jeudi, 03 février 2011
Le 3 février 1851, une loi vote un crédit spécial pour subventionner les lavoirs
Depuis les temps les plus reculés, laver le linge est une activité dévolue à la femme.
Une des plus ancienne description de lavage est sans doute extraite du chant VI de l'Odyssée d'Homère (traduction de Leconte de Lisle)
"[...] Et sa mère était assise au foyer avec ses servantes, filant la laine teinte de pourpre marine ; et son père sortait avec les rois illustres, pour se rendre au conseil où l'appelaient les nobles Phaiakiens. Et, s'arrêtant près de son cher père, elle lui dit :
- Cher père, ne me feras-tu point préparer un char large et élevé, afin que je porte au fleuve et que je lave nos beaux vêtements qui gisent salis ? Il te convient, en effet, à toi qui t'assieds au conseil parmi les premiers, de porter de beaux vêtements. Tu as cinq fils dans ta maison royale ; deux sont mariés, et trois sont encore des jeunes hommes florissants. Et ceux-ci veulent aller aux danses, couverts de vêtements propres et frais, et ces soins me sont réservés.
Elle parla ainsi, n'osant nommer à son cher père ses noces fleuries ; mais il la comprit et il lui répondit :
- Je ne te refuserai, mon enfant, ni des mulets, ni autre chose. Va, et mes serviteurs te prépareront un char large et élevé propre à porter une charge.
Ayant ainsi parlé, il commanda aux serviteurs, et ils obéirent. Ils firent sortir un char rapide et ils le disposèrent, et ils mirent les mulets sous le joug et les lièrent au char. Et Nausikaa apporta de sa chambre ses belles robes, et elle les déposa dans le char. Et sa mère enfermait d'excellents mets dans une corbeille, et elle versa du vin dans une outre de peau de chèvre. La jeune vierge monta sur le char, et sa mère lui donna dans une fiole d'or une huile liquide, afin qu'elle se parfumât avec ses femmes. Et Nausikaa saisit le fouet et les belles rênes, et elle fouetta les mulets afin qu'ils courussent ; et ceux-ci, faisant un grand bruit, s'élancèrent, emportant les vêtements et Nausikaa, mais non pas seule, car les autres femmes allaient avec elle.
Et quand elles furent parvenues au cours limpide du fleuve, là où étaient les lavoirs pleins toute l'année, car une belle eau abondante y débordait, propre à laver toutes les choses souillées, elles délièrent les mulets du char, et elles les menèrent vers le fleuve tourbillonnant, afin qu'ils pussent manger les douces herbes. Puis, elles saisirent de leurs mains, dans le char, les vêtements qu'elles plongèrent dans l'eau profonde, les foulant dans les lavoirs et disputant de promptitude. Et, les ayant lavés et purifiés de toute souillure, elles les étendirent en ordre sur les rochers du rivage que la mer avait baignés. Et s'étant elles-mêmes baignées et parfumées d'huile luisante, elles prirent leur repas sur le bord du fleuve. Et les vêtements séchaient à la splendeur de Hèlios."
Et c'est en rentrant au palais et qu'elles aperçurent Ulysse habillé seulement d'une branche chargée de feuilles ...
Mais ce travail n'est pas si paradisiaque ! Le métier de lavandière est un métier très pénible, la blanchisseuse est agenouillée toute la journée dans l'humidité, et l'hiver, il faut casser la glace du lavoir qui est gelé, battre le linge dans le froid et l'eau glacée et l'humidité ... Les lavandières ont souvent "l'onglée" aux doigts.
Dès XIIème siècle, la lessive du gros linge est en usage une fois l'an, puis deux fois l'an, voire trois fois au XIXème siècle et dure deux ou trois jours. A côté de ces temps forts, il y a naturellement des lessives plus modestes, le fameux "jour de lessive" destiné aux vêtements de travail, aux sous-vêtement et aux bas de coton, aux tabliers, aux mouchoirs ...
La lessive est effectuée à partir d'un point d'eau, fontaine, mare, étang, cours d'eau. Sur les bords de la seine, comme sur les rives de toutes les rivières de France, on pouvait donc rencontrer des lavandières qui se servaient d’une planche à laver, d’une petite caisse pour s’agenouiller près de l’eau, d’un planche à frotter et d’un battoir qu'elles transportaient dans leur brouette lourdement chargée. Elles installaient leur selle (sorte de planche sur deux trétaux) et, à genoux, avec des gestes immuables, elles savonnaient, battaient, malaxaient, roulaient et essoraient leur linge sur les bords du fleuve.
« C’est ici, du matin au soir,
Que par la langue et le battoir
On lessive toute la Ville.
On parle haut, on tape fort,
Le battoir bat, la langue mord !
Pour être une laveuse habile,
Il faut prouver devant témoins
Que le battoir est très agile,
Que la langue ne l’est pas moins."
Achille Millien
A Paris, les rues des Lavandières (ou encore Lavandières Saint-Jacques) et des avandières Sainte Opportune datent du XIIIème siècle et doivent leur nom aux lavandières que le voisinage de la rivière avait attirées. Une rue des Blanchisseuses fut également ouverte, vers 1810, entre le quai de Billy et la rue de Chaillot.
La Taille de 1292 cite 43 lavandiers ou lavandières, parmi lesquels "Jehanne, lavendière de l'abbaie" de Sainte-Geneviève ; elle habitait la "rue du Moustier" qui est devenue la rue des Prêtres-Saint-Étienne du Mont. Cependant, à cette époque et dans la plupart des communautés, les religieux lavaient eux-mêmes leurs vêtements et leur linge. On faisait chauffer l'eau à la cuisine. Les objets blanchis étaient ensuite étendus soit dans le cloître, soit dans un séchoir spécial.
Chargées de l'entretien du linge des familles aisées, les lavandières font partie du personnel habituel des "hôtels", tout comme les panetiers, les clercs de la paneterie des nappes, les clercs de la paneterie du commun, les charretiers de la paneterie des nappes, les "porte chapes" (ou maîtres traiteurs, du mot chape, couvercle qui sert à couvrir les plats afin de les maintenir chauds), les sommeliers, les gardes-chambre (ou chambellans), les portiers, les portefaix et les valets de la porte, les sommiers ou voituriers ... qui touchent des gages, reçoivent de l'avoine, des chandelles, du bois.
D'autres encore travaillent à la journée au service de particuliers, de maîtres de grandes maisons, de fermiers, de métayers, de notables, pour un maigre salaire en toutes saisons, sauf lorsque le fleuve était pris par les glaces. Une ordonnance du 30 janvier 1350 fixe à "un tournoi en toute saison le prix que pourront demander toutes manières de lavandières de chacune pièce de linge lavé." (source : "La vie privée d'autrefois: arts et métiers, modes, moeurs, usages des parisiens du XIIe au XVIIIe siècle d'après des documents originaux ou inédits). Elles côtoient les ménagères de condition modeste qui viennent laver elles-mêmes leur linge à la rivière. Ces opérations sont décrites ICI, avec un poème bien sympathique, ICI, ICI ou encore LA, avec des photos anciennes...
Bien que jamais érigées en corporation régulière, les blanchisseuses ou lavandières "professionnelles" doivent se plier à partir du XVIIe siècle aux exigences d'une administration parisienne veillant à la bonne hygiène ! Très tôt, les lois et les décrets visant l’existence et l’implantation d’établissements insalubres dans Paris poussent les industries du blanchissage à quitter la capitale pour s’installer dans les communes voisines.
Avec les progrès de l'hygiène, des locaux plus confortables et fonctionnels apparaissent, avec en particulier la construction de lavoirs. Choléra, variole et typhoïde ont marqué le XIXème siècle. Le linge peut véhiculer des germes malsains. Les habitants qui viennent s’approvisionner en eau trouvent l’eau des puits et des rivières souillée par les savons et les saletés. L’édification de lavoirs s’impose. Par la loi du 3 Février 1851, l'Assemblée législative vote un crédit spécial de 600 000 francs pour subventionner, à hauteur de 30 %, la construction d’établissement modèles de bains et lavoirs publics, gratuits ou à prix réduits. Chaque projet est subventionné à hauteur de 20 000 francs. Malgré les sommes à trouver pour compléter la subvention, de nombreuses communes, même modestes, engagent les travaux. La construction est commandée par les municipalités sous le contrôle de l'administration départementale. Les travaux sont mis alors en adjudication sur rabais à la chandelle, d'où une certaine similitude de conception et de matériaux. Il y a au moins un lavoir par village ou hameau et l'on peut estimer l'importance du village au nombre de ses lavoirs. Certains possèdent même un dispositif pour chauffer des lessiveuses et produire de la cendre qui blanchit le linge ... Les lavoirs seront utilisés jusqu'à l’arrivée de l’eau courante dans les maisons.
Lieu de convivialité, le lavoir est également un lieu de chant ; on y fredonne quelques airs à la mode et parfois on y va de ses commérages : "Au lavoir, on lave le linge, mais on salit les gens" dit-on !
A Paris et dans de nombreuses villes traversées par un fleuve, est-ce parce que les lavandières étaient réputées de mœurs légères et que les mauvais garçons se mêlaient souvent aux lessives que l'on décida de créer des endroits où les jeunes filles et les femmes honnêtes des classes populaires pourraient laver leur linge en toute tranquillité, les fameux bateaux-lavoirs ?
" Ô Lavandière "
Sachez qu'hier, de ma lucarne,
J'ai vu, j'ai couvert de clins d'yeux,
Une fille qui dans la Marne
Lavait des torchons radieux
Je pris un air incendiaire
Je m'adossais contre un pilier
Puis le lui dis " Ô Lavandière "
Blanchisseuse étant familier
La blanchisseuse gaie et tendre
Sourit et, dans la hameau noir
Au loin, sa mère cessa d'entendre
Le bruit vertueux du battoir.
Je m'arrête. L'idylle est douce
Mais ne veut pas, je vous le dis,
Qu'au delà du baiser on pousse
La peinture du paradis.
Victor Hugo
L'origine des bateaux-lavoirs remonterait au XVIIe siècle. Le 16 septembre 1623, un traité assure à un entrepreneur, Jean de la Grange, secrétaire du roi Louis XIII, divers droits à conditions qu'il poursuive l'aménagement de l'Ile Notre-Dame et de l'Ile aux vaches, dont celui de mette à perpétuité sur la Seine "des bateaux à laver les lessives, en telle quantité qu'il feroit avisé & en tel endroit qu'il jugerroit à propos; pourvû que ce fût sans empêchement de la navigation, ni que le bruit pût incommoder les maisons du Cloître Notre-Dame". (source : "traité de la police" de M.De la mare, volume 1 - page 100 de l'édition de 1722).
Mais c'est surtout au XIXème siècle que les bateaux-lavoirs se développent partout en France, un mouvement qu’accélère la loi du 3 février 1851. Un lavoir flottant établi à Paris même, la Sirène, propose déjà les appareils les plus perfectionnés de l’époque. Il a été détruit par les glaces durant les grands froids de 1830. Les lavoirs flottants sont pourvus de buanderies à partir de 1844 afin de lutter contre la forte concurrence des lavoirs publics et des grandes buanderies de banlieue qui ne cessent de se créer, véritables usines à laver qui mettent à disposition des laveuses eau chaude, essoreuses, séchoirs à air chaud et à air libre, réfectoire et même parfois salle de garde pour les enfants en bas âge. 25 à 30 mètres de long; au premier niveau se trouvent les postes des blanchisseuses et, au milieu, deux rangées de chaudières posées sur des briques. L’étage se partage entre l’habitation du patron et le séchoir.
En 1852, il existe dans Paris 93 lavoirs et buanderies, principalement répartis dans les divers quartiers pauvres, comme le Lavoir Moderne Parisien dans le quartier de la Goutte d'Or; les bateaux-lavoirs stationnant sur le canal Saint-Martin sont au nombre de 17, ceux sur la Seine s'élèvent à 64 ( source : Dictionnaire historique des rues et monuments de Paris en 1855 de Félix et Louis Lazare, page 111 et suivantes) Mais pour beaucoup de familles pauvres, l’usage des bateaux-lavoirs est trop onéreux et, depuis les quartiers éloignés, il est bien pénible de porter son linge aux bateaux-lavoirs sur une brouette … et bientôt le nombre des bateaux-lavoirs parisiens est en constante perte de vitesse. En 1880, il n'y a plus en Ile-de-France que 64 bateaux-lavoirs offrant 3800 places de laveuses. Vingt-trois de ces lavoirs flottants sont à Paris même, dont six sur le canal Saint-Martin et trente-cinq se répartissent en banlieue sur la Seine, la Marne et l’Oise. À la fin du XIXe siècle, la plupart de ces bateaux-lavoirs sont la propriété d’une seule famille en vertu d’un bail qui lui a été consenti, en 1892, par la Société du Canal Saint-Martin. Mais, les bateaux-lavoirs disparaissent inéluctablement dans la première moitié du XXe siècle.
Les 4 derniers bateaux-lavoirs sur la Seine disparaissent pendant la dernière guerre mondiale, sur ordre des allemands, pour faciliter la navigation : une vidéo de l'INA annonce cette décision ...
Au fait, vous souvenez-vous qu'une des insultes du capitaine Haddock est "Amiral de bateau-lavoir" ?
Emile Zola a décrit le travail des lavandières dans plusieurs de ses écrits :
"Un grand hangar, monté sur piliers de fonte, à plafond plat, dont les poutres sont apparentes. Fenêtres larges et claires. En entrant, à gauche, le bureau, où se tient la dame; petit cabinet vitré, avec tablette encombrée de registres et de papiers. Derrière les vitres, pains de savon, battoirs, brosses, bleu, etc. A gauche est le cuvier pour la lessive, un vaste chaudron de cuivre à ras de terre, avec un couvercle qui descend, grâce à une mécanique. A côté est l'essoreuse, des cylindres dans lesquels on met un paquet de linge, qui y sont pressés fortement, par une machine à vapeur. Le réservoir d¹eau chaude est là. la machine est au fond, elle fonctionne tout le jour, dans le bruit du lavoir; son volant ; on voit le pied rond et énorme de la cheminée, dans le coin. Enfin, un escalier conduit au séchoir, au-dessus du lavoir, une vaste salle fermée sur les deux côtés par des persiennes à petites lames ; on étend le linge sur des fils de laiton. A l'autre bout du lavoir, sont d'immenses réservoirs de zinc, ronds. Eau froide.
Le lavoir contient cent huit places. Voici maintenant de quoi se compose une place. On a, d¹un côté, une boite placée debout, dans laquelle la laveuse se met debout pour garantir un peu ses jupes. Devant elle, elle a une planche, qu'on appelle la batterie et sur laquelle elle bat le linge ; elle a à côté d'elle un baquet sur pied dans lequel elle met l'eau chaude, ou l'eau de lessive. Puis derrière, de l¹autre côté, la laveuse a un grand baquet fixé au sol, au-dessus duquel est un robinet d'eau froide, un robinet libre ; sur le baquet passe une planche étroite où l'on jette le linge; au-dessus; il y a deux barres, pour prendre le linge et l'égoutter. Cet appareil est établi pour rincer. La laveuse a encore un petit baquet sur pied pour placer le linge, et un seau dans lequel elle va chercher l'eau chaude et l'eau de lessive.
on a tout cela pour huit sous par jour. La ménagère paie un sou l'heure. L'eau de javel coûte deux sous le litre. Cette eau, vendue en grande quantité,est dans des jarres. Eau chaude et eau de lessive, un sou le seau. On emploie encore du bicarbonate - de la potasse pour couler. Le chlore est défendu."
Carnets d'enquêtes - La Goutte d'Or 1875
Sur le boulevard, Gervaise tourna à gauche et suivit la rue Neuve-de-la-Goutte-d'Or. En passant devant la boutique de Mme Fauconnier, elle salua d'un petit signe de tête. Le lavoir était situé vers le milieu de la rue, à l'endroit où le pavé commençait à monter. Au-dessus d'un bâtiment plat, trois énormes réservoirs d'eau, des cylindres de zinc fortement boulonnés, montraient leurs rondeurs grises ; tandis que, derrière, s'élevait le séchoir, un deuxième étage très haut, clos de tous les côtés par des persiennes à lames minces, au travers desquelles passait le grand air, et qui laissaient voir des pièces de linge séchant sur des fils de laiton. A droite des réservoirs, le tuyau étroit de la machine à vapeur soufflait, d'une haleine rude et régulière, des jets de fumée blanche. Gervaise, sans retrousser ses jupes, en femme habituée aux flaques, s'engagea sous la porte, encombrée de jarres d'eau de javel. Elle connaissait déjà la maîtresse du lavoir, une petite femme délicate, aux yeux malades, assise dans un cabinet vitré, avec des registres devant elle, des pains de savon sur des étagères, des boules de bleu dans des bocaux, des livres de bicarbonate de soude en paquets. Et, en passant, elle lui réclama son battoir et sa brosse, qu'elle lui avait donnés à garder, lors de son dernier savonnage. Puis, après avoir pris son numéro, elle entra. C'était un immense hangar, à plafond plat, à poutres apparentes, monté sur des piliers de fonte, fermé par de larges fenêtres claires. Un plein jour blafard passait librement dans la buée chaude suspendue comme un brouillard laiteux. Des fumées montaient de certains coins, s'étalant, noyant les fonds d'un voile bleuâtre. Il pleuvait une humidité lourde, chargée d'une odeur savonneuse, une odeur fade, moite, continue ; et, par moments, des souffles plus forts d'eau de javel dominaient. Le long des batteries, aux deux côtés de l'allée centrale, il y avait des files de femmes, les bras nus jusqu'aux épaules, le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleur et de gros souliers lacés. Elles tapaient furieusement, riaient, se renversaient pour crier un mot dans le vacarme, se penchaient au fond de leurs baquets, ordurières, brutales, dégingandées, trempées comme par une averse, les chairs rougies et fumantes. Autour d'elles, sous elles, coulait un grand ruissellement, les seaux d'eau chaude promenés et vidés d'un trait, les robinets d'eau froide ouverts, pissant de haut, les éclaboussements des battoirs, les égouttures des linges rincés, les mares où elles pataugeaient s'en allant par petits ruisseaux sur les dalles en pente. Et, au milieu des cris, des coups cadencés, du bruit murmurant de pluie, de cette clameur d'orage s'étouffant sous le plafond mouillé, la machine à vapeur, à droite, toute blanche d'une rosée fine, haletait et ronflait sans relâche, avec la trépidation dansante de son volant qui semblait régler l'énormité du tapage."
L'Assommoir
A partir du XIXème siècle, la lessive se fait aussi "chez soi". En vue de ces lessives, on conserve la cendre de bois des cendriers et on la passe au tamis fin pour obtenir une poudre gris clair, fine et soyeuse au toucher. On chauffe de l'eau puis on la verse dans un cuvier chargé de linge recouvert de ces cendres, qui alors libèrent des sels de potasse qui traversent le linge. La première passe se fait avec de l'eau chaude, mais pas bouillante, pour ne pas "cuire les taches". ("coulage à froid"). L'eau qui s'écoule est récupérée, remise à chauffer et on recommence ainsi de suite pendant des heures ("coulage à chaud"). Le linge est alors sorti brûlant du cuvier avec de longues pincettes de bois et brossé ("lessivage") puis et mis à égoutter sur des tréteaux. Ensuite, le linge est rincé à la rivière ou au lavoir ("retirage"). Suit le tordage (le linge est frappé et tordu) et le séchage. S´il fait beau il est posé sur l´herbe pour y être azuré ("la mise au pré") ...
L'arrivée de l'eau courante dans les foyers achèvera l'histoire des lavoirs. L'"eau courante" dans les maisons se généralise vers 1950 dans les villes puis lentement dans les campagnes. On fait la lessive dans la buanderie où l'on ne craint pas de répandre de l'eau. Même si les machines à laver semi-automatiques existaient déjà depuis plus de 20 ans, elles étaient rares dans les familles et j'ai assisté dans mon enfance à ces séances de lavage, à peine modernisées ! On n'utilisait bien sûr plus de cuvier mais une lessiveuse "à champignon", la cendre était remplacée par du perborate acheté à la pharmacie. La lessiveuse était une grande marmite qui servait à faire bouillir le linge. Au fond se trouvait un double-fond, d'où remontait un tuyau avec, au bout, un pommeau. Après avoir été savonné sur la planche à laver, le linge était disposé dans la lessiveuse. On allumait le feu dans un petit poêle en dessous, et la chaleur faisant monter l'eau dans le tuyau et le pommeau qui arrosait le linge d'eau bouillante. L'eau redescendait en traversant le linge et retombait au fond pour remonter à nouveau ... ça sentait mauvais et il faisait une chaleur moite étouffante dans la buanderie. Ensuite ma mère laissait refroidir un peu la lessiveuse et une femme de ménage venait l'aider à la vider petit à petit dans un grand bac où le linge était rincé à l'eau froide. C'est ensuite toute la maison qui était mise à contribution pour essorer les grosses pièces que l'on prenait à chaque bout pour les tordre.Je me souviens toutefois d'une essoreuse électrique que mes parents avaient achetée à des américains d'un camp de l'OTAN ... Au milieu des années 60, le départ à la retraite de notre "lavandière" rendit nécessaire l'achat d'une machine à laver.
La deuxième partie du XXème siècle pensait en avoir fini avec les lavandières quand le fabricant de lave-linge Vedette se choisit la Mère Denis pour raviver un mythe forgé au cours des siècles autour de ce métier. Un petit chemin qui descend au lavoir, une brouette de linge, un battoir, une brosse et l'amour du travail bien fait.d eux bonnes grandes mains de lavandière et l'amour du travail bien fait ... Vedette mérite votre confiance, "C'est ben vrai ça!"
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mardi, 04 janvier 2011
Hiver, vous n’êtes qu’un vilain
Hiver, vous n’êtes qu’un vilain;
Eté est plaisant et gentil,
En témoin de mai et d’avril
Qui l’accompagnent soir et main;
Eté revêt champs, bois et fleurs
De sa livrée de verdure
et de maintes autres couleurs,
Par l’ordonnance de nature.
Mais vous, hiver, trop êtes plein
De neige, vent, pluie et grésil:
on vous dût bannir en exil.
Sans point flatter, je parle plain
Hiver, vous n’êtes qu’un vilain.
Charles d’Orléans
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mardi, 14 décembre 2010
Ca ne vient pas de weakileak, mais ...
Coq au vin
Au cours d’un grand dîner, la marquise, sans cause apparente, rendit son coq au vin sur le plastron de l’ambassadeur. L’assemblée voulut ne rien remarquer : elle était composée de nombreux diplomates.
Jusqu’ici, la marquise, jeune et singulièrement troublante, abreuvait de joie l’ambassadeur. Comment ce dernier aurait-il soupçonné que d’une bouche aussi divine, d’une telle voix de cristal, pussent jaillir des quartiers de coq, arrosés de ce liquide violet et généreux ?
Cela va attirer des complications avec la Russie, pensa le Turc qui faisait face à la marquise. Et, de satisfaction, il lissa sa fine moustache. L’Angleterre, voisin de la beauté et heureux pendant de l’ambassadeur, ramena son genou à bâbord. Son désir de coloniser la marquise se trouva quelque peu refroidi. Wang-Wei-Tchou en profita pour soulever la question de l’Antarctique. Les points de vue échangés témoignèrent de l’intelligence des hommes d’Etat, ainsi que de leur amour réciproque pour les Esquimaux.
La France restera toujours fidèle à sa tradition chevaleresque, claironna le général Beauchamp de Bompierre de Prepucet. C’est à cet instant qu’une deuxième vague de coq au vin atteignit le Turc, un peu trop souriant, en pleine ceinture.
L’on craignit pour les Dardanelles. L’Amérique étala ses pieds sur la table. Un hobereau donna de la crête. Plus éthérée que jamais, la marquise souriait à tous et se jeta sur la glace à la vanille. L’Angleterre prit nettement le large. Tout de même, la paix fut sauvegardée dans le monde quelques mois encore.
René De Obaldia in « Les richesses naturelles »
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vendredi, 07 mai 2010
Songes drolatiques de Pantagruel ...
Internet est une mine, et mes recherches pour mes cours de peinture m'amènent parfois à faire des découvertes qui me passionnent.
Ainsi, alors que je recherchais des photos de tableaux avec des diamants, des perles et des pierres précieuses pour mon stage du week end dernier, j'ai découvert un peu de mon bonheur sur "le petit carnet de Maxence", puis sautant de post en post, des gravures qui me serviront de modèles pour faire quelques enluminures !!! Je cherchais des sujets non religieux, les voilà ... tirés d'un petit volume d'illustrations paru en 1565, 12 ans après la mort de Rabelais, Les Songes drolatiques de Pantagruel, où sont contenues plusieurs figures de l'invention de maistre François Rabelais: & dernière oeuvre d'iceluy, pour la récréation de bons esprits.
En effet ces gravures sont interprétées un peu à la manière des grotesques L'original, dont aucun des dessins n'est arrivé jusqu'à nous, a été publié par Richard Breton à Paris. La signification exacte des dessins n'est pas claire, car hormis un préambule qui n'explique pas grand-chose, il n'y a que des images. Certains chercheurs prétendent qu'il sont politiques et satiriques, arguant, par exemple, de la ressemblance avec le pape Jules II dans au moins de vingt et une gravures. En tous les cas, cette suite de cent vingt planches décline, avec une incroyable inventivité, le thème du monstre qui a fasciné la Renaissance, comme ceux décrits dans le fameux Des monstres et prodiges d'Ambroise Paré.
Dans l'introduction et la postface d'un livre paru en 2004, un historien de la littérature, Michel Jeanneret, et un historien de l'art, Frédéric Elsig, rappellent l'origine probable des Songes drolatiques : le milieu parisien des imprimeurs, des brodeurs et des décorateurs : ils leur servaient de source d'inspiration pour créer des costumes de carnaval ? Ils les rapprochent de la mode des grotesques dans les marges des enluminures de manuscrits du Moyen Age et de la renaissance, et les replacent dans la tradition des drôleries gothiques et flamandes, celle de Bosch et de Bruegel, qui étaient tous deux contemporains de Rabelais. Ils rappellent que l'univers mental de la Renaissance est peuplé de monstres et, pour saisir l'enjeu de ces gravures étranges, proposent une réflexion sur le rapport qu'entretiennent la peur et le rire, suggérant que, si l'attribution à François Rabelais est historiquement fausse, elle rejoint pourtant, dans l'esprit, les joyeuses aventures des Pantagruélistes.
La publication de Gargantua et de Pantagruel a rapidement inspiré imitations, parodies et commentaires par d'autres écrivains, l'un des premiers a été un long poème de François Habert, Le Songe de Pantagruel, avec la déploration de feu messire Anthoine Du Bourg, chevalier, chancellier de France, publié en 1542.
Je ne connais rien au tarot, mais des sites "spécialisés" indiquent que Rabelais en connaissait les cartes et font remarquer la similitude entre l'iconographie de certains arcanes du tarot et quelques-unes des 120 gravures.
Dali a été attiré par la fantaisie, la satire, la subversion, l'érotisme et le matériel onirique contenus dans les textes de Rabelais en raison de leur similitude avec les idées surréalistes. Il s'en est largement inspiré pour les 25 illustrations à la gouache et crayon feutre, Les chansons (Songes) drolatiques de Pantagruel, éditées en lithographies en 1973 Là non plus, aucun commentaire, uniquement une annotation alphabétique. Certaines de ces images ont également été influencées par le travail du peintre et graveur suisse Urs Graf (1485-c.1529).
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vendredi, 23 avril 2010
La cuisine selon Alexandre Dumas
"Nouvelle bouillabaisse dramatique par M. Dumas père"
Lithographie du caricaturiste Cham dans Le Charivari (1858)
Collection de la Société des Amis d'Alexandre Dumas. ©
http://www.dumaspere.com/pages/phototheque/caricatures.html
[...] Laissez-moi causer un peu cuisine avec vous, cher lecteur, en attendant ce fameux livre du Cuisinier pratique que je vous ferai un jour.
Vous aussi, vous pouvez vous trouver sur une plage dénuée de toute chose, et il n'y a pas de mal, lorsque l'on s'aventure dans une ville proclamée ville par l'empereur de Russie, d'étudier un peu son Robinson Crusoé de 1859.
Voici la carte du dîner d'inauguration de Poti comme ville :
Potage
Julienne.
Relevé de potage
Chou au porc frais.
Entrées
Schislik, avec amélioration.
Rognons de porc sautés au vin.
Poulets à la provençale.
Rôti
Deux canards et douze merles.
Entremets
Flageolets à l'anglaise ;
Œufs brouillés au jus de rognons.
Salade
Haricots verts.
Dessert
Noix sèches, thé, café, vodka,
Premier service : Vin de Mingrélie.
Deuxième service : Vin de Kakétie.
Troisième service : Vin de Gouriel.
Convenez que, pour des affamés de trois jours, c'était à faire venir l'eau à la bouche.
Maintenant, passons au procédé et détaillons la préparation de quelques-uns des plats que nous venons d'énumérer. D'abord, expliquons comment je comptais faire, sans bœuf, le bouillon dont j'avais la prétention de mouiller ma julienne.
Une entrecôte de mouton et une vieille poule bouillaient déjà, depuis deux heures, lorsque Moynet et Grégory revinrent de la chasse avec leurs deux canards, leurs douze merles et leurs trois pigeons ramiers.
Pendant que l'on plumait les pigeons ramiers, je pris mon fusil et tuai un corbeau. Ne méprisez pas le corbeau comme chair à bouillon, cher lecteur, vous ne savez pas ce que vous mépriseriez.
Un corbeau dans un pot-au-feu vaut deux livres de bœuf, croyez-en un chasseur; seulement, il faut, non pas le plumer comme un pigeon, mais le dépouiller comme un lapin.
Je mis le corbeau et les trois ramiers dans la marmite, et laissai réduire en mijotant. Puis, quand le bouillon eut atteint les deux tiers de sa force, je pris un magnifique chou pommé, je fonçai la casserole de bandes de porc entrelardé, de manière que le chou en fût cuirassé de tous les côtés, ayant soin que la casserole présentât seulement un intervalle de dix centimètres entre le cuivre et le chou.
Cet intervalle fut rempli de bouillon une première fois ; puis Vasili, placé, une cuiller à pot à la main, à portée à la fois de la marmite et de la casserole, fut chargé, au fur et à mesure que le bouillon de la casserole s'épuiserait, de le remplacer par le bouillon de la marmite.
Tout au contraire du pot-au-feu, qui devait mijoter, le chou devait être mené à grands bouillons.
Vasili remplit sa mission en homme qui n'eût fait que cela toute sa vie.
Le chou, une fois cuit, devait être servi sur le lard, et le bouillon de la casserole devait aller renforcer celui de la marmite.
C'était dans celui de la marmite que Moynet devait faire revenir les légumes conservés de la julienne.
Maintenant que vous savez comment, en pareille circonstance, vous devez, cher lecteur, faire votre potage et votre relevé de potage, passons au schislik avec amélioration. Vous savez comment se fait le schislik, n'est-ce pas ?
Voici l'amélioration que j'avais inventée :
Au lieu de couper le filet par morceaux de la grosseur d'une noix, je le laissais dans toute son intégrité.
Je l'enfilais à une baguette dans le sens de sa longueur ;
Je le saupoudrais convenablement de sel et de poivre ;
Je plaçais sur un pavé une des extrémités de la baguette ;
Je mettais l'autre extrémité à la main gauche de Vasili ;
J'armais sa main droite du kandjar le mieux affilé de tous mes kandjars ;
A mesure que la surface du filet rissolerait, Vasili couperait en longueur cette surface, en lui donnant l'épaisseur de deux ou trois centimètres :
Puis, pendant que l'on servirait cette première surface enlevée, il saupoudrerait de sel et de poivre la surface mise à vif par l'ablation de la croûte supérieure, et remettrait le reste sur le feu ;
Le rôti dûment rissolé, il enlèverait de nouveau et avec la même précaution la surface, qu'il ferait servir chaude comme la première, et ainsi de suite, jusqu'à la fin.
Les délicats mangeraient ces rissoles de viande avec du beurre frais et du persil haché.
Voici pour le schislik avec amélioration.
Venaient ensuite les rognons de porc sautés au vin.
Je crois que tout le monde sait faire les rognons sautés au vin ; nous disons les rognons en général, parce que nous ne nous servions de rognons de porc qu'à défaut de rognons de bœuf ou de rognons de mouton.
Consignons ici un fait peut-être assez inconnu : c'est que les rognons de mouton, meilleurs à la brochette que les autres rognons, leur sont inférieurs avec la sauce au vin.
Cependant, comme un voyageur peut se trouver, dont l'éducation n'ait pas été tournée vers la science culinaire, disons-lui en deux mots comment, en manquant à peu près de tous les condiments nécessaires à une bonne sauce au vin, il pourra faire un plat, sinon superfin, du moins très mangeable.
Il fera frire son beurre presque roux, y jettera une poignée d'oignons hachés, - il est rare qu'il y ait trop d'oignons ; il laissera frire ses oignons ; pendant ce temps, il taillera ses rognons en morceaux de l'épaisseur d'une pièce de cinq francs ; s'il répugne comme moi à toucher la viande avec ses doigts, il roulera ses rognons dans une serviette, où d'avance il aura jeté deux ou trois cuillerées de farine.
Les rognons en sortiront poudrés à blanc. Il mettra ses rognons dans la poêle, où seront déjà le beurre et les oignons. Il tournera avec une cuiller de bois jusqu'à ce que les rognons soient au quart de leur cuisson.
Alors, il prendra une bouteille de vin rouge, - les gros vins sont excellents pour cette sorte de sauce, - et en versera hardiment la moitié, les deux tiers, la totalité même, si la quantité de rognons coupés en tranches comporte la totalité de la bouteille ; puis il laissera cuire en tournant sur bon feu pendant dix minutes à peu près.
A la cinquième minute, il salera et poivrera ; à la huitième minute, il jettera dans ses rognons plein le creux de la main de persil très fin ; pour qu'il conserve son goût, il est important qu'il ne bouille que deux minutes.
Enfin, au moment de servir, on enlèvera et mettra dans un récipient quelconque six ou huit cuillerées de cette sauce, qui doit avoir la consistance et la couleur d'une crème au chocolat battue. Cette sauce est destinée à donner de la couleur et du corps aux œufs brouillés.
Maintenant, passons aux poulets à la provençale, que je recommande comme la chose la plus prompte et la plus facile à faire.
Si vous êtes restreint pour l'huile, c'est-à-dire si vous vous trouvez dans le cas où nous nous trouvions, procurez-vous de la graisse de porc, nommée saindoux. Excepté dans les pays purement mahométans, vous en trouverez partout. Faites frire votre saindoux à la poêle ou à la casserole. Découpez votre poulet par morceaux, comme vous feriez s'il était cuit et que vous voulussiez le servir par petites portions à vos convives. Roulez ces morceaux, comme vous avez fait de vos rognons, dans une serviette blanchie de farine. Mettez-les dans votre friture au moment où elle a cessé de crier. Laissez-leur le temps de prendre une belle couleur dorée, et occupez ce temps à hacher une gousse d'ail et une poignée de persil.
Lorsque vos morceaux de poulet seront cuits et rissolés à point, dressez-les dans un plat creux, salez et poivrez. Substituez à votre friture un demi-verre d'huile d'olive ; davantage, si besoin est ; faites frire l'huile à son tour, saisissez le moment où elle bout sans être brûlée, jetez-y votre ail et votre persil hachés ensemble : trois secondes après, versez le tout sur votre poulet dressé, et servez bouillant.
Vous voyez que tout cela est d'une simplicité biblique ; c'est la cuisine du paradis terrestre. Pour le rôti, vous trouverez partout une ficelle ou un clou. Le rôti est meilleur pendu à une ficelle que cuit avec une broche passée dans le corps et qui lui fait perdre son jus par deux ouvertures.
Quant aux flageolets à l'anglaise, rien de plus simple : vous les faites bouillir à grande eau, jusqu'à ce qu'ils soient cuits ; vous les égouttez sur l'écumoire ou dans une passoire ; si vous n'avez ni écumoire ni passoire, - je parle pour les voyageurs, - dans un linge blanc, et vous les versez bouillants sur une montagne de beurre, pétrie de sel, de poivre, de persil et de civette, si vous en avez. La chaleur des haricots suffira à fondre le beurre.
La confection des œufs brouillés est un peu plus compliquée, mais néanmoins très facile.
Sur douze œufs, vous avez jeté six blancs et laissé six œufs entiers ; dans ces œufs, vous avez versé la valeur de deux cuillerées d'eau, - cet appendice est indispensable pour donner de la légèreté à vos œufs, - vous ajoutez votre sauce de rognons et vous battez le tout, en ayant soin de vous rappeler, quand vous salez et poivrez, que votre sauce de rognons est déjà salée et poivrée. - Ne mettez ni oignon ni persil, votre sauce en contient une quantité suffisante.
Vous jetez, en même temps que vos œufs, un gros morceau de beurre dans la casserole. Puis vous tournez sans cesser un instant votre mouvement de rotation, jusqu'à ce que vos œufs soient convenablement pris. N'oubliez pas, surtout, qu'ils continuent de prendre sur le plat, et qu'il est urgent, à cause de cette condensation postérieure, de les y verser un peu liquides.
Mais le beurre ! me direz-vous ; comment se procurer du beurre frais dans un pays où, par exemple, on ne fait pas de beurre ?
Partout où vous trouverez de bon lait, partout vous pourrez faire votre beurre vous-même. Il vous suffira de remplir une bouteille aux trois quarts et de la boucher, puis vous la ferez secouer violemment pendant une demi- heure. Au bout d'une demi-heure, pour trois quarts de bouteille de lait, vous aurez une motte de beurre de la grosseur d'un œuf de dinde. Etant frais, à l'aide de secousses réitérées, il passera en s'allongeant à travers le goulot de la bouteille.
Le thé, vous savez le faire, n'est-ce pas ?
Quant au café, il se fait de deux façons, à la française ou à la turque.
Pour le faire à la française, il y a dix mécaniques de formes différentes. La meilleure de toutes ces mécaniques est, à mon avis, la chausse de nos grand- mères. Mais toutes ces mécaniques peuvent vous manquer, et même, si simple qu'elle soit, la chausse de nos grand-mères peut ne pas se trouver sous votre main.
Alors, vous ferez votre café à la turque ; c'est bien plus simple et, selon moi, c'est meilleur.
Vous faites bouillir votre eau dans un marabout. Vous mettez autant de cuillerées à café de café pilé au mortier et réduit en poudre aussi impalpable que possible, et autant de cuillerées de sucre râpé que vous voudrez avoir de tasses pleines. Et vous laisserez votre marabout jeter trois gros bouillons ; après quoi, vous verserez le café bouillant dans les tasses. En quelques secondes, le marc se précipitera de lui-même au fond par sa propre pesanteur, et vous pourrez boire un café aussi clair et plus savoureux que s'il était filtré.
Il va sans dire que le prince Ingheradzé et notre marchand turc déclarèrent n'avoir jamais fait un dîner pareil.
Alexandre Dumas (Le Caucase - Chapitre LXII Les plaisirs de Poti)
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jeudi, 22 avril 2010
Il y a 50 ans, le 21 avril 1960, était inaugurée la ville de Brasília
Bâtie ad nihilo en 1.000 jours sous l'impulsion du Président Juscelino Kubitschek, la ville de Brasília était inaugurée le 21 avril 1960, il y a donc 50 ans.
Mais la justice s'est invitée à la fête. Une colossale affaire de corruption éclabousse une partie des responsables de la ville. L'ex-gouverneur José Arruda sort de deux mois de prison et la justice a cassé les contrats d'éclairage et de son des festivités du cinquantenaire. Des contrats de deux millions de dollars. Mais la fête a eu lieu. Les cloches des églises de la capitale brésilienne ont joué à l'unisson pour célébrer l'anniversaire, et des milliers d'habitants ont défilé sur l'avenue où sont érigés les palais futuristes et les bâtiments du pouvoir, lieux de spectacles.
Car Brasília symbolise les utopies urbaines du XXe siècle ! Il y a ceux qui la détestent et ceux qui l'adorent, les avis étant souvent tranchés. Certains apprécient son futurisme (Youri Gagarine disait en 1961 : "J'ai l'impression de débarquer sur une planète différente, pas sur la terre"), sa tranquillité, sa sécurité, bien loin de l'agitation de Rio de Janeiro et de São Paulo. D'autres critiquent une ville sans âme, où tout déplacement doit se faire en voiture, avec ses "favelas" misérables, loin du rêve de la ville idéale sans classes sociales imaginée par Oscar Niemeyer. Mais preuve de sa place dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, elle a été classée au patrimoine mondial de l'Unesco dès 1987.
Le chantier de Brasília a atteint tous les records : à peine 41 mois de travaux, avec des ouvriers travaillant 24h/24 dans des conditions très difficiles. Elle devait être prête à temps, Kubitschek avait promis aux Brésiliens de réaliser "50 ans de progrès en cinq ans". La conception même de la ville était révolutionnaire et osée pour l'époque. Et malgré tous ses détracteurs, Brasília a réussi son pari.
Oeuvre conjointe imaginée par l'urbaniste Lúcio Costa, le paysagiste Roberto Burle Marx et l'architecte Niemeyer, Brasília symbolisait un vieux rêve d'union nationale au centre du vaste pays.
Dès l'indépendance, en 1822, les hommes d'État brésiliens avaient en effet caressé le rêve de déplacer la capitale, Rio de Janeiro, pour la fixer au centre du pays et briser l'opposition entre le Brésil peuplé du littoral et le Brésil vide des immensités intérieures. La mise en valeur de l'époque coloniale avait, en effet, multiplié les villes du bord de la mer, ports destinés à embarquer les richesses brutes du pays vers le Portugal et à y apporter les produits fabriqués, mais exposés aux raids maritimes. La première capitale du Brésil, Salvador avait, elle aussi, été construite sur la côte.
En 1823, José Bonifacio de Andrade e Silva, l'un des mentors de l'Indépendance du Brésil (conquis en 1822), est l'un de proposer le déménagement, et propose déjà le nom de Brasília. Son plan est présenté à l'Assemblée, mais l'empereur Pedro I ayant dissous l'Assemblée, le projet de loi ne sera finalement pas adopté ...
Selon une légende, saint Don Bosco aurait fait, en 1883 un rêve prémonitoire dans lequel il aurait vu une ville futuriste au bord d'un lac, la future Brasília ! Aujourd'hui, une des principales églises de la ville porte son nom ...
En 1891, la première Constitution de la République brésilienne détermine qu'une nouvelle capitale devra être construite, et en 1894, une zone de 14.400 km² lui était réservée. Le 7 Septembre 1922, la première pierre de Brasília est même posée, dans un endroit qui est aujourd'hui Planaltina, l'une des villes satellites de Brasília.
Dans les années 50, le Brésil vit une période prospère, et en 1955, la Commission pour la nouvelle capitale fédérale choisit de nouveau un endroit pour Brasília. En 1956, Juscelino Kubitschek de Oliveira est élu président et crée la Société de l'urbanisation de la nouvelle capitale (NOVACAP). Kubitschek met un jeune architecte, Oscar Niemeyer, aux commandes du projet. En 1957, un concours public est gagné par l'urbaniste Lúcio Costa, pour ses idées innovante de la nouvelle capitale exposées dans son ouvrage maintenant connu sous le nom Plano Piloto (plan-pilote).
Le projet était donc d'attirer vers l'intérieur des terres la population et l'activité économique, jusqu'alors surtout concentrées dans les grandes villes côtières, l'objectif étant d'assurer une meilleure répartition des richesses, mais aussi d'apaiser l'affrontement entre les deux principales villes du pays, Rio de Janeiro et São Paulo. "Brasília n'est pas une improvisation, mais le résultat d'une maturation. Ce n'était pas qu'un changement de Capitale, mais l'annonce d'une réforme. Nous ne voulions pas seulement construire une ville, mais nous nous battions pour l'émancipation d'une région. Le Brésil dans toute son territoire, recevra, lui aussi, les avantages de l'internalisation de la capitale. Tel est l'objet du combat qui sous-tend l'impératif constitutionnel qui a déterminé le changement." écrivait Eduardo Silva en 1983.
Objectif atteint : Brasília a rapproché et réuni les diverses régions du pays. Ainsi, on rencontre à Brasília des gens qui viennent "do Oïapoque ao Chuí" (selon le dicton national qui sonne sur un air de "de Dunkerque à Tamanrasset" pour exprimer le Brésil dans toute son immensité) ... Et la capitale est devenue une énorme agora, un carrefour des plus importants de la culture brésilienne. Enfin, la réussite de Brasília a impliqué en une occupation beaucoup plus effective des régions qui se trouvent à l'arrière pays. Les nouvelles routes construites après le déplacement de la capitale depuis Rio aux hauts plateaux du centre du pays permettent aux voyageurs d'atteindre des localités lointaines, différentes, mais qui font partie de ce grand kaléidoscope brésilien. Et si Sao Paulo reste le centre des affaires et Rio de Janeiro la ville la plus agréable du pays et la plus prestigieuse, Brasília est indéniablement devenu le centre nerveux de toutes les décisions administratives et politiques.
***
Toute visite de Brasília commence par la Torre de Televisão, d'où l'on a une très belle vue de la ville. Surtout à la fin de la journée, au coucher du soleil. C'est bien par là que j'ai commencé ma visite de cette ville en juillet 1971, lors d'un séjour de 2 mois chez mes beaux-parents, alors en poste à Rio de Janeiro ... En effet, la torre da Televisão, haute de plus de 200 mètres, permet, depuis un belvédère à mi-hauteur, de se faire une idée de l'urbanisme de la ville.
En 1971, Brasília, bien que construite depuis onze ans déjà, ressemblait encore à un vaste chantier. Les ministères s'y étaient bien sûr installés, mais nombre d'administrations rechignaient encore à quitter Rio de Janeiro et ses plages de Copacabana et d'Ipanema pour regagner cette ville située au milieu du Mato Grosso, à 1 000m d'altitude, longtemps infectée de moustiques. L'ambassade de France était encore à Rio ... même si le gouvernement brésilien venait d'exiger que toutes les ambassades déménagent, ce qu'elles faisaient à reculons !
Ainsi à l'origine, le projet de l'Ambassade de France à Brasília avait été confié à Le Corbusier, compte tenu de ses étroites relations avec Lúcio Costa et Oscar Niemeyer. Lorsque j'ai séjourné au Brésil, Le Corbusier était mort depuis 6 ans et la décision définitive de construire la nouvelle ambassade venait juste d'être prise l'année précédente. Compte tenu de l'apparition de besoins supplémentaires en surface bâtie, un nouveau projet était en cours d'élaboration par de Guillermo Jullian de la Fuente, architecte d'origine chilienne, ancien collaborateur de l'atelier de Le Corbusier. L'Ambassade et la Résidence, construites entre janvier 1972 et décembre 1974, n'ont donc été inaugurées qu'en 29 janvier 1976, 16 ans après que Brasília soit devenue la capitale !
D'ailleurs, lors de l'inauguration, le 21 avril 1960, les futurs habitants pour qui la ville avait été conçue, les fonctionnaires de Rio de Janeiro, faisaient la moue et tentaient de refuser leur mutation dans le cerrado, alors que les bâtisseurs, les candangos, les habitants de fait, déjà plus de 70 000, étaient parqués à sa périphérie. Pour beaucoup, l'inauguration du Plan Pilote proclamait l'illégalité de leur situation urbaine : ils devaient quitter les cités de chantiers ou les lots mis à leur disposition par contrat jusqu'à ce jour fatal ...
***
Nous étions arrivés de Rio par avion au petit matin. Après 1 000 km au dessus de la forêt vierge, nous avions survolé les petits villages construits pour loger les milliers de Brésiliens venus de tous les coins du pays, mais surtout du Nordeste pour construire Brasília, ces "candangos".censés rentrer à la maison quand Brasília serait terminé, mais qui, pour la plupart, ont vu à Brasília l'occasion d'une vie meilleure et y sont restés.
Depuis la torre da Televisão, nous découvrons le "Plano Piloto" imaginé par l'urbaniste Lucio Costa en forme de croix avec ses deux bras incurvés de sorte que l'ensemble ressemblait plutôt à un oiseau aux ailes déployées, ou à un avion se dirigeant vers le sud-est. "La ville est née d'un geste basique, celui que l'on fait pour indiquer un endroit ou en prendre possession : celui de la croix, avec deux axes qui se croisent en angle droit" expliquait son concepteur.
La ville s'organise autour de deux axes perpendiculaires : l'Eixo monumental et l'"Eixo Rodoviário" ou Eixāo. Au croisement des deux axes se trouve la rodoviária, station centrale de réseau autobus et terminal du métro. En 1971, lors de mon séjour au Brésil, j'avais d'ailleurs utilisé l'autobus pour visiter la ville ...
L'Eixo monumental (Voie Monumentale), orienté est-ouest, axe routier principal de la ville, suit évidemment le corps de l'animal. Elle formée de 2 fois 6 voies routières, séparées par un terre-plein engazonné.
Les bâtiments les plus impressionnants, la plupart dessinés par Oscar Niemeyer, se situent au niveau de la tête de l'"oiseau- Brasília". La Praça dos Três Poderes (la place des Trois Pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire) en forme, très logiquement, le sommet, avec les bâtiments du Congrès National (O Congresso Nacional) : coupole évasée concave, symbole d'ouverture, pour la Chambre des députés; coupole plus petite et renversée, symbole de réflexion, pour le Sénat; et deux gratte-ciel jumeaux administratif en guise de pivot, reliées entre eux et formant un H, symbole de l'Humanité. On m'a dit que l'axe est alignée de telle sorte que le soleil se lève précisément entre les deux tours du Congrès le 21 avril, journée marquant la mort de Joaquim Jose da Silva Xavier Tiradentes ("arracheur de dents" en français), martyr de l'indépendance du Brésil en 1792.
Pour compléter les "Trois Pouvoirs", deux bâtiments à l'architecture identique, avec leurs arcades en marbre qui leur donnent l'impression d'être à peine posées sur le sol : le palais du gouvernement (o Palácio do Planalto), avec sa rampe d'accès monumentale et le Tribunal de Justice Suprême Fédéral (O Tribunal Supremo Federal).
Je me souviens très bien de la célèbre sculpture "os Candangos" de Bruno Giorgi qui se dresse aussi sur cette place : deux figures abstraites en bronze symboles de l'esprit pionnier des travailleurs qui ont construit la ville. Élancés, avec des arêtes saillantes, deux personnages asexués, dont un seul repose sur le sol, portent chacun un bâton et se terminent par des têtes minuscules, ou plutôt par un énorme œil unique. L'ensemble semble en équilibre instable, avec une base trop étroite pour la hauteur. La position des pieds n'est pas naturelle, à 90 degrés du corps, et ils ressemblent plutôt à des pattes de coq ou d'oiseaux de proies. Appelés à l'origine "Os guerreiros" (les guerriers), ils semblent protéger le palais du Gouvernement mais aussi la démocratie, en référence à la célèbre sculpture grecque des "tyranicides" Harmodius et Aristogiton défendant les institutions démocratiques ! Vinicius de Moraes e Tom Jobim chantent ces travailleurs dans "Sinfonia da Alvorada" composée en décembre 1960 : "os trabalhadores, os homens simples e quietos, com pés de raiz, rostos de couro e mãos de pedra, e que, no calcanho, em carro de boi, em lombo de burro, em paus-de-arara...". Os Candangos était le terme peu flatteur employé autrefois par les Africains pour désigner les Portugais. Aujourd'hui, ce mot a perdu cette connotation péjorative et désigne les habitants de Brasília qui ont travaillé à sa construction. Les travailleurs des classes moyenne et supérieure (ingénieurs, médecins, etc.) furent, eux, désignés comme Pioneiros. Les Brésiliens de la nouvelle génération nés à Brasília, par dérision, s'appellent entre eux Calangos, terme qui désigne une espèce de lézard de la région.
Je n'ai en revanche aucun souvenir de la sculpture en granit devant le tribunal, sculptée par Alfredo Ceschiatti et représentant la Justice (A Justiça). Selon la tradition elle est représentée les yeux bandés, afin de démontrer son impartialité, et tient l'épée, symbole de la force qu'il faut pour faire respecter la loi.
Et tout au sommet du crâne de l'"oiseau- Brasília", le Palais de l'Alvorada (O Palácio da Alvorada). Ce palais de l'Aube est la résidence du Président de la République du Brésil. Il fut le premier édifice inauguré, en juin 1958. Il se trouve au bord du Lac Paranoá et à deux kilomètres de la Place des Trois Pouvoirs. Placé au milieu d'un immense jardin, il est connu pour ses façades en marbre et ses colonnes blanches qui s'ouvrent en demi cercles dont André Malraux assura qu'elles constituaient «l'événement architectonique le plus important depuis les colonnes grecques». Rappelant la forme de la Croix du Sud, elles sont devenues le symbole de la capitale, reprises dans les armes de Brasília. Ici on a l'impression d'une villa de vacances, toute ouverte, avec ses immenses baies vitrées, entourée d'eau grâce à la grande piscine, et la statue d'Alfredo Ceschiatti, As banhistas.
Derrière le "sommet du crâne" de l'oiseau- Brasília, en revenant vers la ville et ses habitations, le cerveau, c'est-à-dire l'esplanade des Ministères, cœur de la vie politique du Brésil. C'est une immense artère, longue de 2 kilomètres et large de 250 mètres, l'avenue la plus large du monde pour les Brésiliens ! De part et d'autre de l'artère se trouvent les ministères fédéraux, alignés dans un ordre impeccable, avec en particulier le célèbre Palácio do Itamaraty (Ministério das Relações Exteriores ou Ministère des affaires étrangères). Son nom (fleur de pierre) est d'origine indienne, il est aussi celui du premier ministre des Affaires Etrangères de la république du Brésil : Francisco da Rocha, Comte d'Itamaraty. Il venait d'être inauguré lorsque j'ai visité Brasília, et il m'avait particulièrement plu, avec son pont enjambant un grand bassin parsemé d'îles de plantes tropicales, œuvre du paysagiste Robert Burle Marx, et avec la sculpture en marbre de Carrare le "Météor", de Bruno Giorgi, représentant les cinq continents, qui semblait posée sur la surface de l'eau ... cet élégant palais détonnait à côté des bâtiments massifs des autres ministères ! Je regrette de ne pas avoir pu, comme les "grands de ce monde", pénétrer à l'intérieur pour admirer l'immense hall, sans colonne de soutien, qui s'ouvre sur un jardin, ni l'escalier sans pilier, qui tel un ruban de béton, monte à l'étage. Il parait que maintenant l'Itamaraty se visite, comme d'ailleurs la plupart des "monuments" de Brasília ...
Face à l'Esplanade des Ministères, La Catedral Metropolitana Nossa Senhora Aparecida do Brasília, conçue par l'architecte Oscar Niemeyer, présente une forme très atypique, constituée de seize paraboloïdes en béton de 40 mètres de haut et de 90 tonnes chacune, séparées de vitraux. Cette structure, d'un diamètre de 70 m, représente pour les uns des mains se rejoignant en direction du ciel, pour les autres une couronne d'épine ... j'opte pour la 1ère interprétation moins religieuse, donc plus universelle !
Construite en sous-sol, le haut de sa nef se trouve au niveau du sol. Son éclairage est naturel, grâce à des vitraux où dominent le blanc, le beige, le vert et le bleu. Ils ont été réalisés par Marianne Perretti. Toujours à l'intérieur, sculptés par Alfredo Ceschiatti, trois anges en aluminium, suspendus à des filins, volent "dans le ciel" de la Cathédrale. Des panneaux peints par l'artiste brésilien Di Cavalcanti représentent la Passion du Christ. L'autel est la réplique de celui du sanctuaire marial d'Aparecida do Norte à Sao paulo. Dans la crypte se trouve une reproduction du Saint Suaire de Turin. A l'extérieur, quatre statues géantes, également du sculpteur Alfredo Ceschiatti représentant les Évangélistes, Matthieu, Marc et Luc sur la gauche et Jean sur la droite, accueillent les visiteurs et les conduisent vers l'entrée. Les 4 cloches du clocher ont été offertes par le gouvernement espagnol et viennent des ateliers Pereira de Saragose. La Cathédrale peut accueillir 2 000 personnes.
La queue de l'oiseau présente actuellement le mémorial du président Juscelino Kubitschek, mais en 1971, celui-ci n'était pas encore construit, il ne le sera que 10 ans plus tard. Situé à l'Ouest de la ville ce monument est un hommage à l'ex-président Juscelino Kubitschek, "le père" de Brasília". Le Mémorial, qui abrite l'urne funéraire du Président, est constitué d'un piédestal de 28 m du haut duquel Juscelino Kubitschek semble saluer sa ville. La chambre mortuaire où repose l'ancien président est un salon circulaire de 10 mètres de diamètre sous un plafond de vitraux réalisés par Marianne Peretti.
Enfin, les ailes regroupent deux grands quartiers, l'un au nord et l'autre au sud, divisés en "superquadras", gros pâtés de maisons destinés à accueillir autant de "villages" dans la ville, quartiers résidentiels voulus semi-indépendants avec leurs propres magasins, écoles, etc ... L'Eixāo, courbe, d'axe nord-sud, dessert ces quartiers. Il est exclusivement réservé à la circulation des véhicules, des passages souterrains sont aménagés pour la traversée des piétons. Et les enfants qui habitent à l'intérieur des "quadras", les grands patios formés par les immeubles de logement, peuvent y jouer sans surveillance particulière.
Mais ces quartiers abritent essentiellement une population de fonctionnaires, les classes populaires s'entassent dans les 16 Cidades-Satélites (villes satellites maintenant reliées à Brasília par un métro) qui se sont construites en dehors du Plan-pilote, parmi lesquelles Taguatinga, Guará, Gama, Núcleo Bandeirante, Ceilândia, Aguas claras, Samambaia, Sobradinho ou encore Planatina, seule ville du District Fédéral antérieure à la construction de Brasília ... Ces villes concentrent, de nos jours, la majorité de la population des "brasilienses", ceux qui ont édifié Brasília, ainsi que les flots de migrants fuyant la misère des campagnes. Les bidonvilles ont grossi autour de l'"oiseau" et le fossé se creuse entre les différentes parties de la ville, au point d'attrister son créateur : "Les profondes disparités sociales de la nouvelle capitale m'attristent énormément", confie Oscar Niemeyer, fidèle à ses idéaux communistes.
Car planifiée pour compter 600.000 habitants en l'an 2000, le district de Brasília en a aujourd'hui cinq fois plus. Le "Plan pilote", resté par ailleurs inachevé, n'avait pas prévu leur présence ni planifié leur installation. Autour du centre classé, la spéculation immobilière fait rage, interdisant l'accès aux familles modestes. Et la ville reflète les contradictions de la société brésilienne, les très riches encerclés par les très pauvres.
Brasília est une des villes les plus inégales au monde, juste derrière trois villes d'Afrique du Sud, selon l'ONU. "Une carte postale cernée par la misère", selon le journal O Estado ... Le principal quartier résidentiel de la ville a un indice de développement humain du niveau de l'Allemagne tandis que les communes satellites ont des indices inférieurs ceux de la Guinée équatoriale.
Les détracteurs de Brasília critiquent aussi le "tout-voiture" - une obligation dans cette ville sans trottoirs où personne ne marche - et ses embouteillages. Ils s'élèvent également contre le cloisonnement des activités (le quartier des bureaux, des hôtels, des loisirs, des commerces...), ses immenses espaces vides et ses mornes fins de semaine que fuient tous ceux qui le peuvent. Ils critiquent enfin la dette abyssale de cette construction, que les brésiliens n'ont pas fini de rembourser ...
Mais pour les touristes, traverser Brasília en voiture, c'est parcourir un immense parc. L'architecture se dissout dans la végétation. Ainsi au bord du lac Paranoá, à l'écart du centre-ville, de nombreuses maisons de standing ont été construites sur une péninsule à l'extrémité nord; un quartier semblable existe au bord du lac sud. À l'origine, les urbanistes envisagé de vastes zones publiques le long des rives de ce lac artificiel , Mais les clubs privés, des hôtels, des restaurants et des résidences haut de gamme se sont installés pied dans l'eau. Brasília se distingue également par son écosystème unique dans lequel on recense 3 000 espèces végétales et 1 500 espèces animales connues ...
Aujourd'hui, qu'en est-il de tous ces beaux bâtiments ? Hâtivement construits et malmenés par le climat, les édifices les plus prestigieux, telle la cathédrale, souffrent de détériorations et présentent de profondes fissures. certains se trouvent en cours de restauration. Et des immeubles des années 60 ou 70, déjà en ruine, sur des trottoirs défoncés ! Pour traverser l'Eixo Monumental, la fameuse 6 voies, pas de passages souterrains, au milieu un terre-plein nu, pelé, à perte de vue, avec des bassins vides, car c'étaient le rendez-vous des moustiques propageant la dengue ... Et, en désaccord avec le "plan pilote" de Costa, certains immeubles ont été surélevés, des espaces libres ont été dénaturés par de nouvelles constructions et le réseau routier a été altéré. Il est vrai qu'avec la dictature militaire à partir de 1964, des milliers d'intellectuels brésiliens s'étaient exilés, dont Neimeyer, et le "Plano piloto" n'avait plus de pilote ! Depuis une vingtaine d'années pourtant, un travail de fond a été entrepris pour cesser les dérives et protéger les zones qui peuvent encore l'être en accord avec les principes urbains initiaux, revisités cependant par Lucio Costa lui-même pour tenir compte de l'expétience acquise. D'où cette remarque lue dans l'Estado de São Paulo, grand quotidien de référence: "Brasília est née d'un chantier et c'est comme chantier qu'elle commémorera ses cinquante ans" ...
***
Oscar Niemeyer est né le 15 décembre 1907 à Rio de Janeiro. Attiré par l'architecture moderne de Le Corbusier véhiculée au Brésil, entre autres, par l'architecte Lucio Costa, Oscar Niemeyer devient stagiaire dans l'agence de celui qui 25 plus tard dessinera Brasília. En 1956, le président Joscelino Kubitschek fait appel à Niemeyer pour concevoir les principaux équipements publics de la future capitale. La notoriété de l'architecte devient alors mondiale.
Exilé pendant la dictature en 1967, il reviendra au pays avec la démocratie pour s'installer dans sa ville natale. Dans son atelier de Copacabana, Oscar Niemeyer, ne cessera plus de dessiner et d'imaginer de nouveaux projets.
En exclusivité pour les Urbanités, Oscar Niemeyer a accepté à 102 ans de répondre à une interview, à la condition qu'elle soit écrite plutôt qu'enregistrée. Une occasion exceptionnelle d'effectuer un retour en arrière de 50 ans, lorsque Brasília devient la capitale du Brésil... (source : http://www.urbanews.fr/oscar-niemeyer-Brasília-represente...)
L'interview d'Oscar Niemeyer est sur http://urbanites.rsr.ch/blog/interview-exclusive-doscar-n...
Quelques autres liens :
Plan et description de Brasília sur http://www2.ac-lyon.fr/services/bresil05/pages/architectu...
Visite de Brasília sur http://www.photofiltregraphic.com/20albums/bresil_Brasíli...
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mardi, 06 octobre 2009
L'ENFANT QUI VA AUX COMMISSIONS
"Un pain, du beurre, un camembert,
mais surtout n'oublie pas le sel.
Reviens pour mettre le couvert,
ne va pas traîner la semelle."
L'enfant s'en va le nez au vent.
Le vent le voit. Le vent le flaire.
L'enfant devient un vol-au-vent,
l'enfant devient un fils de l'air.
"Reviens, reviens, au nom de Dieu !
Tu fais le malheur de ton père.
Ma soupe est déjà sur le feu.
Tu devais mettre le couvert !"
Léger, bien plus léger que l'air,
l'enfant est sourd à cet appel.
Il est déjà à Saint-Nazaire.
Il oublie le pain et le sel...
Claude Roy
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vendredi, 20 février 2009
Encore une video ...
Court-métrage d'Arthur de Pins intitulé La Révolution des Crabes, récompensé par le Prix du Public au Festival International du Film d'Animation d'Annecy en 2004, ce petit bijou nous plonge dans les eaux marron de l'estuaire de la Gironde, à la rencontre des Pachygrapsus Marmoratus, appelés communément "chancres mous" ou plus souvent "crabes dépressifs". En effet la nature a permis aux crabes de se déplacer sur le côté mais ne leur a pas en revanche accordé le droit de tourner ... Une tare génétique qui les condamne à marcher toute leur vie en ligne droite ...
LA REVOLUTION DES CRABES
envoyé par Premium-films-Tv
17:44 Publié dans art, cinéma, coup de coeur, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
jeudi, 05 février 2009
On trouve des pepites sur dailymotion (suite)
Dans une note précédente, je parlais d'un court métrage réalisé par des étudiants de l'Ecole supérieure des métiers d'art (ESMA) de Montpellier, ORACLE ...
Beaucoup d'autres animation sont également disponibles sur dailymotion. Parfois inquiétantes, souvent poétiques, à trier évidemment car on y trouve de tout, mais je me suis donc régalée pendant plusieurs heures ... et comme il existe un outil "videozap" pour les grouper et les mettre en ligne, je n'ai pas résisté à en faire un petit choix ...
15:53 Publié dans art, cinéma, coup de coeur, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
dimanche, 01 février 2009
On trouve des pépites sur dailymotion
En ces temps, plus ou moins inquiétants, où l'on va ficher les jeunes dès 13 ans (et même certains voudraient commencer à 3 ans ...), j'ai découvert un court métrage réalisé par des étudiants de l'Ecole supérieure des métiers d'art (ESMA) de Montpellier : il s'agit d'"Oracle", un système futuriste qui permet de découvrir l'avenir de nos enfants alors qu'ils viennent à peine de naitre, et ainsi de savoir si oui ou non il deviendra un délinquant, permettant alors de choisir de le garder ou non ... Ce logiciel novateur permettrait de baisser la violence dans le monde d'une manière significative ! Un père de famille découvre donc l'avenir de sa fille d'une manière dubitative ...
Cette animation est épatante par la qualité de sa réalisation, mais aussi heureusement par sa fin très humaniste ... bravo aux réalisateurs qui font passer implicitement une question récurrente, peut on tout contrôler ?
Oracle
envoyé par Esma-Movie
Une foule d'autres animations à savourer sur http://www.dailymotion.com/Esma-Movie
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