lundi, 14 février 2011
Fantasmes de demoiselles ...
14 février, fête des "amoureux". Mais Cupidon n'a pas encore fait chavirer votre cœur, et vous avez beau jouer les célibataires faussement désinvoltes et vous dire que la Saint-Valentin c’est naze, ringard, commercial ... depuis ce matin vous lorgnez sur le parfum super-sexy ou le bouquet de rose qu'on ne vous offrira pas aujourd'hui.
Alors pourquoi ne pas passer quelques petites annonces. Je vous en propose quelques unes émises par des femmes faites et défaites cherchant l'âme sœur, fantasmes de demoiselles recueillies par René de Obaldia. Ce livre est un petit bijou de drôlerie et, mon dieu, de connaissance des femmes !
Cherche beau jeune homme aimant croquer la pomme
Cherche beau jeune homme
Aimant croquer la pomme
Beau comme un troubadour
Quand il me fera l'amour
(La nuit, propice à l'obscurité
Et a moult voluptés)
En son habit de velours
Sa mandoline à côté
Toutes les étoiles se mettront à pleurer
Cherche jeune et beau curé
Tout prêt à se défroquer
Quand il me verra passer
Bouleverd Agrippa d'Aubigné
Cherche beau jeune homme avec caniche
Cherche beau jeune homme avec caniche
Tout noir tout frisé
(Pas le jeune homme, mais le caniche)
Haut sur pattes, gueule distinguée
Amoureux de ma personnalité
Cherche un garde-chasse
Ni beau ni laid
Mais doté d'un membre efficace
Tel l'amant de Lady Chatterley
Cherche un malabar
Plaçant très haut la barre :
Trois Porsche, un sous-marin
Hôtel de luxe avec pingouins
Pédicure mexicain
Palanquin à Pékin
Case de bambou a Ouagadougou
Des tonnes et des tonnes de bagages
Et un tueur a gages.
Reçu par tous les Présidents
Du plus noir jusqu'au plus blanc
Avec tous les honneurs
Toute la raideur
Dus a son rang.
Et moi, sa ravissante épouse
Des perlouzes, des perlouzes, des perlouzes ...
Tant les hommes sont cons cherche une femme exquise
Douceur de lait, manière de Marquise
Tempérament de pharaon
René de Obaldia
Fantasmes de Demoiselles, femmes faites ou défaites cherchant l'âme soeur de (2006) chez Grasset
Bon, si vous n'avez pas celle qui vous convient, il y a encore quarante-cinq "petites-annonces" !
Et si l'an prochain, il n'est pas sûr que vous y gagniez roses, bijoux, lingerie fine et mots doux, au moins aurez-vous eu pendant un an battements de cœur affolés, soupirs d’extase, étreintes moites et souvenirs brûlants !
16:01 Publié dans art, coup de coeur, femmes, litterature, peinture, poèmes, rire, traditions | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
jeudi, 06 janvier 2011
Coeur de bois
Amandine si hautaine
Amandine au coeur de bois
Ce soir, je serai ton Roi.
Si tu veux, tu seras la Reine.
J'ai ôté mon tablier
J'ai mis mes plus beaux souliers
Dans ma poche des sous neufs
Pour les distribuer aux veufs.
Comme trône j'ai le fauteuil
Du Grand Oncle Cancrelat
Qui fume dans son cercueil
Une pipe en chocolat.
Ma couronne vif argent
Vient tout droit du pâtissier.
Sur mes épaules flotte un drap
On se cachera dedans.
Le fauteuil est à roulettes
Quelle aubaine pour un Roi !
Je le déplace et les traîtres
Frappent au mauvais endroit.
Amandine, tes yeux verts
Illuminent toutes mes nuits.
Je voudrais t'écrire en vers
Quand je serai plus instruit.
Amandine, tu m'as dit
« Je viendrai sept heures sonnées.
Je viendrai dans ton grenier
Avec ma chemise à plis. »
L'heure passe et je suis là
Ma couronne pour les rats !
Ah ! ce bruit de patinette !
Mais non, ce n'est pas ici.
Le sang me monte a la tête
J'entends les cloches aussi.
Et pourtant, je suis le Roi !
Tu devrais, genou en terre,
Baiser le bout de mon drap
Et pleurer pour la maniere !
« Madame, relevez-vous »
Te dirai-je noblement !
Et sur tes levres de houx
T'embrasserai jusqu'à cent.
L'heure fuit ; mes oripeaux
Juste bons pour les corbeaux !
Amandine, tu te moques
Tu te ris toujours de moi.
Quand tu remontes tes socques
Je tremble et ne sais pourquoi...
Amandine, je vais mourir
Si vraiment tu ne viens pas.
Je t'ordonne de courir
De grandir entre mes bras !
Le silence, seul, répond
Aile blanche sur mon front.
Le grenier comme un navire
Se balance dans la nuit.
Le trône vide chavire
L'Oncle fume en son réduit.
Amandine sans foi ni loi
Amandine ne viendra pas.
Jamais elle ne sera Reine
D'Occident ou de Saba.
Jamais elle ne régnera
Sur c'qu'il y a de plus sacré.
Peste noire ou choléra
Jamais ne pourra pleurer.
Et pourtant comme je l'aime
Amandine des chevaux d'bois
De Jean-Pierre et de Ghislaine
De tout le monde a la fois !
Et pourtant comme je l'aime
(A mes pieds tombe le drap)
Amandine si hautaine
Amandine au coeur de bois.
René de Obaldia
Innocentines
Photo : http://carla-marie.blogspace.fr/1468054/UN-PETIT-TOUR-DE-MANEGE-HASSAN-DANS-MES-FAVORIS-a-AUTEUR-COMPOSITEUR-a-ECRIT-UNE-BELLE-CHANSON/
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mercredi, 05 janvier 2011
Petite histoire des cartes de voeux
Avec la coutume des étrennes est née celle des vœux. En effet, on en profitait pour s’échanger des paroles d’amitié, se souhaitant bonheur et prospérité pour le reste de l’année. Les plus rapides s’y prennent dès le début du mois de décembre, les retardataires attendront fin janvier, avec un gros pic entre le 20 décembre et le 10 janvier. La tradition de l’échange des vœux évolue mais perdure. Cartes électroniques ou traditionnelles se côtoient aujourd'hui.
La tradition des cartes de vœux est née en Extrême-Orient Les cartes de vœux envoyées pour cette occasion étaient autrefois en papier de riz, les artistes les plus talentueux y dessinaient et traçaient les souhaits de Bonne Année à la main, à l'aide d’encres précieuses et leur dimension était proportionnelle au rang du destinataire, pouvant atteindre pour un mandarin la taille d’un devant de cheminée !
En France, depuis le Moyen âge, on envoyait de petits présents en l'accompagnant parfois d'une lettre de vœux peinte à la main. Cette tradition était réservée aux classes aristocratiques qui pouvaient se procurer encre et papier. De façon tout à fait rituelle et formelle, on rendait visite, dans les quinze jours qui suivaient le 1er janvier, à son entourage proche, famille et amis, patron et collègues de travail, et même à des familles pauvres ou des malades dont on embellissait ces jours festifs par des dons et des marques d'amitié. Cependant comme ces visites étaient très contraignantes, il était courant de s'abstenir d'une visite. Au cours du 17e siècle, on pouvait louer les services d'un gentilhomme en livrée noire et épée au côté, loué pour l’occasion et chargé de présenter les compliments de leur mandataire. Vers la fin du règne du Louis XIV, le gentilhomme fut progressivement remplacé par la remise d'une carte de visite, en laissant, pour preuve de son passage, une carte de visite qui, si elle était cornée en haut à droite, cela indiquait que l’on s’était déplacé soi-même pour la déposer. C'est ainsi qu'apparut l'habitude de remettre au concierge du domicile de ses proches le 1er janvier une carte de visite sur laquelle on avait écrit une formule de voeux. Cette tradition fut abolie en France de 1791 à 1797, car assimilées à un gage de vanité et de frivolité, elle fut même sources de sévères condamnation sous la Convention, mais ni le calendrier républicain ni les fêtes instituées par la Convention n’eurent raison de cette tradition séculaire.
Parallèlement on prenait prétexte des voeux à souhaiter pour renouer des amitiés distendues, ou se rappeler au bon souvenir de connaissances éloignées géographiquement en envoyant nombre de lettres. Mais même à cette époque, on n'a pas toujours le temps d'écrire toutes ses lettres de vœux ...
Dès 1796, l'auteur autrichien Aloys Senefelder (1771-1834) invente la lithographie qui permet de reproduire des impressions en grande quantité. Grâce à cette découverte technique, on parvient désormais à tirer des centaines d'images identiques pour une diffusion importante. Les marchands se mettent donc à expédier des cartes imprimées à leurs clients, pour les remercier de leur fidélité. Les Anglais mettent eux aussi à profit cette technique pour la transmission de leurs vœux du Nouvel An à partir de 1840, après l'impression massive d'enveloppes aux motifs de Noël et de la parution du premier timbre-poste.
La première carte imprimée de Noël est lancée en Angleterre par Sir Henry Cole (1808-1882), qui se voyant trop occupé pour écrire à ses amis, demande à l'artiste John Calcott Horsley de lui concevoir une carte. Le premier exemplaire représente une famille heureuse levant un verre comme pour porter un toast au destinataire. Elles est imprimée en noir et blanc puis mise en couleur à la main et porte l'inscription "Merry Christmas and happy new year", il n'a plus qu'à ajouter son nom et celui de son destinataire. Selon les notions de tempérance de l'époque, Horsley est critiqué pour "corruption morale" des enfants. A noter que parmi les mille cartes originales imprimées pour Henry Cole, douze existent encore aujourd'hui dans des collections privées.
Initialement, ces cartes sont imprimées et vendues à l'époque pour un schilling, en plus des frais de poste de un penny, la carte n'étant évidemment pas à la portée des budgets les plus humbles. Mais le développement rapide des techniques d'impression va rendre ces cartes extrêmement populaire et à la mode, et cette tradition va se diversifier considérablement en s'appliquant à tous les types d'événements de la vie humaine. Les premiers modèles de cartes de vœux sont étonnamment complexes, avec des cartes en forme de drapeaux, des cloches, d'oiseaux, et des bougies. Certaines cartes peuvent même être pliées comme des cartes ou emboîtés comme des puzzles. Curieusement, ils représentent rarement l'hiver, la neige, les arbres de Noël, ni des thèmes religieux, mais plutôt des fleurs, des fées et d'autres reproductions qui rappellent au destinataire l'approche du printemps. Les représentations humoristiques ou sentimentales d'enfants et d'animaux sont aussi très populaires.
En Amérique du Nord Louis Prang (1824-1909), un immigrant allemand, ouvre en 1860 un atelier de lithographie à Boston au Massachusetts. Dès 1873, il imprime des cartes de voeux pour le Nouvel An et commence à les vendre aux États-Unis l'année suivante. En 1885, il a d'ailleurs l'idée de représenter le Père-Noël (Santa Claus) dans un costume rouge, ce qui fait fureur auprès du public et officialise la couleur rouge pour désigner le jovial bonhomme à barbe blanche. Mais ses cartes sont chères, et sont rapidement imitées par des cartes de qualité moindre mais plus abordables, et finalement il est contraint à la faillite en 1890
Des multinationales telles que Hallmark, créée en 1910 par Joyce Clyde Hall (1891-1982), comprennent rapidement tout le profit à tirer d'une commercialisation des cartes de vœux. De même des associations caritatives telles l'Unicef : En 1949, Jitka Samkova, une petite Tchécoslovaque de 7 ans, fait en classe une peinture pour remercier cette nouvelle organisation d’avoir fourni des médicaments et du lait aux enfants de son village ravagé par la guerre. L’image, qu’elle a peinte sur un morceau de verre faute de papier, représente un groupe d’enfants en train de danser autour d’un "mât de fête" sous un grand soleil. Sa peinture est envoyée par son institutrice au bureau Unicef de Prague, qui la fait suivre à Vienne puis à New York où le dessin de Jitka inspire les équipes de l'Unicef pour la réalisation d'un projet de cartes de voeux. En octobre 1949, les toutes premières cartes de vœux de l’Unicef sont imprimées avec cette image, afin de collecter des fonds pour venir en aide aux enfants. Depuis, les cartes Unicef remportent un franc succès et à ce jour, le produit de la vente de plus de 4,7 milliards de cartes a secouru les enfants déshérités dans le monde entier.
Avec l'avènement d'Internet et les services de cartes en ligne, l'envoi de voeux prend maintenant un nouveau virage. On offre moins de cartes physiques, et les e-cartes ont pris le relais et permettent d'envoyer rapidement et sans délai postaux, des images originales. En moyenne, les Français achètent 14 cartes de voeux et fantaisie par an. C'est peu, au regard des habitudes des consommateurs anglais et américains, qui achètent respectivement 54 et 40 cartes par an.
Il n’empêche que le bonheur de décacheter une enveloppe ne s’épuise jamais et que rien ne remplacera la carte de voeux envoyée sous enveloppe que l'on place sur le manteau des cheminées ou sur les branches des sapins, ou encore que l'on garde précieusement entre les pages d’un livre.
Et n'oublions pas que "l’amitié double les joies et réduit de moitié les peines", comme nous le rappelle avec justesse Francis Bacon. L'envoi d'une carte de voeux accompagnée d'un mot gentil participe tout simplement à l'ensemble des jolis gestes qui soudent les amitiés.
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samedi, 01 janvier 2011
Vous prendrez bien une petite verveine ?
Depuis quelques jours, une partie de mes occupations est liée à ces étranges coutumes des étrennes et des cartes de vœux. Je prépare avec soin les enveloppes destinées à mes éboueurs et à mon jardinier, j'écris maintes cartes, envoyées par la poste ou, de façon plus moderne et aussi plus rapide, par internet.
Mais voyons d'abord d’où vient la coutume des étrennes.
Un tour sur google m'apprend qu'un certain Jacob Spon, médecin et érudit lyonnais écrivit un petit livre qu'il intitula "De l’origine des étrennes" et qu'il offrit en 1674 comme étrennes à un conseiller du duc de Wurtemberg.
Cet homme était un érudit, un "curieux" comme on disait à cette époque. Un autre érudit de son époque, Charles César Baudelot de Dairval disait de lui "Lyon est tout plein d'habiles curieux, et quand ce ne seroit que M. Spon, il en vaut bien une douzaine d'autres", auquel il répondait : "Il est bien juste que je sois aussi un peu curieux, puisque je connois presque tous ceux de Lyon qui le sont ; et l'on sçait que cette maladie est contagieuse, quoy qu'elle ne soit pas mortelle". Bref, Jacob Spon avait étudié le grec ancien et le latin nécessaires à l'époque aux études de médecine et s'était passionné pour l'antiquité. Et en 1973, il s'était déjà fait remarquer par sa première publication, Recherche des antiquités et curiosités de la ville de Lyon, qui l'avait installé dans le cercle de la République des Lettres.
Pour son petit livre sur les étrennes, c'est Symmachus qui a fourni à Spon ses informations. Symmachus est surtout connu pour être le champion du Sénat romain païen opposé aux mesures prises par les empereurs chrétiens contre la vieille religion d'État vers la fin du IVe siècle. De lui nous sont parvenus 9 livres d'Épîtres, ainsi que deux lettres tirées du dixième livre, publiées juste après sa mort par son fils, soit environ 900 lettres, la plupart d'un intérêt relatif ... C'est à partir des informations du Liber X, épître 28 que Spon raconte que l’usage des étrennes fut introduit sous les premiers rois de Rome.
Symmachus y rapporte en effet que Tatius Sabinus, contemporain et adversaire de Romulus, aurait reçu comme augure des branches de verveine (verbena) dans un bois consacré à Strenia, déesse sabine de la force et de l'endurance : "qui verbenas felicis arboris ex luco Streniae anni novi auspices primus accepit.” Un temple dédié à Strenia se dressait en effet au bout de la Via Sacra, près du Colisée, et était entouré d’un bois sacré à l’image de tous les temples dédiés à la guérison, les Asklépeïon.
Cette légende est cependant à prendre avec beaucoup de réserve car Symmachus ne cite pas ses sources. Et il est parfois considéré comme "un sot" par les historiens, comme Ferdinand Lot qui disait de lui : "Il a été considéré de son temps comme un fin lettré et révéré des païens, ses coreligionnaires, même des chrétiens. Saint Ambroise, Prudence n'osent s'égaler à son éloquence. Quand on lit ses œuvres, elles nous donnent l'impression que l'auteur était un honnête et digne homme, ami des belles-lettres, très poli dans les discussions, un homme de bonne société, mais d'une nullité intellectuelle affligeante. Il y a peu à tirer de sa correspondance." De quoi éveiller notre méfiance en effet ! Même si le "grand dictionnaire historique sur le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane" par Mgr Louis Morery, Prêtre et Docteur en Théologie, paru à Lyon à partir de 1674, reprend l'histoire écrite par Spon.
Ce qui est sûr, c'est que plus de 700 ans après Romulus et Tatius Sabinus, en 46 Av. J-C, quand Jules César établit le Calendrier Julien, le 1er janvier représente alors le jour du Nouvel An. Ce jour consacré à Janus est aussi la date d'élection des Consuls de Rome et on y échange des présents
La lecture d'Ovide nous indique en effet que la période du tout début de l'année est intimement liée à Janus, divinité aux deux visages regardant l'un l'année passée et l'autre la prochaine. Strenia, la déeese, strena,ae, l’étrenne, strenuus,a,um, fort, forte auraient, d’après de nombreux latinistes la même éthymologie ... Le mot "étrenne" vient-il donc bien de la légende rapportée par Symmachus, ou plus prosaïquement d'une association erronée entre Janus dieu des commencements, et Strenia-Salus, déesse de la santé et de la force, souvent évoqués ensemble ?
Et si le mot étrenne vient bien de Rome, il n’en va pas de même pour cette coutume sylvestre (tiens, encore une association avec le saint du jour ...) elle-même qui a toujours existé un peu partout. Sur nos vieux terroirs francais, ça n’est pas la verveine latine, mais le gui que les druides allaient cueillir pour l’an neuf !
Mais voyons ce qu'écrit Ovide dans son très long et magnifique poème Les Fastes, paru vers 15 ap. J.-C., portant sur le calendrier romain et les fêtes religieuses qui l'accompagnent. Ovide invoque Janus, qu'on représentait à deux visages, l'un devant et l'autre derrière, comme regardant l'année passée et la prochaine et donc patron du premier mois de l'année, en faveur des princes, du Sénat et du Peuple romain. Le premier janvier est marqué par l'ouverture des temples, par l'échange de voeux et de paroles de paix, par des sacrifices et des offrandes dans une atmosphère paisible et joyeuse, par une procession en vêtements blancs emmenant les nouveaux magistrats vers le mont Tarpée, où Janus avait un autel.
Germanicus, voici qu'il vient t'annoncer une année heureuse,
Janus, le premier dieu présent dans mon poème.
Janus aux deux visages, toi qui commences l'année au cours silencieux,
toi, le seul des dieux d'en haut à voir ton propre dos,
sois propice à nos princes dont le labeur apporte
la paix à la terre féconde et la paix à la mer.
Sois propice à tes sénateurs et au peuple de Quirinus,
et d'un signe de tête fais ouvrir les temples éclatants.
Un jour béni se lève : faites silence et recueillez-vous !
En ce beau jour, il faut prononcer des paroles de bonheur.
Que les oreilles soient exemptes de débats, et que d'emblée s'éloignent
les querelles insanes : diffère ton oeuvre, langue envieuse.
Vois-tu comment le ciel resplendit de feux parfumés,
et comment crépite le safran de Cilicie dans les foyers allumés ?
L'éclat de la flamme se reflète sur l'or des temples
et répand au sommet du sanctuaire sa lueur tremblante.
En vêtements sans taches, on se rend à la citadelle tarpéienne
et le peuple lui aussi porte la couleur qui s'accorde à sa fête.
Et en tête avancent les nouveaux faisceaux, la pourpre nouvelle brille
et, sur la chaise curule d'ivoire éclatant, siège un nouveau personnage.
De jeunes taureaux, ignorant les travaux et nourris d'herbages
dans les champs falisques, tendent leur cou au sacrificateur.
il ne peut rien apercevoir qui ne soit romain.
Salut, jour heureux, reviens-nous toujours meilleur,
digne d'être célébré par le peuple qui gouverne le monde !
Plus loin, Ovide tente d’expliquer pourquoi le premier janvier est le commencement de l’année :
"Allons, dis-moi pourquoi l'an neuf commence avec les frimas :
Ne devait-il pas de préférence débuter au printemps ?
Alors, tout fleurit, alors, c'est la saison nouvelle :
sur le sarment fécond le jeune bourgeon se gonfle,
et l'arbre se couvre de feuilles à peine formées ;
l'herbe aussi, sortie de la graine, pointe sa tige au ras du sol,
et les oiseaux de leurs concerts agrémentent la tiédeur de l'air,
tandis que les troupeaux jouent et s'ébattent dans les prairies.
Alors le soleil est doux ; l'hirondelle, oubliée, reparaît
et façonne son nid de boue à l'abri d'une haute poutre ;
alors le champ labouré souffre, la charrue le rend neuf.
C'est cette période qui méritait d'être appelée nouvel an".
Ma question avait été longue ; lui, sans beaucoup attendre,
concentra sa réponse dans ces deux vers :
"Le solstice d'hiver marque le premier jour du soleil nouveau
et le dernier de l'ancien : Phébus et l'an ont même commencement".
Après quoi, je m'étonnais du fait que ce premier jour
ne fût pas exempté de procès. Janus dit : "Apprends-en la cause !
J'ai confié à l'année naissante l'activité judiciaire, par crainte de voir
l'année tout entière dépourvue d'activité, à cause d'un tel auspice.
Pour la même raison, chacun s'adonne à ses activités propres,
ne faisant rien d'autre que témoigner de son travail habituel".
Si ce jour-là, les activités judiciaires et autres ne sont pas suspendues, c'est que le premier janvier est un jour faste, garantissant que l'année entière sera vouée à l'action ... A cette époque, il n'est donc pas question que le Jour de l'An soit férié !!!
Par ailleurs, l'échange ce jour-là de douceurs (datte, figue, miel) augure une année douce.
Aussitôt j'interviens : "Pourquoi, lorsque j'honore d'autres dieux,
dois-je commencer par t'offrir à toi, Janus, de l'encens et du vin ?"
"Pour que tu puisses, dit-il, grâce à moi, gardien des seuils,
accéder à ton gré auprès de tous les dieux".
"Mais pourquoi prononçons-nous des paroles joyeuses à tes Calendes,
et pourquoi faisons-nous cet échange de voeux ?"
Alors le dieu, appuyé sur le bâton qu'il tenait de la main droite, dit :
"D'habitude, les commencements comportent des présages.
À la première parole, vous tendez une oreille craintive
et c'est le premier oiseau entrevu que consulte l'augure.
Les temples des dieux sont ouverts, de même que leurs oreilles ;
nulle langue ne formule en vain des prières ; les paroles ont leur poids".
Janus en avait fini ; je ne gardai pas longtemps le silence,
et mes mots suivirent aussitôt ses dernières paroles :
"Que veulent dire la datte et la figue ridée", dis-je,
"et le miel qu'on offre, contenu dans une jarre blanche ?" Il dit :
"C'est pour le présage, pour que leur saveur s'attache aux choses
et que l'année achève son voyage en douceur comme il a commencé".
"Je vois pourquoi on offre des douceurs ; dis-moi aussi le pourquoi
de la pièce de monnaie, pour que rien ne m'échappe de ta fête".
Il rit et dit : "Combien tu es abusé sur les temps où tu vis,
si tu penses qu'il est plus doux de recevoir du miel qu'une obole !
Au temps où régnait Saturne, j'avais peine déjà à trouver quelqu'un
dont l'esprit n'appréciait pas les douceurs du profit.
Avec le temps grandit le désir de posséder, qui actuellement culmine ;
à peine est-il possible d'aller plus loin en cette voie.
Les richesses sont plus prisées maintenant que dans les premiers temps,
quand le peuple était pauvre, quand Rome était dans sa nouveauté,
quand une humble cabane accueillait Quirinus, le fils de Mars,
et quand les roseaux du fleuve lui servaient de petite couchette.
Jupiter tenait difficilement debout dans son temple étroit,
et en sa main droite, le foudre était d'argile.
On ornait le Capitole de feuillages, des gemmes aujourd'hui,
et le sénateur menait lui-même paître ses brebis ;
il n'était pas honteux de prendre un paisible repos sur une paillasse
ni de poser sous sa tête un coussin de foin.
Le préteur, sa charrue à peine posée, rendait la justice au peuple
et on pouvait vous faire grief de posséder une mince lame d'argent.
Mais lorsque la Fortune de ce lieu eut relevé la tête,
et que Rome du haut du front eut touché les demeures des dieux,
les richesses s'accrurent, de même qu'une furieuse envie de richesses ;
et, tout en possédant quantité de biens, on en réclama davantage.
On rivalisa pour gagner de quoi dépenser, et regagner sa dépense,
et cette alternance même alimenta les vices :
ainsi en va-t-il de ceux dont le ventre est gonflé par l'hydropisie,
plus ils ont bu d'eau, plus ils sont assoiffés.
Actuellement la valeur réside dans l'argent : le cens procure les honneurs ;
il procure aussi les amitiés ; le pauvre, où qu'il soit, reste sur le carreau.
Tu te demandes pourtant ce que peut valoir le présage d'une obole,
et pourquoi nous aimons tenir en mains de vieilles monnaies de bronze.
Jadis on offrait du bronze : maintenant, en or, le présage est meilleur
et l'antique monnaie, vaincue, a cédé le pas à la nouvelle.
Nous aussi, même si nous prisons les temples anciens, nous les aimons
quand ils sont dorés : cette majesté sied à un dieu.
Nous louons les temps révolus, mais nous vivons à notre époque :
de toute façon les deux coutumes méritent un égal respect".
Comme on peut le lire, ces douceurs ont été depuis toujours concurrencées par des pièces de monnaie. Après une évocation des temps anciens, où l'on vivait heureux dans la simplicité et la pauvreté, avant l'afflux des richesses et le règne de la cupidité, le dieu explique que, à cause de cette évolution, une pièce d'or est souvent préférée à une obole, mais que les deux coutumes sont défendables et qu'il faut vivre avec son temps ... Comme quoi la débauche de victuailles et de dépenses que nous voyons en cette période de l'année ne date pas d'hier !
Les présents habituel étaient des figues, des dattes et du miel. On envoyait ces douceurs à ses amis, pour leur témoigner qu'on leur souhaitait une vie douce et agréable. Les figues et les dattes étaient ordinairement couvertes d'une feuille d'or, ce qui n'était néanmoins que le présent des personnes les moins riches: Martial en parle ainsi dans ses Epigrammes :
Aurea porrigitur Jani car jota Calendis:
Sed tamen hoc munus pauperts ejfe folet.
On y joignait aussi quelque petite pièce d'argent.
Sous l'Empire d'Auguste, le peuple, les Chevaliers, et les Sénateurs lui présentaient des étrennes; et lorsqu'il était absent, ils les portaient dans le Capitole. L'argent de ces étrennes était employé à acheter des statues de quelques divinités, l'Empereur ne voulant pas utiliser à son profit particulier les libéralités de ses sujets.
"Omnes ordines in lacum Curti quotannis ex voto pro salute eius stipem jaciebant, item Kal. Jan. strenam in Capitolio etiam absenti, ex qua summa pretiosissima deorum simulacra mercatus vivatim dedicabat, ut Apollinem Sandaliarium et Jovem Tragoedum aliaque." "Chaque année, tous les ordres de l’État jetaient dans le gouffre de Curtius des pièces d’argent pour son salut. Aux calendes de janvier, lors même qu’il était absent, on lui portait des étrennes au Capitole. De cet argent il achetait les plus belles statues des dieux, et les faisait élever dans les divers quartiers de Rome, comme l’Apollon des Sandales, le Jupiter Tragédien et quelques autres".( Suétone, Auguste, chapitre 57)
Tibère désapprouva cette coutume, et fit un édit par lequel il défendait les étrennes, passé le premier jour de l'année, parce qu'auparavant le peuple s'occupait à ces cérémonies pendant huit jours.
"Cotidiana oscula edicto prohibuit, item strenarum commercium ne ultra Kal. Jan. exerceretur." "Il abolit par un édit l’usage de s’embrasser tous les jours, et défendit de prolonger l’échange des étrennes au-delà des calendes de janvier". (Suétone, Tibère, 34)
Mais Caligula fit savoir au peuple que lui accepterait les étrennes qu'on lui présenterait, contrairement à son prédécesseur tandis que Claude son successeur défendit qu'on l'importunât de ces présents ...
Les Grecs empruntèrent cet usage des Romains, mais ils n'avaient pas de mot pour qualifier ces étrennes. Mais les chrétiens s'élèvent contre cette coutume. Tertullien dans son livre de l'Idolâtrie en parle : "Mon âme, dit-il, a en horreur vos Sabbats, Nouvelles Lune et solennités. Comment pouvons-nous frequenter les fêtes Saturnales célébrer les Calendes de Januier, le solstice d'hiver, la fête des matrones, donner des présents ces jours-là, faire des étrennes, des jeux et banquets ..."
En 313, l'édit de Milan marque la reconnaissance quasi officielle du christianisme comme religion de l'Empire. Dès lors, encouragées par les faveurs du pouvoir, les troupes de choc de la nouvelle foi s'attaqueront avec zèle à la conversion des villes et des campagnes et à l'éradication des coutumes païennes ... ou plutôt, pure tartufferie, des fêtes chrétiennes remplaceront les joyeusetés idolâtres !
Pourtant dans les premiers siècles de l'Eglise, l'habitude d'envoyer des étrennes aux magistrats et aux Empereurs perdure. D'après Ferdinand Lot dans "La Fin du monde antique et les débuts du moyen âge" paru en 1951 (p.509), jusqu'en début du Vème siècle, l'aristocratie païenne fait servir, aux fins de sa propagande, l'habitude très ancienne d'offrir en cadeau, le jour de l'An, de vieilles pièces de monnaie (des "contorniates") représentant des empereurs païens restés populaires, ou Alexandre le Grand, le conquérant victorieux, par dérision contre le faible empereur chrétien. On en trouve même jusque sous le règne d'Anthémius (467-472), représentant l'empereur régnant avec des allusions politiques
Vers 515-520, saint Césaire (470-543), évêque d'Arles, fulmine dans un sermon contre les coutumes du jour de l'An : («... les uns ne revêtent que la peau d'un animal, d'autres en prennent la tête, d'autres se déguisent en femmes... ") et contre les pratiques de la fête des Morts du 22 février (« ... ils portent des mets et du vin sur les tombeaux des défunts... »). En 524, le concile d'Arles condamne les rites observés lors du jour de l'An. En 578, le concile d'Auxerre réitère l'interdiction de se déguiser en vaches et en cerfs à l'occasion des fêtes du jour de l'An. Le VIe concile oecuménique (7 novembre 680-16 septembre 681) qui met fin à la querelle monothélite condamne aussi ces fêtes.
En fait, ce sont plutôt les rites liés aux "saturnales" qui sont condamnés, cette succession non interrompue de réjouissances et de cérémonies qui commençait mi décembre, embrassait tout l'intervalle compris entre Noël et l'Epiphanie et qui s'est ensuite et progressivement étendue jusqu'au jour des cendres. Et l'église a toléré les étrennes à condition qu'elles ne soient plus que des marques d'amitié ou de soumission et que l'on s'abstienne des cérémonies païennes, comme d'offrir de la verveine ou certaines branches d'arbres (le gui ?), de mettre le jour des flambeaux allumés sur la table où l'on faisait des festins, de chanter et de danser dans les rues ...
A SUIVRE ... peut être ...
sources : http://www.france-pittoresque.com/traditions/58.htm et http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fastam/f1-plan.html
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vendredi, 24 décembre 2010
Conte de Noël
Allez, un autre conte de Noel d'Alphonse Allais ...
Ce matin-là, il n’y eut qu’un cri dans tout le Paradis :
— Le bon Dieu est mal luné aujourd’hui. Malheur à celui qui contrarierait ses desseins!
L’impression générale était juste : le Créateur n’était pas à prendre avec des pincettes.
A l’archange qui vint se mettre à sa disposition pour le service de la journée, Il répondit sèchement :
— Zut! fichez-moi la paix!
Puis, Il passa nerveusement Sa main dans Sa barbe blanche, s’affaissa — plutôt qu’il ne s’assit — sur Son trône d’or, frappa la nue d’un pied rageur et s’écria :
— Ah! j’en ai assez de tous ces humains ridicules et de leur sempiternel Noël, et de leurs sales gosses avec leurs sales godillots dans la cheminée. Cette année, ils auront … la peau!
Il fallait que le Père Éternel fût fort en colère pour employer cette triviale expression, Lui d’ordinaire si bien élevé.
— Envoyez-moi le bonhomme Noël, tout de suite ! ajouta-t-Il.
Et comme personne ne bougeait :
— Eh bien! vous autres, ajouta Dieu, qu’est-ce que vous attendez? Vous, Paddy, vieux poivrot, allez me quérir le bonhomme Noël!
(Celui que le Tout-Puissant appelle familièrement Paddy n’est autre que saint Patrick, le patron des Irlandais.)
Et l’on entendit à la cantonade :
— Allo ! Santa Claus! Come along, old chappie!
Le bon Dieu redoubla de fureur :
— Ce pochard de Paddy se croit encore à Dublin, sans doute ! Il ne doit cependant pas ignorer que j’ai interdit l’usage de la langue anglaise dans tout le séjour des Bienheureux!
Le bonhomme Noël se présenta :
— Ah ! te voilà, toi!
— Mais oui, Seigneur!
— Eh bien! tu me feras le plaisir, cette nuit, de ne pas bouger du ciel…
— Cette nuit, Seigneur? Mais Notre-Seigneur n’y pense pas! C’est cette nuit… Noël!
— Précisément! précisément! fit Dieu en imitant, à s’y méprendre, l’accent de Raoul Ponchon.
— Et moi qui ai fait toutes mes petites provisions!…
— Le royaume des Cieux est assez riche pour n’être point à la merci même de ses plus vieux clients. Et puis … pour ce que ça nous rapporte !
— Le fait est !
— Ces gens-là n’ont même pas la reconnaissance du polichinelle… Je fais un pari qu’il y aura plus de monde, cette nuit, au Chat Noir qu’à Notre-Dame de Lorette. Veux-tu parier ?
— Mon Dieu, vous ne m’en voudrez pas, mais parier avec vous, la Source de tous les Tuyaux, serait faire métier de dupe.
— Tu as raison, sourit le Seigneur.
— Alors, c’est sérieux ? insista le bonhomme Noël.
— Tout ce qu’il y a de plus sérieux. Tu feras porter tes provisions de joujoux aux enfants des Limbes. En voilà qui sont autrement intéressants que les fils des Hommes. Pauvres gosses!
Un visible mécontentement se peignait sur la physionomie des anges, des saints et autres habitants du céleste séjour.
Dieu s’en aperçut.
— Ah! on se permet de ronchonner ! Eh bien ! mon petit père Noël, je vais corser mon programme ! Tu vas descendre sur terre cette nuit, et non seulement tu ne leur ficheras rien dans leurs ripatons, mais encore tu leur barboteras lesdits ripatons, et je me gaudis d’avance au spectacle de tous ces imbéciles contemplant demain matin leurs âtres veufs de chaussures.
— Mais… les pauvres ?… Les pauvres aussi ? Il me faudra enlever les pauvres petits souliers des pauvres petits pauvres ?
— Ah ! ne pleurniche pas, toi ! Les pauvres petits pauvres ! Ah! ils sont chouettes, les pauvres petits pauvres ! Voulez-vous savoir mon avis sur les victimes de l’Humanité Terrestre ? Eh bien ! ils me dégoûtent encore plus que les riches !… Quoi ! voilà des milliers et des milliers de robustes prolétaires qui, depuis des siècles, se laissent exploiter docilement par une minorité de fripouilles féodales, capitalistes ou pioupioutesques ! Et c’est à moi qu’ils s’en prennent de leurs détresses ! Je vais vous le dire franchement : Si j’avais été le petit Henry, ce n’est pas au café Terminus que j’aurais jeté ma bombe, mais chez un mastroquet du faubourg Antoine !
Dans un coin, saint Louis et sainte Élisabeth de Hongrie se regardaient, atterrés de ces propos :
— Et penser, remarqua saint Louis, qu’il n’y a pas deux mille ans, il disait : Obéissez aux Rois de la terre ! Où allons-nous, grand Dieu ! où allons-nous ? Le voilà qui tourne à l’anarchie !
Le Grand Architecte de l’Univers avait parlé d’un ton si sec que le bonhomme Noël se le tint pour dit.
Dans la nuit qui suivit, il visita toutes les cheminées du globe et recueillit soigneusement les petites chaussures qui les garnissaient.
Vous pensez bien qu’il ne songea même pas à remonter au ciel cette vertigineuse collection. Il la céda, pour une petite somme destinée à grossir le denier de Saint-Pierre, à des messieurs fort aimables, et voilà comment a pu s’ouvrir, hier, à des prix qui défient toute concurrence, 739, rue du Temple, la splendide maison:
AU BONHOMME NOËL
Spécialité de chaussures d’occasion en tous genres
pour bébés, garçonnets et fillettes.
Nous engageons vivement nos lecteurs à visiter ces vastes magasins, dont les intelligents directeurs, MM. Meyer et Lévy, ont su faire une des attractions de Paris.
Alphonse Allais
Deux et deux font cinq
1895
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jeudi, 23 décembre 2010
Le veau - conte de noël pour Sara Salis
Il y avait une fois un petit garçon qui avait été bien sage, bien sage. Alors, pour son petit Noël, son papa lui avait donné un veau.
- Un vrai ?
- Oui, Sara, un vrai.
- En viande et en peau ?
- Oui, Sara, en viande et en peau.
- Qui marchait avec ses pattes ?
- Puisque je te dis un vrai veau
- Alors ?
- Alors, le petit garçon était bien content d'avoir un veau seulement, comme il faisait des saletés dans le salon...
- Le petit garçon ?
- Non, le veau... Comme il faisait des saletés et du bruit, et qu'il cassait les joujoux de ses petites soeurs...
- Il avait des petites soeurs, le veau ?
- Mais non, les petites soeurs du petit garçon... Alors on lui bâtit une petite cabane dans le jardin, une jolie petite cabane en bois...
- Avec des petites fenêtres ?
- Oui, Sara, des tas de petites fenêtres et des carreaux de toutes couleurs... Le soir, c'était le réveillon. Le papa et la maman du petit garçon étaient invités à souper chez une dame. Après dîner, on endort le petit garçon et ses parents s'en vont...
- On l'a laissé tout seul à la maison ?
- Non, il y avait sa bonne... Seulement, le petit garçon ne dormait pas. Il faisait semblant. Quand la bonne a été couchée, le petit garçon s'est levé et il a été trouver des petits camarades qui demeuraient à côté...
- Tout nu ?
- Oh ! non, il était habillé. Alors tous ces petits polissons, qui voulaient faire réveillon comme des grandes personnes, sont entrés dans la maison, mais ils ont été attrapés, la salle à manger et la cuisine étaient fermées. Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait ?...
- Qu'est-ce qu'ils ont fait, dis ?
- Ils sont descendus dans le jardin et ils ont mangé le veau...
- Tout cru ?
- Tout cru, tout cru.
- Oh ! les vilains !
- Comme le veau cru est très difficile à digérer, tous ces petits polissons ont été très malades le lendemain. Heureusement que le médecin est venu ! On leur a fait boire beaucoup de tisane, et ils ont été guéris... Seulement, depuis ce moment-là, on n'a plus jamais donné de veau au petit garçon.
- Alors, qu'est-ce qu'il a dit, le petit garçon ?
- Le petit garçon..., il s'en fiche pas mal.
Alphonse Allais (À se tordre - 1891)
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jeudi, 25 décembre 2008
Noel
Dis, Bébé, ce que ta menotte
Trouva ce matin dans la botte
Près de ton petit berceau doux?
Joujoux !
Confiez-nous aussi, ma chère,
Ce que dans la mule légère
Noël a déposé pour vous ?
Bijoux !
Et devant l'âtre misérable
Qu'as-tu trouve, toi, pauvre diable,
Au fond de tes deux souliers roux ?
Des trous !
Miguel Zamacoïs (1866 -1955).
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mardi, 01 janvier 2008
Les Étrennes des orphelins
I
La chambre est pleine d'ombre ; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encore alourdi par le rêve,
Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève...
- Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux ;
Leur aile s'engourdit sous le ton gris des cieux ;
Et la nouvelle Année, à la suite brumeuse,
Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,
Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant...
II
Or les petits enfants, sous le rideau flottant,
Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.
Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure...
Ils tressaillent souvent à la claire voix d'or
Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor
Son refrain métallique et son globe de verre...
- Puis, la chambre est glacée...on voit traîner à terre,
Épars autour des lits, des vêtements de deuil :
L'âpre bise d'hiver qui se lamente au seuil
Souffle dans le logis son haleine morose !
On sent, dans tout cela, qu'il manque quelque chose...
- Il n'est donc point de mère à ces petits enfants,
De mère au frais sourire, aux regards triomphants ?
Elle a donc oublié, le soir, seule et penchée,
D'exciter une flamme à la cendre arrachée,
D'amonceler sur eux la laine de l'édredon
Avant de les quitter en leur criant : pardon.
Elle n'a point prévu la froideur matinale,
Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale ?...
- Le rêve maternel, c'est le tiède tapis,
C'est le nid cotonneux où les enfants tapis,
Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,
Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches !...
- Et là, - c'est comme un nid sans plumes, sans chaleur,
Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur ;
Un nid que doit avoir glacé la bise amère...
III
Votre cœur l'a compris : - ces enfants sont sans mère.
Plus de mère au logis ! - et le père est bien loin !...
- Une vieille servante, alors, en a pris soin.
Les petits sont tout seuls en la maison glacée ;
Orphelins de quatre ans, voilà qu'en leur pensée
S'éveille, par degrés, un souvenir riant...
C'est comme un chapelet qu'on égrène en priant :
- Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l'on voyait joujoux,
Bonbons habillés d'or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !
On s'éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher...
On entrait !... Puis alors les souhaits... en chemise,
Les baisers répétés, et la gaieté permise !
IV
Ah ! c'était si charmant, ces mots dits tant de fois !
- Mais comme il est changé, le logis d'autrefois :
Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,
Toute la vieille chambre était illuminée ;
Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer,
Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer...
- L'armoire était sans clefs !... sans clefs, la grande armoire !
On regardait souvent sa porte brune et noire...
Sans clefs !... c'était étrange !... on rêvait bien des fois
Aux mystères dormant entre ses flancs de bois,
Et l'on croyait ouïr, au fond de la serrure
Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure...
- La chambre des parents est bien vide, aujourd'hui :
Aucun reflet vermeil sous la porte n'a lui ;
Il n'est point de parents, de foyer, de clefs prises :
Partant, point de baisers, point de douces surprises !
Oh ! que le jour de l'an sera triste pour eux !
- Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleus,
Silencieusement tombe une larme amère,
Ils murmurent : « Quand donc reviendra notre mère ? »
V
Maintenant, les petits sommeillent tristement :
Vous diriez, à les voir, qu'ils pleurent en dormant,
Tant leurs yeux sont gonflés et leur souffle pénible !
Les tout petits enfants ont le cœur si sensible !
- Mais l'ange des berceaux vient essuyer leurs yeux,
Et dans ce lourd sommeil met un rêve joyeux,
Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close,
Souriante, semblait murmurer quelque chose...
- Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond,
Doux geste du réveil, ils avancent le front,
Et leur vague regard tout autour d'eux se pose...
Ils se croient endormis dans un paradis rose...
Au foyer plein d'éclairs chante gaiement le feu...
Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu ;
La nature s'éveille et de rayons s'enivre...
La terre, demie-nue, heureuse de revivre,
A des frissons de joie aux baisers du soleil...
Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil :
Les sombres vêtements ne jonchent plus la terre,
La bise sous le seuil a fini par se taire...
On dirait qu'une fée a passé dans cela !...
- Les enfants, tout joyeux, ont jeté deux cris... Là,
Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,
Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose...
Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs,
De la nacre et du jais aux reflets scintillants ;
Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,
Ayant trois mots gravés en or : « À NOTRE MÈRE ! »
Arthur Rimbaud, (1870)
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lundi, 31 décembre 2007
NUIT DE NOËL
"Le Réveillon ! le Réveillon ! Ah ! mais non, je ne réveillonnerai pas !"
Le gros Henri Templier disait cela d'une voix furieuse, comme si on lui eût proposé une infamie.
Les autres, riant, s'écrièrent : "Pourquoi te mets-tu en colère ?"
Il répondit : "Parce que le réveillon m'a joué le plus sale tour du monde, et que j'ai gardé une insurmontable horreur pour cette nuit stupide de gaieté imbécile.
- Quoi donc ?
- Quoi ? Vous voulez le savoir ? Eh bien, écoutez :
Vous vous rappelez comme il faisait froid, voici deux ans, à cette époque ; un froid à tuer les pauvres dans la rue. La Seine gelait, les trottoirs glaçaient les pieds à travers les semelles des bottines ; le monde semblait sur le point de crever.
J'avais alors un gros travail en train et je refusai toute invitation pour le réveillon, préférant passer la nuit devant une table. Je dînai seul ; puis je me mis à l'oeuvre. Mais voilà que, vers dix heures, la pensée de la gaieté courant Paris, le bruit des rues qui me parvenait malgré tout, les préparatifs de souper de mes voisins, entendus à travers les cloisons, m'agitèrent. Je ne savais plus ce que je faisais ; j'écrivais des bêtises ; et je compris qu'il fallait renoncer à l'espoir de produire quelque chose de bon cette nuit-là.
Je marchai un peu à travers ma chambre. Je m'assis, je me relevai. Je subissais, certes, la mystérieuse influence de la joie du dehors, et je me résignai.
Je sonnai ma bonne et je lui dis : "Angèle, allez m'acheter de quoi souper à deux : des huîtres, un perdreau froid, des écrevisses, du jambon, des gâteaux. Montez-moi deux bouteilles de champagne : mettez le couvert et couchez-vous."
Elle obéit, un peu surprise. Quand tout fut prêt, j'endossai mon pardessus, et je sortis.
Une grosse question restait à résoudre : Avec qui allais-je réveillonner ? Mes amies étaient invitées partout. Pour en avoir une, il aurait fallu m'y prendre d'avance. Alors, je songeai à faire en même temps une bonne action. Je me dis : Paris est plein de pauvres et belles filles qui n'ont pas un souper sur la planche, et qui errent en quête d'un garçon généreux. Je veux être la Providence de Noël d'une de ces déshéritées.
Je vais rôder, entrer dans les lieux de plaisir, questionner, chasser, choisir à mon gré.
Et je me mis à parcourir la ville.
Certes, je rencontrai beaucoup de pauvres filles cherchant aventure, mais elles étaient laides à donner une indigestion, ou maigres à geler sur pied si elles s'étaient arrêtées.
J'ai un faible, vous le savez, j'aime les femmes nourries. Plus elles sont en chair, plus je les préfère.. Une colosse me fait perdre la raison.
Soudain, en face du théâtre des Variétés, j'aperçus un profil à mon gré. Une tête, puis, par-devant, deux bosses, celle de la poitrine, fort belle, celle du dessous surprenante : un ventre d'oie grasse. J'en frissonnai, murmurant : "Sacristi, la belle fille !" Un point me restait à éclaircir : le visage.
Le visage, c'est le dessert ; le reste c'est... c'est le rôti.
Je hâtai le pas, je rejoignis cette femme errante, et , sous un bec de gaz, je me retournai brusquement. Elle était charmante, toute jeune, brune, avec de grands yeux noirs.
Je fis ma proposition qu'elle accepta sans hésitation.
Un quart d'heure plus tard, nous étions attablés dans mon appartement.
Elle dit en entrant : "Ah ! on est bien ici."
Et elle regarda autour d'elle avec la satisfaction visible d'avoir trouvé la table et le gîte en cette nuit glaciale. Elle était superbe, tellement jolie qu'elle m'étonnait, et grosse à ravir mon coeur pour toujours.
Elle ôta son manteau, son chapeau, s'assit et se mit à manger ; mais elle ne paraissait pas en train, et parfois sa figure un peu pâle tressaillait comme si elle eût souffert d'un chagrin caché.
Je lui demandai : "Tu as des embêtements ?"
Elle répondit : "Bah ! oublions tout."
Et elle se mit à boire. Elle vidait d'un trait son verre de champagne, le remplissait et le revidait encore, sans cesse.
Bientôt un peu de rougeur lui vint aux joues ; et elle commença à rire.
Moi, je l'adorais déjà, l'embrassant à pleine bouche, découvrant qu'elle n'était ni bête, ni commune, ni grossière comme les filles du trottoir. Je lui demandai des détails sur sa vie. Elle répondit : "Mon petit, cela ne te regarde pas !"
Hélas ! une heure plus tard ...
Enfin, le moment vint de se mettre au lit, et, pendant que j'enlevais la table dressée devant le feu, elle se déshabilla hâtivement et se glissa sous les couvertures.
Mes voisins faisaient un vacarme affreux, riant et chantant comme des fous ; et je me disais : "J'ai eu rudement raison d'aller chercher cette belle fille ; je n'aurai jamais pu travailler."
Un profond gémissement me fit retourner. Je demandai : "Qu'as-tu, ma chatte ?" Elle ne répondit pas, mais elle continuait à pousser des soupirs douloureux, comme si elle eût souffert horriblement.
Je repris : "Est-ce que tu te trouves indisposée ?" Et soudain elle jeta un cri, un cri déchirant. Je me précipitai, une bougie à la main.
Son visage était décomposé par la douleur, et elle se tordait les mains, haletante, envoyant du fond de sa gorge ces sortes de gémissements sourds qui semblent des râles et qui font défaillir le coeur.
Je demandai, éperdu : "Mais qu'as-tu ? dis-moi, qu'as-tu ?"
Elle ne répondit pas et se mit à hurler.
Tout à coup les voisins se turent, écoutant ce qui se passait chez moi.
Je répétais : "Où souffres-tu, dis-moi, où souffres-tu ?"
Elle balbutia : "Oh ! mon ventre ! mon ventre !" D'un seul coup je relevai la couverture, et j'aperçus...
Elle accouchait, mes amis.
Alors je perdis la tête ; je me précipitai sur le mur que je heurtai à coups de poing, de toute ma force, en vociférant : "Au secours, au secours !"
Ma porte s'ouvrit ; une foule se précipita chez moi, des hommes en habit, des femmes décolletées, des Pierrots, des Turcs, des Mousquetaires. Cette invasion m'affola tellement que je ne pouvais même plus m'expliquer.
Eux, ils avaient cru à quelque accident, à un crime peut-être, et ne comprenait plus.
Je dis enfin : "C'est... c'est... cette... cette femme qui... qui accouche."
Alors tout le monde l'examina, dit son avis. Un capucin surtout prétendait s'y connaître, et voulait aider la nature.
Ils étaient gris comme des ânes. Je crus qu'ils allaient la tuer ; et je me précipitai, nu-tête, dans l'escalier, pour chercher un vieux médecin qui habitait dans une rue voisine.
Quand je revins avec le docteur, toute ma maison était debout ; on avait rallumé le gaz de l'escalier ; les habitants de tous les étages occupaient mon appartement ; quatre débardeurs attablés achevaient mon champagne et mes écrevisses.
A ma vue, un cri formidable éclata, et une laitière me présenta dans une serviette un affreux petit morceau de chair ridée, plissée, geignante, miaulant comme un chat ; et elle me dit : "C'est une fille."
Le médecin examina l'accouchée, déclara douteux son état, l'accident ayant eu lieu immédiatement après un souper, et il partit en annonçant qu'il allait m'envoyer immédiatement une garde-malade et une nourrice.
Les deux femmes arrivèrent une heure après, apportant un paquet de médicaments.
Je passai la nuit dans un fauteuil, trop éperdu pour réfléchir aux suites.
Dès le matin, le médecin revint. Il trouva la malade assez mal.
Il me dit : "Votre femme, monsieur..."
Je l'interrompis : "Ce n'est pas ma femme."
Il reprit : "Votre maîtresse, peu m'importe." Et il énuméra les soins qu'il lui fallait, le régime, les remèdes.
Que faire ? Envoyer cette malheureuse à l'hôpital ? J'aurais passé pour un manant dans toute la maison, dans tout le quartier.
Je la gardai. Elle resta dans mon lit six semaines.
L'enfant ? Je l'envoyai chez des paysans de Poissy. Il me coûte encore cinquante francs par mois. Ayant payé dans le début, me voici forcé de payer jusqu'à ma mort.
Et, plus tard, il me croira son père.
Mais, pour comble de malheur, quand la fille a été guérie... elle m'aimait... elle m'aimait éperdument, la gueuse !
- Eh bien ?
- Eh bien, elle était devenue maigre comme un chat de gouttières ; et j'ai flanqué dehors cette carcasse qui me guette dans la rue, se cache pour me voir passer, m'arrête le soir quand je sors, pour me baiser la main, m'embête enfin à me rendre fou.
Et voilà pourquoi je ne réveillonnerai plus jamais.
Guy de Maupassant
Texte publié dans Gil Blas du 26 décembre 1882, puis dans le recueil Mademoiselle Fifi
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samedi, 29 décembre 2007
Le Facteur de la poste aux lettres
par
J. Hilpert
~ * ~
Vous avez passé la nuit au bal. - Il est midi. - Vous vous levez, l’oeil encore appesanti par le sommeil. On sonne à votre porte.
« Qui est-ce qui est là ? - Le Facteur qui demande à parler à monsieur. - Le diable t’emporte ! » Et tout en murmurant ces paroles d’un fatal augure pour le visiteur, vous ouvrez.
« Monsieur, c’est votre Facteur qui prend la liberté de vous souhaiter la bonne année et de vous offrir un almanach. »
A l’audition de cette formule, prononcée le plus souvent d’un air riant par un homme d’une quarantaine d’années, à la taille moyenne, aux formes nerveuses et ramassées ; à la vue de cette main qui, parmi plusieurs douzaines de cartons, choisit avec un tact tout particulier celui qui convient le mieux à vos goûts ou à votre condition, un frisson involontaire vous saisit. Ces trois mots - la bonne année - ont suffi pour faire dérouler devant votre esprit un cercle infini d’idées pauvres et maussades. Vous avez reconnu tout d’abord l’approche du 1er janvier, jour néfaste pour qui n’est plus un enfant, époque fatale où, de peur de manquer à des usages généralement reçus, on doit tout à la fois se faire banquier et comédien.
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