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mardi, 17 février 2009

"Je suis né dans les prairies, là où les vents soufflent librement et où rien n'arrête la lumière du soleil. Je suis né là où il n'y a pas de barrières …"

geronimo001.jpg"- Mon fils, j'ai fait un rêve terrible au bord de la rivière... une vision qui parle de demain... Demain, dans de nombreuses lunes... J'ai vu un monde où l'Indien sera Blanc, où l'homme Noir sera Blanc, où l'homme Jaune sera Blanc... J'ai vu ce monde, Daklugie... J'ai vu les rivières et les forêts et les montagnes et l'herbe et la terre, salies et défigurées... J'ai vu des enfants qui ne reconnaissent plus leurs parents, des hommes et des femmes qui ne savent plus qui ils sont... Dans ce monde, les grizzlys, les couguars, les loups et beaucoup d'autres animaux sauvages ont disparu ou sont mis en cage... j'ai vu ce monde, mon fils... je n'en veux pas...". Pour la dixième fois, Geronimo raconte le massacre de sa mère, de sa femme Alope et de ses trois jeunes enfants par les soldats du général mexicain Carrasco, alors que les hommes du village sont partis échanger des peaux contre de la marchandise., et le rêve qu'il avait fait la veille de ce jour maudit où les hommes blancs sont arrivés sur leurs terres pour les exterminer.

Et puis soudain le visage tourmenté se détend, Geronimo a crié sa dernière phrase ce 17 février 1909. Les femmes qui n'ont cessé de le veiller sur lui depuis plusieurs jours se regardent, puis se mettent à pleurer ...

Depuis une semaine, une vilaine pneumonie donne au vieillard un souffle court, et ses proches doivent tendre l'oreille pour saisir ses phrases hachées. A ceux qui se relaient à son chevet, il dit son regret de ne pas être mort au combat et son désespoir de n’avoir jamais revu les montagnes Chiricahuas. Il raconte le désespoir qui a suivi l'extermination des siens, et qui, peu à peu fait place à une soif de vengeance féroce. Il rit en mimant les Mexicains ce 30 septembre 1859, jour de la Saint-Jérôme, où il a décidé de venger les siens, et comment leurs cris " Geronimo ! Geronimo !" lui ont inspiré son surnom. >


Mais à cette époque en Arizona, les relations entre autorités américaines et Indiens sont plutôt bonnes. Cochise espère que les Américains seront utiles dans son opposition aux Mexicains jusqu'au jour de 1861 où, dans une ferme, Mickey Free, un garçon blanc, fait une fugue. Immédiatement, on accuse les Chiricahuas Chokonens de l'avoir enlevé. Leur chef Cochise nie. Le lieutenant George Bascom insiste, une partie de la famille de Cochise est arrêtée, le chef des Chokonens fait aussi des prisonniers. Lorsque Bascom refuse l'échange, il les fait torturer à mort. En représailles, l'officier fait pendre six captifs mâles. Trois sont de la famille du chef : les indiens sont ulcérés ! alors injustice contre injustice, les attaques des Chokonens sur les diligences de l'Overland vont faire une centaine de morts en quelques mois. Aidé par Mangas Coloradas, chef de la tribu des Chiricahuas Mimbreños auquel il voue une grande admiration, de Victorio, le chef intrépide de la tribu des Chiricahuas Mescaleros, et de son demi-frère Juh, Geronimo va se battre, retardant la disparition de son peuple qu'il sait inéluctable.

Mais l'été 1862 deux compagnies quittent Tucson pour le Rio Grande. Leur route passe par Apache Pass. Cochise et Mangus Colorado se sont embusqués sur les falaises, de chaque coté de la route. La bataille est farouche : Mangus est blessé, Cochise bat en retraite devant les tirs d'obusiers. A peine rétabli, Mangus Colorado est capturé par traîtrise, assassiné la nuit suivante. Alors les Chiricahuas se déchaînent ! Ils sèment la terreur et la mort dans les villages de l’état de Sonora et du territoire d’Arizona. Villages et fermes isolés sont mis à sac, incendiés, leurs habitants massacrés et souvent torturés. En moins de dix ans, plus des deux tiers de la population, près de 25000 personnes, ont quitté le pays et convergent vers les ville, ou reposent sous six pieds de terre. Partout, sur les tombes, on lit : "Tué par les Apaches" !

Geronimo s'énerve, ses yeux brillent de fièvre, mais il veut continuer à raconter ! Il appelle son petit fils, c'est lui qui devra être la mémoire de son peuple, c'est lui qui devra ramener sa dépouille sur les terres du Rio Gila qu'il a pourtant tellement haï. Mais ses frères apaches sont enterrés là, il veut les rejoindre. "Nous sommes en train de disparaître de la surface de la terre, mais je continue à croire qu'il doit y avoir une bonne raison pour que Yoséné nous ait crées. Il a donné vie à toute une variété d'espèces d'hommes. Ainsi pour chaque espèce créée, Il désigna un pays particulier. Lorsque Yoséné créa les Apaches, Il leur donna un pays qui se situe à l'ouest. Pour nourriture Il leur remit des graines, des fruits et du gibier. Afin de soigner les différentes maladies, Il fit croître des plantes médicinales. Puis Il leur enseigna où trouver ces plantes et comment les préparer. Il leur accorda un climat doux et tout ce dont ils avaient besoin pour se vêtir et s'abriter... Cela eut lieu au tout début de la création : car Yoséné créa simultanément le peuple Apache et son pays. Et quand viendra le jour où les Apaches seront séparés de leur terre, ils tomberont malades et mourront. Combien de temps s'écoulera-t-il avant que l'on dise qu'il n'y a plus d'Apaches ? "

Geronimo raconte encore les conflits et leurs lots de massacres systématiques de part et d'autre, ponctués de moments de quiétude toute relative, cachés dans les montagnes inexpugnables de l'Apacheria. Il dit l'usure de cette résistance incessante qui rend la vie tribale impossible, et pousse les Apaches Chiricahuas à capituler et à se laisser enfermer. Leur chef Cochise négocie qu'on leur attribue une réserve qui couvre la quasi-totalité du sud de l'Arizona, au sud de Fort Bowie, et pendant un court temps les apaches croient enfin à la paix et à la pacification proposée par le lieutenant-colonel Crook,... Mais Cochise meurt et les autorités américaines ne tiennent pas leur parole, la plupart des Indiens sont déportés vers la réserve de San Carlos, un territoire désertique et sans ressources au bord du Rio Gila.

Geronimo s'arrête de parler un moment. Ses yeux se ferment, il semble dormir. Les hommes s'éloignent de sa couche, mais il les rappelle, il veut continuer son histoire.

C'est vrai il y a quelques années il a dicté ses mémoires à son ami Barrett, mais c'est aux siens qu'il veut crier sa résistance aux envahisseurs blancs, sa fuite avec Naiche, le fils de Cochise, et avec son demi-frère Juh, son arrestation l’année suivante au Nouveau-Mexique par l’agent John P. Clum, sa fuite de la réserve San Carlos quelques mois plus tard, sa vie au Mexique, faite de pillages enfin. Pourchassé sans relâche des deux côtés du Rio Grande, Geronimo comprend qu’il ne peut poursuivre la lutte et, en 1879, pour épargner des souffrances aux siens, il accepte de s’installer à San Carlos.

"Je suis né dans les prairies, là où les vents soufflent librement et où rien n'arrête la lumière du soleil. Je suis né là où il n'y a pas de barrières … J'ai été chauffé par le soleil, bercé par les vents et abrité par les arbres, comme tous les bébés Indiens … Quand j'étais enfant ma mère m'a enseigné à me mettre à genoux et prier Dieu pour la force, la santé, la sagesse et la protection ... Il y a un Dieu qui nous regarde. Nous sommes tous des enfants de Dieu. Le soleil, l'obscurité, les vents écoutent ce que nous avons à dire … Je vivais paisiblement quand les gens ont commencé à parler mal de moi … Les soldats n'ont jamais expliqué au gouvernement le tort qui a été fait aux Indiens, mais ont rapporté leurs méfaits … Je mets ma vie entre vos mains. Faite de moi ce qu'il vous plaira. Je me rends. Autrefois je galopais avec le vent. Maintenant je me rends et c'est tout".

Geronimo se souvient du chamane Nochedelklinne qui leur prédit alors la disparition des Blancs et le retour des grands chefs Apaches et de ses appels à la vengeance qui alarment les autorités. Il se souvient de la mutinerie qui suit l'exécution de Nochedelklinne, de son épouse et de son fils, de sa prise de conscience de l'injustice et de sa nouvelle fuite avec Naiche, Juh un groupe de Chiricahuas. Il dit comment ils seront repris, s'évaderont de nouveau, seront repris encore.

En 1885, Cochise, Mangas Colorodas, Victorio et Juh sont morts depuis longtemps, Geronimo et son ami Naiche sont seuls à se morfondre dans un coin reculé de la réserve. Ils maudissent ces frères qui ont accepté de vivre sous le joug de l'homme blanc en refusant de lutter jusqu'au bout. Révoltés par l'agonie de leur peuple et des rêves de liberté sur les terres ancestrales, persuadé qu’on veut l’assassiner, Geronimo tente ave Naiche une dernière escapade dans les montagnes, entraînant avec lui quarante hommes et quatre-vingt-dix femmes et enfants, pourchassés par cinquante mille soldats et cinq cents auxiliaires indiens. Le général Miles fait alors déporter en Floride les Chiricahuas de la réserve de San Carlos afin de faire pression sur les rebelles. Pendant 5 mois, Geronimo et ses partisans réussissent à passer entre les mailles du filet, utilisant la surprise, la mobilité et les connaissances des Apaches des modes de survie dans des conditions extrêmes. Épuisé, fatigué de se battre, il finit par se rendre le 4 septembre 1886 avec 16 guerriers, 12 femmes et 6 enfants. "C’est la quatrième fois que je me rends" dit-il. Sur ordre spécial du président Grover Cleveland, il est placé sous surveillance militaire étroite en Floride avec 14 de ses braves.

De nouveau Geronimo s'arrête de parler un moment, puis reprend son récit. Il raconte le climat humide de la Floride, malsain pour les Apaches habitués à celui du désert et la mort de plusieurs de ses compagnons. Alors les survivants sont ramenés à Fort Sill, en Oklahoma, en 1887.

Geronimo rit de nouveau en racontant sa conversion au christianisme, son reniement, et de nouveau sa conversion, et encore son reniement .... Ah, ces blancs le croyaient à terre ! Mais non, il n'oubliera pas l'héritage de ses ancêtres ! Il devient fermier, il faut bien manger ... et puis il aime regarder pousser le maïs, le mil et les haricots. Il gagne un peu d’argent en fabricant de menus objets qu’il vend aux touristes, comme en 1904, lorsqu'il s'est rendu à la Louisiana Purchase Exposition en 1904.

Il raconte encore la parade qui a suivi l’élection du président Theodore Roosevelt en 1905, à laquelle il a participé en tête du cortège. Il en a profité pour rencontrer le président et lui demander en vain le retour de son peuple vers la terre de ses ancêtres.

Alors ses forces diminuent, Geronimo ferme les yeux, sa voix se fait faible. "O Ha Le, O Ha Le" (J'attends que les choses changent!) dit-il dans un souffle. C'est fini, Geronimo est mort ce 17 février 1909 ...

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