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mercredi, 30 mai 2007

Vendredi, n'oubliez pas que le mois Molière débute à Versailles

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Tout d'abord des animations musicales !!!

 

8cc34733e2b17ec04ded4463833a4a35.jpgOn commence avec les Pastorales italiennes de Marc-Antoine Charpentier à 19h à l'Hôtel-de-Ville (gratuit). Marc-Antoine Charpentier à écrit 9 pastorales dont la plus célèbre est Actéon, pastorale en six scènes (H 481), composée vers 1684. Ses pastorales "italiennes" ont pour nom Amor vince ogni cosa,"pastoraletta" pour cinq voix (H 492) qui met en scène deux couples de bergers, Linco (haute-contre) et Filli (haut-dessus) d'une part, Silvio (ténor) et Eurilla (dessus) d'autre part (la date et la destination de la composition ne sont pas connues) et Cupido perfido dentr'al mio cor.

 

Pour mieux connaître Marc-Antoine Charpentier , voir

le site "officiel" très complet sur Marc-Antoine Charpentier, le musicien du baroque : http://www.charpentier.culture.fr/intro_flash.htm

l'espace " Marc-Antoine Charpentier " sur le site de la Musique Baroque de l'Ecole Versaillaise http://www.baroque-versailles.com/Charpentier/Espace_Marc...

la fiche du ministère des affaires étrangères, où on peut aussi écouter quelques extraits sur http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/polit...

le site http://perso.orange.fr/jean-claude.brenac/CHARPENTIER.htm

 

 

3867fc1e0ba9d7ec732992f06baa7d1d.jpgOn continue avec L'ensemble de clarinettes Clar'Yvelines, regroupant une quinzaine d'instrumentistes amateurs du département, sous la direction de Philippe Pate, nous propose une version originale de la pratique amateur. En réunissant exclusivement des instruments de la famille des clarinettes (clarinette Mib, clarinette Sib, cor de basset, clarinette basse et contrebasse, ...), ils désirent approfondir et faire découvrir aux autres, un répertoire spécifique, varié et de qualité. Pour cette soirée ils joueront Mozart, Rossini, Grieg, Villa Lobos, Cesarini, Bligny ... à 20h45 au Carré à la Farine (gratuit)

 

 

76f7d44b93900fe0a015cc1424a6de9b.jpgAu passage, on a entendu quelques notes de jazz Place Charost (une super place piétonnière avec plein de bons restaurants où diner en écoutant la musique et le 1er c'est à 20h30 et c'est gratuit) avec le Mique Mac Band. Créé autour de l'école de la rue Richard Mique à Versailles dans le but d'animer la kermesse scolaire, le Mique Mac Band, ensemble à géométrie fortement variable, a très vite fait l'école buissonnière pour animer les soirées versaillaises. Cet ensemble cultive la joie de vivre en jouant de la musique. La devise du Mique Mac Band est "FAUX FORT ET LONGTEMPS". Ne vous laissez pas abuser par cette devise racoleuse : elle n'a pour objet que d'affirmer le caractère ubuesque de l'association. En vérité les musiciens du Mique Mac Band jouent longtemps, mais surtout juste et tout en nuances (enfin... disons qu'ils jouent en général juste et avec nuances). Enfin, c'est ce que dit leur site ...

 

 

Mais si vous préférez le théatre, de Molière à Ionesco, en passant par Feydeau, disputes, réconciliations, les malheurs de la vie à deux envahissent la scène ...

 

52a76c350d0238b949230cce7fad6cd9.jpgAvec d'abord Léonie est en vacances (je connaissais la pièce Léonie est en avance ou le mal joli ... sans doute Feydeau a-t-il fait grandir la petite ... à moins qu'il y ait une erreur dans le programme ?) & On va faire la cocotte, de Feydeau, pièce en deux actes, restée inachevée, jouées par l'atelier théâtre de l'université inter-âges, (à l'université inter-âges, 6 impasse des gendarmes, 20h30, gratuit).

"Feydeau était un grand comique. Le plus grand après Molière... Les pièces de Feydeau ont la force, la progression et la violence des tragédies. Elles en ont l'inéluctable fatalité. Devant les tragédies, on étouffe d'horreur. Devant Feydeau, on étouffe de rire." (Marcel Achard).

Georges Feydeau (1862-1921) domine le théâtre de Boulevard de la fin du XIXe siècle, et donne au vaudeville français ses lettres de noblesse en le portant à son point de perfection. Ce fin observateur de la bonne société parisienne d'il y a cent ans donne à son théâtre une précision d'horlogerie, un rythme vertigineux. La noble institution du mariage paraît bien fragile sous sa plume incisive et cruelle, un simple malentendu, un petit mensonge inoffensif et la machine à scandales démarre. Par sa verve comique, son imagination et sa lucidité, il provoque le rire tout en mettant en lumière les failles et les contradictions de ses personnages. Son sens du quiproquo et sa capacité à transformer une situation banale en délire scénique, ont fait dire de lui que c'est un Molière moderne, qui annonce le théâtre burlesque et l'absurde de Ionesco.

On peut télécharger quelques pièces de Feydeau (mais pas celle jouée le 1er juin à Versailles ...) sur http://jydupuis.apinc.org/feydeau/index.htm

 

2be4eb2250e3469743c98f940816bf50.jpgVaudeville encore avec Il ne faut jurer de rien d'Alfred de Musset par le Théâtre des Deux Rives (salle Delavaud, 20h30, 8€50). Valentin est un beau jeune homme qui vit aux crochets de son oncle; il est persuadé que les femmes sont toutes les mêmes : elles finissent toujours par vous tromper ! Son oncle lui a pourtant trouvé une jeune fille, Cécile, qui pourrait devenir sa femme. Valentin, qui ne veut en aucun cas se marier, va entrer chez Cécile sous une fausse identité pour, ainsi, prouver à son oncle qu’il a raison. Les choses se passeront-elles comme prévu ? c’est… qu’il ne faut jurer de rien ! Avec cette comédie en trois actes écrite en 1836, Alfred de Musset reprend le genre du « proverbe » (intrigue dont la morale est un proverbe). Le personnage central, Valentin, illustre bien le style romantique de l’époque et reflète également le tempérament dépensier, insouciant et libertin de son auteur au même âge.

La compagnie versaillaise des Deux Rives, a été créé en 1994 par Daniel Annotiau sur les conseils de Marcelle Tassencourt, alors Directrice du Théâtre Montansier, et son objectif est de mettre en avant de jeunes talents; elle est composée d'acteurs professionnels et amateurs.

Télécharger intégralement la pièce au format PDF sur http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Jurer.pdf

 

b5200589375548ac462c270b1fc953b1.jpgLa flûte enchantée, d'après l'œuvre de Mozart, sur un livret d’Emanuel Schikaneder,  par la troupe Comédiens et Compagnie de Paris (grandes écuries à 21h, gratuit) dans une mise en scène de Jean-Hervé Appéré et une direction musicale de Samuel Muller.

Sarastro a enlevé Pamina, la fille de la Reine de la Nuit. Tamino, prince téméraire épris de la princesse, part à sa recherche Tamino se voit offrir par la Reine. une flûte enchantée, tandis que Papageno, l'oiseleur au corps couvert de plumes multicolores qui l'accompagne, reçoit un carillon magique. Ces instruments les aideront à triompher des épreuves qui les attendent ... Voyage initiatique au terme duquel les héros triomphent du mal, La flûte enchantée ressemble à un conte de fées traditionnel : le jeune héros, après une suite d'obstacles, retrouve et délivre sa bien-aimée. L'amour et la recherche de la sagesse sont deux points essentiels dans La flûte enchantée. Pour traiter ces thèmes, l'œuvre opère un incessant va et vient entre gravité et comique ...

Ce spectacle qui a déjà tourné dans plusieurs villes de Saône & Loire sera donné ensuite dans le cadre du XVIIIème Festival « Théâtre Côté Cour » de Salon-de-Provence, du 3 au 11 juillet. En 1974, j'avais aimé l'adaptation de Bergman !

dimanche, 27 mai 2007

Arènes sanglantes

16b4b936ff9730bf69ef62a465bf5f5f.jpg"Pendant que le public envahissait tumultueusement la place, et que le vaste entonnoir des gradins se noircissait d’une foule de plus en plus compacte, les toreros arrivaient les uns après les autres par une porte de derrière dans l’endroit qui leur sert de foyer, et où ils attendent l’heure de la funcion.

C’est une grande salle blanchie à la chaux, d’un aspect triste et nu. Quelques petites bougies y font trembloter leurs étoiles d’un jaune fade devant une image enfumée de Notre-Dame suspendue à la muraille ; car, ainsi que tous les gens exposés par état à des périls de mort, les toreros sont dévots, ou tout au moins superstitieux ; chacun possède une amulette, à laquelle il a pleine confiance ; certains présages les abattent ou les enhardissent ; ils savent, disent-ils, les courses qui leur seront funestes. Un cierge offert et brûlé à propos peut cependant corriger le sort et prévenir le péril. Il y en avait bien, ce jour-là, une douzaine d’allumés, ce qui prouvait la justesse de la remarque de don Andrès sur la force et la férocité des taureaux de Gaviria qu’il avait vus la veille à l’Arroyo, et dont il décrivait avec tant d’enthousiasme les qualités à sa fiancée Feliciana, médiocre appréciatrice de semblables mérites.

Il vint à peu près une douzaine de toreros, chulos, banderilleros, espadas, embossés dans leurs capes de percaline glacée. Tous, en passant devant la madone, firent une inclinaison de tête plus ou moins accentuée. Ce devoir accompli, ils allèrent prendre sur une table la copa de fuego, petite coupe à manche de bois et remplie de charbon, posée là pour la plus grande commodité des fumeurs de cigarettes et de puros, et se mirent à pousser des bouffées en se promenant ou campés sur les bancs de bois le long du mur.

Un seul passa devant le tableau révéré sans lui accorder cette marque de respect, et s’assit à l’écart en croisant l’une sur l’autre des jambes nerveuses que le luisant du bas de soie aurait pu faire croire de marbre. Son pouce et son index, jaunes comme de l’or, sortaient par l’hiatus de son manteau, tenant serré un reste de papelito aux trois quarts consumé. Le feu s’approchait de l’épiderme de manière à brûler des doigts plus délicats; mais le torero n’y faisait pas attention, occupé qu’il paraissait d’une pensée absorbante.

C’était un homme de vingt-cinq à vingt-huit ans. Son teint basané, ses yeux de jais, ses cheveux crépus démontraient son origine andalouse. Il devait être de Séville, cette prunelle noire de la terre, cette patrie naturelle des vaillants garçons, des bien plantés, des bien campés, des gratteurs de guitare, des dompteurs de chevaux, des piqueurs de taureaux, des joueurs de navaja, de ceux du bras de fer et de la main irritée.

Il eût été difficile de voir un corps plus robuste et des membres mieux découplés. Sa force s’arrêtait juste au point où elle serait devenue de la pesanteur. Il était aussi bien taillé pour la lutte que pour la course, et, si l’on pouvait supposer à la nature l’intention expresse de faire des toreros, elle n’avait jamais aussi bien réussi qu’en modelant cet Hercule aux proportions déliées.

Par son manteau entrebâillé, on voyait pétiller dans l’ombre quelques paillettes de sa veste incarnat et argent, et le chaton de la sortija qui retenait les bouts de sa cravate ; la pierre de cet anneau était d’une assez grande valeur, et montrait, comme tout le reste du costume, que le possesseur appartenait à l’aristocratie de sa profession. Son moño de rubans neufs, lié à la petite mèche de cheveux réservée exprès, s’épanouissait derrière sa nuque en touffe opulente ; sa montera, du plus beau noir, disparaissait sous des agréments de soie de même couleur, et se nouait sous son menton par des jugulaires qui n’avaient jamais servi ; ses escarpins, d’une petitesse extraordinaire, auraient fait honneur au plus habile cordonnier de Paris, et eussent pu servir de chaussons à une danseuse de l’Opéra.

Cependant Juancho, tel était son nom, n’avait pas l’air ouvert et franc qui convient à un beau garçon bien habillé et qui va tout à l’heure se faire applaudir par les femmes : l’appréhension de la lutte prochaine troublait-elle sa sérénité ? Les périls que courent les combattants dans l’arène, et qui sont beaucoup moins grands qu’on ne pense, ne devaient avoir rien de bien inquiétant pour un gaillard découplé comme Juancho. Avait-il vu en rêve un taureau infernal portant sur des cornes d’acier rougi un matador embroché ?"

Théophile gautier (Militona)


950600abc28da3a403970c8ff5d3ac53.jpgCe week-end, c'est la féria de Nîmes, véritable institution pour la ville : Pendant quelques jours la ville prend des accents espagnols et la fièvre s'empare de la population qui vit au rythme du flamenco, entraînée par la musique des penas ! On célèbre un animal élevé au rang d'un dieu, le Taureau que l'homme défie lors de courses effrénées et de corridas.

J'aime les animaux et la corrida devrait me révulser et pourtant j'avoue qu'elle me fascine depuis l'enfance. Sans doute le souvenir des arènes en bois du Bouscat, près de Bordeaux, qui furent détruites par un incendie en 1961, à quelques centaines de mètres de chez mes grands parents. Les camions, après avoir déchargé les taureaux, venaient se garer dans la rue, devant la maison, et je me souviens d'avoir vu (et senti !) les bêtes mortes mais encore chaudes que l'on ramenait vers l'abattoir. Ma ville natale avait d'ailleurs une forte tradition tauromachique puisqu'elle possédait aussi autrefois 2 autres arènes à La Benatte et à Talence, tradition glorifiée par Francisco Goya qui réalisa pendant son exil aquitain un recueil de lithographies intitulé Les Taureaux de Bordeaux.

be2f2b201d39662f977d675a00525800.jpgAutre souvenir qui m'a marquée, le premier film que j'ai vu au cinéma, 2 ou 3 ans avant l'incendie du Bouscat : j'étais en vacances au Pays basque, un petit village appelé Estérencuby, et c'était jour de fête : pelote basque, danses, chants... et le soir, pour finir en beauté, quelques parents avaient décidé d'emmener les enfants au cinéma à Saint Jean Pied de Port. Refus de mes parents qui estimaient que le film n'était pas pour les enfants, et déception de voir partir mes copains. J'ai dû pleurer à chaudes larmes, ce qui a dû amadouer mon père ! Alors course folle pour parcourir la dizaine de kilomètres et finalement j'ai rejoint mes copains; le film était déjà ancien et s'appelait Arènes sanglantes, je me souviens encore de Tyrone Power endossant l'habit de lumière …

jeudi, 24 mai 2007

Les femmes qui lisent sont dangereuses (suite)

Samedi dernier, visite dans une galerie rue Quincampoix où Pierre, un ami, expose ses sculptures. L'artiste est absent pour un petit moment et nous décidons de faire quelques emplettes dans le quartier avant de repasser à la galerie. Arrêt au "Comptoir aux écritures" pour acheter du fiel de bœuf que j'utilise en enluminure, puis retour par les boutiques à touristes en face de Beaubourg. Qui sait, peut être vais-je trouver une photo marrante à encadrer pour mes 2 puces ? Non, rien que des "merdouilles" et pourtant dans une de ces boutiques, un présentoir de cartes postales attire mon attention. Eh oui, rien que des reproductions de tableaux de femmes en train de lire ! Oui, vous savez, de ces femmes dangereuses dont parle le livre de Laure Adler et Stefan Bollman et dont j'avais fait une note en janvier ... et comme ces tableaux ne figurent pas dans le livre, je vous en fais profiter aussi.

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La liseuse de Félix Vallotton,

 

 

 

 

 

 

 

 

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La liseuse au guéridon de Matisse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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et, trois siècles plus tôt, une vieille femme lisant, de Rembrandt.

 

 

 

 

 

 Ces trois peintres ont déja également peint d'autres femmes lisant, qui figurent dans le livre ...

mercredi, 23 mai 2007

Les enfants n'aiment rien tant que les tartines de beurre, si ce n'est les tartines de confitures.

c8755dc77c7f5857d6233585985a5b51.jpg"Werther a rendu le beurre poétique ; c'est en voyant Charlotte faire des tartines pour les enfants qu'il prend cet amour fatal, qui se termine par un coup de pistolet. Goethe a raison : les enfants n'aiment rien tant que les tartines de beurre, si ce n'est les tartines de confitures." (Alexandre Dumas, Dictionnaire de cuisine (collection " 10/18 "))

Depuis que j'ai habité à Rome, je remplace souvent le beurre sur mes légumes par de l'huile d'olive. Mais pour mon petit déjeuner, rien ne remplace les tartines de beurre, sans confiture, que je préfère manger à part, à la cuillère. Depuis quelques temps je me suis mise à manger du beurre salé, et délaisse de plus en plus le beurre "doux". Résultat, plus d'une fois il m'a fallu jeter une plaquette à peine entamée, mais qui avait ranci. Pourtant il existe des méthodes pour conserver le beurre plus longtemps : l'envelopper dans un linge trempé dans de l'eau vinaigrée ou citronnée, le recouvrir d'un pot en terre cuite trempé dans l'eau ... On peut même redonner sa fraicheur à du beurre rance en le mettant dans un saladier rempli d'eau glacée additionnée de bicarbonate de soude et en le malaxant vigoureusement. Le bicarbonate détruit les germes responsables de la fermentation et neutralise le goût rance.

Mais c'est encore Alexandre Dumas, dans son Dictionnaire de cuisine qui donne la méthode la plus originale pour ne jamais manquer de beurre. "Dans quelque pays que j'aie voyagé, j'ai toujours eu du beurre frais du jour même. Je donne ma recette aux voyageurs, elle est bien simple et en même temps immanquable.

Partout où je pouvais me procurer du lait soit de vache, soit de chamelle, soit de jument, soit de brebis, et particulièrement de brebis, je m'en procurais, j'en emplissais une bouteille aux trois quarts, je la bouchais, je la suspendais au cou de mon cheval, et je laissais mon cheval faire le reste ; en arrivant le soir, je cassais le goulot et je trouvais à l'intérieur un morceau de beurre gros comme le poing qui s'était fait tout seul. En Afrique, au Caucase, en Sicile, en Espagne, cette méthode m'a toujours réussi. ". De nos jours, gageons que nous aurons du mal à suivre cette consigne.

Par contre nous pouvons peut être essayer sa recette de Beurre rôti à la Landaise : "Salez d'abord la bille de beurre, cassez quatre oeufs entiers, battez-les en omelette, préparez de la mie de pain blanche bien séchée, ajoutez un peu de sel fin, roulez votre bille de beurre dans vos oeufs et saupoudrez de mie de pain, recommencez l'opération jusqu'à l'absorption des oeufs ; mettez votre beurre en broche ; à la cuisson, la croûte devient ferme et vous en formez une croustade que vous servez en place de pain pour les huîtres. Buvez du vieux Barsac, mais n'arrosez pas avec. Formule de M. Vuillemot."

lundi, 21 mai 2007

Le fuyard, le shérif et le tueur, un désert au sud du Texas, des cadavres, des voitures, de l'héroïne et de l'argent, la vie et la mort ...

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"J'ai envoyé un homme à chambre à gaz à Huntsville. Un seul et rien qu’un. C’est moi qui l'ai arrêté et il a été condamné sur mon témoignage. Je suis allé là-bas et je lui ai rendu visite deux ou trois fois. Trois fois. La dernière c'était le jour de son exécution. Je n'étais pas obligé mais j'y suis allé. Sûr que ça ne me disait rien. Il avait tué une gamine de quatorze ans et je peux dire et il n'y a aucun doute là-dessus que je n'avais pas tellement envie d'aller le voir et encore moins d'assister à son exécution mais je l'ai fait. Les journaux parlaient de crime passionnel et lui voilà qu'il me dit que ça n'a rien à voir avec la passion. Il sortait avec cette gosse. Une jeunesse. Lui il avait dix-neuf ans. Et il m'a dit qu'il avait prévu de tuer quelqu’un depuis plus longtemps qu'il pouvait s'en souvenir. II disait que si on le relâchait il recommencerait. Il disait qu'il le savait qu'il irait droit en enfer. C'est ce qu'il m'a dit je l'ai entendu de sa propre bouche. Je ne sais pas comment il faut comprendre ça. Bien sûr que je n’en savais rien. J’ai pensé que je n'avais jamais vu quelqu’un de pareil et je me suis dit que c'était peut-être une nouvelle espèce. J'ai regardé quand ils l'ont attaché sur le siège et qu'ils ont refermé la porte. Il avait peut-être l'air un peu nerveux mais c’était à peu près tout. Je crois vraiment qu'il savait qu’il allait se retrouver un quart d'heure après en enfer. J’en suis persuadé. J'ai beaucoup réfléchi là-dessus. C'était facile de lui parler. Il m'appelait Shérif. Mais je ne savais pas quoi lui dire. Quoi dire à un type qui de son propre aveu n’a pas d'âme?À quoi bon lui parler?J’ai pas mal réfléchi à tout ça. Mais lui c'était rien comparé à ce qui allait nous tomber dessus.

On dit que les yeux c'est les fenêtres de l'âme. Je me demande de quoi ces yeux-là étaient les fenêtres et je crois que j'aime mieux ne pas le savoir. Mais il y a un peu partout une autre vision du monde et d'autres yeux pour le voir et on y va tout droit. Ca m'a amené à un moment de ma vie auquel j'aurais jamais pensé que j'arriverais un jour. Y a quelque part un prophète de la destruction bien réel et vivant et je ne veux pas avoir à l'affronter. Je sais qu’il existe. J'ai vu son œuvre. Je me suis trouvé une fois en face de ces yeux-là. Et je ne recommencerai pas. Et je ne vais pas pousser tous mes jetons sur le tapis et me lever pour le défier. Ce n'est pas seulement à cause de mon âge. Je voudrais bien que ce soit ça la raison. Je ne peux même pas dire qu’il s'agit de savoir à quoi on est prêt. Parce que j'ai toujours su qu’iI faut être prêt à mourir rien que pour faire ce métier. Ça a toujours été vrai. Ce n'est pas pour me vanter ni rien mais c'est comme ça. Si t'es pas prêt ils le sauront. Ils le verront. En un clin d'œil. Je crois plutôt qu'il s'agit de savoir ce qu'on accepte de devenir. Et je crois qu’il faudrait jouer son âme. Et ça je ne le ferai pas. Je pense à présent que je ne le ferai sans doute jamais."

Cormac McCarthy - Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme (Editions de l'Olivier)

 

Décernés en avril dernier, les prix Pulitzer doivent être remis aujourd'hui à l'Université de Columbia, dans différents domaines, allant du journalisme à la musique. En journalisme, ce prix est considéré parmi les plus prestigieux.

Parmi ses bénéficiaires les plus célèbres en littérature, citons Margaret Mitchell pour Autant en emporte le vent (1937), John Steinbeck pour les Raisins de la colère (1940), Tennessee Williams pour Un tramway nommé Désir en 1948 et pour La Chatte sur un toit brûlant en 1955, Ernest Hemingway pour le Vieil Homme et la mer (1953), William Faulkner pour Parabole (1955) et Les larrons (1963) ...

Mais cette année Columbia rejoint Cannes puisque Ethan et Joel Coen y présentent leur dernier film adapté du roman "No Country For Old Men", de Cormac McCarthy qui a obtenu le prix Pulitzer 2007 pour un autre de ses romans, "the road".

En Juin, c'est le Mois MOLIERE à Versailles

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Depuis 12 ans, en Juin à Versailles, c'est le Mois MOLIERE !

Venues de toute la France, et parfois même de l’étranger, les meilleures compagnies de Commedia dell’Arte comme les jeunes troupes y trouvent un tremplin unique. Ce sera de nouveau le lieu de création de nombreuses pièces ou de reprises de pièces récentes.

La comédie sera partout présente, tous les quartiers étant investis, pour des spectacles de théâtre bien sûr, mais aussi de musique et de danse,.que l'on peut le plus souvent voir en famille ... et généralement gratuits dans les Grandes Écuries et dans les quartiers ! Pour ceux payants, les prix s’échelonnent entre 6 et 15 €, selon les spectacles. Et le dimanche à midi, vous pourrez même amener votre pique-nique pour profiter des parcs et jardins avant le spectacle !

Bien sûr, en contrepartie, il faudra admettre quelques contraintes : l’annulation en cas d’intempéries trop fortes, les éventuelles files d’attente et le fait que vous ne pourrez entrer que dans la limite des places disponibles ..., le fait aussi que ces spectacles ne présenteront jamais de vedettes médiatiques, trop chères. Mais au final la magie du spectacle qui permet de faire partager les richesses de notre culture au plus grand nombre.

Détail du programme sur http://www.moismoliere.com/ ou cliquez pour avoir accès au programme ou au dossier de presse

samedi, 03 mars 2007

Promenades et souvenirs (I)

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LA BUTTE MONTMARTRE

Il est véritablement difficile de trouver à se loger dans Paris. Je n'en ai jamais été si convaincu que depuis deux mois. Arrivé d'Allemagne, après un court séjour dans une villa de la banlieue, je me suis cherché un domicile plus assuré que les précédents, dont l'un se trouvait sur la place du Louvre et l'autre dans la rue du Mail. Je ne remonte qu'à six années. Évincé du premier avec vingt francs de dédommagement, que j'ai négligé, je ne sais pourquoi, d'aller toucher à la Ville, j'avais trouvé dans le second ce qu'on ne trouve plus guère au centre de Paris : une vue sur deux ou trois arbres occupant un certain espace, qui permet à la fois de respirer et de se délasser l'esprit en regardant autre chose qu'un échiquier de fenêtres noires, où de jolies figures n'apparaissent que par exception. Je respecte la vie intime de mes voisins, et ne suis pas de ceux qui examinent avec des longues-vues le galbe d'une femme qui se couche, ou surprennent à l'œil nu les silhouettes particulières aux incidents et accidents de la vie conjugale. J'aime mieux tel horizon « à souhait pour le plaisir des yeux », comme dirait Fénelon, où l'on peut jouir, soit d'un lever, soit d'un coucher de soleil, mais plus particulièrement du lever. Le coucher ne m'embarrasse guère : je suis sûr de le rencontrer partout ailleurs que chez moi. Pour le lever, c'est différent: j'aime à voir le soleil découper des angles sur les murs, à entendre au dehors des gazouillements d'oiseaux, fût-ce de simples moineaux francs... Grétry offrait un louis pour entendre une chanterelle, je donnerais vingt francs pour un merle; les vingt francs que la ville de Paris me doit encore !

J'ai longtemps habité Montmartre; on y jouit d'un air très pur, de perspectives variées, et l'on y découvre des horizons magnifiques, soit « qu'ayant été vertueux, l'on aime à voir lever l'aurore », qui est très belle du côté de Paris, soit qu'avec des goûts moins simples, on préfère ces teintes pourprées du couchant, où les nuages déchiquetés et flottants peignent des tableaux de bataille et de transfiguration au-dessus du grand cimetière, entre l'arc de l'Étoile et les coteaux bleuâtres qui vont d'Argenteuil à Pontoise. Les maisons nouvelles s'avancent toujours, comme la mer diluvienne qui a baigné les flancs de l'antique montagne, gagnant peu à peu les retraites où s'étaient réfugiés les monstres informes reconnus depuis par Cuvier. Attaqué d'un côté par la rue de l'Empereur, de l'autre par le quartier de la mairie, qui sape les après montées et abaisse les hauteurs du versant de Paris, le vieux mont de Mars aura bien bientôt le sort de la butte des Moulins, qui, au siècle dernier, ne montrait guère un front moins superbe. Cependant, il nous reste encore un certain nombre de coteaux ceints d'épaisses haies vertes, que l'épine-vinette décore tour à tour de ses fleurs violettes et de ses baies pourprées.

Il y a là des moulins, des cabarets et des tonnelles, des élysées champêtres et des ruelles silencieuses, bordées de chaumières, de granges et de jardins touffus, des plaines vertes coupées de précipices, où les sources filtrent dans la glaise, détachant peu à peu certains îlots de verdure où s'ébattent des chèvres, qui broutent l'acanthe suspendue aux rochers; des petites filles à l'œil fier, au pied montagnard, les surveillent en jouant entre elles. On rencontre même une vigne, la dernière du cru célèbre de Montmartre, qui luttait, du temps des Romains, avec Argenteuil et Suresnes. Chaque année, cet humble coteau perd une rangée de ses ceps rabougris, qui tombent dans une carrière. - Il y a dix ans, j'aurais pu l'acquérir au prix de trois mille francs... On en demande aujourd'hui trente mille. C'est le plus beau point de vue des environs de Paris.

Ce qui me séduisait dans ce petit espace abrité par les grands arbres du Château des Brouillards, c'était d'abord ce reste de vignoble lié au souvenir de saint Denis, qui, au point de vue des philosophes, était peut-être le second Bacchus, Dionusisz, et qui a eu trois corps dont l'un a été enterré à Montmartre, le second à Ratisbonne et le troisième à Corinthe. C'était ensuite le voisinage de l'abreuvoir, qui, le soir, s'anime du spectacle de chevaux et de chiens que l'on y baigne, et d'une fontaine construite dans le goût antique, où les laveuses causent et chantent comme dans un des premiers chapitres de Werther. Avec un bas-relief consacré à Diane et peut-être deux figures de naïades sculptées en demi-bosse, on obtiendrait, à l'ombre des vieux tilleuls qui se penchent sur le monument, un admirable lieu de retraite, silencieux à ses heures, et qui rappellerait certains points d'étude de la campagne romaine. Au-dessus se dessine et serpente la rue des Brouillards, qui descend vers le chemin des Bœufs, puis le jardin du restaurant Gaucher, avec ses kiosques, ses lanternes et ses statues peintes... La plaine Saint-Denis a des lignes admirables, bornées par les coteaux de Saint-Ouen et de Montmorency, avec des reflets de soleil ou des nuages qui varient à chaque heure du jour. A droite est une rangée de maisons, la plupart fermées pour cause de craquements dans les murs. C'est ce qui assure la solitude relative de ce site : car les chevaux et les bœufs qui passent, et même les laveuses, ne troublent pas les méditations d'un sage, et même s'y associent. La vie bourgeoise, ses intérêts et ses relations vulgaires, lui donnent seuls l'idée de s'éloigner le plus possible des grands centres d'activité.

Il y a à gauche de vastes terrains, recouvrant l'emplacement d'une carrière éboulée, que la commune a concédés à des hommes industrieux qui en ont transformé l'aspect. Ils ont planté des arbres, créé des champs où verdissent la pomme de terre et la betterave où l'asperge montée étalait naguère ses panaches verts décorés de perles rouges.

On descend le chemin et l'on tourne gauche. Là sont encore deux ou trois collines vertes, entaillées par une route qui plus loin comble des ravins profonds, et qui tend à rejoindre un jour la rue de l'Empereur entre les buttes et le cimetière. On rencontre là un hameau qui sent fortement la campagne, et qui a renoncé depuis trois ans aux travaux malsains d'un atelier de poudrette. Aujourd'hui, l'on y travaille les résidus des fabriques de bougies stéariques. Que d'artistes repoussés du prix de Rome sont venus sur ce point étudier la campagne romaine et l'aspect des marais Pontins ! Il y reste même un marais animé par des canards, des oisons et des poules.

Il n'est pas rare aussi d'y trouver des haillons pittoresques sur les épaules des travailleurs. Les collines, fendues çà et là, accusent le tassement du terrain sur d'anciennes carrières; mais rien n'est plus beau que l'aspect de la grande butte, quand le soleil éclaire ses terrains d'ocre rouge veinés de plâtre et de glaise, ses roches dénudées et quelques bouquets d'arbres encore assez touffus, où serpentent des ravins et des sentiers.

La plupart des terrains et des maisons éparses de cette petite vallée appartiennent à de vieux propriétaires, qui ont calculé sur l'embarras des Parisiens à se créer de nouvelles demeures et sur la tendance qu'ont les maisons du quartier Montmartre à envahir, dans un temps donné, la plaine Saint-Denis. C'est une écluse qui arrête le torrent; quand elle s'ouvrira, le terrain vaudra cher. Je regrette d'autant plus d'avoir hésité, il y a dix ans, à donner trois mille francs du dernier vignoble de Montmartre.

Il n'y faut plus penser. Je ne serai jamais propriétaire : et pourtant que de fois, au 8 ou au 15 de chaque trimestre (près de Paris, du moins), j'ai chanté le refrain de M. Vautour :

Quand on n'a pas de quoi payer son terme

Il faut avoir une maison à soi !

J'aurais fait faire dans cette vigne une construction si légère !... Une petite villa dans le goût de Pompéi avec un impluvium et une cella, quelque chose comme la maison du poète tragique. Le pauvre Laviron, mort depuis sur les murs de Rome, m'en avait dessiné le plan. A dire le vrai pourtant, il n'y a pas de propriétaires aux buttes de Montmartre. On ne peut asseoir légalement une propriété sur des terrains minés par des cavités peuplées dans leurs parois de mammouths et de mastodontes. La commune concède un droit de possession qui s'éteint au bout de cent ans... On est campé comme les Turcs; et les doctrines les plus avancées auraient peine à contester un droit si fugitif où l'hérédité ne peut longuement s'établir.[1]

Gérard de NERVAL

Promenades et souvenirs a paru dans l'Illustration du 30 décembre 1854, puis des 6 janvier et 3 février 1855. Ce récit est donc le dernier à avoir été publié du vivant de Nerval.

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1. Certains propriétaires nient ce détail, qui m'a été affirmé par d'autres. N'y aurait-il pas eu, là aussi, des usurpations pareilles à celles qui ont rendu les fiefs héréditaires sous Hugues Capet ?

 

 

mardi, 30 janvier 2007

JUSTESSE DE GEORGES DE LA TOUR

L'unique condition pour ne pas battre en interminable retraite était d'entrer dans le cercle de la bougie, de s'y tenir, en ne cédant pas à la tentation de remplacer les ténèbres par le jour et leur éclair nourri par un terme inconstant.

Il ouvre les yeux. C'est le jour, dit-on. Georges de La Tour sait que la brouette des maudits est partout en chemin avec son rusé contenu. Le véhicule s'est renversé. Le peintre en établit l'inventaire. Rien de ce qui infiniment appartient à la nuit et au suif brillant qui en exalte le lignage ne s'y trouve mélangé.

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Le tricheur, entre l'astuce et la candeur, la main au dos, tire un as de carreau de sa ceinture ;

 

 

  

 

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des mendiants musiciens luttent, l'enjeu ne vaut guère plus que le couteau qui va frapper ;

  

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la bonne aventure n'est pas le premier larcin d'une jeune bohémienne détournée ;

  

 

 

 

 

 

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le joueur de vielle, syphilitique, aveugle, le cou flaqué d'écrouelles, chante un purgatoire inaudible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
C'est le jour, l'exemplaire fontainier de nos maux. Georges de La Tour ne s'y est pas trompé.

René Char - 26 janvier 1966

 

Georges de La Tour est mort le 30 janvier 1652
 

 

jeudi, 25 janvier 2007

Mis à part les cadres, tout l'ensemble ne vaut pas plus de 5 £, et seulement pour le plaisir d'en faire un feu de joie.

medium_watts_Hope.2.jpg"[...] Ils étaient posés sur des chaises - ces tableaux qu'on devait montrer à la Grafton Gallery - audacieux, éclatants, presque impudents, par contraste avec le portrait par Watts d'une belle dame victorienne, qui était accroché au mur derrière eux. Et Roger Fry les contemplait, y plongeait les yeux comme un colibri butinant une fleur, immobile, mais vibrant. Puis, poussant un profond soupir de satisfaction, il se tournait vers le premier venu, par besoin d'échange. Quelque chose vous déroute? Mais quoi? Et il expliquait qu'il était très facile de faire la transition de Watts à Picasso; il n'y avait pas de rupture, c'était une continuité. Les choses étaient seulement poussées un peu plus loin. Il démontrait; il persuadait; il argumentait. L'argument jaillissait et s'élevait; il montait dans les nuages; puis il redescendait en piqué jusqu'au tableau. Et pas seulement jusqu'au tableau - jusqu'aux étoffes, jusqu'aux vases, jusqu'aux chapeaux.
medium_Picasso_vieux_Guitarist.jpgCet automne-là, Roger Fry paraissait ne pas pouvoir entrer dans une pièce sans un nouveau trophée en main. Il y avait les cotonnades de Manchester, tissées selon des motifs nègres. Ces cotonnades faisaient paraître les rideaux de chintz pâles et démodés comme le portrait de Watts. Il y avait les chapeaux, d'énormes chapeaux lourdement ornés, grossièrement tressés, faits pour résister au soleil tropical et pour ravir le goût inculte des négresses. Et quel goût splendide avaient les négresses incultes! Sa passion, son insistance, son influence reliaient tout, tableaux, chapeaux, cotonnades. Tout le monde discutait. Toute opinion - celle de sa bonne, celle de sa cuisinière - méritait d'être entendue. L'instruction n'avait aucune importance; toute l'importance était dans la réalité. Donc, dans cette salle, il discourait au milieu d'une foule égayée, s'absorbant dans ce qu'il disait, ne se rendant pas du tout compte de l'impression qu'il procurait; extravagant mais raisonnable, aimable mais fanatiquement têtu, intolérant mais réceptif à tout, et enflammé par la conviction que quelque chose de très important se produisait.
 
Ce fut en novembre 1910 que s'ouvrit aux Grafton Galleries la première exposition de tableaux postimpressionnistes - le terme fut lancé lors d'une conversation avec un journaliste qui voulait une étiquette commode, et le titre, pour être précis, était «Manet et les postimpressionnistes». Desmond McCarthy, qu'on arracha de son lit de malade, qu'on ressuscita grâce à une bouteille de champagne et à qui on assura que sa vraie tâche dans la vie était de faire de la critique d'art, avait écrit une introduction. De nos jours, elle paraît avoir un ton plutôt modéré, presque d'excuse: «On ne peut nier, écrit-il, que les œuvres des postimpressionnistes sont assez déconcertantes. Elles peuvent même paraître ridicules à ceux qui oublient le fait qu'un bon cheval à bascule est souvent plus proche d'un cheval véritable que ne l'est un instantané du gagnant du Derby.» Plusieurs personnages distingués, «bien que nullement responsables du choix des tableaux», permirent que leur nom figure au comité, et le vernissage fut d'une élégance conventionnelle. Et puis le grabuge s'éleva.

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Il est difficile, en 1939, alors qu'une exposition du centenaire de Cézanne se fait au bénéfice d'un grand hôpital, et qu'une foule d'admirateurs, d'adorateurs soumis, se presse chaque jour dans la galerie, d'imaginer la violence des réactions que provoquèrent ces tableaux il y a moins de trente ans. Les œuvres sont les mêmes; c'est le public qui a changé. Mais le fait n'est pas douteux. Le public de 1910 fut secoué par des paroxysmes de colère et de rire.

On allait de Cézanne à Gauguin, et de Gauguin à Van Gogh, on passait de Picasso à Signac, et de Derain à Friesz, et on éclatait de fureur. C'était une plaisanterie, c'était se moquer du monde. Une grande dame exigea qu'on raye son nom du comité. Un gentleman, devant un portrait de Mme Cézanne par le peintre, se mit à rire si fort, selon Desmond McCarthy, «qu'on dut le faire sortir et l'obliger à prendre l'air durant cinq minutes. 

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De belles dames firent tinter un rire artificiel et argentin.» Le secrétaire dut apporter un registre pour que le public puisse se plaindre par écrit. Pas moins de quatre cents personnes par jour visitèrent la galerie, et exprimèrent leurs opinions non seulement dans le registre du secrétaire, mais aussi dans des lettres au directeur lui-même. Cette peinture était scandaleuse, anarchiste et puérile. C'était une insulte au public britannique, et l'homme qui était responsable de cette insulte était soit un idiot, soit un imposteur, soit un gredin. Des caricatures d'un monsieur à la bouche grande ouverte et aux cheveux très ébouriffés parurent dans les journaux. Des parents envoyèrent des gribouillages de leurs enfants en affirmant qu'ils étaient très supérieurs aux œuvres de Cézanne. Cette tempête d'injures inquiéta vraiment Roger Fry, dit Mr. McCarthy. 

 

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Les critiques se montrèrent naturellement plus mesurés dans leurs reproches, mais ils restaient perplexes. Un seul critique londonien, sir Charles Holmes, selon Mr. McCarthy, prit le parti des postimpressionnistes. Le plus influent, le plus écouté, le critique du Times, écrivit ceci: «Lorsque [Roger Fry] place sous son autorité une exposition de ce genre, et laisse entendre qu'il considère les œuvres de Gauguin et de Matisse comme le fin mot de l'art, il est à craindre que d'autres commentateurs moins sincères suivront ses traces, et s'efforceront de persuader le public que les postimpressionnistes sont des gens bien, et que leur art est la chose qu'il faut admirer. Ils accuseront sans doute ceux qui ne sont pas d'accord avec eux d'être des réactionnaires de la pire espèce.

Il est légitime d'aller au-devant de ces accusations, et de déclarer que nous sommes convaincus que cet art en soi est un flagrant exemple de réaction. Il prétend à la simplicité, et pour simplifier il rejette toute la technique que les maîtres du passé ont longuement acquise, développée et transmise. Il reprend tout au début - et s'arrête là où s'arrêterait un enfant... L'art vraiment primitif est séduisant parce qu'il est spontané: mais cet art-là est calculé - c'est le refus de tout ce que la civilisation a accompli, le bon comme le mauvais... C'est encore la vieille histoire de l'époque de Théophile Gautier - le but de l'artiste doit être d'épater le bourgeois et surtout pas de lui plaire! Un tel but est parfaitement atteint par le peintre Henri Matisse, de la main de qui nous avons un paysage, un portrait et une sculpture. Nous aurions pu avoir davantage, mais il paraît que toutes ses œuvres appartiennent à une riche famille parisienne, qui sans doute s'en est tellement entichée qu'elle ne veut rien prêter. Trois œuvres suffisent pour nous permettre d'évaluer la profondeur de la chute, nous ne dirons pas depuis les maîtres anciens, mais depuis trois idoles d'hier - depuis Claude Monet, depuis Manet, et depuis Rodin.» Finalement, le critique du Times en fait appel au Temps - «le seul classificateur impeccable» - qui, conclut-il assez étourdiment, confirmera son verdict. [...]"

La vie de Roger Fry de Virginia Woolf

traduit de l'anglais par Jean Pavans.

Editions Payot.

vendredi, 19 janvier 2007

Papillon de Dinard

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Le petit papillon couleur safran qui venait chaque jour me trouver au café, sur la place de Dinard, et m'apportait (me semblait-il) de tes nouvelles, sera-t-il revenu, après mon départ, sur cette petite place froide et éventée? Il était improbable que le glacial été breton fît naître des vergers transis tant d'étincelles toutes pareilles, toutes de la même couleur.

Peut-être avais-je rencontré non pas les papillons, mais le papillon de Dinard, et la question était de savoir si ce visiteur matinal venait exprès pour moi, s'il négligeait délibérément les autres cafés parce que je me trouvais dans le mien (Aux Cornouailles) ou parce que ce petit coin était simplement inscrit sur un itinéraire mécanique, qùil suivait chaque jour. Promenade matinale, en somme, ou message secret? Afin de lever le doute, avant de repartir, je décidai de laisser un bon pourboire à la serveuse, avec mon adresse en Italie.

Elle devrait m'écrire un "oui" ou un "non": si le visiteur s'était de nouveau manifesté après mon départ, ou s'il ne s'était plus montré. J'attendis donc que le petit papillon se posât sur un vase de fleurs et, sortant un billet de cent francs, un bout de papier et un crayon, j'appelai la jeune fille. Dans un français plus hésitant que de coutume, en balbutiant, j'expliquai la situation ; non pas toute la situation, mais une partie. J'étais un entomologiste amateur et je voulais savoir si le papillon allait encore revenir, jusqùà quand il pourrait tenir avec ce froid. Puis je me tus, en nage, atterré.

- Un papillon? Un papillon jaune? - dit la charmante Phyllis en écarquillant deux yeux à la Greuze. Sur ce vase? Mais je ne vois rien. Regardez mieux. Merci bien, Monsieur.

Elle mit le billet de cent francs dans sa poche et s'éloigna en tenant un café filtre. Je baissai la tête et, quand je la relevai, je vis que, sur le vase de dahlias, le papillon n'était plus là.

 

Eugenio Montale

Papillon de Dinard

Traduit de l'italien par Mario Fusco.

Edition Fata Morgana, 1985

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