vendredi, 02 mars 2012
c'est l'histoire d'une femme qui élève seule son enfant ...
Dice che era un bell'uomo e veniva
veniva dal mare
parlava un'altra lingua
pero' sapeva amare
e quel giorno lui prese mia madre
sopra un bel prato
l'ora più dolce
prima d'essere ammazzato
Cosi' lei resto' sola nella stanza
la stanza sul porto
con l'unico vestito
ogni giorno più corto
e benchè non sapesse il nome
e neppure il paese
m'aspetto' come un dono d'amore
fino dal primo mese
Compiva sedici anni
quel giorno la mia mamma
le strofe di taverna
le cantò a ninna nanna
e stringendomi al petto che sapeva
sapeva di mare
giocava a far la donna
con il bimbo da fasciare
E forse fu per gioco
o forse per amore
che mi volle chiamare
come nostro Signore
Della sua breve vita il ricordo
il ricordo più grosso
e' tutto in questo nome
che io mi porto addosso
E ancora adesso che gioco a carte
e bevo vino
per la gente del porto mi chiamo
Gesù Bambino
E ancora adesso che gioco a carte
e bevo vino
per la gente del porto io sono
Gesu'Bambino
E ancora adesso che gioco a carte
e bevo vino
per la gente del porto mi chiamo
Gesu' Bambino
Gesu' Bambino
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Une voix s'est éteinte ...
L'Italie pleure le chanteur Lucio Dalla !!!
Lucio Dalla était surtout connu pour le fameux air écrit en hommage au grand Enrico Caruso, un immense succès datant de 1986, qui se vendra à plus de 9 millions d'exemplaires : la chanson fera l'objet d'une trentaine d'interprétations, dont la plus célèbre reste celle de Pavarotti.
Mais moi qui ai un peu vécu à l'étranger, j'appréciais nombre de ses chansons, comme La casa in riva al mare qu'il chante ici avec Toquinho ...
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samedi, 05 février 2011
Un champ d'îles
Savoir ce qui dans vos yeux berce
Une baie de ciel un oiseau
La mer, une caresse dévolue
Le soleil ici revenu
Beauté de l'espace ou otage
De l'avenir tentaculaire
Toute parole s'y confond
Avec le silence des Eaux
Beauté des temps pour un mirage
Le temps qui demeure est d'attente
Le temps qui vole est un cyclone
Où c'est la route éparpillée
L'après-midi s'est voilé
De lianes d'emphase et fureur
Glacée, de volcans amenés
Par la main à côté des sables
Le soir à son tour germera
Dans le pays de la douleur
Une main qui fuse le Soir
À son tour doucement tombera
Beauté d'attente Beauté des vagues
L'attente est presque un beaupré
Enlacé d'ailes et de vents
Comme un fouillis sur la berge
Chaque mot vient sans qu'on fasse
À peine bouger l'horizon
Le paysage est un tamis soudain
De mots poussés sous la lune
Savoir ce qui sur vos cheveux
Hagard étrenne ses attelages
Et le sel vient-il de la mer
Ou de cette voix qui circule
Abandonnés les tournoiements
D'aventure sur les tambours
L'assaut du sang dans les plaines
Son écume sur les Hauts
Abandonné le puits de souffrance
La souffrance au large du ciel emporte
Dans la foule des fromagers
Sa meute de mots et sa proie
Abandonnée tarie la mesure
Démesure des coutelas
Cette musique est au coeur
Comme un hameau de lassitude
Beauté plus rare que dans l'île
Ton grand chemin des hébétudes
Va-t-il enfouir son regard
Dans la terre, humide douce
Les hommes sortent de la terre
Avec leurs visages trop forts
Et l'appétit de leurs regards
Sur la voilure des clairières
Les femmes marchent devant eux
L'île toute est bientôt femme
Apitoyée sur elle-même mais crispant
Son désespoir dans son coeur nu
Et parmi les chants de midi
Ravinés de sueurs triomphales
Sur un cheval vient à passer
La morte demain la Pitié
L'île entière est une pitié
Qui sur soi-même se suicide
Dans cet amas d'argiles ruées
Ô la terre avance ses vierges
Apitoyée cette île et pitoyable
Elle vit de mots dérivés
Comme un halo de naufragés
À la rencontre des rochers
Elle a besoin de mots qui durent
Et font le ciel et l'horizon
Plus brouillés que les yeux de femmes
Plus nets que regards d'homme seul
Ce sont les mots de la Mesure
Et le tambour à peine tu
Au tréfonds désormais remue
Son attente d'autres rivages
L'après-midi le Soir les masures
Le poing calé dans le bois dur
La main qui fleurit la douleur
La main qui leva l'horizon
Sur vos chemins quelle chanson
A pu défendre la clarté
Sur vos yeux que l'amour brûla
Quelle terre s'est déposée
Outre mer est la chasteté
Des incendiaires dans les livres
Mais le feu dans le réel et le jour
C'est ce courage des vivants
Ils font l'oiseau ils font l'écume
Et la maison des laves parfois
Ils font la richesse des douves
Et la récolte du passé
Ils obéissent à leurs mains
Fabriquant des échos sans nombre
Et le ciel et sa pureté fuient
Cette pureté de rocailles
Ils font les terres qui les font
Les avenirs qui les épargnent
Ô les filaos les grandissent
Sur les crêtes du souvenir
Mulets serpents et mangoustes
Font ces hommes violents et doux
Et la lumière les aveugle
La nuit au bord des routes coloniales
Toute parole est une terre
Il est de fouiller son sous-sol
Où un espace meuble est gardé
Brûlant, pour ce que l'arbre dit
C'est là que dorment les tam-tams
Dormant ils rêvent de flambeaux
Leur rêve bruit en marée
Dans le sous-sol des mots mesurés
Leur rêve berce dans vos yeux
Des paniques des maelströms
Plus agités que la brousse profonde
Lorsque passe le clair disant
Beauté sanguine des golfes
Ô c'est une plaie une plaie
Où danse le ciel, grave et lent
De voir des hommes nus et tels
Et l'île toute enfin repose
Dans le chaud des maturités
Mûr est le silence sur la ville
Mûre l'étoile dans la faim
Ce qui berce dans vos yeux son chant
Est la parure des troupeaux
L'herbe à taureaux pour les misaines
Le dur reflet des sels au sud
Rien ne distrait d'ordre les vies
Les hommes marchent les enfants rient
Voici la terre bâtée, consentante
De courants d'eau, de voilures
Quelle pensée raide parcourt
Les fibres les sèves les muscles
De la douleur a-t-on fait un mot
Un mot nouveau qui multiplie
Celui qui parmi les neiges enfante
Un paysage une ville des soifs
Celui qui range ses tambours ses étoffes
Dans la sablure des paroles
Guettant le saut des Eaux immenses
Le grand éclat des vagues Midi
Plus ardent que la morsure des givres
Plus retenu que votre impatience d'épine
Celui que prolonge l'attente
Et toutes les mains dans sa tête
Et toutes splendeurs dans sa nuit
Pour que la terre s'émerveille
Il accepte le bruit des mots
Plus égal que l'effroi des sources
Plus uni que la chair des plaines
Déchirée ensemencée
Sa clarté est dans l'océan
Dans la patience que traîne
Vers où nul oeil ne se distend
La flore d'îles du Levant
Ce qui berce en vos yeux son chant
Pour atteindre le matin ô connue
Inconnue c'est la chaleur fauve
Du Chaos où l'oeil enfin touche
Île ces requins vos fumures
Le charroi de votre sang l'homme
Et sa colline la femme et les cases
L'avenue dans ces miroirs les Mains
Est-ce oiseau, une racine qui gicle
Est-ce moisson, l'amitié grandie de la terre
La même couleur éclabousse, caresse
La souffrance est de ne pas voir
Beauté de ce peuple d'aimants
Dans la limaille végétale et vous
Je vous cerne comme la mer
Avec ses fumures d'épaves
Beauté des routes multicolores
Dans la savane que rumine
L'autan plein de mots à éclore
Je vous mène à votre seuil
Écoutant ruisseler mes tambours
Attendant l'éclat brusque des lames
L'éveil sur l'eau des danseurs
Et des chiens qui entre les jambes regardent
Dans ce bruit de fraternité
La pierre et son lichen ma parole
Juste mais vive demain pour vous
Telle fureur dans la douceur marine,
Je me fais mer où l'enfant va rêver.
Edouard Glissant
« Un champ d'îles » est la deuxième partie du poème du même nom, publié aux éditions Seuil en 1965, republié dans Poèmes complets. Paris: Gallimard, 1994
Edouard Glissant, poète, romancier, essayiste, efigure majeure de la littérature antillaise, est mort le 3 février 2011.
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vendredi, 21 mai 2010
21 Mai 1910 : le prix du champagne !
Il y a 100 ans, pour avoir effectué un vol d'une quarantaine de minutes entre Calais et le Royaume-Uni le 21 Mai 1910, le français Jacques de Lesseps gagne le prix de 12 500 francs-or (ce qui ferait aujourd'hui un peu moins de 40 000 €) créé le 15 novembre 1906 par André Ruinart de Brimont, pour récompenser une traversée de la Manche par « un appareil plus lourd que l'air, se mouvant par les seuls moyens de propulsion du bord ». Ce prix est complété par la prime de 100 £ offerte par le Daily Mail pour le second vol au dessus de la Manche.
Louis Blériot pouvait bien entendu remporter également ce trophée lors de sa traversée de juillet 1909 mais il avait alors choisit de concourir exclusivement pour le prix du Daily Mail dont le montant était plus important encore.
Fils de l'illustre ingénieur Ferdinand de Lesseps, auquel on doit le percement du canal de Suez, Jacques de Lesseps est né à Paris, le 5 juillet 1883. Avec ses frères Bertrand, Paul et Robert, il se passionne pour l'aviation et décide d'apprendre à piloter au lendemain de l'inoubliable exploit de Blériot joignant le 25 juillet 1909 la France et l'Angleterre.
Pour former ses clients, Blériot a installé en hâte à Buc (Yvelines) une école de pilotage avant de monter des écoles plus importantes et mieux dotées en matériel à Issy-les-Moulineaux, Pau et Étampes. Certains de ses clients portent des noms célèbres, d'autres noms, inconnus, vont bientôt le devenir par leurs exploits. Jacques de Lesseps est le plus assidu de la petite école de pilotage, installée sur le champ de manoeuvres d'Issy-les-Moulineaux, sur un monoplan que Louis Blériot mettait à la disposition de quelques fanas.
Le 7 octobre 1909, le gouvernement décide de décerner à 16 pionniers de l'aviation un brevet de pilote. Personne n'osant faire passer un examen à ces pionniers et pour éviter tous débats, il est décidé d'attribuer ces premiers brevets par ordre alphabétique, empêchant ainsi toute espèce de prééminence entre les 16 premiers brevetés. Le N°1 échoit ainsi à Louis Blériot et le dernier à Wilbur Wright. Deux numéros « bis » (5 et 10) et pas de numéro 13 ... La réglementation du brevet de pilote entre en vigueur le 1er janvier 1910 et Jacques de Lesseps l'obtient dès le 6 janvier 1910 avec le N° 26, après quelques séances d'entraînement en réalisant un vol de 1 h 50 sans toucher le sol. À Issy, Jacques de Lesseps se perfectionne par un entraînement assidu et il participe aux nombreuses compétitions et conférences sur le développement de l'aviation un peu partout dans le monde.
Après l'exploit de Louis Blériot d'avoir franchi la Manche, restait un prix en compétition offert par la marque de champagne Ruinart à celui qui traverserait le détroit un samedi ou un dimanche. Comme Louis Blériot 10 mois auparavant, Jacques de Lesseps décolle du lieu dit Les Baraques, près de Calais, le 21 mai 1910 en début d'après midi, à bord de son Blériot XI à moteur Gnome-et-Rhône de 50 cv, baptisé « Scarabée ». Quelques jours auparavant, son départ est retardé à cause du décès du roi Edouard VII d'Angleterre. À 15 h 50, l'appareil s'envole, prend de la hauteur, à 400 ou 500 mètres d'altitude, puis pique vers le large escorté par le contre-torpilleur Escopette. Trois-quarts d'heure après, il se pose sans encombre à proximité de la ferme de Wonston Court, à Sainte Margaret Bay, au Nord-Est de Douvres. Il est le second aviateur qui ait réussi la traversée de la Manche !
Jacques de Lesseps aurait souhaité rentrer en France avec son avion, mais la brume s'étant épaissie, il doit renoncer à ce projet et rejoint Calais le soir en steamer, où un banquet lui est offert. Le capitaine de frégate Prat, commandant la station des sous-marins de Calais, qui allait trouver la mort le 26 mai dans les flancs du "Pluviôse", prend la parole au dessert. Mais Jacques de Lesseps ne recevra pas autant d'honneurs que son prédécesseur Louis Blériot, la France ayant décrété un deuil national en mémoire des vingt-sept victimes du naufrage.
La traversée de la Manche ayant été réalisée à deux reprises, la Maison de Champagne Ruinart offre alors immédiatement un nouveau Prix pour le pilote qui réalisera le 1er aller-retour entre la France et l'Angleterre. Il sera remportée dans les jours qui suivirent, le 2 juin 1910, par l'anglais Charles Stewart Rolls, créateur de la célèbre firme automobile du même nom. " Les exploits des aviateurs se suivent et se surpassent, et l'on doit vraisemblablement s'attendre, après leurs derniers triomphes, à la prochaine réalisation de tous les rêves d'Icare. C'est pourquoi, si l'on admire toujours, on ne s'étonne presque plus" écrit la presse.
Héros, Jacques de Lesseps devait l'être également pendant la Première Guerre mondiale. Chef d'escadrille, il sert sur le front comme pilote de bombardier et de reconnaissance aérienne. Il effectue 95 missions de bombardement et défend Paris contre les Zeppelins allemands. Il est cité quatre fois à l'ordre du jour de l'armée française et est fait chevalier de la Légion d'honneur. La France lui décernera aussi la Croix de Guerre et le gouvernement américain lui attribuera la Distinguished Service Cross.
La paix revenue, il part au Canada, où il devient directeur technique de la compagnie aérienne Française-Canadienne (CAFC), qui se spécialise dans la rédaction de cartes géographiques à partir de photos aériennes. En 1926 et 1927, il est chargé par Honoré Mercier, ministre des Terres et Forêts du Québec, de réaliser un relevé cartographique de la Gaspésie depuis les airs. Cette technique s'avère beaucoup plus efficace que les relevés topographiques, difficiles à effectuer dans une région comme la Gaspésie. Pour photographier plus de 80 000 kilomètres carrés de territoire, il utilise 2 hydravions Schreck FBA et installe une hydrobase principale à Gaspé et une hydrobase secondaire à Val-Brillant, sur les rives du lac Matapédia.
Le travail est risqué, il n'y a pas de cabine de pilotage, il n'y a pas les instruments de navigation ni les cartes d'aujourd'hui et le photographe devait accomplir son travail dans des conditions souvent périlleuses, en vent, avec un gros appareil dont le négatif est de 8 pouces par 10 pouces ... S'envolant le 18 octobre 1927, par un après-midi brumeux, de Gaspé à destination de Québec avec son mécanicien Théodore Chichenko, Jacques de Lesseps ne parvient pas à destination. Le pilote et son copilote ont péri au large de Baie-des-Sables. À partir du 20 octobre, d'importants débris de l'avion, sauf le moteur, sont retrouvés sur le rivage et en mer, surtout entre Baie-des-Sables et Sainte-Félicité, 50 kilomètres en aval. Le corps de Jacques de Lesseps est trouvé le 5 décembre, à Port-au-Port, à Terre-Neuve. Celui de Chichenko n'a jamais été revu. Selon ses volontés, de Lesseps a été inhumé à Gaspé le 14 décembre 1927. En 1932, on lui érige un monument dans cette ville.
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vendredi, 14 mai 2010
Balades dans Paris : la Rue des Barres et la rue du Grenier sur l'eau
Commençons notre balade par l'un des endroits les plus romantiques du Marais et de Paris, les rues des Barres et Grenier sur l'eau !
Pourquoi les "Barres" ? Une des premières possessions du Temple dans la capitale fut un moulin situé sous le Grand-Pont, avec une maison au-dessus, que légua à l'Ordre des Templiers une noble dame nommée Genta ou La Gente, moyennant trente livres versés chaque année au chapitre de Notre Dame. L'acte qui constate cet accord ne porte pas de date, mais il parait avoir été rédigé avant 1170, plutôt e 1137 ou 1147. Un peu plus tard, les Templiers possédaient également trois moulins, appelés "moulins des Barres"ou encore "moulins de Grève, "moulins assis sous Saint-Gervais", sur lesquels ils prélevaient les droits de mouture et droits de fournage.
En 1252, les templiers possédaient aussi une grange aux Barres", on en voit mention dès 1233, "granchia Templi de Barris, in censiva Templi". C'est peut-être une dépendance pour les arrivages par la rivière. En 1293, "en la rivière de Seine, au quay du Temple", un accord est passé entre le prévôt de la marchandise de l'eau et les échevins de la ville de Paris d'une part, et les chevaliers du Temple, pour leurs moulins au Pont de Grève. Ils s'engageaient à faire un pont de bois avec autant d'arches qu'il serait jugé nécessaire, et de payer 6 deniers chaque année au parloir aux Bourgeois
Mais pourquoi ce nom de "barres" ? Ce nom donné à la rue et aux moulins, et peut être aussi aux terrains alentour, pourrait venir de l'enceinte du XIème siècle. C'est en tous les cas ce qu'affirme le Marquis de Rochegude, dans un ouvrage "Promenades dans toutes les Rues de Paris (origines des rues, maisons historiques ou curieuses, anciens et nouveaux hôtels, enseignes), paru en 1910 Il écrit que le nom vient de ce que des barres étaient placées autrefois sur le sentier jusqu'à sa descente à la Seine par les officiers des Aides (ou "Aydes") et de la gabelle, sans doute pour empêcher les fraudeurs de passer inaperçus.
La rue des Barres, qui relie aujourd'hui la rue de l'Hôtel de Ville à la rue François Miron, est donc l'ancienne ruelle aux Moulins des Barres, qui descendait d'une petite butte vers les berges verdoyantes de la Seine, vers des moulins situés sur la rivière à cet endroit qu'on appelait donc "les Barres", et elle date de 1250. Cette petite éminence, qu'on appelait anciennement monceau (moncellum), surplombait les marécages, ce qui avait permis aux pêcheurs, mariniers de l'époque gallo-romaine de venir s'installer ici. Dès le IIe siècle, une nécropole avait été construite sur le versant nord du monticule, puis au VIe siècle, les chrétiens, sur le même emplacement, avaient construit une chapelle funéraire dédiée aux martyrs Gervais et Protais, d'où le nom de "monceau Saint Gervais" qui sera donné vers 1680 à tout le quartier. Ce lieu était à l'intérieur de l'enceinte de Philippe Auguste.
En 1293, la ruelle aux Moulins des Barres devient ruelle des Moulins du Temple. En 1362, on lui donne, dans un titre passé sous le règne de Charles V; la dénomination de rue qui va de la Seine à la porte Baudet et, en 1386, de rue du Chevet de Saint-Gervais, et parfois rue des Barres. Au XVIe siècle, c'était la rue Malivaux; du nom des moulins de Malivaux, placés sur la rivière, en face de cette rue. Mais ce n'était qu'une la partie de la rue qui portait ce nom, celle du côté de la rue Saint Antoine (maintenant rue François-Miron dans cette partie) était confondue avec la rue du Pourtour, alors appelée rue du Cimetière Saint Gervais. Enfin, au XVIIe siècle, dans toute sa longueur, c'était de nouveau la rue des Barres.
Une décision ministérielle, en date du 13 thermidor an VI, signée François de Neufchâteau, fixe la largeur de cette voie publique à 8 m. En vertu d'une ordonnance royale du 19 mai 1838, sa moindre largeur devait être portée à 10 m. Seules quelques maisons ont été "alignées".
L'Hôtel des Barres fut bâti vers 1269. En 1362, les moines de Saint-Maur l'achetèrent ainsi que les moulins à eau des Barres, qui en dépendaient. Il prit le nom d'Hôtel de Saint-Maur.
Cet hôtel fut habité plus tard par Louis de Boisredon, écuyer et amant d'Isabeau de Bavière. Celle-ci distribuait à ses "admirateurs" tout ce que ceux-ci exigeaient, et Louis de Boisredon avait les dents longues ! Cette aventure se termina par un drame : en 1417, le comte d'Armagnac, excédé des bavardages de la Cour et de la ville, révéla au roi Charles VI la conduite de la reine. Après avoir fait appeler le dauphin qui confirma les dires du connétable, le souverain donna l'ordre à Tanneguy Duchâtel, prévôt de Paris, de se saisir du capitaine. Ce dernier fut condamné à mort. On l'enferma dans un sac de cuir sur lequel étaient inscrits ces mots : "Laissez passer la justice du Roi". Le tout fut jeté dans la Seine. Quant à Isabeau, elle ne put échapper à la relégation. Le couvent de Marmoutiers lui servit de résidence surveillée
Cet Hôtel devint par la suite propriété des seigneurs de Charni, qui lui donnèrent leur nom (à ne pas confondre cependant avec le Grand et le Petit Hôtel de Charny, dans la rue Beautreillis). On y avait établi, vers la fin du XVIIIème siècle, le bureau de l'administration des aides, avant qu'il ne soit transféré rue de Choiseul juste avant la révilution Dans cet Hôtel de Charni siégeait, en 1793, le Comité civil de la Section de la Commune. C'est là que, le 10 thermidor, à 2heures du matin, Augustin de Robespierre dit Le Jeune, qui venait de se jeter d'une des fenêtres de l'Hôtel de Ville, fut transporté sanglant. Il y fut pansé, puis transféré au Comité de Salut public, d'où on le conduisit à l'échafaud, le 28 juillet 1794, avec son frère Maximilien, et plusieurs membres de la convention et de la commune mis hors la loi. Cette habitation servit ensuite à la justice de paix de l'arrondissement, et devint plus tard une propriété particulière portant le n°4 La plus grande partie de cet hôtel a été démolie pour livrer passage à la rue du Pont-Louis-Philippe.
Au n° 12 de la rue des Barres, à l'angle de la rue du Grenier sur l'eau, en face du chevet de Saint-Gervais-Saint-Protais, on trouve une des rares maisons à colombages de Paris. Il s'agit de l'ancienne maison de ville de l'Abbaye de Maubuisson, près de Pontoise, fondée par la reine Blanche de Castille (mère de Saint-Louis) en 1242. L'édifice actuel a été bâti vers 1540. Les religieuses, les Jeunes Filles de la Croix, s'y étaient établies dès 1664, bien qu'elles n'y fussent propriétaires qu'en vertu de lettres-patentes signées en juillet 1778. Ces dames, avaient pour mission de s'occuper de l'instruction religieuse des jeunes filles. Cette communauté, supprimée en 1790, devint propriété nationale et fut vendue le 16 vendémiaire an IV. Sur la façade qui donne du côté de la rue du Grenier-sur-l'eau, on peut admirer l'encorbellement monté sur des consoles massives. De telles avancées sur rue ont presque partout disparu (on en trouve aussi dans la rue des arbalétriers qui est situé à la limite du 4e arrondissement mais côté 3e). Elles étaient la règle au Moyen Âge car elles permettaient une utilisation intensive de l'espace urbain et de plus elles protégeaient de la pluie.
C'est cette maison que l'on peut voir sur la lithographie de Gilberte A. Pomier-Zaborowska. Comme durant une partie du XVIIIe siècle et durant tout le XIXe siècle, les façades de cette maison à pans de bois avaient été plâtrées afin de leur donner un aspect plus luxueux et moderne, et au rez-de-chaussée, elle abritait apparemment une boutique, ou plus sûrement un estaminet. La ville de Paris acheta le bâtiment en 1972. il a été restauré, les colombages ont été remis à nu, et elle accueille aujourd'hui la MIJE (Maison Internationale de la Jeunesse et des Etudiants). On y trouve des lits à prix défiant toute concurrence !!!
Au n° 15, on aperçoit à travers les grilles, un jardin sur l'emplacement de l'ancien charnier de Saint-Gervais., qui a été fermé en 1765. L'ancienne chapelle de la Communion, désaffectée a été occupée un temps par une maison de confiserie. C'est dans cette chapelle que fut sans doute enterré Philippe de Champaigne. D'une fenêtre de la confiserie on avait vue sur l'église et les charniers. L'architecte Albert Laprade restaura cet endroit entre 1943 et 1945, en y installant un jardin. Malheureusement, ce jardin n'est pas accessible, on peut juste photographier à travers les grilles.
Au n°17, le motif central des balcons en fer forgé de toutes les fenêtres du premier étage rappelle l'orme de la place Saint-Gervais, mentionné pour la première fois en 1235, à l'occasion d'une vente et cité dans Le dit des rues de Paris, de Guillot vers 1310 : "Saint-Gervais et puis l'ourmetiau", preuve de son existence dès cette époque. En 1314, on le signale comme lieu de supplice : Philippe et Gauthier d'Aunay, accusés d'avoir entretenu des relations amoureuses avec les belles-filles de Philippe le Bel, furent suppliciés sous ses branches. Mais surtout l'Orme de Saint Gervais et Saint Protais était un lieu où venaient s'asseoir les juges "pédanés", qu'on appelait aussi "juges de dessous l'orme" les juges des seigneurs y tenaient leur juridiction et les vassaux venaient payer leurs créances "le jour de saint Rémy et à la saint Martin d'hiver". C'était aussi un lieu de réunion traditionnel des corporations, celle des Francs-Maçons, mais également les autres, les corporations pénitentielles ... Il y a tout lieu de penser que l'orme fut remplacé plusieurs fois. En 1787, Jaillot, historien de Paris, écrit d'ailleurs : "En face de l'église est un orme qu'on renouvelle de tems en tems." En effet, les estampes et manuscrits du XVIIè siècle ou du du XVIIIè siècle, il n'a guère plus de 7 à 8 mètres de haut et est toujours représente sur le parvis de l'église d'un muret de pierre.
Vers la fin du XVIIIe siècle, certains critiques demandèrent la mise à mort de cet arbre légendaire qui cachait la vue du portail. L'orage de 1789 allait essayer, lui aussi, de renverser l'orme légendaire. Le 1er ventôse an II (19 février 1794), la section de la Maison commune demanda sa mise à mort et "décida que cet emblème de la superstition serait abattu, que son tronc servirait à confectionner des affûts de canon et ses branches brûlées pour en faire du salpêtre". On ne sait pas quand la place Saint-Gervais perdit son orme. Certains prétendent qu'il fut abattu en 1811 ; Victor Hugo le cite, dans Les Misérables, comme étant encore debout en 1832. Il est possible cependant qu'il ait subsisté jusqu'en 1837. Quoi qu'il en soit, en 1847, le curé de la paroisse demande que les rangées de platanes qui se meurent autour de la place soient remplacées par un orme. Le souvenir de l'arbre légendaire fut conservé non seulement dans les appuis de fenêtre et dans les plaques de cheminées, mais aussi dans une enseigne provenant de la rue du Temple, aujourd'hui au Musée Carnavalet. Depuis l'orme de Saint-Gervais se dresse à nouveau : Le 10 mars 1914, un jeune plant de quinze ans, provenant des pépinières du Val-d'Aulnay-en-Châtenay fut fiché en terre devant la vieille église. L'orme actuel a, lui, été planté en 1936. Avant la Révolution, Pierre. Sue, "chirurgien ordinaire de l'Hôtel-de-Ville", oncle d'Eugène Sue, aurait habité cette maison du n°17 ?
Perpendiculaire à la rue des Barres, voilà la rue du Grenier sur l'eau. Rien à voir avec une grange ou un hangar ... c'est ruelle du XIIIème siècle qui doit son nom à son voisinage de la rivière et à un personnage nommé Garnier ou Guernier, bourgeois de Paris qui fit quelques donations au Temple en 1241 et qui y habitait. Ce nom propre est devenu ensuite par corruption Grenier. En 1257, elle s'appelait rue André-sur-l'Eau. On la trouve aussi désignée sous les noms de Garnier sur l'Yaue et Guernier sur l'Eau. En 1391, elle figurait dans les comptes relevés de la taille sous le nom de Garnier-sur-l'Eau, et deux contribuables y étaient signalés, Jacob de Marcilli pour une maison "qui fust aux Nonneardierre, depuis aux moines de Prully, depuis à Jacques Lenoble, tenant à la maison du coin de ladicte rue de vers Seine", et Raulin Petit "d'austre part de ladicte rue, maison à apentis." En1833, la rue a été coupée en deux par la rue du Pont-Louis-Philippe.
Un édit de Henri III de 1577 avait permis aux marchands de vins d'y établir le siège de leur corporation. Ces statuts ont été confirmés par Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Blanchet Adam commence à y exercer vers 1595, et le "Monceau Saint Gervais" est cité officiellement dès 1680 comme lieu de tolérance au regard de la réglementation du commerce du vin, les "marchands de vin en gros du Monceau Saint Gervais" habitant et exerçant dans ce territoire à proximité immédiate du port de la vente au vin en grève.
Sous Louis XIV, les marchands de vin eurent le siège de leur corporation dans la rue Grenier-sur-l'eau, au-dessus d'une cour de passage, formant ruelle, dont parle l'historien Henri Sauval (1623 - 1676) dans son Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, et qui menait à la rue aux Bretons. Leurs gardes et maîtres jouissaient des mêmes privilèges que ceux des six corps de marchands, et ils pouvaient remplir, par conséquent, les charges municipales et consulaires. Les armoiries qu'ils avaient obtenues en l'année 1629 comportaient principalement un navire à bannière de France, qui flottait entouré de six petites nefs, et une grappe de raisin en chef, sur champ d'azur. Au moment de la Révolution, le bureau se trouvait rue de la Poterie.
Au XVIe siècle, on trouve également des potiers dans la paroisse Saint-Gervais (cimetière Saint-Jean, rue du Grenier-sur-l'Eau), Saint-Paul (rue Saint-Antoine), Saint-Nicolas (rue aux Oies, rue des Gravilliers), et un four de potier, le seul actuellement connu pour la fin du Moyen Age à Paris, et une partie de sa production ont été mis au jour en 2001, lors de la fouille du Mémorial de la Shoah, allée des Justes de France, anciennement rue du Grenier-sur-l'Eau.. Une partie des actes notariés des notaires du quartier Saint-Gervais a été étudiée dans le but de retrouver le nom du ou des potiers qui ont travaillé dans cette rue.
Ainsi, les officines de potiers sont installées dans les rues proches de la Seine et du port de Grève où l'on pouvait s'approvisionner en bois. Ils sont également proches des Halles, principal lieu de vente. mais le four de la rue du Grenier-sur-l'Eau qui a cessé de fonctionner vers le milieu du XVIe siècle. Car les odeurs dues aux terres mises à pourrir, les fumées polluantes, les méfaits qui pourraient être occasionnés par l'emploi de plomb, de souffre et limaille, d'ocre et autres matériaux, et aussi la peur des incendies entraînent diverses procès et interdictions. Une lettre patente du 20 octobre 1563 du roi Charles IX vise à éloigner les industries polluantes comme la boucherie dans les faubourgs de la ville ; un édit du 21 novembre 1577 du roi Henri III homologue un Règlement de Police Générale pour les métiers et marchandises de la Ville de Paris et du royaume, et ordonne que "plus de tuileries ne seront construites dans l'intérieur de Paris". Comme le rappelle Lespinasse, à la fin du XIXe siècle, "... la salubrité de l'air, la pureté de l'eau, la bonté des aliments et des remèdes font les aspects immédiats des soucis de la santé publique. De là viennent les Ordonnances et les Règlements pour le nettoyement des rues, l'écoulement des inondations par les cloaques, et les décharges ... C'est sur ce motif que sont fondés les Règlements qui ordonnent que les tanneurs, les fours à cuire les poteries de terre, les teinturiers et les tueries des bestiaux seront éloignés du milieu des Villes"
Au lendemain de l'empire, le journaliste Auguste Vitu écrivait : "Pour sortir de la rue Geoffroy-l'Anier, qui n'a que huit mêtres de large et dont la perspective n'a rien d'engageant, les amateurs de pittoresque s'engageant dans la rue Grenier-sur-l'Eau, qui les mènera, à travers la rue des Barres, jusqu'au chevet de l'église Saint-Gervais. La rue Grenier-sur-l'Eau est si étroite qu'elle ne laisserait pas passer un chariot d'enfant, et n'est qu'une ruelle entre des murailles sans portes ni fenêtres, laissant à peine descendre le jour jusqu'au pavé glissant. Sa jonction avec la rue des Barres est pour ainsi dire bouchée par le surplomb d'une maison ancienne portée par des consoles et au-delà de laquelle on aperçoit l'abside de l'église Saint-Gervais (...) En quittant la rue des Barres, aussi sinistre d'aspect que placide en réalité, pour redescendre vers le quai de l'Hôtel-de -Ville, on revoit la clarté du jour, avec une satisfaction d'autant plus vive que, par la percée qui précède le pont Louis-Philippe, l'on aperçoit l'île Saint-louis, la montagne Sainte-Geneviève, et, à droite, la cathédrale de Paris" (Paris, Images et Traditions en 1889)
Aujourd'hui, une partie de la rue Grenier-sur-l'Eau, piétonne et plantée d'une rangée d'arbres, s'appelle l'Allée des Justes. Elle longe le Mémorial de la Shoah, inauguré le 14 juin 2006, et s'y élève le Mur des Justes.
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jeudi, 13 mai 2010
Balades dans Paris : le Marais des Templiers
En vidant la maison de mes parents, j'ai trouvé un recueil de 20 lithographies en noir de Gilberte A. Pomier-Zaborowska, "vieilles pierres de Paris" sur quelques vestiges remarquables du quartier latin et du Marais, assorties d'une préface de Pierre Mornand, "conservateur adjoint de la Bibliothèque Nationale", et de commentaires historiques dont je ne sais s'ils sont de l'artiste ou de Pierre Mornand. Mes recherches sur des sites de librairies spécialisées situent ces tirages dans les années 1930 ou 1940.
L'occasion donc d'une promenade dans l'un des plus anciens secteur préservé de Paris !
D'abord un peu d'histoire ? Fondé à Jérusalem, l'ordre des Templiers ne se composait que de 6 religieux et du grand maître, lorsqu'ils quittèrent la Palestine et se présentèrent en 1128, au Concile de Troyes. Le pape Honoré II les accueillit avec une bienveillance extrême et confirma alors la fondation de l'ordre. Les chevaliers du Temple voulaient établir à Paris le siège de leur puissance, mais l'époque où ils vinrent s'y établir n'est pas bien précisément connue. On croit généralement que c'est Louis VI de France, dit le Gros ou le Batailleur, qui avait donné aux Templiers une maison voisine de l'église Saint-Gervais dans laquelle ils s'installèrent ...
La Censive du Temple, appendice à la thèse de Henri de Curzon "La Maison du Temple de Paris", publiée à Paris en 1888, qui dénombre les possessions de l'Ordre dans la capitale à toutes les époques du Temple, nous apprend que "C'est aux Barres qu'eut lieu une des premières donations que nous connaissions, celle d'une maison "de Froger l'asnier", avec toute sa justice, faite en 1152 (ou 1132 ?) par le comte Mathieu de Beaumont". Cette maison devait faire partie de la terre et seigneurie de Reuilly, alors hors des murs de Paris, et sur laquelle se trouvaient de très anciens bâtiments accédant au réseau de drainage romain
Au fil des acquisitions, les propriétés des Templiers occupaient une superficie de cent vingt à cent trente hectares et s'étendaient depuis l'entrée du faubourg du Temple jusqu'à la rue de la Verrerie. Elles englobaient le bourg Thibourg, une partie du "beaubourg" et des maisons éparses dans la campagne.
Au XIIIème siècle, les terres des templiers étaient coupées en 2 par l'enceinte de Philippe Auguste, construite entre 1190 et 1220. Deux portes faisaient communiquer les deux quartiers, celles dites du Temple et Barbette; une troisième, la poterne du Chaume, fut percée plus tard, à la demande des habitants, en 1287. Philippe le Hardi, par lettres-patentes de l'année 1279, reconnut à l'Ordre l'entière et libre disposition de ses biens avec la haute, moyenne et basse justice, pour toutes ses possessions en dehors de Paris, "depuis la porte ou poterne vulgairement nommée Barbette, comme les murs s'estendent jusques à la porte de la rue du Temple, jusques au fossé nommé vulgairement le fossé de Boucelle qui s'estend entre les Saulsoys de la rue du Temple et la terre de Unfroy Nuffle et de là, comme le fossé s'estend, jusques au coing de la Courtille Barbette, du costé des champs et de là suivant le chemin de Mesnil-Mautemps, jusques à la poterne Barbette." Quant aux possessions des Templiers à l'intérieur de Paris, Philippe le Hardi ne leur accorda que le droit de cens et celui de basse justice. La première maison des Templiers en faisaient partie ...
La partie hors du rempart constituait l'enclos du Temple (la "coultoure" du Temple, ou la "couture", traduction du mot cotura pièce de terre). Les templiers y firent construire le "chef-lieu" de la "province" de France, la maison de l'ordre du Temple à Paris, sur d'anciens marécages, l'actuel quartier du Marais, qu'ils firent assécher. Cette commanderie et ses abords furent appelés la "Villeneuve du Temple" (depuis 1298) en opposition avec le Vieux Temple, la toute première maison que les Templiers possédèrent dans Paris (puis plus tard "le chantier de l'Hôpital" quand les biens des Templiers furent transmis aux Hospitaliers). Elle comprenait une chapelle, des bâtiments conventuels pour loger les moines-soldats, une cuisine, un réfectoire, un colombier, des écuries et divers bâtiments entourés de hautes murailles crénelées, renforcées de distance en distance par des tourelles. Ce système défensif était complété par une tour carrée, dite tour de César, et par un imposant donjon, la Tour du Temple construite à partir de 1240 sous le règne de Saint-Louis. A cela s'ajoutaient échoppes, jardins, vergers, vignobles et terres cultivées. En 1667, l'enclos du temple sera détruit et remplacé par des hôtels particuliers.
Ce qui n'était pas resté en bois et jardins dans la "couture" ou dans les marais situés à l'est de l'Enclos était exploité comme cultures de rapport par des maraîchers et des jardiniers qui avaient fait des baux avec le grand prieur. On leur permit d'abord d'y bâtir quelques constructions légères pour leur usage, sous condition de les enlever à la fin de leur bail; plus tard, au XVIIe siècle, ils obtinrent de se faire de vraies petites maisons, parce que les baux étaient à très long terme. Mais dès le XVIe siècle on avait commencé de remplacer une partie des terrains cultivés par des maisons de rapport, et substitué les baux à cens et rentes aux baux à ferme.
Sous Charles V, Paris s'agrandit et une nouvelle enceinte absorba pratiquement tout domaine, y compris l'"Enclos du Temple".
Mais les plus grands changements eurent lieu sous le règne d'Henri IV, qui "choisit, entre autres, les terrains qui dépendaient de l'Enclos à l'est, pour y percer tout un quartier neuf. Cette partie de la censive propre du Temple rapportait peu, et le grand prieur n'eut pas de peine à obtenir du grand maître de l'Ordre l'autorisation de l'aliéner à l'Etat. La vente était stipulée à raison de 44 000 livres pour le prieuré, et 8000 livres pour désintéresser les locataires actuels. Il était entendu, de plus, que l'Ordre conservait le cens annuel sur les habitants, et que les nouvelles rues demeuraient "perpétuellement en la haute, moyenne et basse justice et voierie du Temple, sujettes à confiscations, aubaines, déshérences et autres droits seigneuriaux". L'acte est daté du 29 décembre 1608. L'entrepreneur inscrit en nom, comme acheteur, un certain Michel Pigoux, devait s'occuper de faire percer les rues selon les plans qui lui seraient remis par Sully, grand voyer, tout en se conformant aussi aux alignements tracés par le voyer du Temple.
"Le plan consistait en une place demi-circulaire dite de France; la partie droite était fermée par les remparts de la ville, et communiquait avec le dehors par une porte monumentale dite aussi de France, ouvrant entre deux corps de bâtiments, avec une halle et un marché. La place avait, dans le projet, les dimensions de 40 toises sur 80, et 139 de circonférence (78 mètres sur 156 et 271,05) ; elle était ornée de sept pavillons à portiques et à trois étages, flanqués de tourelles aux angles. Entre ces pavillons s'ouvraient huit larges rues, désignées par des noms de provinces, et qu'un cercle de sept autres rues devait, plus loin, traverser et faire communiquer entre elles. Henri IV autorisa ce plan par lettres du 7 janvier 1609, homologuées au Parlement le même mois, et les travaux commencèrent. Mais la mort du roi vint tout interrompre. On renonça à la place et à la porte de ville, mais plusieurs des rues projetées étaient déjà percées, d'autres suivirent sur un autre plan, et toutes se garnirent peu à peu de maisons neuves. Toutefois le lieu resta longtemps assez désert pour que les habitants, au témoignage de Sauval (en 1626), fissent fermer la nuit leurs rues par des chaînes.
En 1695, le roi Louis XIV ordonna au prévôt des marchands et aux échevins de reprendre les travaux des nouveaux remparts. L'emplacement que ces remparts devaient occuper du côté du Temple ne consistait encore qu'en terrains vagues. La Maison en possédait 4580 toises, qui furent rachetées par la Ville dans les conditions suivantes : On laissait une bande de 1480 toises le long des murs de l'Enclos, afin de l'isoler entièrement; et de plus le prévôt s'engageait à faire combler le fossé qui servait de cloaque et bordait la clôture (3), depuis le chemin de la Courtille jusqu'à la rue d'Angoumois, et à donner écoulement aux eaux. Ce fossé est représenté dans les anciens plans de Paris, celui de Bale notamment (1552), comme un ruisseau continuant au delà de l'Enclos au nord-est, et en deçà, le long de la censive de Saint-Martin, à l'ouest. Il passait sous la rue du Temple.
Enfin il devait y faire aménager, sans aucuns frais pour le Temple, une rue avec plantation d'arbres qui porterait le nom du grand prieur de Vendôme et serait pavée. Le reste des terrains, laissés libres pour les remparts de la ville, demeurait chargé d'une redevance annuelle de 50 livres envers le Temple. Comme d'habitude, un prête-nom fut porté pour acquéreur : Jean Beausire, conseiller du roi, maître général des bâtiments de Sa Majesté. Quelque temps après, le 19 octobre 1697, le grand prieur, suivant un nouveau contrat avec la Ville, céda encore 780 toises de terrains sur les 1480 qui lui avaient été laissées; il fut stipulé alors que la rue-nouvelle serait séparée des murs de l'Enclos par 30 toises de terrains convertis en jardin, et aboutirait à une place au milieu de laquelle un grand bassin serait édifié sous le nom de fontaine de Vendôme. Tous ces projets furent exécutés." (Source : http://www.templiers.net/commanderies/index.php?page=comm... )
A la fin du XVIIème siècle, l'ancienne couture des Templiers était entièrement couverte de maisons, sauf les terrains restés au delà des murs d'enceinte, c'est-à-dire compris entre la rue de la Folie-Mérieourt, le boulevard du Temple, et la rue de Ménilmontant ...
L'histoire de ce quartier est donc, au Moyen Age, intimement liée à celle des Templiers, jusqu'à l'extinction de l'ordre, en 1313, où les biens du Temple furent dévolus aux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem (les Hospitaliers), qui héritèrent de tous les biens de ces moines guerriers.
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lundi, 26 avril 2010
L'ascension du Mont Ventoux
«C'est le mont le plus élevé de la région, et il mérite bien son nom de Ventoux.»
Le 26 avril 1336, Pétrarque, poète, humaniste et diplomate italien, escalade le Ventoux avec son frère Gherardo; ils sont partis du village de Malaucène. L'ascension est rude. Pétrarque atteint le sommet "épuisé et hors d'haleine". C'est cette ascension et son pendant mystique que François Pétrarque relate, le jour même, dans une lettre à son ami et confesseur Dionigi di Borgo San Sepolcro, lettre qui fut ensuite publiée sous le titre L'ascension du mont Ventoux.
Le texte original est en latin. Il a été traduit en français en 1880 par Victor Develay.
Certains auteurs ont mis en doute la date de cette montée. Pour étayer leur thèse, les adversaires de la réalité de la montée du Ventoux, en 1336, ont été obligés de déplacer la date de l'ascension après 1350, période où effectivement, pendant un demi-siècle, les accidents climatiques se succédèrent ...
François Pétrarque à Denis Robert de Borgo San Sepolcro
Salut,
J'ai fait aujourd'hui l'ascension de la plus haute montagne de cette contrée que l'on nomme avec raison le Ventoux, guidé uniquement par le désir de voir la hauteur extraordinaire du lieu. Il y avait plusieurs années que je nourrissais ce projet, car, comme vous le savez, je vis dès mon enfance dans ces parages, grâce au destin qui bouleverse les choses humaines. Cette montagne, que l'on découvre au loin de toutes parts, est presque toujours devant les yeux. Je résolus de faire enfin ce que je faisais journellement, d'autant plus que la veille, en relisant l'histoire romaine de Tite-Live, j'étais tombé par hasard sur le passage où Philippe, roi de Macédoine, celui qui fit la guerre au peuple romain, gravit le mont Hémus en Thessalie, du sommet duquel il avait cru, par ouï-dire, que l'on apercevait deux mers : l'Adriatique et l'Euxin. Est-ce vrai ou faux ? Je ne puis rien affirmer, parce que cette montagne est trop éloignée de notre région, et que le dissentiment des écrivains rend le fait douteux. Car, pour ne point les citer tous, le cosmographe Pomponius Méla déclare sans hésitation que c'est vrai ; Tite-Live pense que cette opinion est fausse. Pour moi, si l'exploration de l'Hémus m'était aussi facile que l'a été celle du Ventoux, je ne laisserais pas longtemps la question indécise. Au surplus, mettant de côté la première de ces montagnes pour en venir à la seconde, j'ai cru qu'on excuserait dans un jeune particulier ce qu'on ne blâme point dans un vieux roi.
Mais quand je songeai au choix d'un compagnon, chose étonnante ! pas un de mes amis ne parut me convenir sous tous les rapports. Tant est rare, même entre personnes qui s'aiment, le parfait accord des volontés et des caractères ! L'un était trop mou, l'autre trop actif ; celui-ci trop lent, celui-là trop vif ; tel trop triste, tel trop gai. Celui-ci était plus fou, celui-là plus sage que je ne voulais. L'un m'effrayait par son silence, l'autre par sa turbulence ; celui-ci par sa pesanteur et son embonpoint, celui-là par sa maigreur et sa faiblesse. La froide insouciance de l'un et l'ardente activité de l'autre me rebutaient. Ces inconvénients, tout fâcheux qu'ils sont, se tolèrent à la maison, car la charité supporte tout et l'amitié ne refuse aucun fardeau ; mais, en voyage, ils deviennent plus désagréables. Ainsi mon esprit difficile et avide d'un plaisir honnête pesait chaque chose en l'examinant, sans porter la moindre atteinte à l'amitié, et condamnait tout bas tout ce qu'il prévoyait pouvoir devenir une gêne pour le voyage projeté. Qu'en pensez-vous ? A la fin je me tourne vers une assistance domestique, et je fais part de mon dessein à mon frère unique, moins âgé que moi et que vous connaissez bien. Il ne pouvait rien entendre de plus agréable, et il me remercia de voir en lui un ami en même temps qu'un frère.
Au jour fixé, nous quittâmes la maison, et nous arrivâmes le soir à Malaucène, lieu situé au pied de la montagne, du côté du nord. Nous y restâmes une journée, et aujourd'hui enfin nous fîmes l'ascension avec nos deux domestiques, non sans de grandes difficultés, car cette montagne est une masse de terre rocheuse taillée à pic et presque inaccessible. Mais le poète a dit avec raison : Un labeur opiniâtre vient à bout de tout. La longueur du jour, la douceur de l'air, la vigueur de l'âme, la force et la dextérité du corps, et d'autres circonstances nous favorisaient. Notre seul obstacle était dans la nature des lieux. Nous trouvâmes dans les gorges de la montagne un pâtre d'un âge avancé qui s'efforça par beaucoup de paroles de nous détourner de cette ascension. Il nous dit que cinquante ans auparavant, animé de la même ardeur juvénile, il avait monté jusqu'au sommet, mais qu'il n'avait rapporté de là que repentir et fatigue, ayant eu le corps et les vêtements déchirés par les pierres et les ronces. Il ajoutait que jamais, ni avant, ni depuis, on n'avait ouï dire que personne eût osé en faire autant. Pendant qu'il prononçait ces mots d'une voix forte, comme les jeunes gens sont sourds aux conseils qu'on leur donne, sa défense redoublait notre envie. Voyant donc que ses efforts étaient vains, le vieillard fit quelques pas et nous montra du doigt un sentier ardu à travers les rochers, en nous faisant mille recommandations qu'il répéta encore derrière nous quand nous nous éloignâmes.
Après avoir laissé entre ses mains les vêtements et autres objets qui nous embarrassaient, nous nous équipâmes uniquement pour opérer l'ascension, et nous montâmes lestement. Mais, comme il arrive toujours, ce grand effort fut suivi d'une prompte fatigue. Nous nous arrêtâmes donc non loin de là sur un rocher. Nous nous remîmes ensuite en marche, mais plus lentement ; moi surtout je m'acheminai d'un pas plus modéré. Mon frère, par une voie plus courte, tendait vers le haut de la montagne ; moi, plus mou, je me dirigeais vers le bas, et comme il me rappelait et me désignait une route plus directe, je lui répondis que j'espérais trouver d'un autre côté un passage plus facile, et que je ne craignais point un chemin plus long, mais plus commode. Je couvrais ma mollesse de cette excuse, et pendant que les autres occupaient déjà les hauteurs, j'errais dans la vallée sans découvrir un accès plus doux, mais ayant allongé ma route et doublé inutilement ma peine. Déjà accablé de lassitude, je regrettais d'avoir fait fausse route, et je résolus tout de bon de gagner le sommet. Lorsque, plein de fatigue et d'anxiété, j'eus rejoint mon frère, qui m'attendait et s'était reposé en restant longtemps assis, nous marchâmes quelques temps d'un pas égal. A peine avions-nous quitté cette colline, voilà qu'oubliant mon premier détour, je m'enfonce derechef vers le bas de la montagne ; je parcours une seconde fois la vallée, et, en cherchant une route longue et facile, je tombe dans une longue difficulté. Je différais la peine de monter ; mais le génie de l'homme ne supprime pas la nature des choses, et il est impossible qu'un corps parvienne en haut en descendant. Bref, cela m'arriva trois ou quatre fois en quelques heures à mon grand mécontentement, et non sans faire rire mon frère. Après avoir été si souvent déçu, je m'assis au fond d'une vallée.
Là, sautant par une pensée rapide des choses matérielles aux choses immatérielles, je m'apostrophais moi-même en ces termes ou à peu près : « Ce que tu as éprouvé tant de fois dans l'ascension de cette montagne, sache que cela arrive à toi et à beaucoup de ceux qui marchent vers la vie bienheureuse ; mais on ne s'en aperçoit pas aussi aisément, parce que les mouvements du corps sont manifestes, tandis que ceux de l'âme sont invisibles et cachés. La vie que nous appelons bienheureuse est située dans un lieu élevé ; un chemin étroit, dit-on, y conduit. Plusieurs collines se dressent aussi dans l'intervalle, et il faut marcher de vertu en vertu par de glorieux degrés. Au sommet est la fin de tout et le terme de la route qui est le but de notre voyage. Nous voulons tous y parvenir ; mais, comme dit Ovide : C'est peu de vouloir ; pour posséder une chose, il faut la désirer vivement. Pour toi assurément, à moins que tu ne te trompes en cela comme en beaucoup de choses, non seulement tu veux, mais tu désires. Qu'est-ce qui te retient donc ? Rien d'autre à coup sûr que la route plus unie et, comme elle semble au premier aspect, plus facile des voluptés terrestres et infimes. Mais quand tu te seras longtemps égaré, il te faudra ou gravir, sous le poids d'une fatigue différée mal à propos, vers la cime de la vie bienheureuse, ou tomber lâchement dans le bas-fond de tes péchés ; et si (m'en préserve le Ciel !) les ténèbres et l'ombre de la mort te trouvent là, tu passeras une nuit éternelle dans des tourments sans fin. » On ne saurait croire combien cette pensée redonna du courage à mon âme et à mon corps pour ce qu'il me restait à faire. Et plût à Dieu que j'accomplisse avec mon âme le voyage après lequel je soupire jour et nuit, en triomphant enfin de toutes les difficultés, comme j'ai fait aujourd'hui pour ce voyage pédestre ! Je ne sais si ce que l'on peut faire par l'âme agile et immortelle, sans bouger de place et en un clin d'œil, n'est pas beaucoup plus facile que ce qu'il faut opérer pendant un laps de temps, à l'aide d'un corps mortel et périssable, et sous le pesant fardeau des membres.
Le pic le plus élevé est nommé par les paysans le Fils ; j'ignore pourquoi, à moins que ce ne soit par antiphrase, comme cela arrive quelquefois, car il paraît véritablement le père de toutes les montagnes voisines. Au sommet de ce pic est un petit plateau. Nous nous y reposâmes enfin de nos fatigues. Et puisque vous avez écouté les réflexions qui ont assailli mon âme pendant que je gravissais la montagne, écoutez encore le reste, mon père, et accordez, je vous prie, une heure de votre temps à la lecture des actes d'une de mes journées. Tout d'abord frappé du souffle inaccoutumé de l'air et de la vaste étendue du spectacle, je restai immobile de stupeur. Je regarde ; les nuages étaient sous mes pieds. L'Athos et l'Olympe me sont devenus moins incroyables depuis que j'ai vu sur une montagne de moindre réputation ce que j'avais lu et appris d'eux. Je dirige ensuite mes regards vers la partie de l'Italie où mon cœur incline le plus. Les Alpes debout et couvertes de neige, à travers lesquelles le cruel ennemi du nom romain se fraya jadis un passage en perçant les rochers avec du vinaigre, si l'on en croit la renommée, me parurent tout près de moi quoiqu'elles fussent à une grande distance. J'ai soupiré, je l'avoue, devant le ciel de l'Italie qui apparaissait à mon imagination plus qu'à mes regards, et je fus pris d'un désir inexprimable de revoir et mon ami et ma patrie. Ce ne fut pas toutefois sans que je blâmasse la mollesse du sentiment peu viril qu'attestait ce double vœu, quoique je pusse invoquer une double excuse appuyée de grandes autorités. Ensuite une nouvelle pensée s'empara de mon esprit et le transporta des lieux vers le temps. Je me disais : « Il y a aujourd'hui dix ans qu'au sortir des études de ta jeunesse tu as quitté Bologne. O Dieu immortel ! ô sagesse immuable ! que de grands changements se sont opérés dans ta conduite durant cet intervalle ! » Je laisse de côté ce sujet infini, car je ne suis pas encore dans le port pour songer tranquillement aux orages passés. Il viendra peut-être un temps où j'énumérerai par ordre toutes mes fautes en citant d'abord cette parole de votre cher Augustin : Je veux me rappeler mes souillures passées et les corruptions charnelles de mon âme, non que je les aime, mais pour que je vous aime, ô mon Dieu. Il me reste encore à accomplir une tâche très difficile et très pénible. Ce que j'avais coutume d'aimer, je ne l'aime plus. Je mens. Je l'aime, mais modérément. Je mens encore une fois. Je l'aime, mais en rougissant et avec chagrin. J'ai dit enfin la vérité. Oui, j'aime, mais ce que j'aimerais à ne point aimer, ce que je voudrais haïr. J'aime cependant, mais malgré moi, mais par force, mais avec tristesse et avec larmes, et je vérifie en moi-même le sens de ce vers si fameux : Je haïrai si je puis ; sinon, j'aimerai malgré moi. Trois ans ne sont pas encore écoulés depuis que cette volonté perverse et coupable, qui me possédait tout entier et régnait seule sans contradicteur dans le palais de mon âme, a commencé à rencontrer une autre volonté rebelle et luttant contre elle. Depuis longtemps entre ces volontés il se livre, dans le champ de mes pensées, au sujet de la prééminence de l'un et de l'autre homme, un combat très rude et maintenant encore indécis. C'est ainsi que je parcourais en imagination mes dix dernières années. Puis je me reportais vers l'avenir, et je me demandais : « Si par hasard il t'était donné de prolonger cette vie éphémère pendant deux autres lustres, et de t'approcher de la vertu à proportion autant que pendant ces deux années, grâce à la lutte de ta nouvelle volonté contre l'ancienne, tu t'es relâché de ta première obstination, ne pourrais-tu pas alors, quoique ayant non la certitude, mais du moins l'espérance, mourir à quarante ans et renoncer sans regret à ce restant de vie qui décline vers la vieillesse ? »
Telles sont ou à peu près, mon père, les pensées qui me revenaient à l'esprit. Je me réjouissais de mon avancement, je pleurais de mon imperfection et je déplorais la mutabilité ordinaire des choses humaines. Je paraissais avoir oublié en quelque sorte pour quel motif j'étais venu là, jusqu'à ce qu'enfin, laissant de côté des réflexions pour lesquelles un autre lieu était plus opportun, je regardasse et visse ce que j'étais venu voir. Averti par le soleil qui commençait à baisser et par l'ombre croissante de la montagne que le moment de partir approchait, je me réveillai pour ainsi dire, et, tournant le dos, je regardai du côté de l'occident.
On n'aperçoit pas de là la cime des Pyrénées, ces limites de la France et de l'Espagne, non qu'il y ait quelque obstacle que je sache, mais uniquement à cause de la faiblesse de la vue humaine. On voyait très bien à droite les montagnes de la province lyonnaise, et à gauche la mer de Marseille et celle qui baigne Aigues-Mortes, distantes de quelques jours de marche. Le Rhône était sous nos yeux. Pendant que j'admirais tout cela, tantôt ayant des goûts terrestres, tantôt élevant mon âme à l'exemple de mon corps, je voulus regarder le livre des Confessions de saint Augustin, présent de votre amitié, que je conserve en souvenir de l'auteur et du donateur, et que j'ai toujours entre les mains. J'ouvre ce bréviaire d'un très petit volume, mais d'un charme infini, pour lire ce qui se présenterait, car que pouvait-il se présenter si ce n'est des pensées pieuses et dévotes ? Je tombai par hasard sur le dixième livre de cet ouvrage. Mon frère, désireux d'entendre par ma bouche quelque chose de saint Augustin, se tenait debout, l'oreille attentive. J'atteste Dieu et celui qui était à côté de moi qu'aussitôt que j'eus jeté les yeux sur le livre, j'y lus : Les hommes s'en vont admirer les cimes des montagnes, les vagues de la mer, le vaste cours des fleuves, les circuits de l'Océan, les révolutions des astres, et ils délaissent eux-mêmes. Je fus frappé d'étonnement, je l'avoue, et priant mon frère, avide d'entendre, de ne pas me troubler, je fermai le livre. J'étais irrité contre moi-même d'admirer maintenant encore les choses de la terre, quand depuis longtemps j'aurais dû apprendre à l'école même des philosophes des gentils qu'il n'y a d'admirable que l'âme pour qui, lorsqu'elle est grande, rien n'est grand. Alors, trouvant que j'avais assez vu la montagne, je détournai sur moi-même mes regards intérieurs, et dès ce moment on ne m'entendit plus parler jusqu'à ce que nous fussions parvenus en bas.
Cette parole m'avait fourni une ample occupation muette. Je ne pouvais penser qu'elle fût l'œuvre du hasard ; tout ce que j'avais lu là, je le croyais dit pour moi et non pour un autre. Je me rappelais que saint Augustin avait eu jadis la même opinion pour lui-même, quand, comme il le raconte, lisant le livre de l'Apôtre, ce passage lui tomba d'abord sous les yeux : Marchons loin de la débauche et de l'ivrognerie, des sales plaisirs et des impudicités, des dissensions et des jalousies. Mais revêtez-vous de Jésus-Christ Notre-Seigneur, et n'ayez point d'égard pour votre chair en ce qui regarde ses convoitises. Cela était arrivé auparavant à saint Antoine, lorsqu'il entendit ces paroles de l'Evangile : Si vous voulez être parfait, allez vendre ce que vous avez et donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel ; après cela venez et suivez-moi. Comme si ces paroles s'adressaient à lui, saint Antoine (au rapport de l'historien de sa vie, saint Athanase) se soumit au joug du Seigneur. De même que saint Antoine, après avoir entendu cela, n'en demanda pas davantage, et de même que saint Augustin, après avoir lu cela, n'alla pas plus loin, ma lecture se borna aux quelques paroles que je viens de citer. Je réfléchis en silence au peu de sagesse des mortels qui, négligeant la plus noble partie d'eux-mêmes, se répandent partout et se perdent en vains spectacles, cherchant au dehors ce qu'ils pouvaient trouver en eux. J'admirai la noblesse de notre âme si, dégénérant volontairement, elle ne s'écartait pas de son origine et ne convertissait pas elle-même en opprobre ce que Dieu lui avait donné pour s'en faire honneur. Pendant cette descente, chaque fois que je me retournais pour regarder la cime de la montagne, elle me paraissait à peine haute d'une coudée en comparaison de la hauteur de la nature humaine si l'on ne la plongeait dans la fange des souillures terrestres. Je me disais aussi à chaque pas : « Si je n'ai pas craint d'endurer tant de sueurs et de fatigues pour que mon corps s'approchât un peu du ciel, quel gibet, quelle prison, quel chevalet, devraient effrayer mon âme marchant vers Dieu et foulant aux pieds la cime de l'orgueil et les destinées humaines ? » Et encore : « A combien arrivera-t-il de ne point s'éloigner de ce sentier par la crainte des souffrances ni par le désir des voluptés ? O trop heureux celui-là s'il existe quelque part ! C'est de lui, j'imagine, que le poète a dit : Heureux qui a pu connaître les principes des choses, et qui a mis sous ses pieds la crainte de la mort, l'inexorable destin et le bruit de l'avare Achéron ! Oh ! avec quel zèle nous devrions faire en sorte d'avoir sous nos pieds non les hauteurs de la terre, mais les appétits que soulèvent en nous les impulsions terrestres ! »
Parmi ces mouvements d'un cœur agité, ne m'apercevant pas de l'âpreté du chemin, je revins au milieu de la nuit à l'hôtellerie rustique d'où j'étais parti avant le jour. Un clair de lune avait prêté à notre marche son aide agréable. Pendant que les domestiques sont occupés à apprêter le souper, je me suis retiré seul dans un coin caché de la maison pour vous écrire cette lettre à la hâte et sans préparation, de peur que si je différais, mes sentiment venant peut-être à changer suivant les lieux, mon désir de vous écrire ne se refroidît. Vous voyez, tendre père, combien je veux que rien de moi n'échappe à vos regards ; puisque je vous découvre avec tant de soin non seulement ma vie tout entière, mais chacune de mes pensées. En revanche, priez, de grâce, pour que ces pensées si longtemps vagabondes et inconstantes s'arrêtent enfin, et qu'après avoir été ballottées inutilement de tous côtés, elles se tournent vers le seul bien, vrai, certain, immuable.
Adieu.
Malaucène, le 26 avril 1336
Traduction de Victor DEVELAY, 1880.
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jeudi, 22 avril 2010
Il y a 50 ans, le 21 avril 1960, était inaugurée la ville de Brasília
Bâtie ad nihilo en 1.000 jours sous l'impulsion du Président Juscelino Kubitschek, la ville de Brasília était inaugurée le 21 avril 1960, il y a donc 50 ans.
Mais la justice s'est invitée à la fête. Une colossale affaire de corruption éclabousse une partie des responsables de la ville. L'ex-gouverneur José Arruda sort de deux mois de prison et la justice a cassé les contrats d'éclairage et de son des festivités du cinquantenaire. Des contrats de deux millions de dollars. Mais la fête a eu lieu. Les cloches des églises de la capitale brésilienne ont joué à l'unisson pour célébrer l'anniversaire, et des milliers d'habitants ont défilé sur l'avenue où sont érigés les palais futuristes et les bâtiments du pouvoir, lieux de spectacles.
Car Brasília symbolise les utopies urbaines du XXe siècle ! Il y a ceux qui la détestent et ceux qui l'adorent, les avis étant souvent tranchés. Certains apprécient son futurisme (Youri Gagarine disait en 1961 : "J'ai l'impression de débarquer sur une planète différente, pas sur la terre"), sa tranquillité, sa sécurité, bien loin de l'agitation de Rio de Janeiro et de São Paulo. D'autres critiquent une ville sans âme, où tout déplacement doit se faire en voiture, avec ses "favelas" misérables, loin du rêve de la ville idéale sans classes sociales imaginée par Oscar Niemeyer. Mais preuve de sa place dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, elle a été classée au patrimoine mondial de l'Unesco dès 1987.
Le chantier de Brasília a atteint tous les records : à peine 41 mois de travaux, avec des ouvriers travaillant 24h/24 dans des conditions très difficiles. Elle devait être prête à temps, Kubitschek avait promis aux Brésiliens de réaliser "50 ans de progrès en cinq ans". La conception même de la ville était révolutionnaire et osée pour l'époque. Et malgré tous ses détracteurs, Brasília a réussi son pari.
Oeuvre conjointe imaginée par l'urbaniste Lúcio Costa, le paysagiste Roberto Burle Marx et l'architecte Niemeyer, Brasília symbolisait un vieux rêve d'union nationale au centre du vaste pays.
Dès l'indépendance, en 1822, les hommes d'État brésiliens avaient en effet caressé le rêve de déplacer la capitale, Rio de Janeiro, pour la fixer au centre du pays et briser l'opposition entre le Brésil peuplé du littoral et le Brésil vide des immensités intérieures. La mise en valeur de l'époque coloniale avait, en effet, multiplié les villes du bord de la mer, ports destinés à embarquer les richesses brutes du pays vers le Portugal et à y apporter les produits fabriqués, mais exposés aux raids maritimes. La première capitale du Brésil, Salvador avait, elle aussi, été construite sur la côte.
En 1823, José Bonifacio de Andrade e Silva, l'un des mentors de l'Indépendance du Brésil (conquis en 1822), est l'un de proposer le déménagement, et propose déjà le nom de Brasília. Son plan est présenté à l'Assemblée, mais l'empereur Pedro I ayant dissous l'Assemblée, le projet de loi ne sera finalement pas adopté ...
Selon une légende, saint Don Bosco aurait fait, en 1883 un rêve prémonitoire dans lequel il aurait vu une ville futuriste au bord d'un lac, la future Brasília ! Aujourd'hui, une des principales églises de la ville porte son nom ...
En 1891, la première Constitution de la République brésilienne détermine qu'une nouvelle capitale devra être construite, et en 1894, une zone de 14.400 km² lui était réservée. Le 7 Septembre 1922, la première pierre de Brasília est même posée, dans un endroit qui est aujourd'hui Planaltina, l'une des villes satellites de Brasília.
Dans les années 50, le Brésil vit une période prospère, et en 1955, la Commission pour la nouvelle capitale fédérale choisit de nouveau un endroit pour Brasília. En 1956, Juscelino Kubitschek de Oliveira est élu président et crée la Société de l'urbanisation de la nouvelle capitale (NOVACAP). Kubitschek met un jeune architecte, Oscar Niemeyer, aux commandes du projet. En 1957, un concours public est gagné par l'urbaniste Lúcio Costa, pour ses idées innovante de la nouvelle capitale exposées dans son ouvrage maintenant connu sous le nom Plano Piloto (plan-pilote).
Le projet était donc d'attirer vers l'intérieur des terres la population et l'activité économique, jusqu'alors surtout concentrées dans les grandes villes côtières, l'objectif étant d'assurer une meilleure répartition des richesses, mais aussi d'apaiser l'affrontement entre les deux principales villes du pays, Rio de Janeiro et São Paulo. "Brasília n'est pas une improvisation, mais le résultat d'une maturation. Ce n'était pas qu'un changement de Capitale, mais l'annonce d'une réforme. Nous ne voulions pas seulement construire une ville, mais nous nous battions pour l'émancipation d'une région. Le Brésil dans toute son territoire, recevra, lui aussi, les avantages de l'internalisation de la capitale. Tel est l'objet du combat qui sous-tend l'impératif constitutionnel qui a déterminé le changement." écrivait Eduardo Silva en 1983.
Objectif atteint : Brasília a rapproché et réuni les diverses régions du pays. Ainsi, on rencontre à Brasília des gens qui viennent "do Oïapoque ao Chuí" (selon le dicton national qui sonne sur un air de "de Dunkerque à Tamanrasset" pour exprimer le Brésil dans toute son immensité) ... Et la capitale est devenue une énorme agora, un carrefour des plus importants de la culture brésilienne. Enfin, la réussite de Brasília a impliqué en une occupation beaucoup plus effective des régions qui se trouvent à l'arrière pays. Les nouvelles routes construites après le déplacement de la capitale depuis Rio aux hauts plateaux du centre du pays permettent aux voyageurs d'atteindre des localités lointaines, différentes, mais qui font partie de ce grand kaléidoscope brésilien. Et si Sao Paulo reste le centre des affaires et Rio de Janeiro la ville la plus agréable du pays et la plus prestigieuse, Brasília est indéniablement devenu le centre nerveux de toutes les décisions administratives et politiques.
***
Toute visite de Brasília commence par la Torre de Televisão, d'où l'on a une très belle vue de la ville. Surtout à la fin de la journée, au coucher du soleil. C'est bien par là que j'ai commencé ma visite de cette ville en juillet 1971, lors d'un séjour de 2 mois chez mes beaux-parents, alors en poste à Rio de Janeiro ... En effet, la torre da Televisão, haute de plus de 200 mètres, permet, depuis un belvédère à mi-hauteur, de se faire une idée de l'urbanisme de la ville.
En 1971, Brasília, bien que construite depuis onze ans déjà, ressemblait encore à un vaste chantier. Les ministères s'y étaient bien sûr installés, mais nombre d'administrations rechignaient encore à quitter Rio de Janeiro et ses plages de Copacabana et d'Ipanema pour regagner cette ville située au milieu du Mato Grosso, à 1 000m d'altitude, longtemps infectée de moustiques. L'ambassade de France était encore à Rio ... même si le gouvernement brésilien venait d'exiger que toutes les ambassades déménagent, ce qu'elles faisaient à reculons !
Ainsi à l'origine, le projet de l'Ambassade de France à Brasília avait été confié à Le Corbusier, compte tenu de ses étroites relations avec Lúcio Costa et Oscar Niemeyer. Lorsque j'ai séjourné au Brésil, Le Corbusier était mort depuis 6 ans et la décision définitive de construire la nouvelle ambassade venait juste d'être prise l'année précédente. Compte tenu de l'apparition de besoins supplémentaires en surface bâtie, un nouveau projet était en cours d'élaboration par de Guillermo Jullian de la Fuente, architecte d'origine chilienne, ancien collaborateur de l'atelier de Le Corbusier. L'Ambassade et la Résidence, construites entre janvier 1972 et décembre 1974, n'ont donc été inaugurées qu'en 29 janvier 1976, 16 ans après que Brasília soit devenue la capitale !
D'ailleurs, lors de l'inauguration, le 21 avril 1960, les futurs habitants pour qui la ville avait été conçue, les fonctionnaires de Rio de Janeiro, faisaient la moue et tentaient de refuser leur mutation dans le cerrado, alors que les bâtisseurs, les candangos, les habitants de fait, déjà plus de 70 000, étaient parqués à sa périphérie. Pour beaucoup, l'inauguration du Plan Pilote proclamait l'illégalité de leur situation urbaine : ils devaient quitter les cités de chantiers ou les lots mis à leur disposition par contrat jusqu'à ce jour fatal ...
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Nous étions arrivés de Rio par avion au petit matin. Après 1 000 km au dessus de la forêt vierge, nous avions survolé les petits villages construits pour loger les milliers de Brésiliens venus de tous les coins du pays, mais surtout du Nordeste pour construire Brasília, ces "candangos".censés rentrer à la maison quand Brasília serait terminé, mais qui, pour la plupart, ont vu à Brasília l'occasion d'une vie meilleure et y sont restés.
Depuis la torre da Televisão, nous découvrons le "Plano Piloto" imaginé par l'urbaniste Lucio Costa en forme de croix avec ses deux bras incurvés de sorte que l'ensemble ressemblait plutôt à un oiseau aux ailes déployées, ou à un avion se dirigeant vers le sud-est. "La ville est née d'un geste basique, celui que l'on fait pour indiquer un endroit ou en prendre possession : celui de la croix, avec deux axes qui se croisent en angle droit" expliquait son concepteur.
La ville s'organise autour de deux axes perpendiculaires : l'Eixo monumental et l'"Eixo Rodoviário" ou Eixāo. Au croisement des deux axes se trouve la rodoviária, station centrale de réseau autobus et terminal du métro. En 1971, lors de mon séjour au Brésil, j'avais d'ailleurs utilisé l'autobus pour visiter la ville ...
L'Eixo monumental (Voie Monumentale), orienté est-ouest, axe routier principal de la ville, suit évidemment le corps de l'animal. Elle formée de 2 fois 6 voies routières, séparées par un terre-plein engazonné.
Les bâtiments les plus impressionnants, la plupart dessinés par Oscar Niemeyer, se situent au niveau de la tête de l'"oiseau- Brasília". La Praça dos Três Poderes (la place des Trois Pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire) en forme, très logiquement, le sommet, avec les bâtiments du Congrès National (O Congresso Nacional) : coupole évasée concave, symbole d'ouverture, pour la Chambre des députés; coupole plus petite et renversée, symbole de réflexion, pour le Sénat; et deux gratte-ciel jumeaux administratif en guise de pivot, reliées entre eux et formant un H, symbole de l'Humanité. On m'a dit que l'axe est alignée de telle sorte que le soleil se lève précisément entre les deux tours du Congrès le 21 avril, journée marquant la mort de Joaquim Jose da Silva Xavier Tiradentes ("arracheur de dents" en français), martyr de l'indépendance du Brésil en 1792.
Pour compléter les "Trois Pouvoirs", deux bâtiments à l'architecture identique, avec leurs arcades en marbre qui leur donnent l'impression d'être à peine posées sur le sol : le palais du gouvernement (o Palácio do Planalto), avec sa rampe d'accès monumentale et le Tribunal de Justice Suprême Fédéral (O Tribunal Supremo Federal).
Je me souviens très bien de la célèbre sculpture "os Candangos" de Bruno Giorgi qui se dresse aussi sur cette place : deux figures abstraites en bronze symboles de l'esprit pionnier des travailleurs qui ont construit la ville. Élancés, avec des arêtes saillantes, deux personnages asexués, dont un seul repose sur le sol, portent chacun un bâton et se terminent par des têtes minuscules, ou plutôt par un énorme œil unique. L'ensemble semble en équilibre instable, avec une base trop étroite pour la hauteur. La position des pieds n'est pas naturelle, à 90 degrés du corps, et ils ressemblent plutôt à des pattes de coq ou d'oiseaux de proies. Appelés à l'origine "Os guerreiros" (les guerriers), ils semblent protéger le palais du Gouvernement mais aussi la démocratie, en référence à la célèbre sculpture grecque des "tyranicides" Harmodius et Aristogiton défendant les institutions démocratiques ! Vinicius de Moraes e Tom Jobim chantent ces travailleurs dans "Sinfonia da Alvorada" composée en décembre 1960 : "os trabalhadores, os homens simples e quietos, com pés de raiz, rostos de couro e mãos de pedra, e que, no calcanho, em carro de boi, em lombo de burro, em paus-de-arara...". Os Candangos était le terme peu flatteur employé autrefois par les Africains pour désigner les Portugais. Aujourd'hui, ce mot a perdu cette connotation péjorative et désigne les habitants de Brasília qui ont travaillé à sa construction. Les travailleurs des classes moyenne et supérieure (ingénieurs, médecins, etc.) furent, eux, désignés comme Pioneiros. Les Brésiliens de la nouvelle génération nés à Brasília, par dérision, s'appellent entre eux Calangos, terme qui désigne une espèce de lézard de la région.
Je n'ai en revanche aucun souvenir de la sculpture en granit devant le tribunal, sculptée par Alfredo Ceschiatti et représentant la Justice (A Justiça). Selon la tradition elle est représentée les yeux bandés, afin de démontrer son impartialité, et tient l'épée, symbole de la force qu'il faut pour faire respecter la loi.
Et tout au sommet du crâne de l'"oiseau- Brasília", le Palais de l'Alvorada (O Palácio da Alvorada). Ce palais de l'Aube est la résidence du Président de la République du Brésil. Il fut le premier édifice inauguré, en juin 1958. Il se trouve au bord du Lac Paranoá et à deux kilomètres de la Place des Trois Pouvoirs. Placé au milieu d'un immense jardin, il est connu pour ses façades en marbre et ses colonnes blanches qui s'ouvrent en demi cercles dont André Malraux assura qu'elles constituaient «l'événement architectonique le plus important depuis les colonnes grecques». Rappelant la forme de la Croix du Sud, elles sont devenues le symbole de la capitale, reprises dans les armes de Brasília. Ici on a l'impression d'une villa de vacances, toute ouverte, avec ses immenses baies vitrées, entourée d'eau grâce à la grande piscine, et la statue d'Alfredo Ceschiatti, As banhistas.
Derrière le "sommet du crâne" de l'oiseau- Brasília, en revenant vers la ville et ses habitations, le cerveau, c'est-à-dire l'esplanade des Ministères, cœur de la vie politique du Brésil. C'est une immense artère, longue de 2 kilomètres et large de 250 mètres, l'avenue la plus large du monde pour les Brésiliens ! De part et d'autre de l'artère se trouvent les ministères fédéraux, alignés dans un ordre impeccable, avec en particulier le célèbre Palácio do Itamaraty (Ministério das Relações Exteriores ou Ministère des affaires étrangères). Son nom (fleur de pierre) est d'origine indienne, il est aussi celui du premier ministre des Affaires Etrangères de la république du Brésil : Francisco da Rocha, Comte d'Itamaraty. Il venait d'être inauguré lorsque j'ai visité Brasília, et il m'avait particulièrement plu, avec son pont enjambant un grand bassin parsemé d'îles de plantes tropicales, œuvre du paysagiste Robert Burle Marx, et avec la sculpture en marbre de Carrare le "Météor", de Bruno Giorgi, représentant les cinq continents, qui semblait posée sur la surface de l'eau ... cet élégant palais détonnait à côté des bâtiments massifs des autres ministères ! Je regrette de ne pas avoir pu, comme les "grands de ce monde", pénétrer à l'intérieur pour admirer l'immense hall, sans colonne de soutien, qui s'ouvre sur un jardin, ni l'escalier sans pilier, qui tel un ruban de béton, monte à l'étage. Il parait que maintenant l'Itamaraty se visite, comme d'ailleurs la plupart des "monuments" de Brasília ...
Face à l'Esplanade des Ministères, La Catedral Metropolitana Nossa Senhora Aparecida do Brasília, conçue par l'architecte Oscar Niemeyer, présente une forme très atypique, constituée de seize paraboloïdes en béton de 40 mètres de haut et de 90 tonnes chacune, séparées de vitraux. Cette structure, d'un diamètre de 70 m, représente pour les uns des mains se rejoignant en direction du ciel, pour les autres une couronne d'épine ... j'opte pour la 1ère interprétation moins religieuse, donc plus universelle !
Construite en sous-sol, le haut de sa nef se trouve au niveau du sol. Son éclairage est naturel, grâce à des vitraux où dominent le blanc, le beige, le vert et le bleu. Ils ont été réalisés par Marianne Perretti. Toujours à l'intérieur, sculptés par Alfredo Ceschiatti, trois anges en aluminium, suspendus à des filins, volent "dans le ciel" de la Cathédrale. Des panneaux peints par l'artiste brésilien Di Cavalcanti représentent la Passion du Christ. L'autel est la réplique de celui du sanctuaire marial d'Aparecida do Norte à Sao paulo. Dans la crypte se trouve une reproduction du Saint Suaire de Turin. A l'extérieur, quatre statues géantes, également du sculpteur Alfredo Ceschiatti représentant les Évangélistes, Matthieu, Marc et Luc sur la gauche et Jean sur la droite, accueillent les visiteurs et les conduisent vers l'entrée. Les 4 cloches du clocher ont été offertes par le gouvernement espagnol et viennent des ateliers Pereira de Saragose. La Cathédrale peut accueillir 2 000 personnes.
La queue de l'oiseau présente actuellement le mémorial du président Juscelino Kubitschek, mais en 1971, celui-ci n'était pas encore construit, il ne le sera que 10 ans plus tard. Situé à l'Ouest de la ville ce monument est un hommage à l'ex-président Juscelino Kubitschek, "le père" de Brasília". Le Mémorial, qui abrite l'urne funéraire du Président, est constitué d'un piédestal de 28 m du haut duquel Juscelino Kubitschek semble saluer sa ville. La chambre mortuaire où repose l'ancien président est un salon circulaire de 10 mètres de diamètre sous un plafond de vitraux réalisés par Marianne Peretti.
Enfin, les ailes regroupent deux grands quartiers, l'un au nord et l'autre au sud, divisés en "superquadras", gros pâtés de maisons destinés à accueillir autant de "villages" dans la ville, quartiers résidentiels voulus semi-indépendants avec leurs propres magasins, écoles, etc ... L'Eixāo, courbe, d'axe nord-sud, dessert ces quartiers. Il est exclusivement réservé à la circulation des véhicules, des passages souterrains sont aménagés pour la traversée des piétons. Et les enfants qui habitent à l'intérieur des "quadras", les grands patios formés par les immeubles de logement, peuvent y jouer sans surveillance particulière.
Mais ces quartiers abritent essentiellement une population de fonctionnaires, les classes populaires s'entassent dans les 16 Cidades-Satélites (villes satellites maintenant reliées à Brasília par un métro) qui se sont construites en dehors du Plan-pilote, parmi lesquelles Taguatinga, Guará, Gama, Núcleo Bandeirante, Ceilândia, Aguas claras, Samambaia, Sobradinho ou encore Planatina, seule ville du District Fédéral antérieure à la construction de Brasília ... Ces villes concentrent, de nos jours, la majorité de la population des "brasilienses", ceux qui ont édifié Brasília, ainsi que les flots de migrants fuyant la misère des campagnes. Les bidonvilles ont grossi autour de l'"oiseau" et le fossé se creuse entre les différentes parties de la ville, au point d'attrister son créateur : "Les profondes disparités sociales de la nouvelle capitale m'attristent énormément", confie Oscar Niemeyer, fidèle à ses idéaux communistes.
Car planifiée pour compter 600.000 habitants en l'an 2000, le district de Brasília en a aujourd'hui cinq fois plus. Le "Plan pilote", resté par ailleurs inachevé, n'avait pas prévu leur présence ni planifié leur installation. Autour du centre classé, la spéculation immobilière fait rage, interdisant l'accès aux familles modestes. Et la ville reflète les contradictions de la société brésilienne, les très riches encerclés par les très pauvres.
Brasília est une des villes les plus inégales au monde, juste derrière trois villes d'Afrique du Sud, selon l'ONU. "Une carte postale cernée par la misère", selon le journal O Estado ... Le principal quartier résidentiel de la ville a un indice de développement humain du niveau de l'Allemagne tandis que les communes satellites ont des indices inférieurs ceux de la Guinée équatoriale.
Les détracteurs de Brasília critiquent aussi le "tout-voiture" - une obligation dans cette ville sans trottoirs où personne ne marche - et ses embouteillages. Ils s'élèvent également contre le cloisonnement des activités (le quartier des bureaux, des hôtels, des loisirs, des commerces...), ses immenses espaces vides et ses mornes fins de semaine que fuient tous ceux qui le peuvent. Ils critiquent enfin la dette abyssale de cette construction, que les brésiliens n'ont pas fini de rembourser ...
Mais pour les touristes, traverser Brasília en voiture, c'est parcourir un immense parc. L'architecture se dissout dans la végétation. Ainsi au bord du lac Paranoá, à l'écart du centre-ville, de nombreuses maisons de standing ont été construites sur une péninsule à l'extrémité nord; un quartier semblable existe au bord du lac sud. À l'origine, les urbanistes envisagé de vastes zones publiques le long des rives de ce lac artificiel , Mais les clubs privés, des hôtels, des restaurants et des résidences haut de gamme se sont installés pied dans l'eau. Brasília se distingue également par son écosystème unique dans lequel on recense 3 000 espèces végétales et 1 500 espèces animales connues ...
Aujourd'hui, qu'en est-il de tous ces beaux bâtiments ? Hâtivement construits et malmenés par le climat, les édifices les plus prestigieux, telle la cathédrale, souffrent de détériorations et présentent de profondes fissures. certains se trouvent en cours de restauration. Et des immeubles des années 60 ou 70, déjà en ruine, sur des trottoirs défoncés ! Pour traverser l'Eixo Monumental, la fameuse 6 voies, pas de passages souterrains, au milieu un terre-plein nu, pelé, à perte de vue, avec des bassins vides, car c'étaient le rendez-vous des moustiques propageant la dengue ... Et, en désaccord avec le "plan pilote" de Costa, certains immeubles ont été surélevés, des espaces libres ont été dénaturés par de nouvelles constructions et le réseau routier a été altéré. Il est vrai qu'avec la dictature militaire à partir de 1964, des milliers d'intellectuels brésiliens s'étaient exilés, dont Neimeyer, et le "Plano piloto" n'avait plus de pilote ! Depuis une vingtaine d'années pourtant, un travail de fond a été entrepris pour cesser les dérives et protéger les zones qui peuvent encore l'être en accord avec les principes urbains initiaux, revisités cependant par Lucio Costa lui-même pour tenir compte de l'expétience acquise. D'où cette remarque lue dans l'Estado de São Paulo, grand quotidien de référence: "Brasília est née d'un chantier et c'est comme chantier qu'elle commémorera ses cinquante ans" ...
***
Oscar Niemeyer est né le 15 décembre 1907 à Rio de Janeiro. Attiré par l'architecture moderne de Le Corbusier véhiculée au Brésil, entre autres, par l'architecte Lucio Costa, Oscar Niemeyer devient stagiaire dans l'agence de celui qui 25 plus tard dessinera Brasília. En 1956, le président Joscelino Kubitschek fait appel à Niemeyer pour concevoir les principaux équipements publics de la future capitale. La notoriété de l'architecte devient alors mondiale.
Exilé pendant la dictature en 1967, il reviendra au pays avec la démocratie pour s'installer dans sa ville natale. Dans son atelier de Copacabana, Oscar Niemeyer, ne cessera plus de dessiner et d'imaginer de nouveaux projets.
En exclusivité pour les Urbanités, Oscar Niemeyer a accepté à 102 ans de répondre à une interview, à la condition qu'elle soit écrite plutôt qu'enregistrée. Une occasion exceptionnelle d'effectuer un retour en arrière de 50 ans, lorsque Brasília devient la capitale du Brésil... (source : http://www.urbanews.fr/oscar-niemeyer-Brasília-represente...)
L'interview d'Oscar Niemeyer est sur http://urbanites.rsr.ch/blog/interview-exclusive-doscar-n...
Quelques autres liens :
Plan et description de Brasília sur http://www2.ac-lyon.fr/services/bresil05/pages/architectu...
Visite de Brasília sur http://www.photofiltregraphic.com/20albums/bresil_Brasíli...
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mercredi, 04 novembre 2009
La FEIJOADA brésilienne !
La Feijoada a été créée par les esclaves du Brésil colonial qui récupéraient les "bas" morceaux de viande de porc que leurs propriétaires ne voulaient pas manger. Les oreilles, le groin, la queue et les pieds de cochon étaient cuits avec des haricots noirs (feijão en portugais). Aujourd'hui la feijoada est devenu le plat national brésilien. Servie le mercredi et le samedi au restaurant dans une petite casserole en fonte ou en terre cuite, D'un coût peu élevé, elle est appréciée par toutes les classes sociales, elle est aussi l'occasion de réunions familiales et de rassemblements d'amis. C'est à ce plat que Chico Buarque a dédié une samba !
Il y a une quarantaine d'années, mes beaux-parents étant en poste à Rio, ils débarquaient régulièrement à Roissy avec un sac rempli de viande salée et séchée, de haricots noirs feijão, de la "farofa", farine de manioc qui ressemble au Kwak guyanais, du "Queijo Minas", fromage du Minas Gerais qui ressemble un peu à la fêta grecque et de la goiabada (pâte de goyave), et bien sûr de la Cachaça (alcool brésilien ressemblant légèrement au rhum blanc) et du café. C'était alors l'occasion d'inviter tous nos copains étudiants qui appréciaient de sortir de l'ordinaire du "restau U". La cuisson de la feijoada était "folklorique" sur le petit réchaud de notre studio. Aujourd'hui ma cuisine est plus confortable, mais cela fait bien longtemps que je ne m'y suis plus essayée !
Alors si le cœur vous en dit, invitez tous vos amis, ce n'est pas un plat pour un tête à tête, et en route pour Rio !
ingrédients (Pour au moins 10 personnes)
- 1 kg de feijão preto (haricot noir), ou plutôt de feijão "mulatinho" ("mulâtre")
- 500 g de bas morceaux de porc salés (pied, groin, oreille et queue de porc)
- 500g de viande de porc salée
- 500 g de "charque" ou viande de bœuf séchée
- 500 g de lombo (longe) de porc frais (ou des côtelettes de porc)
- 500 g de chorizo
- 1 paio (gros saucisson fumé type saucisson à cuire)
- 100 g de bacon (au brésil viandes de porc fumées)
- De l'oignon
- 1 tête d'ail.
- 3 à 4 tomates selon leur grosseur.
- Laurier, ail
- 5 clous de girofle.
- huile, Sel, Poivre
- 1 kg de riz
- De la "farofa"
- Des oranges
- Chou vert, chou chinois ou couve
- "Molho carioca" (mélange de lime, piments, fines herbes) voir recette plus bas, et/ ou de la "sauce chien" antillaise.
Les quantités semblent gargantuesques... mais pas mal de ces morceaux de viande (pieds, côtes, ...) ont beaucoup de gras et d'os.
Le problème est bien sûr l'approvisionnement ! mais il existe une boutique "en ligne" où on trouve la farofa nature ou déjà grillée au beurre, le feijão et la viande séchée en sachet sous vide. Ils ont même un "Kit" Feijoada avec l'ensemble d'ingrédients pour préparer la Feijoada (pour 4 personnes) ou juste le Kit viandes pour la Feijoada. Enfin ils ont un magasin à Paris (adresse sur le site).
Préparation
- 48 heures à l'avance, faites tremper les haricots noirs dans un grand volume d'eau, changez l'eau au moins 3 fois.
- La veille, faites dessaler les viandes salées et séchées dans des récipients séparés. L'eau de dessalage des viandes doit être renouvelée plusieurs fois !!!.
- Le jour même, et au moins cinq heures avant de servir, faites bouillir les haricots avec 5 feuilles de laurier, 3 clous de girofle, 5 gousses d'ail puis baissez le feu et laissez mijoter 3 heures.
- Pendant ce temps, égouttez les viandes, et portez-les à ébullition pendant 15 minutes, départ dans de l'eau froide pour ôter l'excès de graisse.
- - Dans une grande cocotte, faites chauffer 3 cuillères à soupe d'huile et faites blondir les oignons émincés, ajoutez toutes les viandes déssalées, rajouter 3 feuilles de laurier, 2 clous de girofle, les tomates coupées en morceaux, 10 gousses d'ail épluchées et dégermées puis versez de l'eau froide jusqu'à la hauteur des viandes. Poivrez, portez à ébullition puis laissez mijoter 2 heures à couvert.
- Ajoutez les haricots, les saucisses et chorizo, 2 gousse d'ail pilées, 2 oignons hachés, le laurier et la coriandre. Laissez cuire le tout pendant 1 heure.
Le riz blanc, les haricots et la viande sont servis séparément et mélangés dans l'assiette. Le plat est accompagné d'orange coupées en tranches, de choux chinois (ou de choux vert) coupé en lanières et sauté à l'ail, de farofa mise à revenir dans un peu d'huile de palme avec du bacon coupé en petits dés et des oignons émincés).
On sert aussi de la sauce "molho carioca", qui accompagne traditionnellement les poissons grillés ou cuits à la vapeur mais aussi le poulet grillé ou fumé.
Ingrédients pour 50 cl de sauce molho carioca : 6 oranges, 6 limes ou citrons verts, 1 gousse d'ail, 1 morceau de piment antillais épépiné plus ou moins gros selon la force désirée, 1 demi-bouquet de persil, 3 cives ou un bouquet de ciboulette, Sel
Recette de la sauce "molho carioca" : Pelez à vif, les oranges et les limes ou citrons verts et coupez-les en petits dés. Emincez finement une gousse d'ail, le piment épépiné, le persil et les cives. Mélangez le tout aux dés d'oranges et de citron et salez. Réservez la sauce "molho carioca" au frais jusqu'au moment du service.
A l'apéritif, pour rester dans la tradition brésilienne, une Caïpirinha : 10 cl de Cachaça, 1 citron vert (à Rio, on allait le cueillir dans le jardin ...) pelé à vif et coupé en dés, 2 cuillères à soupe de sucre de canne liquide, 5 glaçons. Ecrasez un peu les dés de citron et mélangez avec le sucre de canne. Ajoutez les glaçons et ensuite la cachaça. Mélangez et dégustez (avec modération !). Ou une Batida (notre "planteur") de maracujá (fruit de la passion). Pendant le repas, on peut boire un vin brésilien tout a fait honorable des vignobles du sud du pays ...
Pour le dessert, du "Romeu e Julieta", c'est à dire de la "goiabada com queijo" bien sûr ! puis un Bolo de Fuba (et sur youtube http://www.youtube.com/watch?v=oNq2V-NXDE4 ), délicieux cake brésilien, accompagné de mousse de maracujá ...
Avec le café ... brésilien, un Pé de Moleque, sucrerie à base de cacahuète et de caramel.
Et peut être, si le sommeil vous prend, une petite infusion de Guarana pour vous donner un petit coup de fouet et vous aider à éliminer ce (trop ?) riche repas ...
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dimanche, 18 janvier 2009
Difficile de faire le pont à Bordeaux ! la suite ...
Je le disais dans ma note précédente, la ville de Bordeaux, classée en 2006 au patrimoine de l'Unesco, risque de perdre son label ... à cause de ses ponts !
La destruction du Pont du Pertuis a été l'élément déclencheur de l'indignation de l'UNESCO et du Ministère de la culture. Quésako ? Encore un pont ? Oui, mais celui-ci ne franchit pas la Garonne mais est situé au cœur des bassins à flot du port de Bordeaux. Construit en 1911, il était le seul pont à culasse (tournant autour d'un axe à l'arrière du pont) restant en France, et à ce titre il était reconnu comme patrimoine remarquable dans le cadre du classement de Bordeaux. Les inspecteurs de l'ICOMOS, l'organisme qui a inspecté la ville avant qu'elle soit classée à l'UNESCO, étaient r'ailleurs restés baba des heures devant ce petit bijou. Et pourtant il a été détruit en décembre 2007, ce que les bombardements de la base sous-marine n'avaient pas réussi à faire. Officiellement, l’état de dégradation de cet ouvrage, rouillé, rendait une simple rénovation impossible et une reconstitution à l’identique aurait été de fait nécessaire, faisant soit disant perdre tout intérêt à cette opération. En fait sa réhabilitation coutait 2,2 millions d'euros alors qu'une démolition-reconstruction coutait 1,7 million d'euros. Eh oui, pour 500 000 €, on a détruit un des témoins des grandes heures de l’histoire maritime de ce qui fut un des plus grands ports d’Europe ! il devrait être remplacé par un pilier au milieu de l'écluse, ce qui parait-il est en plus une aberration économique puisque cela ne permettra de faire rentrer dans le bassinnuméro 2 que les petits bateaux de plaisance de 8 m de large alors que la mode est aux catamarans plus larges.
Ensuite, un second projet a failli s'attirer les foudres de l'Unesco, la destruction de passerelle Saint-Jean, elle aussi dans le périmètre Unesco. Edifiée en 1858, cette passerelle ferroviaire est le premier chantier mené par Gustave Eiffel. Autant dire qu'il s'agit là aussi d'un ouvrage appartenant au patrimoine culturel de la ville. Bien sûr, l'œuvre Bordelaise de Gustave Eiffel n'était plus adaptée, notamment en raison de son étroitesse, aux besoins actuels du trafic ferroviaire, et sa destruction était programmée en 2008 ... Après y avoir été favorable, Alain Juppé s'y est opposé, tout en affirmant n'avoir pas les moyens, seul, de sa réhabilitation. Heureux hasard : au moment où le directeur du centre du Patrimoine mondial se trouvait à Bordeaux, l'Etat a annoncé, le 23 juin 2008, l'instance de classement du pont au titre des monuments historiques pour une durée de un an. Pendant cette année des études sont réalisées pour évaluer combien couterait le maintien de cet ouvrage, et s'il doit être classé monument historique. L'avenir de la passerelle Eiffel reste donc incertain car le coût de sa remise en état dépasserait les 7 millions d'euros. Plusieurs projets ont été proposés, dont un est la transformation en galerie culturelle, passerelle démontée puis reconstruite dans un autre lieu, ou encore mise à la verticale en signe d'entrée dans Bordeaux, les bruits les plus fous circulent, mais pour l'instant aucune décision définitive ne semble avoir été arrêtée ... à suivre donc !
Dernier dossier qui fâche, le futur pont Bacalan-Bastide, encore appelé pont Lucien Faure ! Alerté par les opposants au projet qui, pour certains y voient un "aspirateur à voitures", et pour d'autres contestent son architecture, le directeur du Centre du patrimoine mondial, Francesco Bandarin, doit débarquer à la fin du mois à Bordeaux avec une délégation d’experts de l’ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites), chargée d’évaluer l’impact de la construction du futur pont levant haut de 112 m, au design résolument moderne, sur le classement du Port de la Lune au patrimoine mondial. "Il peut y avoir des adaptations", a concédé Alain Juppé début janvier, évoquant le sujet dans le cadre de ses vœux à la presse. Mais "Il s’agit de savoir si une ville classée à l’Unesco est un musée ou si elle peut vivre".
Mais dernier rebondissements, le tribunal administratif de Bordeaux examinait mercredi dernier le recours en annulation déposé par une quinzaine d'associations qui dénoncent depuis des années ce projet de construction. Après trente minutes passées à balayer certains des arguments avancés sur les violations du Code de l'environnement ou l'insuffisance de la consultation publique, la sentence est tombée : Le commissaire du gouvernement, Antoine Bec, a demandé à la ville de Bordeaux l'annulation d’une délibération de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), qui déclarait d'intérêt général la construction du pont. La faille de ce dossier ? l'absence d’une véritable "évaluation financière des modalités de financement". En clair, rien sur la participation financière respective de l'Etat, de la région, du conseil général et de la CUB. Autre lacune pointée par le juge qui évoque la loi Loti (Loi d'orientation des transports intérieurs) qui impose une information totale non seulement sur l'ouvrage à réaliser mais aussi sur les travaux annexes qui en découleront, le coût de l'ouvrage, estimé à 120 millions d'euros, "mais qui ne comprend pas tous les aménagements nécessaires pour accéder au pont". Constatant que l'avis des services maritimes figure dans le dossier, mais pas celui des compagnies maritimes qui fréquentent le port de la Lune, le magistrat s'est aussi interrogé sur la compatibilité de ce pont levant avec les gros navires de croisière, qui pourraient se voir dans l'impossibilité "de franchir l'ouvrage" dont la travée mobile sera de 110 m, et dont le coût représente pourtant "un montant triple de celui d'un pont fixe"
Les partisans d'un tunnel interdit aux poids lourds reprennent du poil de la bête ... A suivre là aussi !!!
17:20 Publié dans balade, Bordeaux, Histoire, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |