mardi, 12 avril 2011
12 avril 1961 ... une date à part !
Sans doute va-t-on sourire si j'écris que cette journée fut celle qui a le plus décidé de mon avenir ! Et pourtant c'est bien à partir de ce moment que, petit à petit, a germé en moi l'idée de devenir ingénieure pour travailler dans le spatial ... et c'est finalement bien ce que j'ai fait. J'ai d'ailleurs tellement dû le répéter à mes camarades qu'en fin de seconde, elles m'avaient dédicacé une photo de classe avec ces mots "à notre future astronaute". Bon, je ne me suis jamais envolé dans le ciel, mais j'ai fait toute ma carrière professionnelle dans les fusées, en particulier ARIANE. Et j'avoue que je m'y suis "défoncée" !
Ce 12 avril donc, j'étais pensionnaire, car ma mère, atteinte d'un cancer, était soignée loin de nous, à l'institut Curie, elle allait mourir 4 mois plus tard et mes grands parents avaient déjà beaucoup de mal à s'occuper des plus jeunes pendant que mon père sillonnait les routes avec son métier et "montait" un week-end sur deux à Paris. C'est dire que ce qui se passait "dehors" ne me parvenait que très peu ... le procès d'Eichmann qui avait commencé la veille, la crise de Berlin avec le bouclage de la frontière entre l'est et l'ouest ce même 12 avril, le fiasco de la Baie des Cochons ou le putsch d'Alger quelques jours plus tard, tous des évènements importants qui ont fait la une des journaux et des radios, je n'en ai aucun souvenir personnel. Mais de Iouri Gagarine dans l'espace, si !!!
Pourtant à 12 ans, j'étais déjà très intéressée par l'actualité, à l'image de mes parents qui se passionnaient pour la politique, lisaient les journaux et écoutaient beaucoup la radio. Avant la maladie de ma mère, mon père avait d'ailleurs eu des velléités de militer ... je préfère ne pas trop savoir où ...
J'étais pensionnaire donc, dans une école privée, où la majorité des enseignants et encadrants étaient des laïcs, mais où quelques personnes de la cantine ou de l'internat étaient des religieuses. Nous avions donc comme surveillante une polonaise qui avait fui le communisme et était rentrée dans la congrégation à qui appartenait cette école. Très catholique, elle détestait les juifs et aurait bien pardonné à Adolf Eichmann ses crimes, mais elle détestait encore plus les communistes qui l'avaient obligée à fuir sa campagne polonaise pour ne pas renier sa religion. Elle était rondouillarde, avec un teint rouge, et ne parlais pas bien le français, c'est à peu près tout ce dont je me souviens d'elle car avec les années, ma mémoire la confond avec une autre religieuse polonaise, surveillante de cantine elle aussi, mais quelques années plus tard et dans une autre école. La première était une "peau de vache" aigrie, alors que la seconde était la crème des surveillante, chouchoutant les pensionnaires en leur donnant les meilleures parts au détriment des demi-pensionnaires, sous le prétexte que celles-ci mangeraient mieux le soir ...
Ce jour là donc, un mercredi, nous étions à la cantine. Peut être pour le repas de midi ou pour le gouter ... Bien sûr nous n'avions aucun écho de ce qui se passait dans le monde. Je vois encore très bien la grande salle où nous nous trouvions, donnant sur la cour de récréation par une large porte-fenêtre, avec une grande table en fer à cheval où nous prenions nos repas. Je tournais le dos à la fenêtre et faisais face à la porte qui menait à la cuisine, ça j'en suis sure. A ce moment notre surveillante polonaise, d'habitude peu loquace, est rentrée dans la salle en courant et surtout en criant "un homme dans l'espace, un homme dans l'espace !". Il lui fallut bien cinq minutes pour reprendre son souffle et nous raconter qu'un homme, un jeune Russe de 27 ans, était le premier à réaliser un vieux rêve humain, aller dans l'espace, et qu'il était revenu vivant et même en bonne santé de ces 108 minutes en apesanteur ... notre surveillante polonaise avait trouvé son héros, et le comble, c'était un russe !
illustration tirée du livre Jusqu'à la lune en fusée aérienne de Otfrid von Hanstein, paru en 1928 en Allemagne , traduit en France en 1948 par Tancrède Vallerey et finement illustré par Maurice Toussaint.
19:20 Publié dans coup de coeur, espace, Histoire, souvenirs | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
Merci de nous autoriser à entrer de manière si émouvante dans ta vie et celle des tiens. Ce même jour, quelque part en Haute-Savoie, mon papa qui écoutait le soir les radios anglaise et allemande à la salle à manger pendant que nous faisions des belotes acharnées avec notre mère, nous dit soudain de nous taire. Et nous annonça la nouvelle... Après Laïka, Youri Gagarine. Ces noms sont gravés, pour toujours ! Le 22 novembre 63, il hurla que Kennedy avait été assassiné ; ce fut un choc aussi grand, mais qui nous laissa tous ahuris de chagrin...
Écrit par : La fargussienne | mercredi, 13 avril 2011
je me souviens moi aussi très bien du 22 novembre 63 ! j'écoutais la radio quand on a annoncé cet assassinat. Et aussi de la disparition de Piaf et Cocteau un mois avant.
Écrit par : Dominique | mercredi, 13 avril 2011
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