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samedi, 29 juillet 2006

Un fou, Van Gogh ?

 
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[…] Un fou, Van Gogh ?

Que celui qui a su un jour regarder une face humaine regarde le portrait de Van Gogh par lui-même, je pense à celui avec un chapeau mou.

Peinte par Van Gogh extralucide, cette figure de boucher roux, qui nous inspecte et nous épie, qui nous scrute avec un œil torve aussi.

Je ne connais pas un seul psychiatre qui saurait scruter un visage d'homme avec une force aussi écrasante et en disséquer comme au tranchoir l'irréfragable psychologie.

L'œil de Van Gogh est d’un grand génie, mais à la façon dont je le vois me disséquer moi-même du fond de la toile où il a surgi, ce n’est plus le génie d’un peintre que je sens en ce moment vivre en lui, mais celui d'un certain philosophe par moi jamais rencontré dans la vie.

Non, Socrate n’avait pas cet œil, seul peut-être avant lui le malheureux Nietzsche eut ce regard à déshabiller l’âme, à délivrer le corps et l’âme, à mettre à nu le corps de l'homme, hors des subterfuges de l'esprit.

Le regard de Van Gogh est pendu, vissé, il est vitré derrière ses paupières rares, ses sourcils maigres et sans un pli.

C’est un regard qui enfonce droit, il transperce dans cette figure taillée à la serpe comme un arbre bien équarri.

Mais Van Gogh a saisi le moment où la prunelle va verser dans le vide, où ce regard, parti contre nous comme la bombe d'un météore, prend la couleur atone du vide et de l’inerte qui le remplit.

Mieux qu’aucun psychiatre au monde, c’est ainsi que le grand Van Gogh a situé sa maladie.

Je perce, je reprends, j'inspecte, j'accroche, je descelle, ma vie morte ne recèle rien, et le néant au surplus n’a jamais fait de mal à personne, ce qui me force à revenir au dedans, c’est cette absence désolante qui passe et me submerge par moments, mais j'y vois clair, très clair, même le néant je sais ce que c'est, et je pourrais dire ce qu'il y a dedans.

Et il avait raison, Van Gogh, on peut vivre pour l'infini, ne se satisfaire que d'infini, il y a assez d'infini sur la terre et dans les sphères pour rassasier mille grands génies, et si Van Gogh n'a pas pu combler son désir d’en irradier sa vie entière, c’est que la société le lui a interdit.

Carrément et consciemment interdit.

Il y a eu un jour les exécuteurs de Van Gogh, comme il y a eu ceux de Gérard de Nerval, de Baudelaire, d'Edgar Poe et de Lautréamont.

Ceux qui un jour ont dit :

Et maintenant, assez, Van Gogh, à la tombe, nous en avons assez de ton génie, quant à l'infini, c'est pour nous, l'infini.

Car ce n'est pas à force de chercher l'infini que Van Gogh est mort, qu'il s'est vu contraint d’étouffer de misère et d’asphyxie, c'est à force de se le voir refuser par la tourbe de tous ceux qui, de son vivant même, croyaient détenir l'infini contre lui; et Van Gogh aurait pu trouver assez d'infini pour vivre pendant toute sa vie si la conscience bestiale de la masse n’avait voulu se l'approprier pour nourrir ses partouses à elle, qui n’ont jamais rien eu à voir avec la peinture ou avec la poésie.

De plus, on ne se suicide pas tout seul.

Nul n’a jamais été seul pour naître.

Nul non plus n’est seul pour mourir.

Mais, dans le cas du suicide, il faut une armée de mauvais êtres pour décider le corps au geste contre nature de se priver de sa propre vie.

Et je crois qu'il y a toujours quelqu'un d’autre à la minute de la mort extrême pour nous dépouiller de notre propre vie.

Ainsi donc, Van Gogh s'est condamné, parce qu'il avait fini de vivre et, comme le laisse entrevoir ses lettres à son frère, parce que, devant la naissance d'un fils de son frère, il se sentait une bouche de trop à nourrir.

Mais surtout Van Gogh voulait enfin rejoindre cet infini pour lequel, dit-il, on s’embarque comme dans un train pour une étoile, et on s’embarque le jour où l’on a bien décidé d’en finir avec la vie.

Or, dans la mort de Van Gogh, telle qu’elle s’est produite, je ne crois pas que ce soit ce qui s’est produit.

Van Gogh a été expédié du monde par son frère, d’abord, en lui annonçant la naissance de son neveu, il a été expédié ensuite par le docteur Gachet, qui, au lieu de lui recommander le repos et la solitude, l’envoyait peindre sur le motif un jour où il sentait bien que Van Gogh aurait mieux fait d'aller se coucher.

Car on ne contrecarre pas aussi directement une lucidité et une sensibilité de la trempe de celles de Van Gogh le martyrisé.

Il y a des consciences qui, à de certains jours, se tueraient pour une simple contradiction, et il n’est pas besoin pour cela d’être fou, fou repéré et catalogué, il suffit, au contraire, d’être en bonne santé et d’avoir la raison de son côté.

Moi, dans un cas pareil, je ne supporterai plus sans commettre un crime de m’entendre dire : "Monsieur Artaud, vous délirez", comme cela m’est si souvent arrivé.

Et Van Gogh se l'est entendu dire.

Et c’est de quoi s’est tordu à sa gorge ce nœud de sang qui l’a tué. […]

Antonin Artaud, Van Gogh, le suicidé de la société, 1947

vendredi, 28 juillet 2006

Faut pas confondre ...

Que penserait l’opinion internationale si la France attaquait la Colombie, tuait ses ressortissants, mettait ses dirigeants en prison sous le prétexte que ceux-ci n’avaient pas assez de pouvoir sur les FARC pour faire libérer Ingrid Betancourt ?

Ah bon, c’est pas pareil que le Liban ?

mercredi, 26 juillet 2006

Ca fait un fameux bail ...

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aujourd’hui, c’était mon …

 

 

 


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Il y a 50 ans ...

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"La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est.

Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l’Egypte. La Compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120.000 Egyptiens, qui ont trouvé la mort durant l'exécution des travaux. La Société du Canal de Suez à Paris ne cache qu'une pure exploitation. Eugène Black est venu en Egypte dans le même but que de Lesseps. Nous construirons le Haut-Barrage et  nous obtiendrons tous les droits que nous avons perdus. Nous maintenons nos aspirations et nos désirs. Les 35 millions de livres que la Compagnie encaisse, nous les prendrons, nous, pour l’intérêt de l'Egypte.

Je vous le dis donc aujourd'hui, mes chers citoyens, qu'en construisant le Haut-Barrage, nous construirons une forteresse d'honneur et de gloire et nous démolissons l’humilité. Nous déclarons que l'Egypte en entier est un seul front, uni, et un bloc national inséparable. L'Egypte en entier luttera jusqu'à la dernière goutte de son sang, pour la construction du pays. Nous ne donnerons pas l’occasion aux pays d'occupation de pouvoir exécuter leurs plans, et nous construirons avec nos propres bras, nous construirons une Egypte forte, et c'est pourquoi j'assigne aujourd'hui l'accord du gouvernement sur l'étatisation de la Compagnie du Canal.

[…]

« Nous irons de l’avant pour détruire une fois pour toutes les traces de l’occupation et de l'exploitation. Après cent ans chacun a recouvré ses droits, et aujourd'hui nous construisons notre édifice en démolissant un Etat qui vivait à l’intérieur de notre Etat; le Canal de Suez pour l’intérêt de l'Egypte et non pour l'exploitation. Nous veillerons aux droits de chacun. La nationalisation du Canal de Suez est devenue un fait accompli : nos fonds nous reviennent, et nous avons 35 millions de livres en actions. Nous n'allons donc pas nous occuper, maintenant, de 70 millions de dollars. Nous devons donc tous travailler et produire, malgré tous les complots ourdis contre nous. Je leur dirai de mourir de dépit, nous construirons l'industrie égyptienne. »

Je n'ai trouvé, de la part de ces Etats, aucune volonté de coopération technique pour industrialiser le pays.

En quatre ans, nous avons senti que nous sommes devenus plus forts et plus courageux, et comme nous avons pu détrôner le roi le 26 juillet [1952], le même jour nous nationalisons la Compagnie du Canal de Suez. Nous réalisons ainsi une partie de nos aspirations et nous commençons la construction d'un pays sain et fort.

Aucune souveraineté n'existera en Egypte à part celle du peuple d'Egypte, un seul peuple qui avance dans la voie de la construction et de l'industrialisation, en un bloc contre tout agresseur et contre les complots des impérialistes. Nous réaliserons, en outre, une grande partie de nos aspirations, et construirons effectivement ce pays car il n'existe plus pour nous quelqu'un qui se mêle de nos affaires. Nous sommes aujourd'hui libres et indépendants.

Aujourd'hui, ce seront des Egyptiens comme vous qui dirigeront la Compagnie du Canal, qui prendront consignation de ses différentes installations, et dirigeront la navigation dans le Canal, c'est-à-dire, dans la terre d'Egypte."

(Texte français d'après le Journal d'Egypte, 27-7-1956)

 

La réaction du "Raïs" provoque une crise internationale car la France et l'Angleterre perçoivent des droits de péage sur cette voie maritime qui relie la Méditerranée" à la mer Rouge. La riposte viendra d'abord d'Israël qui attaquera l'Égypte le 29 octobre puis de la France et du Royaume-Uni qui enverront des troupes. Le conflit prendra fin le 7 novembre sous la pression des Etats-Unis et de l'URSS.

 

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mardi, 25 juillet 2006

La ville détruite

 

Décidemment mon blog devient très "littéraire", mais j'avais hésité à mettre les paroles de la chanson de Gilles Servat toujours tellement d'actualité, et un commentaire de Fanchon m'a décidée ... et aussi à ajouter cette si belle sculpture de Zadkine que j'ai découvert aux Arques dans le Lot (le sculpteur, pas la sculpture qui elle, est à Rotterdam)

 

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Les corbeaux et les sansonnets

Par bandes passent dans le ciel

Dans l'air neigeux, par dessus genêts

Et s'abattent dru comme grêle

Sur les labours de ce pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Les arbres dressent branches nues

Vers les cieux gris silencieux

Tendent leurs branches nues vers les nues

Tandis que des loups orgueilleux

Hurlent partout sur le pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Sur la campagne démembrée

Que le vent transit toute entière

En place des talus arrachés

Poussent les arbres des cimetières

Plantés tous noirs sur le pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Les gens immobiles se taisent

La langue engourdie dans la bouche

Serrés autour de l'âtre où les braises

Rougeoient comme les tas de souches

Qu'on voit fumer sur le pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Les corbeaux et les sansonnets

Par bandes passent dans le ciel

Dans l'air neigeux, par dessus genêts

Et s'abattent dru comme grêle

Sur les labours de ce pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Paroles et musique de Gilles Servat

 

 

lundi, 24 juillet 2006

Déja, la première hirondelle...

En arrivant en vacances, j'ai vu que des hirondelles ont fait leur nid sous le porche de l'église de mon petit village du Lot. La maison touche l'église et le matin, je me réveille avec leur "tsivitt" aigu …

 

 

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Déjà la première hirondelle,

Seul être aux ruines fidèle,

Revient effleurer nos créneaux,

Et des coups légers de son aile

Battre les gothiques vitraux

Où l'habitude la rappelle.

Déjà l'errante Philomèle

Modulant son brillant soupir,

Trouve sur la tige nouvelle

Une feuille pour la couvrir,

Et de sa retraite sonore

Où son chant seul peut la trahir,

Semble une voix qui vient d'éclore

Pour saluer avec l'aurore

Chaque rose qui va s'ouvrir.

L'air caresse, le ciel s'épure,

On entend la terre germer;

Sur des océans de verdure

Le vent flotte pour s'embaumer ;

La source reprend son murmure ;

Tout semble dire à la nature :

« Encore un printemps pour aimer! »

Alphonse de LAMARTINE

Epîtres et poésies diverses (1872)

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Le pot de terre contre le pot de fer

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  • 361 personnes tuées au Liban (dont 318 civils et 26 militaires) et 37 personnes en Israël (17 civils, 20 militaires),
  • 738 civils et 81 soldats et policiers libanais blessés, ainsi que 2 soldats de l'ONU,
  • 600 000 personnes déplacées dont 95 000 auraient trouvé refuge dans des écoles.

dimanche, 23 juillet 2006

Paris plage : le camping affiche complet !

medium_tente_sdf.jpgMatelas gonflables, table et chaises pliantes, et même quelques fleurs, ambiance merguez, on se croirait dans un camping municipal s'il ne manquait les douches! Car ici, les tentes vertes portent le sigle de Médecins du monde. Ils seraient environ 2 000 à dormir ainsi dans les rues de Paris. Bien sûr ce camping "bas de gamme" n'est pas du goût des autorités de la capitale qui veulent donner des airs de station balnéaire aux quais de la Seine. Alors un pont sous lequel vivaient trois SDF depuis dix ans, dans le XIIe, a été «nettoyé» hier matin par des policiers. Matelas, plantes : tout a été jeté. Mais l'Unsa police a quand même dénoncé ces opérations de nettoyage. « En droit civil, le principe de l’inviolabilité du domicile s’applique à ces tentes. Il est impossible de contraindre leurs occupants à les quitter, explique un policier. Nous ne pouvons pas non plus considérer qu’il s’agit de camping sauvage. Pour le moment donc, nous nous en tenons au statu quo. »

Mais les Parisiens font la grimace : «Pendant l'hiver, avec le froid et les volets fermés, la compassion s'exerce différemment, estime Graziela Robert, qui s'est occupée de la distribution des 300 tentes de Médecins du monde. En été, on ouvre les fenêtres et on voit la misère. Les gens n'aiment pas ça mais ce ne sont pas nos tentes qui ont installé la précarité. Les mêmes étaient là, allongés par terre, toujours alcoolisés. Simplement, ils étaient moins voyants.»

Au fait, ça fait tout de même 52 ans que l'abbé Pierre nous parle d' "insurrection de la bonté" !

samedi, 22 juillet 2006

un bien brave homme !

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«Il fut une abbaye de l’ordre de Cîteaux

près de Leira, et appelée Poblet,

et un bien brave homme en fut l’abbé.

Puis Dieu en fit le chef de tout Cîteaux,

Et ce saint homme, avec d’autres, partit

En terre d’hérétiques, et bien les instruisit».

(Guillaume de Tudèle, La chanson de la Croisade)

 

Cet abbé, c'est Arnaud Amalric.

Prenant la tête de la croisade, il participe le 22 juillet 1209 au sac de Béziers. L'évêque de la ville tente de négocier, mais il revient avec la proposition suivante : Béziers sera épargnée si les catholiques consentent à livrer les hérétiques. Le marché est rejeté avec indignation par toute la population, y compris les catholiques qui marquent par ce refus la ferme volonté de préserver la liberté de leur ville. Les habitants de Béziers sont bien conscients qu'il s'agit de conserver leur indépendance face aux grands seigneurs du nord. Les croisés doivent bien comprendre que les catholiques du sud feront passer leurs intérêts nationaux avant tous les autres. Dès le départ, cette guerre religieuse prend un caractère de résistance nationale qu'elle gardera jusqu'au bout.

La légende dit que la ville prise, lorsqu'on lui demande comment distinguer les catholiques des hérétiques, Arnaud Amalric déclare «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens».

S'il n'est pas sûr qu'Arnaud Amaury a prononcé cette phrase, il sut se montrer digne d'une telle déclaration quand il écrivit au pape Innocent III : «Les nôtres, n'épargnant ni le sang, ni le sexe, ni l'âge, ont fait périr par l'épée environ 20 000 personnes et, après un énorme massacre des ennemis, toute la cité a été pillée et brûlée. La vengeance divine a fait merveille.»

Ce massacre, qui fit entre 20 000 et 60 000 morts, marqua le début de la "Croisade des Albigeois", qui se termina en 1244 par un autre bain de sang à Montségur, dans le Comté de Foix.

Mais toujours l'histoire se répète ...

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vendredi, 21 juillet 2006

Identité

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Inscris !

Je suis Arabe

Le numéro de ma carte : cinquante mille

Nombre d'enfants : huit

Et le neuvième... arrivera après l'été !

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine

Et j'ai huit bambins

Leur galette de pain

Les vêtements, leur cahier d'écolier

Je les tire des rochers...

Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte

Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Sans nom de famille - je suis mon prénom

« Patient infiniment » dans un pays où tous

Vivent sur les braises de la Colère

Mes racines...

Avant la naissance du temps elles prirent pied

Avant l'effusion de la durée

Avant le cyprès et l'olivier

...avant l'éclosion de l'herbe

Mon père... est d'une famille de laboureurs

N'a rien avec messieurs les notables

Mon grand-père était paysan - être

Sans valeur - ni ascendance.

Ma maison, une hutte de gardien

En troncs et en roseaux

Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?

Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

 

Inscris !

Je suis Arabe

Mes cheveux... couleur du charbon

Mes yeux... couleur de café

Signes particuliers :

Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré

Et ma paume est dure comme une pierre

...elle écorche celui qui la serre

La nourriture que je préfère c'est

L'huile d'olive et le thym

 

Mon adresse :

Je suis d'un village isolé...

Où les rues n'ont plus de noms

Et tous les hommes... à la carrière comme au champ

Aiment bien le communisme

Inscris !

Je suis Arabe

Et te voilà furieux !

 

Inscris

Que je suis Arabe

Que tu as raflé les vignes de mes pères

Et la terre que je cultivais

Moi et mes enfants ensemble

Tu nous as tout pris hormis

Pour la survie de mes petits-fils

Les rochers que voici

Mais votre gouvernement va les saisir aussi

...à ce que l'on dit !

 

DONC

Inscris !

En tête du premier feuillet

Que je n'ai pas de haine pour les hommes

Que je n'assaille personne mais que

Si j'ai faim

Je mange la chair de mon Usurpateur

Gare ! Gare ! Gare

À ma fureur !

 

 

Mahmoud Darwich (1964)

Traduit de l’arabe par Olivier Carré.

© Les éditions du Cerf, 1989. Ce poème a été publié avec d’autres dans un volume intitulé Chronique de la tristesse ordinaire, suivi de Poèmes Palestiniens.