des fatrasies du Moyen Âge ne fut pas moindre que celle de Jérôme Bosch".

 

Allez, je vous en mets une des Fatrasies d'Arras en vieux picard !

Uns kailleus veluz

Devenoit rendus,

Ses pechiez plourant,

Et uns vieue baüs

Ocist quatre dus

Son cors desfendant ;

Mais mal lor fust convenant,

Se ne fust uns eternus

Qu'il troi firent en dormant,

Qui dit que li rois Artus

Estoit gros de vif emfant.

 

 

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