mardi, 22 mai 2007
Et si votre ordinateur détectait le lointain murmure d'une civilisation extraterrestre ?
"D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours cherché à savoir pourquoi nous sommes ici - ce que nous faisons ici, qui nous sommes ? S'il y a une chance de découvrir même une petite partie de cette réponse, je pense que cela vaut une vie humaine, non ?" (Dr. Ellie Arroway (Jodie Foster) dans le film Contact)
Ce mardi, début des travaux de peinture sur le plus grand radiotélescope du monde, à Arecibo, Porto-Rico, sur le côté Nord de l’île. Les travaux devraient couter environ 3,9 millions de dollars (2,89 millions d'euros) et durer 3 mois, le temps de nettoyer la corrosion sur la plateforme et d'éliminer la peinture au plomb ...
Construit en 1963, il est toujours le plus grand radiotélescope du monde, avec 305 m de diamètre. C'est la plus grande antenne convergente incurvée du monde, ce qui lui donne la plus grande capacité de collecte d'ondes électromagnétiques. La surface de l'antenne est faite de 38 778 panneaux d'aluminium perforés, chacun mesurant environ 1 m sur 2 m, supportés par un maillage de câbles en acier. Le radiotélescope collecte des données pour les scientifiques mondiaux dans les domaines d'études ionosphériques, dans l'étude des galaxies, et l'astronomie des pulsars. La localisation de Porto Rico près de l'équateur permet à Arecibo d'observer toutes les planètes du système solaire.
Le télescope d'Arecibo a déjà fait plusieurs découvertes importantes, comme déterminer la période de rotation de la planète Mercure le 7 avril 1964, peu après son inauguration, ou la première image d'un astéroïde, Castalia, en août 1989, ou, l'année suivante, l'observation d'un pulsar qui permettra de découvrir les premières planètes extrasolaires jamais découvertes.
Mais surtout l'antenne d'Arecibo a adressé le 16 novembre 1974, l'un des premiers messages de l'humanité destiné aux éventuels extra-terrestres vers l'amas globulaire M13, qui se trouve à environ 25 000 années-lumière. Une réponse est envisagée pour dans ... plusieurs dizaines de milliers d'années! Et elle participe à des programmes d'écoute de possibles signaux extraterrestre, d'abord le projet Phoenix, puis le projet SERENDIP, en collaboration avec l'expérience SETI@home (Search for ExtraTerrestrial Intelligence).
C'est pourquoi le rediotélescope est la vedette de plusieurs films de science-fiction : c'est en effet à Arecibo qu'est situé le film Contact, où Jodie Foster joue Ellie Arroway, jeune fille animée depuis son plus jeune âge par un désir passionné de connaître l'univers et d'entrer en communication avec d'autres mondes. Devenue une jeune et brillante astronome, Ellie guette avec une équipe de chercheurs un signe d'intelligence extraterrestre... Après de longues recherches, Ellie et ses compagnons captent enfin un signal en provenance de l'étoile Vega. Commence alors une bataille où la scientifique devra tout faire pour être choisie comme exploratrice, malgré son image d'excentrique.
Dans un épisode de X-Files intitulé Petits Hommes Verts, Fox Mulder, envoyé par le Sénateur Matheson, a 24 heures pour se rendre à Arecibo, avant que la Brigade d'Intervention Ufologique n'entre en action et ne détruisent le radiotélescope. Les lieux sont déserts depuis longtemps, privés de courant, pourtant les lampes des instruments sont toujours allumées. Sur les enregistrements du radiotélescope, Mulder découvre un signal clair, émis régulièrement. Soudain, les instruments se mettent en route, enregistrant un signal indiscutablement artificiel. Des lumières vives et des vibrations envahissent le local – dans l'encadrement de la porte, une silhouette humanoïde apparaît, auréolée de lumière. Mais Mulder doit fuir devant l'arrivée de la Brigade d'Intervention Ufologique. Mulder a à peine le temps d'emporter avec lui l'un des enregistrements ...
Dans Species, les scientifiques ont la grande surprise de recevoir une réponse au messages transmis dans l'espace depuis Arecibo, à destination d'éventuels extraterrestres. D'où l'idée du projet Omega : injecter ce génome extraterrestre dans un oeuf humain.
Et puis ... dans le film GoldenEye, où James Bond enquête sur le vol d'un hélicoptère "Tigre" qui a la faculté d'être protégé contre n'importe quelle forme d'ondes électroniques et sur celui du satellite secret GoldenEye, Alec Trevelyan, agent du MI-6 qui conspire contre sa chère Angleterre, communique avec le satellite russe qui devait détruire Londres grâce à une antenne géante, celle d'Aricebo. On se souvient de James Bond tenant Alec par un pied et le lâchant dans le vide. Ce dernier va alors s'écraser en bas de la parabole !!!
Au fait, connaissez vous SETI@home ? Comme elle avait besoin d'énormes capacités de calcul, l'université de Berkeley a développé un logiciel nommé SETI@home en 1999, qui permet d'utiliser les processeurs de milliers d'ordinateurs connectés à internet pour analyser ces données. Ces ordinateurs peuvent être ceux des milliers de blogueurs comme vous et moi ! Eh oui, vous pouvez participer vous aussi à ce programme en installant sur votre machine un logiciel "écran de veille" gratuit qui chargera et analysera les données collectées par le radiotélescope.
Et qui sait, un jour votre ordinateur détectera peut être le lointain murmure d'une civilisation hors de notre planète Terre.
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lundi, 21 mai 2007
Le fuyard, le shérif et le tueur, un désert au sud du Texas, des cadavres, des voitures, de l'héroïne et de l'argent, la vie et la mort ...
"J'ai envoyé un homme à chambre à gaz à Huntsville. Un seul et rien qu’un. C’est moi qui l'ai arrêté et il a été condamné sur mon témoignage. Je suis allé là-bas et je lui ai rendu visite deux ou trois fois. Trois fois. La dernière c'était le jour de son exécution. Je n'étais pas obligé mais j'y suis allé. Sûr que ça ne me disait rien. Il avait tué une gamine de quatorze ans et je peux dire et il n'y a aucun doute là-dessus que je n'avais pas tellement envie d'aller le voir et encore moins d'assister à son exécution mais je l'ai fait. Les journaux parlaient de crime passionnel et lui voilà qu'il me dit que ça n'a rien à voir avec la passion. Il sortait avec cette gosse. Une jeunesse. Lui il avait dix-neuf ans. Et il m'a dit qu'il avait prévu de tuer quelqu’un depuis plus longtemps qu'il pouvait s'en souvenir. II disait que si on le relâchait il recommencerait. Il disait qu'il le savait qu'il irait droit en enfer. C'est ce qu'il m'a dit je l'ai entendu de sa propre bouche. Je ne sais pas comment il faut comprendre ça. Bien sûr que je n’en savais rien. J’ai pensé que je n'avais jamais vu quelqu’un de pareil et je me suis dit que c'était peut-être une nouvelle espèce. J'ai regardé quand ils l'ont attaché sur le siège et qu'ils ont refermé la porte. Il avait peut-être l'air un peu nerveux mais c’était à peu près tout. Je crois vraiment qu'il savait qu’il allait se retrouver un quart d'heure après en enfer. J’en suis persuadé. J'ai beaucoup réfléchi là-dessus. C'était facile de lui parler. Il m'appelait Shérif. Mais je ne savais pas quoi lui dire. Quoi dire à un type qui de son propre aveu n’a pas d'âme?À quoi bon lui parler?J’ai pas mal réfléchi à tout ça. Mais lui c'était rien comparé à ce qui allait nous tomber dessus.
On dit que les yeux c'est les fenêtres de l'âme. Je me demande de quoi ces yeux-là étaient les fenêtres et je crois que j'aime mieux ne pas le savoir. Mais il y a un peu partout une autre vision du monde et d'autres yeux pour le voir et on y va tout droit. Ca m'a amené à un moment de ma vie auquel j'aurais jamais pensé que j'arriverais un jour. Y a quelque part un prophète de la destruction bien réel et vivant et je ne veux pas avoir à l'affronter. Je sais qu’il existe. J'ai vu son œuvre. Je me suis trouvé une fois en face de ces yeux-là. Et je ne recommencerai pas. Et je ne vais pas pousser tous mes jetons sur le tapis et me lever pour le défier. Ce n'est pas seulement à cause de mon âge. Je voudrais bien que ce soit ça la raison. Je ne peux même pas dire qu’il s'agit de savoir à quoi on est prêt. Parce que j'ai toujours su qu’iI faut être prêt à mourir rien que pour faire ce métier. Ça a toujours été vrai. Ce n'est pas pour me vanter ni rien mais c'est comme ça. Si t'es pas prêt ils le sauront. Ils le verront. En un clin d'œil. Je crois plutôt qu'il s'agit de savoir ce qu'on accepte de devenir. Et je crois qu’il faudrait jouer son âme. Et ça je ne le ferai pas. Je pense à présent que je ne le ferai sans doute jamais."
Cormac McCarthy - Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme (Editions de l'Olivier)
Décernés en avril dernier, les prix Pulitzer doivent être remis aujourd'hui à l'Université de Columbia, dans différents domaines, allant du journalisme à la musique. En journalisme, ce prix est considéré parmi les plus prestigieux.
Parmi ses bénéficiaires les plus célèbres en littérature, citons Margaret Mitchell pour Autant en emporte le vent (1937), John Steinbeck pour les Raisins de la colère (1940), Tennessee Williams pour Un tramway nommé Désir en 1948 et pour La Chatte sur un toit brûlant en 1955, Ernest Hemingway pour le Vieil Homme et la mer (1953), William Faulkner pour Parabole (1955) et Les larrons (1963) ...
Mais cette année Columbia rejoint Cannes puisque Ethan et Joel Coen y présentent leur dernier film adapté du roman "No Country For Old Men", de Cormac McCarthy qui a obtenu le prix Pulitzer 2007 pour un autre de ses romans, "the road".
14:47 Publié dans cinéma, litterature | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
En Juin, c'est le Mois MOLIERE à Versailles
Depuis 12 ans, en Juin à Versailles, c'est le Mois MOLIERE !
Venues de toute la France, et parfois même de l’étranger, les meilleures compagnies de Commedia dell’Arte comme les jeunes troupes y trouvent un tremplin unique. Ce sera de nouveau le lieu de création de nombreuses pièces ou de reprises de pièces récentes.
La comédie sera partout présente, tous les quartiers étant investis, pour des spectacles de théâtre bien sûr, mais aussi de musique et de danse,.que l'on peut le plus souvent voir en famille ... et généralement gratuits dans les Grandes Écuries et dans les quartiers ! Pour ceux payants, les prix s’échelonnent entre 6 et 15 €, selon les spectacles. Et le dimanche à midi, vous pourrez même amener votre pique-nique pour profiter des parcs et jardins avant le spectacle !
Bien sûr, en contrepartie, il faudra admettre quelques contraintes : l’annulation en cas d’intempéries trop fortes, les éventuelles files d’attente et le fait que vous ne pourrez entrer que dans la limite des places disponibles ..., le fait aussi que ces spectacles ne présenteront jamais de vedettes médiatiques, trop chères. Mais au final la magie du spectacle qui permet de faire partager les richesses de notre culture au plus grand nombre.
Détail du programme sur http://www.moismoliere.com/ ou cliquez pour avoir accès au programme ou au dossier de presse
06:30 Publié dans coup de coeur, litterature, musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
dimanche, 20 mai 2007
La Proclamation des Gueux
Qui sommes-nous ?
Nous sommes ceux qui travaillent et qui n'ont pas le sou.
Nous sommes les proprios décavés ou ruinés, les ouvriers sans travail ou peu s'en faut, les commerçants dans la purée ou aux abois. Nos sommes ceux qui crèvent la faim.
Nous sommes ceux qui ont du vin à vendre et qui ne trouvent pas toujours à le donner ; nous sommes ceux qui ont des bras à louer et qui ne peuvent guère les employer ; nous sommes ceux qui ont des boutiques dont les clients paient sans argent. Nous sommes ceux qui crèvent de faim.
Nous sommes ceux qui sont endettés, les uns jusqu'au cou, les autres par dessus la tête : tous ceux qui paient mal et tous ceux qui ne paient plus. Nous sommes ceux qui ont quelque crédit, ceux qui n'en ont guère et ceux qui n'en ont pas. Nous sommes ceux qui crèvent de faim.
Nous sommes ceux qui doivent partout : au boulanger, à l'épicier, au percepteur et au cordonnier; ceux qu'éconduisent les prêteurs, que relancent les huissiers et ceux que traquent les collecteurs d'impôts. Nous sommes ceux qui voudraient vivre en honnêtes gens et qui sont acculés aux expédients et à la misère. Nous sommes ceux qui crèvent de faim.
Nous sommes ceux qui aiment la République, ceux qui la détestent et ceux qui s'en foutent, nous sommes ses ardents défenseurs ou ses adversaires déclarés : radicaux ou conservateurs, modérés ou syndicalistes, socialistes ou réactionnaires, nous sommes ceux qui ont leur jugeote et aussi leurs opinions. Mais nous avons un ventre et nous sommes ceux qui crèvent de faim.
Nous sommes ceux enfin dont chaque espoir s'est traduit par plus de misère. Nous sommes ceux qui, rivés au sol, demandent à ce sol leur pitance; c'est par nous que la terre est belle et verdoyante; par nous elle produit plus qu'en tout autre temps. Nous sommes ceux qui la fécondent par leurs soins, leurs efforts, leur travail et leur peine. Hélas, parmi les gueux, nous sommes les plus gueux. Nous sommes ceux qui crèvent de faim.
Nous sommes enfin des miséreux, des miséreux qui ont femmes et enfants et qui ne peuvent pas vivre de l'air du temps. Nous sommes ceux qui ont des vignes au soleil et des outils au bout des bras, ceux qui veulent manger en travaillant et ceux qui ont droit à la vie. Nous sommes ceux qui crèvent de faim.
Ce texte a été publié par le journal "le Tocsin" le dimanche 21 avril 1907 lors de la révolte des vignerons de l'Aude. L'auteur en est-il Marcellin Albert ?
00:25 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Devinette
00:15 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
jeudi, 17 mai 2007
Absolument sans trucage !
Trouvé sur un blog ami : tapez « Sarkozy gauchiste », google vous suggèrera d’essayer plutôt « Sarkozy Fasciste ». j'ai essayé, ça marche !
18:13 Publié dans rire | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Eux aussi ont donné leur sang pour la Liberté
Le 21 février 1944
Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien aimée,
Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. Nous serons fusillés cet après-midi à quinze heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie. Je n'y crois pas mais je sais pourtant que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m'étais engagé dans l'armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre. Écoutez la douceur de la liberté, de la paix de demain.
Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement.
Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand. Chacun aura ce qu'il mérite comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous.
J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse. J'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre sans faute et d'avoir un enfant pour accomplir ma: dernière volonté. Marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse.
Tous mes biens et toutes mes affaires, je te les lègue à toi, à ta soeur et à mes neveux. Après la guerre, tu pourras faire valoir ton droit à la pension de guerre en tant que ma femme car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la Libération. Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits. Tu apporteras mes souvenirs, si possible, à mes parents en Arménie.
Je mourrai tout à l'heure avec mes vingt-trois camarades avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille.
Aujourd'hui il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai Adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme, et mes bien chers amis.
Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près. Je vous serre tous sur mon cœur. Adieu.
Ton mari, ton ami, ton camarade.
Missak MANOUCHIAN.
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mercredi, 16 mai 2007
Ah que j'aime Victor Hugo !!!
Trois amis l'entouraient. C'était à l'Elysée,
On voyait du dehors luire cette croisée.
Regardant venir l'heure et l'aiguille marcher,
Il était là, pensif ; et, rêvant d'attacher
Le nom de Bonaparte aux exploits de Cartouche,
Il sentait approcher son guet-apens farouche.
D'un pied distrait dans l'âtre il poussait le tison,
Et voici ce que dit l'homme de trahison :
- « Cette nuit vont surgir mes projets invisibles.
Les Saint-Barthélemy sont encore possibles.
Paris dort comme aux temps de Charles de Valois ;
Vous allez dans un sac mettre toutes les lois,
Et par-dessus le pont les jeter dans la Seine. »
Ô ruffians ! bâtards de la fortune obscène,
Nés du honteux coït de l'intrigue et du sort !
Rien qu'en songeant à vous, mon vers indigné sort
Et mon cœur orageux dans ma poitrine gronde
Comme le chêne au vent dans la forêt profonde !
Comme ils sortaient tous trois de la maison Bancal,
Morny, Maupas le Grec, Saint-Arnaud le chacal,
Voyant passer ce groupe oblique et taciturne,
Les clochers de Paris, sonnant l'heure nocturne,
S'efforçaient vainement d'imiter le tocsin ;
Les pavés de Juillet criaient à l'assassin !
Tous les spectres sanglants des antiques carnages,
Réveillés, se montraient du doigt ces personnages ;
La Marseillaise, archange aux chants aériens,
Murmurait dans les cieux : Aux armes, citoyens !
Paris dormait. hélas ! et bientôt, sur les places,
Sur les quais, les soldats, dociles populaces,
Janissaires conduits par Reybell et Sauboul,
Payés comme à Byzance, ivres comme à Stamboul,
Ceux de Dulac, et ceux de Korte et d'Espinasse,
La cartouchière au flanc et dans l'œil la menace,
Vinrent, le régiment après le régiment,
Et le long des maisons ils passaient lentement,
À pas sourds, comme on voit les tigres dans les jongles
Qui rampent sur le ventre en allongeant leurs ongles ;
Et la nuit était morne, et Paris sommeillait
Comme un aigle endormi pris sous un noir filet.
Les chefs attendaient l'aube en fumant leurs cigares.
Ô Cosaques ! voleurs ! chauffeurs ! routiers ! Bulgares !
Ô généraux brigands ! bagne, je te les rends !
Les juges d'autrefois pour des crimes moins grands
Ont brûlé la Voisin et roué vif Desrues !
Eclairant leur affiche infâme au coin des rues
Et le lâche armement de ces filous hardis,
Le jour parut. La nuit, complice des bandits,
Prit la fuite, et traînant à la hâte ses voiles,
Dans les plis de sa robe emporta les étoiles,
Et les mille soleils dans l'ombre étincelant,
Comme les sequins d'or qu'emporte en s'en allant
Une fille, aux baisers du crime habituée,
Qui se rhabille après s'être prostituée !
Victor Hugo
Châtiments
Livre I
22:50 Publié dans chronique à gauche, coup de coeur, Hugo...mania, poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
mardi, 15 mai 2007
Soirs bleus
Sensation
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue,
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, — heureux comme avec une femme.
Arthur Rimbaud
Mars 1870
Un décriptage du tableau "soir bleu" de Hopper sur :
http://laboiteaimages.hautetfort.com/archive/2006/09/13/s...
Edward Hopper est mort le 15 mai 1967
23:20 Publié dans peinture, poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
vendredi, 11 mai 2007
« Il y a un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques.
« Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes(…)
« Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient à s’emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte. Qu’il veille quelque temps à ce que tous les intérêts matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste. Qu’il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.
« Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du cœur ; elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner peut paraître. (…)
« Il n’est pas rare de voir alors sur la vaste scène du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d’une foule absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de l’immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur caprice, de toutes choses, ils changent les lois et tyrannisent à leur gré les mœurs ; et l’on s’étonne en voyant le petit nombre de faibles et d’indignes mains dans lesquelles peut tomber un grand peuple…
« Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. »
Alexis de Tocqueville
Extrait de De la Démocratie en Amérique, Livre II, 1840 (10/18, 1963).
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