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vendredi, 24 décembre 2010

Conte de Noël

VanGoghShoes1885.jpgAllez, un autre conte de Noel d'Alphonse Allais ...

 

Ce matin-là, il n’y eut qu’un cri dans tout le Paradis :

— Le bon Dieu est mal luné aujourd’hui. Malheur à celui qui contrarierait ses desseins!

L’impression générale était juste : le Créateur n’était pas à prendre avec des pincettes.

A l’archange qui vint se mettre à sa disposition pour le service de la journée, Il répondit sèchement :

— Zut! fichez-moi la paix!

Puis, Il passa nerveusement Sa main dans Sa barbe blanche, s’affaissa — plutôt qu’il ne s’assit — sur Son trône d’or, frappa la nue d’un pied rageur et s’écria :

— Ah! j’en ai assez de tous ces humains ridicules et de leur sempiternel Noël, et de leurs sales gosses avec leurs sales godillots dans la cheminée. Cette année, ils auront … la peau!

Il fallait que le Père Éternel fût fort en colère pour employer cette triviale expression, Lui d’ordinaire si bien élevé.

— Envoyez-moi le bonhomme Noël, tout de suite ! ajouta-t-Il.

Et comme personne ne bougeait :

— Eh bien! vous autres, ajouta Dieu, qu’est-ce que vous attendez? Vous, Paddy, vieux poivrot, allez me quérir le bonhomme Noël!

(Celui que le Tout-Puissant appelle familièrement Paddy n’est autre que saint Patrick, le patron des Irlandais.)

Et l’on entendit à la cantonade :

— Allo ! Santa Claus! Come along, old chappie!

Le bon Dieu redoubla de fureur :

— Ce pochard de Paddy se croit encore à Dublin, sans doute ! Il ne doit cependant pas ignorer que j’ai interdit l’usage de la langue anglaise dans tout le séjour des Bienheureux!

Le bonhomme Noël se présenta :

— Ah ! te voilà, toi!

— Mais oui, Seigneur!

— Eh bien! tu me feras le plaisir, cette nuit, de ne pas bouger du ciel…

— Cette nuit, Seigneur? Mais Notre-Seigneur n’y pense pas! C’est cette nuit… Noël!

— Précisément! précisément! fit Dieu en imitant, à s’y méprendre, l’accent de Raoul Ponchon.

— Et moi qui ai fait toutes mes petites provisions!…

— Le royaume des Cieux est assez riche pour n’être point à la merci même de ses plus vieux clients. Et puis … pour ce que ça nous rapporte !

— Le fait est !

— Ces gens-là n’ont même pas la reconnaissance du polichinelle… Je fais un pari qu’il y aura plus de monde, cette nuit, au Chat Noir qu’à Notre-Dame de Lorette. Veux-tu parier ?

— Mon Dieu, vous ne m’en voudrez pas, mais parier avec vous, la Source de tous les Tuyaux, serait faire métier de dupe.

— Tu as raison, sourit le Seigneur.

— Alors, c’est sérieux ? insista le bonhomme Noël.

— Tout ce qu’il y a de plus sérieux. Tu feras porter tes provisions de joujoux aux enfants des Limbes. En voilà qui sont autrement intéressants que les fils des Hommes. Pauvres gosses!

Un visible mécontentement se peignait sur la physionomie des anges, des saints et autres habitants du céleste séjour.

Dieu s’en aperçut.

— Ah! on se permet de ronchonner ! Eh bien ! mon petit père Noël, je vais corser mon programme ! Tu vas descendre sur terre cette nuit, et non seulement tu ne leur ficheras rien dans leurs ripatons, mais encore tu leur barboteras lesdits ripatons, et je me gaudis d’avance au spectacle de tous ces imbéciles contemplant demain matin leurs âtres veufs de chaussures.

— Mais… les pauvres ?… Les pauvres aussi ? Il me faudra enlever les pauvres petits souliers des pauvres petits pauvres ?

— Ah ! ne pleurniche pas, toi ! Les pauvres petits pauvres ! Ah! ils sont chouettes, les pauvres petits pauvres ! Voulez-vous savoir mon avis sur les victimes de l’Humanité Terrestre ? Eh bien ! ils me dégoûtent encore plus que les riches !… Quoi ! voilà des milliers et des milliers de robustes prolétaires qui, depuis des siècles, se laissent exploiter docilement par une minorité de fripouilles féodales, capitalistes ou pioupioutesques ! Et c’est à moi qu’ils s’en prennent de leurs détresses ! Je vais vous le dire franchement : Si j’avais été le petit Henry, ce n’est pas au café Terminus que j’aurais jeté ma bombe, mais chez un mastroquet du faubourg Antoine !

Dans un coin, saint Louis et sainte Élisabeth de Hongrie se regardaient, atterrés de ces propos :

— Et penser, remarqua saint Louis, qu’il n’y a pas deux mille ans, il disait : Obéissez aux Rois de la terre ! Où allons-nous, grand Dieu ! où allons-nous ? Le voilà qui tourne à l’anarchie !

Le Grand Architecte de l’Univers avait parlé d’un ton si sec que le bonhomme Noël se le tint pour dit.

Dans la nuit qui suivit, il visita toutes les cheminées du globe et recueillit soigneusement les petites chaussures qui les garnissaient.

Vous pensez bien qu’il ne songea même pas à remonter au ciel cette vertigineuse collection. Il la céda, pour une petite somme destinée à grossir le denier de Saint-Pierre, à des messieurs fort aimables, et voilà comment a pu s’ouvrir, hier, à des prix qui défient toute concurrence, 739, rue du Temple, la splendide maison:

AU BONHOMME NOËL

Spécialité de chaussures d’occasion en tous genres

pour bébés, garçonnets et fillettes.

Nous engageons vivement nos lecteurs à visiter ces vastes magasins, dont les intelligents directeurs, MM. Meyer et Lévy, ont su faire une des attractions de Paris.

 

Alphonse Allais

Deux et deux font cinq 

1895

jeudi, 23 décembre 2010

Le veau - conte de noël pour Sara Salis

veau.jpgIl y avait une fois un petit garçon qui avait été bien sage, bien sage. Alors, pour son petit Noël, son papa lui avait donné un veau.

- Un vrai ?

- Oui, Sara, un vrai.

- En viande et en peau ?

- Oui, Sara, en viande et en peau.

- Qui marchait avec ses pattes ?

- Puisque je te dis un vrai veau

- Alors ?

- Alors, le petit garçon était bien content d'avoir un veau seulement, comme il faisait des saletés dans le salon...

- Le petit garçon ?

- Non, le veau... Comme il faisait des saletés et du bruit, et qu'il cassait les joujoux de ses petites soeurs...

- Il avait des petites soeurs, le veau ?

- Mais non, les petites soeurs du petit garçon... Alors on lui bâtit une petite cabane dans le jardin, une jolie petite cabane en bois...

- Avec des petites fenêtres ?

- Oui, Sara, des tas de petites fenêtres et des carreaux de toutes couleurs... Le soir, c'était le réveillon. Le papa et la maman du petit garçon étaient invités à souper chez une dame. Après dîner, on endort le petit garçon et ses parents s'en vont...

- On l'a laissé tout seul à la maison ?

- Non, il y avait sa bonne... Seulement, le petit garçon ne dormait pas. Il faisait semblant. Quand la bonne a été couchée, le petit garçon s'est levé et il a été trouver des petits camarades qui demeuraient à côté...

- Tout nu ?

- Oh ! non, il était habillé. Alors tous ces petits polissons, qui voulaient faire réveillon comme des grandes personnes, sont entrés dans la maison, mais ils ont été attrapés, la salle à manger et la cuisine étaient fermées. Alors, qu'est-ce qu'ils ont fait ?...

- Qu'est-ce qu'ils ont fait, dis ?

- Ils sont descendus dans le jardin et ils ont mangé le veau...

- Tout cru ?

- Tout cru, tout cru.

- Oh ! les vilains !

- Comme le veau cru est très difficile à digérer, tous ces petits polissons ont été très malades le lendemain. Heureusement que le médecin est venu ! On leur a fait boire beaucoup de tisane, et ils ont été guéris... Seulement, depuis ce moment-là, on n'a plus jamais donné de veau au petit garçon.

- Alors, qu'est-ce qu'il a dit, le petit garçon ?

- Le petit garçon..., il s'en fiche pas mal.

Alphonse Allais (À se tordre - 1891)

mercredi, 22 décembre 2010

demande au Père Noel

Cherche beau jeune homme ayant belles manières

Belles manières qu'on ne trouve plus guère

Ni dans nos villes ni dans nos chaumières.

 

picasso_portraitdejaimesabartes.jpg

 

Bien propre, bien soigné,

Bien astiqué, bien peigné,

Pouvant aller chez les comtesses

Sans pour autant pincer leurs fesses.

 

Poussant l'aveugle dans le noir

Cédant volontiers le trottoir.

Ouvrant la porte de la Mercédès

Au toutou de sa maîtresse.

S'aplatissant dans l'ascenseur

Jusqu'à réduire son épaisseur.

Toujours prêt à porter les bagages

Même si ça le met en nage.

Pressant entre ses mains la main des dames

Quand elles ont des états d'âme.

L'air le plus compréhensif

Devant le facultatif.

Connaissant l'heure des trains

La robe des meilleurs vins.

 

Une manière exquise de sourire

Et de parler pour ne rien dire.

 

René de Obadia de l'Académie française

Fantasmes de Demoiselles

Femmes faites ou défaites cherchant l'âme soeur

mercredi, 15 décembre 2010

Le secret

arc_en_ciel_copie_m.jpgAllez, encore une petite "innocentine" ! quand on aime, on compte pas ...

 

Sur le chemin près du bois

J’ai trouvé tout un trésor :

Une coquille de noix

Une sauterelle en or

Un arc-en-ciel qu’était mort.

 

À personne je n’ai rien dit

Dans ma main je les ai pris

Et je l’ai tenue fermée

Fermée jusqu’à l’étrangler

Du lundi au samedi.

 

Le dimanche l’ai rouverte

Mais il n’y avait plus rien !

 

Et j’ai raconté au chien

Couché dans sa niche verte

Comme j’avais du chagrin.

 

Il m’a dit sans aboyer :

" Cette nuit, tu vas rêver. "

La nuit, il faisait si noir

Que j’ai cru à une histoire

Et que tout était perdu.

 

Mais d’un seul coup j’ai bien vu

Un navire dans le ciel

Traîné par une sauterelle

Sur des vagues d’arc-en-ciel !

 

René de Obaldia, in Innocentines, Poèmes pour enfants et quelques adultes.

mardi, 14 décembre 2010

Ca ne vient pas de weakileak, mais ...

126.jpg 

 

 

Coq au vin

 

Au cours d’un grand dîner, la marquise, sans cause apparente, rendit son coq au vin sur le plastron de l’ambassadeur. L’assemblée voulut ne rien remarquer : elle était composée de nombreux diplomates.

Jusqu’ici, la marquise, jeune et singulièrement troublante, abreuvait de joie l’ambassadeur. Comment ce dernier aurait-il soupçonné que d’une bouche aussi divine, d’une telle voix de cristal, pussent jaillir des quartiers de coq, arrosés de ce liquide violet et généreux ?

Cela va attirer des complications avec la Russie, pensa le Turc qui faisait face à la marquise. Et, de satisfaction, il lissa sa fine moustache. L’Angleterre, voisin de la beauté et heureux pendant de l’ambassadeur, ramena son genou à bâbord. Son désir de coloniser la marquise se trouva quelque peu refroidi. Wang-Wei-Tchou en profita pour soulever la question de l’Antarctique. Les points de vue échangés témoignèrent de l’intelligence des hommes d’Etat, ainsi que de leur amour réciproque pour les Esquimaux.

La France restera toujours fidèle à sa tradition chevaleresque, claironna le général Beauchamp de Bompierre de Prepucet. C’est à cet instant qu’une deuxième vague de coq au vin atteignit le Turc, un peu trop souriant, en pleine ceinture.

L’on craignit pour les Dardanelles. L’Amérique étala ses pieds sur la table. Un hobereau donna de la crête. Plus éthérée que jamais, la marquise souriait à tous et se jeta sur la glace à la vanille. L’Angleterre prit nettement le large. Tout de même, la paix fut sauvegardée dans le monde quelques mois encore.

 

René De Obaldia  in « Les richesses naturelles »

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lundi, 13 décembre 2010

Chez moi

 

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Chez moi, dit la petite fille

On élève un éléphant.

Le dimanche son œil brille

Quand papa le peint en blanc

 

Chez moi, dit le petit garçon

On élève une tortue.

Elle chante des chansons

En latin et en laitue.

 

Chez moi, dit la petite fille

Notre vaisselle est en or.

Quand on mange des lentilles

On croit manger un trésor.

 

Chez moi, dit le petit garçon

Nous avons une soupière

Qui vient tout droit de Soissons

Quand Clovis était notaire.

 

Chez moi, dit la petite fille

Ma grand-mère a cent mille ans.

Elle joue encore aux billes

Tout en se curant les dents.

 

Chez moi, dit le petit garçon

Mon grand-père a une barbe

Pleine pleine de pinsons

Qui empeste la rhubarbe.

 

Chez moi, dit la petite fille

Il y a trois cheminées

Et lorsque le feu pétille

On a chaud de trois côtés.

 

Chez moi, dit le petit garçon

Passe un train tous les minuits.

Au réveil mon caleçon

Est tout barbouillé de suie.

 

Chez moi, dit la petite fille

Le pape vient se confesser.

Il boit de la camomille

Une fois qu’on l’a fessé.

 

Chez moi, dit le petit garçon

Vit un Empereur chinois.

Il dort sur un paillasson

Aussi bien qu’un Iroquois.

 

Iroquois ! dit la petite fille

Tu veux te moquer de moi !

Si je trouve mon aiguille

Je vais te piquer le doigt !

 

Ce que c’est d’être une fille !

Répond le petit garçon.

Tu es bête comme une anguille

Bête comme un saucisson.

 

C’est moi qu’ai pris la Bastille

Quand t’étais dans les oignons.

Mais à une telle quille

Je n’en dirai pas plus long !

 

René de Obaldia (Innocentines")

jeudi, 02 septembre 2010

La haine des bourgeois

van_gogh_camp_tzigane_l.jpg"Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons.

Je me suis fait très mal voir de la foule, en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.

C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Il est vrai que beaucoup de choses m'exaspèrent. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton."

Gustave Flaubert, lettre à Georges Sand, Croisset le 12 juin 1867

jeudi, 01 juillet 2010

C’est un trait de caractère. Pierre ne saura jamais le prix de l’argent !!!

293.jpgSoldes d'été, c'est parti pour cinq semaines de "bonnes affaires" : vêtements, chaussures, déco ... c'est, parait-il, Simon Mannoury, fondateur du premier grand magasin parisien Le "Petit Saint-Thomas" qui en aurait eu le premier l'idée ... la nouveauté de ce magasin créé en 1830, en plus de sa surface, c'est l'entrée libre, un large assortiment de produits réunis en un même endroit, les prix fixes particulièrement attractifs et clairement affichés grâce à l'étiquetage systématique des articles, la possibilité de les échanger, l'usage de la "réclame", et même la vente par correspondance, franco de port, ce qui va asseoir sa notoriété au-delà de la capitale !!! Mais la multiplication de produits entraîne des invendus en fin de saison, d'où l'idée de les liquider grâce à une forte réduction de prix. En 1872, le Littré appellera "solde" cette "marchandise vendue au rabais".

Boucicault, qui a travaillé au "Petit Saint Thomas", va s’inspirer de ces nouvelles méthodes de vente lorsqu’il va s’associer en 1852  à Paul Videau pour créer le magasin Le "Bon Marché Videau", qui dix ans plus tard ne s’appellera plus que "Le Bon Marché". D'autres grands magasins suivront, "Le Printemps" en 1865, "les Galeries Lafayette" en 1895, et enfin "le Bazar de l'Hôtel de Ville" en 1904,  suivi de la "Samaritaine" cette même année.

Avec le Bon Marché, une nouvelle histoire commence : celle des grands magasins que Zola décrit dans son "Bonheur des dames" ... Bon Marché "le magasin de la famille", comme disait la réclame! Mais auparavant, me direz-vous, comment faisaient les bonnes ménagères ? c'est ce que raconte le Petit Pierre d'Anatole France :

"[...] J’étais sur le point de vous dire que dans la troisième année de mon âge, dix-huitième et dernière du règne de Louis-Philippe premier, roi des Français, mon plus grand plaisir était la promenade. On ne m’envoyait pas au bois comme le petit Chaperon Rouge. J’étais moins agreste, hélas ! Né et nourri dans le cœur de Paris, sur le beau quai Malaquais, j’ignorais les plaisirs des champs. Mais la ville a bien son charme aussi ; ma chère maman me conduisait par la main le long des rues aux bruits sans nombre, pleines de couleurs vives, et tout égayées du mouvement des passants ; et, quand elle avait quelque emplette à faire, elle me menait avec elle dans les magasins. Nous n’étions pas riches ; elle ne faisait pas grande dépense ; mais les magasins où elle fréquentait me semblaient d’une étendue et d’une magnificence impossibles à surpasser. Le Bon Marché, le Louvre, le Printemps, les Galeries n’existaient pas encore. Les plus vastes établissements de ce genre, dans les dernières années de la royauté constitutionnelle, n’avaient qu’une clientèle de quartier. Ma mère, qui était du faubourg Saint-Germain, allait aux Deux-Magots et au Petit Saint-Thomas.

De ces deux magasins, situés l’un rue de Seine, l’autre rue du Bac, ce dernier seul subsiste encore, mais tellement agrandi et si différent, avec les mufles de lions qui horrifient sa façade, de ce qu’il était dans sa nouveauté gracile, que je ne le reconnais plus. Les Deux-Magots ont disparu et peut-être suis-je le seul au monde à me rappeler la grande peinture à l’huile qui y servait d’enseigne et représentait une jeune Chinoise entre deux de ses compatriotes. Sentant déjà avec vivacité la beauté des femmes, je trouvais cette jeune Chinoise charmante avec ses cheveux relevés par un grand peigne et ses accroche-cœurs sur les tempes. Mais des deux galants, de leur maintien, de leur regard, de leurs gestes, de leurs intentions, je ne saurais rien dire. J’ignorais tout de l’art de séduire.

Ce magasin me paraissait immense et rempli de trésors. C’est là, peut-être, que j’ai pris le goût des arts somptueux qui est devenu très fort en moi et ne m’a jamais quitté. La vue des étoffes, des tapis, des broderies, des plumes, des fleurs, me jetait dans une sorte d’extase, et j’admirais de toute mon âme les messieurs affables et les gracieuses demoiselles qui offraient en souriant ces merveilles aux clients indécis. Quand un commis, pour servir ma mère, mesurait une étoffe sur un mètre fixé horizontalement à une tige de cuivre qui descendait du plafond, j’estimais son sort magnifique et sa destinée glorieuse.

3215205344_6a343f9438_o.jpgJ’admirais aussi M. Augris, le tailleur de la rue du Bac, qui m’essayait des vestes et des culottes courtes. J’eusse préféré qu’il me fît un pantalon et une redingote comme en portaient les messieurs ; et ce désir devint très ardent un peu plus tard, quand je lus un conte de Bouilly sur un malheureux petit garçon recueilli par un savant bienfaisant et respectable qui l’employait comme secrétaire et l’habillait de ses vieux habits. Ce conte du bon Bouilly me fit faire une grande folie que je dirai une autre fois. Plein d’estime pour les arts et métiers, j’admirais M. Augris, le tailleur de la rue du Bac, qui n’était pas admirable, car il taillait ses étoffes tout de travers. Pour dire vrai, dans les habits de sa façon, j’avais l’air d’un singe.

Ma chère maman achetait elle-même, en bonne ménagère, l’épicerie chez Courcelles, rue Bonaparte, le café chez Corcelet, au Palais-Royal, et le chocolat chez Debeauve et Gallais, rue des Saints-Pères. Soit qu’il donnât libéralement ses pruneaux à goûter, soit qu’il fît briller au soleil les cristaux d’un pain de sucre, soit que, d’un geste élégant et hardi, il tînt renversé un pot de gelée de groseilles pour en éprouver la consistance, M. Courcelles me charmait par ses grâces persuasives et ses démonstrations péremptoires. J’en voulais presque à ma chère maman d’accueillir avec un air de doute et d’incrédulité les affirmations toujours illustrées d’exemples que lui faisait cet éloquent épicier. J’ai su depuis que le scepticisme de ma chère maman était fondé.

Je vois encore la boutique de Corcelet[i], à l’enseigne du "Gourmand", petite et basse, avec son inscription en lettres d’or sur fond rouge. Elle exhalait un délicieux arôme de café et l’on y voyait une peinture déjà vieille à cette époque, qui représentait un gourmand, habillé à la mode de mon grand-père. Il était assis devant une table couverte de bouteilles, chargée d’un pâté monstrueux et ornée d’un ananas décoratif. Je puis dire, grâce à des clartés qui me sont venues beaucoup plus tard, que c’était un portrait de Grimod de la Reynière peint par Boilly. J’entrais avec respect dans cette maison qui me semblait d’un autre âge et me faisait remonter jusqu’au Directoire. L’employé de Corcelet pesait et servait en silence. Sa simplicité, qui contrastait avec les façons emphatiques de M. Courcelles, faisait impression sur moi, et il se peut qu’un vieux garçon épicier m’ait enseigné des premiers le goût et la mesure.

debauve___gallais-crest_001.jpgJe ne sortais jamais de chez Corcelet sans avoir pris un grain de café que je mâchais en chemin. Je me disais que c’était très bon et m’en croyais à demi. Je sentais intérieurement que c’était exécrable, mais n’étais pas encore capable de tirer au jour les vérités enfouies au dedans de moi-même. Si plaisant que me fût le magasin de Corcelet, à l’enseigne du "Gourmand", celui de Debeauve et Gallais[ii], fournisseurs des rois de France, m’agréait davantage et me charmait plus que tout autre. Il me semblait si beau que je ne m’estimais pas digne d’y entrer sans mes habits du dimanche, et j’examinais sur le seuil la toilette de ma chère maman pour m’assurer qu’elle était suffisamment élégante. Eh ! bien, je n’avais pas le goût si mauvais ! La chocolaterie Debeauve et Gallais, fournisseurs des rois de France, existe encore, et le décor n’en a pas beaucoup changé[iii]. Je puis donc en parler en toute connaissance et non sur des souvenirs infidèles. Elle a très bon air ; sa décoration date des premières années de la Restauration, alors que le style ne s’était pas encore trop alourdi ; elle est dans le caractère de Percier et Fontaine. Je songe, avec tristesse, en voyant ces motifs un peu secs, mais fins, mais purs et bien ordonnés, combien le goût a décliné en France depuis un siècle. Que nous sommes loin aujourd’hui de cet art décoratif de l’Empire, pourtant bien inférieur au Louis XVI et au Directoire ! Il faut louer dans ce vieux magasin l’enseigne en lettres bien proportionnées, bien carrées ; les fenêtres cintrées et leur imposte en éventail, le fond du magasin arrondi comme un petit temple, et le comptoir en hémicycle qui suit la forme de la salle. Je ne sais si je rêve ; mais je crois y avoir vu des trumeaux avec des Renommées qui pouvaient aussi bien célébrer Arcole et Lodi que la crème de cacao et les chocolats pralinés. Enfin tout cela relève d’un style, offre un caractère, présente une signification. Que fait-on à cette heure ? Il y a toujours des artistes de génie, mais les arts décoratifs sont tombés dans une ignominieuse décadence. Le style Troisième République fait regretter le Napoléon III, qui faisait regretter le Louis-Philippe, qui faisait regretter le Charles X, qui faisait regretter l’Empire, qui faisait regretter le Directoire, qui faisait regretter le Louis XVI. Le sens des lignes et des proportions est entièrement perdu. Aussi vois-je venir avec joie l’art nouveau, moins certes pour ce qu’il crée, que pour ce qu’il détruit.

debauve___gallais-counter1_001.jpgAi-je besoin de dire que, à trois ou quatre ans, je ne raisonnais pas sur la décoration ? Mais, en pénétrant dans la maison Debeauve et Gallais, je croyais entrer dans un palais de fées. Ce qui ajoutait à mon illusion c’était d’y voir de belles demoiselles en robe noire, et les cheveux tout brillants, assises derrière le comptoir en hémicycle avec une gracieuse solennité. Au milieu d’elles se tenait, douce et grave, une dame âgée qui écrivait dans des registres sur un grand pupitre et maniait des pièces de monnaie et des billets de banque. Il va bientôt paraître que je n’acquis point une suffisante intelligence des opérations qu’effectuait cette dame vénérable. A ses côtés, les jeunes filles brunes ou blondes s’occupaient, les unes à recouvrir les tablettes de chocolat d’une mince feuille de métal clair comme l’argent, les autres à envelopper deux par deux ces mêmes tablettes dans du papier blanc à vignettes et à fermer ces enveloppes avec de la cire qu’elles chauffaient à la flamme d’une petite lampe en fer-blanc. Elles accomplissaient ces tâches très adroitement et avec une célérité qui ressemblait à de l’allégresse. Je pense aujourd’hui qu’elles ne travaillaient point ainsi pour leur plaisir. Alors je pouvais m’y tromper, enclin comme j’étais à prendre tous les travaux pour des amusements. Il est certain du moins que c’était une joie des yeux que de voir courir les doigts fuselés de ces jeunes filles.

Quand maman avait fait son emplette, la matrone qui présidait cette assemblée de vierges sages prenait dans une coupe de cristal placée à son côté une pastille de chocolat qu’elle m’offrait avec un pâle sourire. Et ce présent solennel me faisait aimer et admirer plus que tout le reste la maison de MM. Debeauve et Gallais, fournisseurs des rois de France.

Ayant du goût pour les magasins, il était bien naturel que, rentré à la maison, j’essayasse dans mes jeux l’imitation des scènes que j’avais observées pendant que ma mère faisait ses emplettes. Aussi étais-je, au logis, pour moi seul et à l’insu de tout le monde, tour à tour, tailleur, épicier, commis de nouveautés et même, sans plus d’embarras, marchande de modes et chocolatière. Or, un soir, dans le petit cabinet tendu de boutons de roses où se tenait ma mère, sa broderie à la main, je m’appliquai avec plus de soin que de coutume à contrefaire les belles demoiselles de la maison Debeauve et Gallais. M’étant procuré des morceaux de chocolat en aussi grande quantité que possible, des bouts de papier, et même des lambeaux de ces feuilles métalliques que j’appelais emphatiquement du papier d’argent, le tout à vrai dire fort défraîchi, je m’installai dans ma petite chaise, don de ma tante Chausson, devant un tabouret garni de molesquine, et cela représentait à mes yeux l’élégant hémicycle du magasin de la rue des Saints-Pères. Enfant unique, habitué à jouer seul et toujours enfoncé dans quelque rêverie, vivant beaucoup enfin dans le monde des songes, il ne me fut pas difficile d’imaginer le magasin absent, ses lambris, ses vitrines, ses trumeaux ornés de Renommées et même les acheteurs qui affluaient, femmes, enfants, vieillards, tant je possédais le don d’évoquer à mon gré les scènes et les personnes. Je n’eus point de peine à devenir à moi seul les demoiselles, toutes les demoiselles chocolatières et la dame respectable qui tenait les registres et disposait de l’argent. Mon pouvoir magique était sans bornes et dépassait tout ce que j’ai lu depuis, dans l’Ane d’Or, des sorcières de Thessalie. Je changeais à mon gré de nature : j’étais capable de revêtir les figures les plus étranges et les plus extraordinaires, de devenir, par enchantement, roi, dragon, diable, fée… que dis-je ? de me changer en une armée, en un fleuve, en une forêt, en une montagne. Aussi ce que je tentais ce soir-là était pur badinage et ne souffrait pas la moindre difficulté. Donc, j’enveloppai, je cachetai, je servis la clientèle innombrable, femmes, enfants, vieillards. Pénétré de mon importance (dois-je l’avouer ?) je parlais fort sèchement à mes compagnes imaginaires, pressant leurs lenteurs et relevant sans bienveillance leurs méprises. Mais, quand il s’agit de faire la dame âgée et respectable, préposée à la caisse, je me trouvai soudain embarrassé. En cette conjoncture, je sortis du magasin et allai demander à ma chère maman un éclaircissement sur le point qui restait obscur pour moi. J’avais bien vu la dame âgée ouvrir son tiroir et remuer des pièces d’or et d’argent ; mais je ne me faisais pas une idée suffisamment exacte des opérations qu’elle effectuait. Agenouillé aux pieds de ma chère maman qui, dans sa bergère, brodait un mouchoir, je lui demandai :

— Maman, dans les magasins, est-ce celui qui vend ou celui qui achète, qui donne de l’argent ?

Maman me regarda avec une surprise qui lui arrondit les yeux et lui fit remonter les sourcils, et sourit sans me répondre. Puis elle demeura pensive. Mon père entra, en ce moment, dans la chambre :

— Mon ami, lui dit-elle, sais-tu ce que Pierrot vient de me demander ?… Tu ne le devinerais jamais… Il m’a demandé si c’est celui qui vend ou celui qui achète, qui donne de l’argent.

— Oh ! le petit nigaud ! fit mon père.

Ma mère reprit d’un ton sérieux, avec une sorte d’inquiétude sur le visage :

— Mon ami, ce n’est pas seulement une bêtise d’enfant ; c’est un trait de caractère. Pierre ne saura jamais le prix de l’argent.

Ma bonne mère avait reconnu mon génie et deviné ma destinée : elle prophétisait. Je ne devais jamais connaître le prix de l’argent. Tel j’étais à trois ans ou trois ans et demi dans le cabinet tapissé de boutons de roses, tel je restai jusqu’à la vieillesse, qui m’est légère, comme elle l’est à toutes les âmes exemptes d’avarice et d’orgueil. Non, maman, je n’ai jamais connu le prix de l’argent. Je ne le connais pas encore, ou plutôt je le connais trop bien. Je sais que l’argent est cause de tous les maux qui désolent nos sociétés si cruelles et dont nous sommes si fiers. Ce petit garçon que j’étais, qui, dans ses jeux, ignorait lequel doit payer du vendeur ou de l’acheteur, me fait songer tout à coup au fabricant de pipes que nous montre William Morris dans son beau conte prophétique, ce sculpteur ingénu qui, dans la cité future, fait des pipes d’une beauté non pareille parce qu’il les fait avec amour, et qu’il les donne et ne les vend pas.


[i] « …C'est un spectacle touchant que celui d'un riche magasin de comestibles au mois de février. Dans la boutique des Chevet et Corcelet, on voit se presser la dinde appétissante, le pâté de foies de canards, celui de Périgueux, de Chartres ou de Strasbourg,, la terrine de Nérac , la hure de Troyes, la truffe de Périgord, les produits nutritifs de la France entière…» ( Dictionnaire de cuisine et d'économie ménagère par Burnet - 1836 )

[ii] En 1825, Brillat-Savarin écrivit dans sa "Physiologie du goût": "les chocolats de M. Debauve doivent leur suprématie à un bon choix de matériaux, à une volonté ferme que rien d'inférieur ne sorte de sa manufacture et au coup d'œil du maître qui embrasse tous les détails de la fabrication".

[iii] En 1800, Sulpice Debauve, pharmacien du feu Roi Louis XVI, ouvre avec son neveu, Antoine Gallais, une chocolaterie tout près de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Sa réputation en fit le fournisseur attitré des Rois Louis XVIII, puis Charles X et Louis-Philippe. Cette boutique a été réalisée à la fin du 19ème siècle en pur style Louis XVI gris et or, est un écrin soigneusement préservé dans lequel les bonbons de Debauve et Gallais, plus ancienne chocolaterie parisienne, sont admirablement présentés.

 

mardi, 01 juin 2010

Palestine, pierre précieuse dans sa nuit sanglante

 

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Mahmoud Darwich,

Deux extraits de Ne t'excuse pas, publié chez Actes Sud,

 

Pour notre patrie,

proche de la parole divine,

un toit de nuages.

Pour notre patrie,

distante des attributs du nom,

une carte de l'absence.

Pour notre patrie,

petite comme un grain de sésame,

un horizon céleste...et un abîme caché.

Pour notre patrie,

pauvre comme les ailes de la grouse,

des Livres saints...et une blessure à l'identité.

Pour notre patrie,

aux collines assiégées déchiquetées,

les embuscades du passé nouveau.

Pour notre patrie, butin de guerre,

le droit de mourir consumée d'amour.

Pierre précieuse dans sa nuit sanglante,

notre patrie resplendit au loin, au loin,

elle illumine à l'entour...

mais nous, en elle,

nous étouffons chaque jour davantage !

 

__________

 

Cadavres et anonymes.

Aucun oubli ne les réunit,

aucun souvenir ne les sépare...

Oubliés sur la voie publique,

dans l'herbe hivernale,

entre deux longs récits de bravoure

et de souffrances.

«Je suis la victime». «Non, je suis

l'unique victime». Ils n'ont pas répliqué:

«Une victime ne tue pas une autre,

et il y a dans cette histoire un assassin et une victime». Enfants,

ils cueillaient la neige sur les cyprès du Christ

et jouaient avec les angelots, car ils avaient

le même âge...Ils fuyaient

l'école pour échapper aux mathématiques

et à la vieille poésie héroïque. Aux barrages

ils jouaient avec les soldats au jeu innocent de la mort.

Ils ne leur disaient pas: «Laissez donc les fusils

et dégagez les routes que le papillon retrouve

sa mère auprès du matin,

que nous nous envolions avec le papillon

hors des rêves, car les rêves sont étroits

pour nos portes». Ils étaient petits,

ils jouaient et inventaient un conte pour la rose

rouge sous la neige, derrière deux longs récits

de bravoure et de souffrances,

puis ils s'échappaient

en compagnie des angelots

vers un ciel limpide.

 

vendredi, 07 mai 2010

Songes drolatiques de Pantagruel ...

Les songes drolatiques de Pantagruel - Google Livres_1272473943364.pngInternet est une mine, et mes recherches pour mes cours de peinture m'amènent parfois à faire des découvertes qui me passionnent.

Ainsi, alors que je recherchais des photos de tableaux avec des diamants, des perles et des pierres précieuses pour mon stage du week end dernier, j'ai découvert un peu de mon bonheur sur "le petit carnet de Maxence", puis sautant de post en post, des gravures qui me serviront de modèles pour faire quelques enluminures !!! Je cherchais des sujets non religieux, les voilà ... tirés d'un petit volume d'illustrations paru en  1565, 12 ans après la mort de Rabelais, Les Songes drolatiques de Pantagruel, où sont contenues plusieurs figures de l'invention de maistre François Rabelais: & dernière oeuvre d'iceluy, pour la récréation de bons esprits.

Les songes drolatiques de Pantagruel - Google Livres_1272474069997.pngEn effet ces gravures sont interprétées un peu à la manière des grotesques L'original, dont aucun des dessins n'est arrivé jusqu'à nous, a été publié par Richard Breton à Paris. La signification exacte des dessins n'est pas claire, car hormis un préambule qui n'explique pas grand-chose, il n'y a que des images. Certains chercheurs prétendent qu'il sont politiques et satiriques, arguant, par exemple, de la ressemblance avec le pape Jules II dans au moins de vingt et une gravures. En tous les cas, cette suite de cent vingt planches décline, avec une incroyable inventivité, le thème du monstre qui a fasciné la Renaissance, comme ceux décrits dans le fameux Des monstres et prodiges d'Ambroise Paré.

Dans l'introduction et la postface d'un livre paru en 2004, un historien de la littérature, Michel Jeanneret, et un historien de l'art, Frédéric Elsig, rappellent l'origine probable des Songes drolatiques : le milieu parisien des imprimeurs, des brodeurs et des décorateurs : ils leur servaient de source d'inspiration pour créer des costumes de carnaval ? Ils les rapprochent de la mode des grotesques dans les marges des enluminures de manuscrits du Moyen Age et de la renaissance, et les replacent dans la tradition des drôleries gothiques et flamandes, celle de Bosch et de Bruegel, qui étaient tous deux contemporains de Rabelais. Ils rappellent que l'univers mental de la Renaissance est peuplé de monstres et, pour saisir l'enjeu de ces gravures étranges, proposent une réflexion sur le rapport qu'entretiennent la peur et le rire, suggérant que, si l'attribution à François Rabelais est historiquement fausse, elle rejoint pourtant, dans l'esprit, les joyeuses aventures des Pantagruélistes.

La publication de Gargantua et de Pantagruel a rapidement inspiré imitations, parodies et commentaires par d'autres écrivains, l'un des premiers a été un long poème de François Habert, Le Songe de Pantagruel, avec la déploration de feu messire Anthoine Du Bourg, chevalier, chancellier de France, publié en 1542.

 

legendes-mythes-initiation-tradition-universelle-tarot-maison-dieu.jpgJe ne connais rien au tarot, mais des sites "spécialisés" indiquent que Rabelais en connaissait les cartes et font remarquer la similitude entre l'iconographie de certains arcanes du tarot et quelques-unes des 120 gravures.

 

 

 

 

 

Dali a été attiré par la fantaisie, la satire, la subversion, l'érotisme et le matériel onirique contenus dans les textes de Rabelais en raison de leur similitude avec les idées surréalistes. Il s'en est largement inspiré pour les 25 illustrations à la gouache et crayon feutre, Les chansons (Songes) drolatiques de Pantagruel, éditées en lithographies en 1973 Là non plus, aucun commentaire, uniquement une annotation alphabétique. Certaines de ces images ont également été influencées par le travail du peintre et graveur suisse Urs Graf (1485-c.1529).

 

 

 

 

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