vendredi, 03 février 2006
Ne nous trompons pas de combat
Les caricatures de Mahomet publiées dans un quotidien danois Jyllands-Posten fin septembre puis reprises le 10 janvier par le magazine norvégien Magazinet déclenchent actuellement un tollé dans toutes les capitales arabes, auquel répondent de nombreuses déclarations ou "initiatives" occidentales au nom de la "liberté d'expression"
Calmons nous !
Certes les réactions de certains musulmans sont extrémistes, voire inacceptables, mais le message caché derrière ces dessins est douteux : Mettre une bombe sur la tête d'un intégriste, c'est dénoncer le fanatisme et l'intégrisme; mais mettre une bombe sur la tête de Mahomet, c'est dire que l'Islam est criminel, que les musulmans sont criminels. Ce sont tous les musulmans qui sont visés, et cela devient du racisme. Il faut également se demander pourquoi cette affaire éclate seulement aujourd'hui avec 4 mois de retard, et donc à qui elle profite... Cette polémique renforce l'idée d'une division profonde entre deux mondes, deux civilisations dont la coexistence est impossible. Plus grave, elle nourrit les discours extrémistes des deux bords: droite xénophobe européenne et islamisme radical. Ces caricatures ne sont donc pas seulement imbéciles, elles sont dangereuses !
Le Monde a interrogé des dessinateurs et caricaturistes, et les réactions de Pierre Sadeq et de Hassan Bleibel, deux caricaturistes libanais, résument bien les réactions qui devraient être les nôtres : "Je traite de tout mais dans le respect des croyances. Je m'amuse des hommes de religion, qu'il s'agisse du patriarche maronite, du secrétaire général du Hezbollah (Hassan Nasrallah, chiite) ou des chefs religieux des communautés chiite et sunnite. Une seule fois, récemment, on m'a laissé entendre du côté du Hezbollah qu'on n'était pas content. Je leur ai expliqué que dès lors que Nasrallah est entré dans l'arène politique, je suis en droit de le caricaturer. Je réprouve les caricatures qui ont été publiées. Je n'irai jamais si loin pour ma part, quelle que soit la religion concernée." Ou encore "J'ai tendance à penser qu'il ne faut pas surdimensionner ce genre d'affaires, parce qu'on risque d'aboutir à l'effet contraire si l'objectif est précisément de dire que les musulmans sont intolérants et obtus. Cela étant dit, il existe des sujets sensibles auxquels il faut éviter de toucher en tant que caricaturiste. L'Europe est très sensible à ce qui touche la religion juive. Il n'est donc pas logique qu'elle ne tienne pas compte de la sensibilité des musulmans à ce qui touche à leur religion. L'Occident est certes chrétien, mais les Occidentaux ont pris des distances avec la religion, ce qui n'est pas le cas des musulmans. La liberté d'opinion et d'expression est bien sûr sacrée, mais elle ne doit pas franchir la ligne ténue qui la sépare de l'injure et elle doit obéir à des règles. Il existe une différence entre des hommes de religion et le symbole que peut représenter un prophète pour une religion.".
Parce qu’il est engagé dans son époque, un journaliste ne peut occulter les conséquences de ses écrits et l’impact qu’ils auront sur l’opinion publique à qui il s’adresse et que, parfois, il façonne.
Alors ne nous trompons pas de combat! Parce que chaque jour des hommes et des femmes risquent leur vie pour nous informer, que certains en sont morts ou sont emprisonnés pour avoir défendu la liberté de la presse, ne galvaudons celle-ci pour des intérêts partisans
01:00 Publié dans coup de gueule | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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