lundi, 10 mai 2010
11 Mai 2010 : 400ème anniversaire de la mort de Matteo Ricci, le jésuite qui nous a ouvert les portes de la Chine
Cette année marque le 400ème anniversaire de la mort du missionnaire Matteo Ricci.(Macerata 1552-Pékin 11 mai 1610), lettré de la Renaissance italienne qui fut le premier européen à assimiler la culture chinoise et le précurseur de l'échange des savoirs entre la Chine et l'Europe.
Si nous parcourons l'histoire, nous trouvons des tentatives de pénétrer en Chine : au 7e siècle, des chrétiens dits Nestoriens venant de Syrie, ainsi que des adeptes d'autres religions ; mais à la suite d'une grande persécution, tout cela a disparu, si ce n'est, dit-on, quelques traces dans certaines sectes populaires. Ensuite, au 13e siècle il y a eu les Franciscains, entrés par la voie des Mongols, au temps où la Chine était sous leur domination, mais cette chrétienté a disparu avec cette domination. L'aventure de l'Italien Marco Polo se situe à la même époque. Missionnaires ou voyageurs sont ainsi arrivés en Chine avant Ricci, mais leur entrée n'a pas été efficace, en ce sens qu'il n'en est rien resté.
Matteo Ricci est né à Macerata le 6 octobre 1552, dans les Marches italiennes, devient novice jésuite à Rome en 1578, s'embarque à Lisbonne la même année, et est ordonné prêtre à Cochin (Inde) en 1580. Pour certains donc, le grand mérite de Ricci est d'avoir ouvert la Chine au catholicisme ...
Personnellement je retiendrai surtout les apports de Ricci à la Chine en astronomie, mathématiques, cartographie ... Et tous les lycéens chinois le connaissent encore sous son nom sinisé de « Li Matou »
Avant lui, une trentaine d'autres jésuites l'ont précédé en Extrême-Orient, mais les populations ont mal supporté l'attitude supérieure des Occidentaux venus les évangéliser un crucifix à la main ! Avec ses confrères responsables des missions de l'Orient, en particulier avec le père Alessandro Valignano, il élabore donc une nouvelle stratégie que l'on pourrait résumer par le mot " inculturation " : une optique dans laquelle la culture du peuple chinois n'est plus un obstacle à surmonter, mais une ressource pour l'Evangile. Pour les christianiser, il faut donc prendre leur culture au sérieux, apprendre à parler, lire, écrire la langue, se faire Chinois parmi les Chinois, en s'adaptant en tout à leurs coutumes et en adoptant le mode de vie du lettré - ainsi il choisira de porter le costume et non celui de "jésuite" - et si possible toucher l'empereur dont tout dépend. En dépit des difficultés de la langue, de la politique très fermée de la dynastie Ming et de la nouveauté totale des rapports avec le peuple chinois, Matteo Ricci se lance à fond dans l'étude de la culture chinoise, notamment des Quatre Livres qui sont la base de l'éducation confucéenne, au point d'être considéré comme un expert égal, sinon supérieur, aux lettrés chinois qui se pressent pour le connaître et s'entretenir avec lui. C'est cette attitude, dépourvue de préjugés et de tout esprit de conquête, qui permet à Matteo Ricci d'établir avec le peuple chinois un rapport de confiance et d'estime. Ce n'est pas un hasard si sa première œuvre en langue chinoise est un Traité sur l'Amitié (De amicitia Jiaoyoulun), recueil de 100 maximes sur l'amitié puisées chez les classiques grecs et latins, remporte un large succès dés sa première édition à Nankin en 1595. Ce Traité figurera dans l'Encyclopédie impériale.
Il prend conscience du rôle des hauts magistrats, des eunuques du palais et des lettrés dans la structure politique de l'empire confucéen et il assimile vite que la vision chinoise du monde est globale, comme une sorte d'idéologie où science, technologie, éthique et enseignement philosophique formeraient un tout. Le dialogue, principalement scientifique, qu'il engage avec les savants chinois de l'époque le fait prendre très au sérieux. L'homme de science grappille petit à petit du terrain pour parvenir à son but, l'empereur. Il n'avance pas directement ses thèses mais vit de sa foi dans le secret de sa vie privée et se dit que si les chinois le croient sur les questions de sciences, de mathématiques, d'astronomie, ils le croiront ensuite sur les questions de foi. Ainsi un an avant sa mort, il écrivait au Supérieur de la vice province du Japon et de la Chine : "Les Chinois ont une belle intelligence naturelle et aiguë ; ce qui transparaît bien dans leurs livres, dans leurs discours [...] et dans le gouvernement de cette machine qui émerveille tout l'Orient. Aussi, si nous pouvions leur enseigner nos sciences, [...] pourrions-nous à travers elles les conduire aisément à notre sainte loi et ils n'oublieront jamais un si grand bienfait, [...] car ne leur ayant enseigné jusqu'ici que peu de choses des sciences mathématiques et de la cosmographie, ils nous en sont tellement reconnaissants que bien des fois j'ai entendu, de mes oreilles, dire de personnes importantes que nous avons ouverts les yeux aux Chinois qui étaient aveugles ; et ils ne parlaient que de ces sciences naturelles que j'ai dites, de la mathématique ; que diront-ils donc des autres [...] comme les sciences physiques, métaphysiques, théologiques et surnaturelles ?" (Lettre au P. Francesco Pasio. Pékin, le 15 du mois de février 1609).
Son travail est immense, il établit un lexique chinois-portugais. puis traduit «Geometrica Pratica et Trigonometrica», les oeuvres de son maitre Cristophe Clavius en latin et de nombreux livres et essais sur les instruments mathématiques, comme l'astrolabe, la sphère ou l'arithmétique, rendant pour la première fois accessibles aux Chinois les travaux mathématiques occidentaux. Il introduit aussi les instruments trigonométriques et astronomiques et traduit, toujours en chinois, les 6 livres d'Euclide, travail qui lui assure encore aujourd'hui une place importante dans l'histoire des mathématiques. Certes la Chine avait une tradition solide en mathématiques, mais tombée dans l'oubli et Ricci a ainsi pu amener les Chinois à renouer avec leur propre tradition. Sa contribution à la géographie de l'époque est tout aussi impressionnante. Entre 1584 et 1600 il publie les premières cartes géographiques de la Chine, qui permettent à l'Occident de découvrir la Chine, et à la Chine de considérer, pour la première fois dans son histoire, le reste du monde et la distribution des océans et des masses de terre. Pour ne choquer là encore une fois il décide de placer la Chine au centre de son planisphère et ensuite de dessiner tous les autres pays et continents à partir de ce "centre". Ses calculs dévoilent la largeur de la Chine, au trois quart plus petite que ce que pensaient les occidentaux. Il comprend aussi que la Chine et Pékin font bien parties du fameux Cathay décrit par Marco Polo. Cette mappemonde, qui révolutionnera la conception chinoise du monde, fascinera l'empereur.
Peu à peu, Ricci est perçu par les Chinois lettrés comme un transmetteur du savoir encyclopédique de l'Occident. En 1601 il se fait inviter à la cour impériale de Pékin, en tant qu'ambassadeur des Portugais auprès de l'empereur Wanli, porteur d'une épinette, d'une mappemonde et de deux horloges à sonnerie. L'empereur l'autorise enfin à venir s'établir à Pékin à proximité de son palais et à y construire une résidence et une première église catholique. Tous ses frais sont pris en charge par le trésor public et, à sa mort, le 11 mai 1610, il a le privilège - jamais concédé jusqu'alors à un étranger - d'être enterré dans la Cité impériale. La Chine compte alors huit jésuites et 2 500 chrétiens.
Ricci n'a pas lui-même accompli beaucoup de conversions, mais son rayonnement a entraîné les dirigeants confucéens vers un savoir de plus en plus pratique, et la plupart des grands lettrés garderont par la suite des contacts avec les jésuites. Ainsi la direction de l'Observatoire astronomique de Pékin et la révision du Calendrier chinois, achevée quelques années après la mort de Matteo Ricci, seront confiées aux jésuites qui poursuivirent son œuvre. La vaste documentation conservée dans l'ancien Observatoire astronomique de Pékin et l'inscription du père Matteo Ricci parmi les personnages les plus illustres de Chine témoignent aujourd'hui encore de la gratitude des Chinois pour la contribution apportée par le missionnaire jésuite et par ses confrères au progrès des connaissances humanistes et scientifiques dans leur pays. Et en 2010, les manuels chinois de mathématiques utilisent toujours ses travaux ! En France, son Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, suivie de la mission française à Pékin, ouvre la voie à ce qui deviendra la "sinologie".
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