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vendredi, 06 octobre 2006

Un chien à abattre

medium_1981_-_Mort_d_Anouar_el-Sadate_assassine_lors_d_un_defile_militaire_au_Caire.jpg« Les hommes de paix attirent la violence, mais je suis un croyant et si je suis tué ce sera un grand honneur pour moi car ce sera la reconnaissance de mon action pour mettre fin à la guerre. »

Il y a 25 ans, le 6 octobre 1981, Anouar el-Sadate était victime d'un attentat perpétré par des soldats au cours d'un grand défilé militaire commémorant la guerre du Ramadan de 1973. Mais lui-même savait, depuis ce jour de novembre 1977 où, dans un effort désespéré pour mettre fin à un conflit presque trentenaire, il avait pris la décision de se rendre à Jérusalem, initiative qui étonna alors le monde entier et devait lui valoir le prix Nobel de la paix, qu'il était un mort en sursis.

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mercredi, 04 octobre 2006

Un événement bien discret …

medium_brazza_petitjournal_detail_.jpg« Payez leurs services, achetez leurs vivres, écoutez leurs doléances, n'oubliez pas que vous êtes l'intrus qu'on n'a pas appelé. »

 

Hier, aucune information à la télé ou à la radio …

Et pourtant les dépouilles de l’explorateur français Pierre Savorgnan de Brazza, décédé en 1905 à Dakar, de son épouse et de ses quatre enfants ont été transférés samedi d’Alger où ils reposaient, et ré inhumés mardi à Brazzaville dans un mausolée construit par les autorités congolaises à côté de la mairie, en présence des présidents congolais, Denis Sassou Nguesso, et gabonais, Omar Bongo Ondimba, du roi de la communauté téké, la plus importante ethnie du Congo et du ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy.

Né en 1852 à Rome et décrit comme un aventurier visionnaire et humaniste, Pierre Savorgnan de Brazza fut l’une des grandes figures de la présence coloniale française en Afrique. C’est lui qui signa à la cour du chef Makoko le traité rattachant le Congo à l’Empire français en 1882. Son "utopie" pour l’époque de considérer que les colons étaient des intrus devant conquérir le respect des autochtones lui valut d’être relevé de ses fonctions en 1898. Il s’installe alors à Alger où il vivra quelques années avant d’être rappelé pour enquêter sur les exactions commises au Congo par l’administration française. Son rapport qui décrit les abus et le pillage organisé par les sociétés françaises, est resté confidentiel. Aujourd’hui encore, la France dément en détenir une copie, sans doute par crainte des conséquences que cela pourrait avoir sur ses rapports avec le Congo et pour éviter que le Congo et l'Algérie ne demandent aujourd'hui des réparations.

Parmi les quelques fonctionnaires de la commission figurait un jeune agrégé de philosophie, Félicien Challaye, qui représentait le ministre de l’instruction publique. Félicien Challaye publia son témoignage en 1935 dans un ouvrage intitulé « Souvenirs sur la colonisation ». Ces textes furent repris en 1998 dans « Un livre noir du colonialisme » édité par Les nuits rouges. Un extrait de cet ouvrage sur la situation des indigènes au Congo, il y a un siècle donne des précisions sur le système des concessions qui a saigné le Congo.

Des polémiques se sont développées au Congo, notamment, à l'occasion de ce transfert. Lors d'un colloque à Franceville, organisé par la fondation Savorgnan de Brazza, des universitaires gabonais et congolais se sont notamment insurgés que « des colonisés puissent faire l'apologie du colonisateur ». D'autres se demandent si ce monument dédié à la mémoire d'un administrateur colonial n'entretient pas le mythe de l'Européen supérieur à l'Africain. Le coût du monument (près de 8 millions d'euros), financés par le gouvernement congolais, a également été critiqué au sein de la diaspora congolaise et pour cause : le pays compte parmi les plus pauvres..

 

Lire un article intéressant de Christian Campiche publié sous le titre "Brazza dérange encore" dans La Liberté du 4 décembre 2005

 

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samedi, 16 septembre 2006

Une étrange attirance

medium_pourquoi-pas.jpg"A 2 h du matin, c'était un cyclone ; maintenant calme plat ; nous nous disposons à partir dans la matinée après avoir reçu la météo... Nous allons partir. Que va être cette traversée?" C'est le dernier message qu'écrivait Jean-Baptiste Charcot il y a 70 ans avant que le Pourquoi-Pas? touche brutalement un rocher et se couche sur tribord le 16 septembre 1936 à 5 h 15.

"D'où vient donc l'étrange attirance de ces régions polaires, si puissante, si tenace qu'après en être revenu, on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu'à retourner vers elles ? D'où vient le charme inouï de ces contrées pourtant désertes et terrifiantes ?" (Jean-Baptiste Charcot en février 1905).

 

 

medium_Carte_du_Pole_Nord_de_Gerardus_Mercator_fin_du_XVIeme.jpgL'exploration polaire date de l'Antiquité. Le Grec Pythéas (IVème s. avant J-C) décrit dans ses textes les paysages glacés du Nord. Le Moyen Age accorde aux pôles encore inconnus, un mystérieux attrait, transmis pendant plusieurs siècles dans l'inconscient collectif. L'acceptation de la rotondité de la terre va lancer, sur les mers, les premières expéditions organisées, dans le but de commercer avec l'Asie. L'Arctique est l'obstacle à contourner par ces navires.

Qu'ils soient explorateurs, sportifs, scientifiques, philanthropes ou militaires, les aventuriers qui ont parcouru l'Arctique, l'Antarctique ou les zones sub-polaires, ont utilisé leur énergie à dominer la banquise, le blizzard, la mer et les déserts de glaces. Si beaucoup d'entre nous ne retiennent que quelques figures médiatiques de l'aventure polaire, l'exploration polaire ne s'est pas limitée à la conquête du Pôle Nord et du Pôle Sud.

 

 

Un site passionnant donne un aperçu de cette épopée sur plus 2.300 ans d'expéditions polaires, de Pythéas à nos jours!

jeudi, 10 août 2006

Que les arretz soient clers et entendibles

medium_ordonnance_Villers-Cotterets.jpgart. 110. Que les arretz soient clers et entendibles

Et afin qu'il n'y ayt cause de doubter sur l'intelligence desdictz arretz. Nous voulons et ordonnons qu'ilz soient faictz et escriptz si clerement qu'il n'y ayt ne puisse avoir aulcune ambiguite ou incertitude, ne lieu a en demander interpretacion.

(Soit en français moderne : Que les arrêts soient clairs et compréhensibles, et afin qu'il n'y ait pas de raison de douter sur le sens de ces arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement qu'il ne puisse y avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni de raison d'en demander une explication.)

art. 111.De prononcer et expedier tous actes en langaige françoys

Et pour ce que telles choses sont souventesfoys advenues sur l'intelligence des motz latins contenuz es dictz arretz. Nous voulons que doresenavant tous arretz ensemble toutes aultres procedeures, soient de nous cours souveraines ou aultres subalternes et inferieures, soient de registres, enquestes, contractz, commisions, sentences, testamens et aultres quelzconques actes et exploictz de justice ou qui en dependent, soient prononcez, enregistrez et delivrez aux parties en langage maternel francoys et non aultrement.

(Soit en français moderne : De dire et faire tous les actes en langue française. Et parce que de telles choses sont arrivées très souvent, à propos de la [mauvaise] compréhension des mots latins utilisés dans les arrêts, nous voulons que dorénavant tous les arrêts et autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres, subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice ou de droit, que tous ces actes soient dits, écrits et donnés aux parties en langue maternelle française, et pas autrement.)

 

Depuis le 10 août 1539, tous les actes légaux et notariés sont rédigés en français. L'ordonnance de Villers-Cotterêts, rédigée par le chancelier Guillaume Poyet, donnait ainsi au peuple accès aux documents administratifs et judiciaires,... sous réserve qu'il parle la «langue d'oïl» pratiquée dans le bassin parisien et sur les bords de la Loire. En fait l'unité linguistique ne sera à peu près achevée qu'au milieu du XXe siècle, sous la pression exercée par les fonctionnaires et les instituteurs de l'école laïque.

Mais près de 400 ans après, quand verrons-nous enfin des actes législatifs, administratifs ou judiciaires:

-        clairs, faciles à comprendre, sans équivoque,

-        simples, concis, dépourvus d’éléments superflus,

-        précis, ne laissant pas d’indécision dans l’esprit du lecteur

pourtant en Europe, depuis le Conseil européen d’Édimbourg (1992), cette nécessité a été reconnue au plus haut niveau politique et celle-ci a été réaffirmée dans l’acte final du traité d’Amsterdam.

Faudra-t-il, comme autrefois dans nos campagnes, mettre un bâton dans les mains des rédacteurs surpris à "parler "compliqué", le porteur devant à son tour donner le bâton au premier camarade qu'il surprendrait lui-même à «parler compliqué», à la fin de la journée, le dernier porteur de bâton étant puni.

mercredi, 26 juillet 2006

Il y a 50 ans ...

medium_discours_nasser_suez_1956.jpg

 

"La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est.

Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l’Egypte. La Compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120.000 Egyptiens, qui ont trouvé la mort durant l'exécution des travaux. La Société du Canal de Suez à Paris ne cache qu'une pure exploitation. Eugène Black est venu en Egypte dans le même but que de Lesseps. Nous construirons le Haut-Barrage et  nous obtiendrons tous les droits que nous avons perdus. Nous maintenons nos aspirations et nos désirs. Les 35 millions de livres que la Compagnie encaisse, nous les prendrons, nous, pour l’intérêt de l'Egypte.

Je vous le dis donc aujourd'hui, mes chers citoyens, qu'en construisant le Haut-Barrage, nous construirons une forteresse d'honneur et de gloire et nous démolissons l’humilité. Nous déclarons que l'Egypte en entier est un seul front, uni, et un bloc national inséparable. L'Egypte en entier luttera jusqu'à la dernière goutte de son sang, pour la construction du pays. Nous ne donnerons pas l’occasion aux pays d'occupation de pouvoir exécuter leurs plans, et nous construirons avec nos propres bras, nous construirons une Egypte forte, et c'est pourquoi j'assigne aujourd'hui l'accord du gouvernement sur l'étatisation de la Compagnie du Canal.

[…]

« Nous irons de l’avant pour détruire une fois pour toutes les traces de l’occupation et de l'exploitation. Après cent ans chacun a recouvré ses droits, et aujourd'hui nous construisons notre édifice en démolissant un Etat qui vivait à l’intérieur de notre Etat; le Canal de Suez pour l’intérêt de l'Egypte et non pour l'exploitation. Nous veillerons aux droits de chacun. La nationalisation du Canal de Suez est devenue un fait accompli : nos fonds nous reviennent, et nous avons 35 millions de livres en actions. Nous n'allons donc pas nous occuper, maintenant, de 70 millions de dollars. Nous devons donc tous travailler et produire, malgré tous les complots ourdis contre nous. Je leur dirai de mourir de dépit, nous construirons l'industrie égyptienne. »

Je n'ai trouvé, de la part de ces Etats, aucune volonté de coopération technique pour industrialiser le pays.

En quatre ans, nous avons senti que nous sommes devenus plus forts et plus courageux, et comme nous avons pu détrôner le roi le 26 juillet [1952], le même jour nous nationalisons la Compagnie du Canal de Suez. Nous réalisons ainsi une partie de nos aspirations et nous commençons la construction d'un pays sain et fort.

Aucune souveraineté n'existera en Egypte à part celle du peuple d'Egypte, un seul peuple qui avance dans la voie de la construction et de l'industrialisation, en un bloc contre tout agresseur et contre les complots des impérialistes. Nous réaliserons, en outre, une grande partie de nos aspirations, et construirons effectivement ce pays car il n'existe plus pour nous quelqu'un qui se mêle de nos affaires. Nous sommes aujourd'hui libres et indépendants.

Aujourd'hui, ce seront des Egyptiens comme vous qui dirigeront la Compagnie du Canal, qui prendront consignation de ses différentes installations, et dirigeront la navigation dans le Canal, c'est-à-dire, dans la terre d'Egypte."

(Texte français d'après le Journal d'Egypte, 27-7-1956)

 

La réaction du "Raïs" provoque une crise internationale car la France et l'Angleterre perçoivent des droits de péage sur cette voie maritime qui relie la Méditerranée" à la mer Rouge. La riposte viendra d'abord d'Israël qui attaquera l'Égypte le 29 octobre puis de la France et du Royaume-Uni qui enverront des troupes. Le conflit prendra fin le 7 novembre sous la pression des Etats-Unis et de l'URSS.

 

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jeudi, 20 juillet 2006

Ballade à la Lune


 medium_armstrong.jpg

C'était, dans la nuit brune,

Sur le clocher jauni,

La lune

Comme un point sur un i.

 

Lune, quel esprit sombre

Promène au bout d'un fil,

Dans l'ombre,

Ta face et ton profil ?

 

Es-tu l'œil du ciel borgne ?

Quel chérubin cafard

Nous lorgne

Sous ton masque blafard ?

 

N'es-tu rien qu'une boule,

Qu'un grand faucheux bien gras

Qui roule

Sans pattes et sans bras ?

 

Es-tu, je t'en soupçonne,

Le vieux cadran de fer

Qui sonne

L'heure aux damnés d'enfer ?

 

Sur ton front qui voyage,

Ce soir ont-ils compté

Quel âge

A leur éternité ?

 

Est-ce un ver qui te ronge

Quand ton disque noirci

S'allonge

En croissant rétréci ?

 

Qui t'avait éborgnée,

L'autre nuit ? T'étais-tu

Cognée

A quelque arbre pointu ?

 

Car tu vins, pâle et morne,

Coller sur mes carreaux

Ta corne

A travers les barreaux.

 

Va, lune moribonde,

Le beau corps de Phébé

La blonde

Dans la mer est tombé.

 

Tu n'en es que la face

Et déjà, tout ridé,

S'efface

Ton front dépossédé…

 

Lune, en notre mémoire,

De tes belles amours

L'histoire

T'embellira toujours

 

Et toujours rajeunie,

Tu seras du passant

Bénie,

Pleine lune ou croissant.

 

T'aimera le pilote,

Dans son grand bâtiment

Qui flotte

Sous le clair firmament.

 

Et la fillette preste

Qui passe le buisson,

Pied leste,

En chantant sa chanson…

 

Et qu'il vente ou qu'il neige,

Moi-même, chaque soir,

Que fais-je

Venant ici m'asseoir ?

 

Je viens voir à la brune,

Sur le clocher jauni,

La lune

Comme un point sur un i.

 

Alfred de Musset

mardi, 13 juin 2006

Le Bordelais qui… lança l'ancêtre des "Restos du Coeur"

medium_iffla-osiris2.jpgAucune rue ne porte son nom à Bordeaux, et pourtant Daniel Iffla, juif bordelais d'origine modeste devenu au cours du XIXe siècle un des plus grands financiers de France et qui prit le nom d'Osiris, a légué à la ville de Bordeaux la somme de 2 millions de francs pour: «la fondation d'un asile de jour où seront reçus à des heures différentes fixées par la municipalité bordelaise, des ouvriers âgés et des indigents des deux sexes sons distinction de cultes. Cet asile de jour fonctionnera sur un bateau de construction et d'aménagement appropriés à sa destination et qui sera amarré ou milieu de la Gironde à l'endroit jugé le plus convenable par la municipalité."

medium_bateau_soupe.2.jpgUne condition, le bateau devait porter le nom de son mécène.

Le "bateau-soupe" Osiris, inauguré en 1912, était amarré quai Sainte Croix, face à la porte de la Monnaie. Il a accueilli des nécessiteux jusqu'au début de la seconde guerre mondiale. Réquisitionné en 1940 par les troupes d'occupation et remorqué jusqu'à Pauillac, il sert de plate-forme de DCA et est coulé sur place en 1944. Il est encore possible d'apercevoir ses superstructures à marée basse, à certaines époques de l'année…

L'indemnité de guerre de 2 700 000 francs versée à la ville de Bordeaux a été utilisée pour la reconstruction du Foyer Leydet qui assure l'aide aux SDF, et où une plaque scellée sur un des murs du réfectoire perpétue le souvenir de cette oeuvre et de son fondateur

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samedi, 27 mai 2006

La fin d'un rêve

medium_proces_babeuf.jpg" Reste le dénouement, qui n'est qu'un cri d'horreur. Ses lettres cachetées, Babeuf sort un objet d'une cachette, un morceau de bougeoir affûté sur les dalles pendant des semaines. Il l'examine. Il vérifie du doigt la pointe et le fil de son arme. Il ouvre sa chemise... Il s'est raté. Ecroulé sur le sol, il perd beaucoup de sang. Le jour baisse, un gardien pousse la soupe par le guichet sans remarquer ce qui se passe. Voici la nuit. Que la mort est longue à venir ! Il s'évanouit, reprend connaissance, s'évanouit de nouveau. Quand les hommes viennent le chercher, un peu avant l'aube, ils découvrent du sang, un corps inerte ; embarrassés, ils hésitent. Mais dans le couloir, une voix gronde et les presse. Ils empoignent le corps et l'emportent vers l'échafaud. "

Je t'écris au sujet de Gracchus Babeuf

de Jean Soublin, Editions Atelier du Gué

 

Le 8 prairial an V (27 mai 1797), Gracchus Babeuf était guillotiné à Vendôme, en compagnie de Darthé. Ils figuraient parmi les quarante-sept inculpés dans le procès qui est resté dans l’histoire sous l’appellation de « Conjuration des égaux », autrement dit la tentative de renverser le Directoire au moment où celui-ci remettait ouvertement en cause le processus ouvert par la Révolution de 1789. Procès politique - le premier à faire l’objet d’un compte rendu in extenso -, le procès Babeuf fut délibérément organisé loin de Paris pour éviter des manifestations populaires. D’autant que l’un des accusés, Drouet, député aux Cinq-Cents, était celui-là même qui reconnut et fit arrêter Louis XVI à Varennes, lors de sa fuite...

00:26 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

vendredi, 26 mai 2006

Semaine sanglante

Récit de la semaine sanglante (21 au 28 mai 1871) par Zola

medium_commune_incendie.jpg"Alors, dans les derniers jours de février [1871], Maurice se décida à déserter. Un article du traité disait que les soldats campés à Paris seraient désarmés et renvoyés chez eux. Il n’attendit pas, il lui semblait que son coeur serait arraché, s’il quittait le pavé de ce Paris glorieux, que la faim seule avait pu réduire ; et il disparut, il loua, rue des Orties, en haut de la butte des Moulins, dans une maison à six étages, une étroite chambre meublée, une sorte de belvédère, d’où l’on voyait la mer sans bornes des toitures, depuis les Tuileries jusqu’à la Bastille. Un ancien camarade de la faculté de droit lui avait prêté cent francs. D’ailleurs, dès qu’il fut installé, il se fit inscrire dans un bataillon de la garde nationale, et les trente sous de la paye devaient lui suffire. […]

medium_execution_varlin.jpgOn était déjà au mercredi. Depuis le dimanche soir, depuis deux grands jours, les habitants avaient vécu au fond de leurs caves, suant la peur ; et, le mercredi matin, lorsqu'ils avaient pu se hasarder, le spectacle des rues défoncées, les débris, le sang, les effroyables incendies surtout, venaient de les jeter à une exaspération vengeresse. Le châtiment allait être immense. On fouillait les maisons, on jetait aux pelotons des exécutions sommaires le flot suspect des hommes et des femmes qu'on ramassait. Dès six heures du soir, ce jour-là, l'armée de Versailles était maîtresse de la moitié de Paris, du parc de Montsouris à la gare du nord, en passant par les grandes voies. Et les derniers membres de la commune, une vingtaine, avaient dû se réfugier boulevard Voltaire, à la mairie du xie arrondissement.

medium_henri-philippoteaux_derniers_combats_au_pere_lachaise.jpgUn silence se fit, Maurice murmura, les yeux au loin sur la ville, par la fenêtre ouverte à l'air tiède de la nuit :

-enfin, ça continue, Paris brûle !

C'était vrai, les flammes avaient reparu, dès la tombée du jour ; et, de nouveau, le ciel s'empourprait d'une lueur scélérate. Dans l'après-midi, lorsque la poudrière du Luxembourg avait sauté avec un fracas épouvantable, le bruit s'était répandu que le Panthéon venait de crouler au fond des catacombes. Toute la journée d'ailleurs, les incendies de la veille avaient continué, le palais du conseil d'état et les tuileries brûlaient, le ministère des finances fumait à gros tourbillons. Dix fois, il avait fallu fermer la fenêtre, sous la menace d'une nuée de papillons noirs, des vols incessants de papiers brûlés, que la violence du feu emportait au ciel, d'où ils retombaient en pluie fine ; et Paris entier en fut couvert, et l'on en ramassa jusqu'en Normandie, à vingt lieues. Puis, maintenant, ce n'étaient pas seulement les quartiers de l'ouest et du sud qui flambaient, les maisons de la rue royale, celles du carrefour de la croix-rouge et de la rue notre-dame-des-champs. Tout l'est de la ville semblait en flammes, l'immense brasier de l'hôtel de ville barrait l'horizon d'un bûcher géant. Et il y avait encore là, allumés comme des torches, le théâtre-lyrique, la mairie du ive arrondissement, plus de trente maisons des rues voisines ; sans compter le théâtre de la porte-saint-Martin, au nord, qui rougeoyait à l'écart, ainsi qu'une meule, au fond des champs ténébreux. Des vengeances particulières s'exerçaient, peut-être aussi des calculs criminels s'acharnaient-ils à détruire certains dossiers. Il n'était même plus question de se défendre, d'arrêter par le feu les troupes victorieuses. Seule, la démence soufflait, le palais de justice, l'hôtel-Dieu, notre-dame venaient d'être sauvés, au petit bonheur du hasard. Détruire pour détruire, ensevelir la vieille humanité pourrie sous les cendres d'un monde, dans l'espoir qu'une société nouvelle repousserait heureuse et candide, en plein paradis terrestre des primitives légendes !

-ah ! La guerre, l'exécrable guerre ! dit à demi-voix Henriette, en face de cette cité de ruines, de souffrance et d'agonie. N'était-ce pas, en effet, l'acte dernier et fatal, la folie du sang qui avait germé sur les champs de défaite de Sedan et de Metz, l'épidémie de destruction née du siège de Paris, la crise suprême d'une nation en danger de mort, au milieu des tueries et des écroulements ? Mais Maurice, sans quitter des yeux les quartiers qui brûlaient, là-bas, bégaya lentement, avec peine :

-non, non, ne maudis pas la guerre... elle est bonne, elle fait son oeuvre... Jean l'interrompit d'un cri de haine et de remords.

-sacré bon dieu ! Quand je te vois là, et quand c'est par ma faute... ne la défends plus, c'est une sale chose que la guerre !

Le blessé eut un geste vague.

-oh ! Moi, qu'est-ce que ça fait ? Il y en a bien d'autres ! ... c'est peut-être nécessaire, cette saignée. La guerre, c'est la vie qui ne peut pas être sans la mort.

Et les yeux de Maurice se fermèrent, dans la fatigue de l'effort que lui avaient coûté ces quelques mots. D'un signe, Henriette avait prié Jean de ne pas discuter. Toute une protestation la soulevait elle-même, sa colère contre la souffrance humaine, malgré son calme de femme frêle et si brave, avec ses regards limpides où revivait l'âme héroïque du grand-père, le héros des légendes napoléoniennes.

medium_barricade1.jpgDeux jours se passèrent, le jeudi et le vendredi, au milieu des mêmes incendies et des mêmes massacres. Le fracas du canon ne cessait pas ; les batteries de Montmartre, dont l'armée de Versailles s'était emparée, canonnaient sans relâche celles que les fédérés avaient installées à Belleville et au père-Lachaise ; et ces dernières tiraient au hasard sur Paris : des obus étaient tombés rue Richelieu et à la place Vendôme. Le 25 au soir, toute la rive gauche était entre les mains des troupes. Mais, sur la rive droite, les barricades de la place du château-d'eau et de la place de la Bastille tenaient toujours. Il y avait là deux véritables forteresses que défendait un feu terrible, incessant. Au crépuscule, dans la débandade des derniers membres de la commune, Delescluze avait pris sa canne, et il était venu, d'un pas de promenade, tranquillement, jusqu'à la barricade qui fermait le boulevard Voltaire, pour y tomber foudroyé, en héros. Le lendemain, le 26, dès l'aube, le château-d'eau et la Bastille furent emportés, les communards n'occupèrent plus que la Villette, Belleville et Charonne, de moins en moins nombreux, réduits à la poignée de braves qui voulaient mourir. Et, pendant deux jours, ils devaient résister encore et se battre, furieusement.

medium_arrestation_louisemichel.jpgLe vendredi soir, comme Jean s'échappait de la place du carrousel, pour retourner rue des orties, il assista, au bas de la rue Richelieu, à une exécution sommaire, dont il resta bouleversé. Depuis l'avant-veille, deux cours martiales fonctionnaient, la première au Luxembourg, la seconde au théâtre du Châtelet. Les condamnés de l'une étaient passés par les armes dans le jardin, tandis que l'on traînait ceux de l'autre jusqu'à la caserne Lobau, où des pelotons en permanence les fusillaient, dans la cour intérieure, presque à bout portant. Ce fut là surtout que la boucherie devint effroyable: des hommes, des enfants, condamnés sur un indice, les mains noires de poudre, les pieds simplement chaussés de souliers d'ordonnance ; des innocents dénoncés à faux, victimes de vengeances particulières, hurlant des explications, sans pouvoir se faire écouter ; des troupeaux jetés pêle-mêle sous les canons des fusils, tant de misérables à la fois, qu'il n'y avait pas des balles pour tous, et qu'il fallait achever les blessés à coups de crosse. Le sang ruisselait, des tombereaux emportaient les cadavres, du matin au soir. Et, par la ville conquise, au hasard des brusques affolements de rage vengeresse, d'autres exécutions se faisaient, devant les barricades, contre les murs des rues désertes, sur les marches des monuments. C'était ainsi que Jean venait de voir des habitants du quartier amenant une femme et deux hommes au poste qui gardait le théâtre-français. Les bourgeois se montraient plus féroces que les soldats, les journaux qui avaient reparu poussaient à l'extermination. Toute une foule violente s'acharnait contre la femme surtout, une de ces pétroleuses dont la peur hantait les imaginations hallucinées, qu'on accusait de rôder le soir, de se glisser le long des habitations riches, pour lancer des bidons de pétrole enflammé dans les caves. On venait, criait-on, de surprendre celle-là, accroupie devant un soupirail de la rue sainte-Anne. Et, malgré ses protestations et ses sanglots, on la jeta, avec les deux hommes, au fond d'une tranchée de barricade qu'on n'avait pas comblée encore, on les fusilla dans ce trou de terre noire, comme des loups pris au piège. Des promeneurs regardaient, une dame s'était arrêtée avec son mari, tandis qu'un mitron, qui portait une tourte dans le voisinage, sifflait un air de chasse"

Émile Zola, La Débâcle, chapitre 7.

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