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jeudi, 13 juillet 2006

ah mais !!!

Ce soir,

Si j'écrivais un poème

pour la postérité ?

fichtre la belle idée

 

je me sens sûr de moi

j'y vas et à la postérité

j'y dis merde et remerde

et reremerde

drôlement feintée

la postérité

qui attendait son poème

 

ah mais

 

Raymond Queneau

mardi, 23 mai 2006

Botticelli et Savonarole

medium_martyre_de_savonarole.jpg

L’Olympe printanier né de ses doux pinceaux,

Les nymphes de Diane et l’Anadyomène,

Il les sacrifia dans la sainte semaine,

Et le bûcher public en mêla les morceaux.

 

 

Le Prophète prêchant l’esprit des temps nouveaux

Troublait ce coeur d’artiste et de catéchumène,

L’exaltait de folie austère et surhumaine

Et le purifiait par des rêves plus beaux.

 

 

Tu fus heureux, Sandro ! Dieu t’accorda la grâce

De rencontrer un Saint et de suivre sa trace ;

Par lui tu t’enivras des pleurs du repentir ;

 

 

Et tu restas fidèle à la grande parole,

Alors que ta Florence, oublieuse et frivole,

Laissait jeter au vent les cendres du martyr.

 

 

Pierre de NOLHAC.

 

 

Le 23 mai 1498, Jérôme Savonarole est pendu et brûlé à Florence, sur la place de la Seigneurie. Le macabre bûcher amorce le déclin de la prestigieuse cité toscane.

 

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lundi, 22 mai 2006

UNE TAPE

La petite main sort une grosse tape.

- Grand-père, grondez-la! Quoi! c'est vous qu'elle frappe!

Vous semblez avec plus d'amour la regarder!

Grondez donc! — L'aïeul dit: —Je ne puis plus gronder!

Que voulez-vous ? Je n'ai gardé que le sourire.

Quand on a vu Judas trahir, Néron proscrire,

Satan vaincre, et régner les fourbes ténébreux,

Et quand on a vidé son coeur profond sur eux;

Quand on a dépensé la sinistre colère;

Quand, devant les forfaits que l'église tolère,

Que la chaire salue et que le prêtre admet,

On a rugi, debout sur quelque âpre sommet;

Quand sur l'invasion monstrueuse du parthe,

Quand sur les noirs serments vomis par Bonaparte,

Quand sur l'assassinat des lois et des vertus,

Sur Paris sans Barbès, sur Rome sans Brutus,

Sur le tyran qui flotte et sur l'état qui sombre,

Triste, on a fait planer l'immense strophe sombre;

Quand on a remué le plafond du cachot;

Lorsqu'on a fait sortir tout le bruit de là-haut,

Les imprécations, les éclairs, les huées

De la caverne affreuse et sainte des nuées;

Lorsqu'on a, dans des jours semblables à des nuits,

Roulé toutes les voix du gouffre, les ennuis

Et les cris, et les pleurs pour la France trahie,

Et l'ombre, et Juvénal, augmenté d'Isaïe,

Et des écroulements d'iambes furieux

Ainsi que des rochers de haine dans les cieux;

Quand on a châtié jusqu'aux morts dans leurs tombes;

Lorsqu'on a puni l'aigle à cause des colombes,

Et souffleté Nemrod, César, Napoléon,

Qu'on a questionné même le Panthéon,

Et fait trembler parfois cette haute bâtisse;

Quand on a fait sur terre et sous terre justice,

Et qu'on a nettoyé de miasmes l'horizon,

Dame! on rentre un peu las, c'est vrai, dans sa maison;

On ne se fâche pas des mouches familières;

Les légers coups de bec qui sortent des volières,

Le doux rire moqueur des nids mélodieux,

Tous ces petits démons et tous ces petits dieux

Qu'on appelle marmots et bambins, vous enchantent;

Même quand on les sent vous mordre, on croit qu'ils chantent.

Le pardon, quel repos! Soyez Dante et Caton

Pour les puissants, mais non pour les petits. Va-t-on

Faire la grosse voix contre ce frais murmure ?

Va-t-on pour les moineaux endosser son armure ?

Bah ! contre de l'aurore est-ce qu'on se défend ?

Le tonnerre chez lui doit être bon enfant.

 

Victor HUGO

L'art d'être grand père

19 juin 1875

 

 

Le 22 mai 1885, Victor Hugo (83 ans) meurt à son domicile parisien, en l'avenue qui porte son nom. La Nation lui fait de grandioses funérailles le 1er juin.

 

mercredi, 10 mai 2006

Afrique mon Afrique

medium_esclavage2.jpg
A ma mère,

 

Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales,

Afrique que chante ma grand-mère au bord de son fleuve lointain,

Je ne t'ai jamais connu,

Mais mon regard est plein de ton sang

Ton beau sang noir a travers les champs répandus...

 

Le sang de ta sueur.

la Sueur de ton travail,

Le travail de l'esclavage,

L'esclavage de tes enfants...

 

Afrique, dis-moi Afrique,

Est-ce donc toi ce dos qui se couche et se courbe sous le poids de l'humidité?

Ce dos tremblant à zébrures rouges qui dit oui au fouet sur les routes de midi

Alors gravement une voix me répondit:

Fils impétueux,

Cet arbre robuste et jeune,

Cet arbre là-bas,

Splendidement seul au milieu des fleurs blanches et fanées

 

C'est l'Afrique, ton Afrique, qui repousse patiemment, obstinément

Et dont les fleurs ont peu a peu l'amère saveur de la liberté

 

David Diop (1927-1961)

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samedi, 15 avril 2006

Chant sur le berceau


Je veille. Ne crains rien. J'attends que tu t'endormes.

Les anges sur ton front viendront poser leurs bouches.

Je ne veux pas sur toi d'un rêve ayant des formes

Farouches ;

 

Je veux qu'en te voyant là, ta main dans la mienne,

Le vent change son bruit d'orage en bruit de lyre.

Et que sur ton sommeil la sinistre nuit vienne

Sourire.

 

Le poète est penché sur les berceaux qui tremblent ;

Il leur parle, il leur dit tout bas de tendres choses,

Il est leur amoureux, et ses chansons ressemblent

Aux roses.

 

Il est plus pur qu'avril embaumant la pelouse

Et que mai dont l'oiseau vient piller la corbeille ;

Sa voix est un frisson d'âme, à rendre jalouse

L'abeille ;

 

Il adore ces nids de soie et de dentelles ;

Son coeur a des gaîtés dans la fraîche demeure

Qui font rire aux éclats avec des douceurs telles

Qu'on pleure ;

 

Il est le bon semeur des fraîches allégresses ;

Il rit. Mais si les rois et leurs valets sans nombre

Viennent, s'il voit briller des prunelles tigresses

Dans l'ombre,

 

S'il voit du Vatican, de Berlin ou de Vienne

Sortir un guet-apens, une horde, une bible,

Il se dresse, il n'en faut pas plus pour qu'il devienne

Terrible.

 

S'il voit ce basilic, Rome, ou cette araignée,

Ignace, ou ce vautour, Bismarck, faire leur crime,

Il gronde, il sent monter dans sa strophe indignée

L'abîme.

 

C'est dit. Plus de chansons. L'avenir qu'il réclame,

Les peuples et leur droit, les rois et leur bravade,

Sont comme un tourbillon de tempête où cette âme

S'évade.

 

Il accourt. Reviens, France, à ta fierté première !

Délivrance ! Et l'on voit cet homme qui se lève

Ayant Dieu dans le coeur et dans l'oeil la lumière

Du glaive.

 

Et sa pensée, errante alors comme les proues

Dans l'onde et les drapeaux dans les noires mêlées,

Est un immense char d'aurore avec des roues

Ailées.

 

Victor Hugo

L'art d'être grand-père

vendredi, 07 avril 2006

Germaine Tourangelle

 
podcast

Cette gerbe est pour vous Manon des jours heureux,

Pour vous cette autre, eh ! oui, Jeanne des soirs troublants.

 

Plus souple vers l'azur et déchiré des Sylphes,

Voilà tout un bouquet de roses pour Thérèse.

 

Où donc est-il son fin petit nez qui renifle ?

Au paradis ? eh ! non, cendre au Père-Lachaise.

 

Plus haut, cet arbre d'eau qui rechute pleureur,

En saule d'Orphélie, est pour vous, Amélie.

 

Et pour vous ma douceur, ma douleur, ma folie !

Germaine Tourangelle, ô vous la plus jolie.

 

Le fluide arc-en-ciel s'égrenant sur mon coeur.

 

Paul FORT

(Ballades françaises - 1913) 

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mercredi, 22 mars 2006

Le Printemps

medium_lilas2.jpg

Te voilà, rire du Printemps !

Les thyrses des lilas fleurissent.

Les amantes qui te chérissent

Délivrent leurs cheveux flottants.

 

Sous les rayons d'or éclatants

Les anciens lierres se flétrissent.

Te voilà, rire du Printemps !

Les thyrses de lilas fleurissent.

 

Couchons-nous au bord des étangs,

Que nos maux amers se guérissent !

Mille espoirs fabuleux nourrissent

Nos coeurs gonflés et palpitants.

Te voilà, rire du Printemps !

 

Théodore de Banville (1823 - 1891)

00:27 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |

mardi, 21 mars 2006

21 mars contre le racisme !!!

 

medium_racisme2.2.jpg

Le petit lapin noir

 

II est tout malheureux, le petit lapin noir

Que sa blanche maman, ce soir, a rejeté

De la communauté.

Pas de lapin noir

Chez les lapins blancs,

C’est clair, mon enfant ?

Bonsoir !

Et on lui claque au nez la porte.

 

Il est jeune, il fait froid, qu’importe.

Rien ne sert ici d’insister,

II faut patte blanche montrer.

Alors, le petit lapin noir,

Dans un extrême désespoir,

Mais n’ayant pas de carabine,

Va se noyer dans la farine.

La neige, en rafale, soudain,

Hélas, lui bloque le chemin

Du moulin.

Quel destin,

Dieu, quel destin, petit lapin !

Lors, toute la nuit, il attend,

Et le lendemain, au matin,

Quand sa maman le voit dans son beau manteau blanc

Et qu’il n’est plus question de le laisser dehors,

Le petit lapin noir, vraiment, est bien content,

Bien que mort.

 

MICHEL DEVILLE

(Poèmes zimpromptus)

 

 

Né en 1931 à Boulogne-sur-Mer, Michel Deville est connu avant tout en tant que cinéaste, pour les comédies qu’il a réalisées au cinéma comme Adorable menteuse, avec Marina Vîady (1963). Mais il a aussi publié des recueils de poèmes : Poèmes zinopinés (1972), Poèmes zinadvertants (1982) et Poèmes zimpromptus (1985).

 

 

Et un texte de mon camarade Roland Nadaus.

 

Peaux

 

Dans la tribu des Hommes, couleurs de peaux n'ont

sens : Tous nous venons de si loin - par-delà les glaciers

sans doute, les déserts.

 

Sang des Hommes, brûlante coulée sur les glaces -

Nil d'amour dans les déserts ! -

 

Une seule tribu. ( J'ai dit. )

 

roland Nadaus

 

Maire de Guyancourt (près de Versailles) pendant plus de 20 ans, il a consacré une part importante de son action municipale à soutenir la poésie et les poètes : de nombreuses rues et de nombreux bâtiments publics y portent des noms de poètes et c'est à Guyancourt Saint-Quentin-en-Yvelines que fonctionne depuis 2002 une Maison de la Poésie, avec au programme :

  • L'organisation d'un festival de poésie en mars à l'occasion du Printemps des Poètes (les années impaires).
  • L'organisation d'un Salon de la Poésie et du Livre d'artistes en mars/avril (les années paires).

En projet : une maison d'édition et une résidence de poètes.

 

samedi, 11 mars 2006

Mi-route

medium_pensee.jpg

Il y a un moment précis dans le temps
Où l'homme atteint le milieu exact de sa vie,
Un fragment de seconde,
Une fugitive parcelle de temps plus rapide qu'un regard,
Plus rapide que le sommet des pâmoisons amoureuses,
Plus rapide que la lumière.
Et l'homme est sensible à ce moment.

De longues avenues entre des frondaisons
S'allonge vers la tour où sommeille une dame
Dont la beauté résiste aux baisers, aux saisons,
Comme une étoile au vent, comme un rocher aux lames.

Un bateau frémissant s'enfonce et gueule.
Au sommet d'un arbre claque un drapeau.
Une femme bien peignée, mais dont les bas tombent sur les souliers
Apparaît au coin d'une rue,
Exaltée, frémissante,
Protegeant de sa main une lampe surannée qui fume.

Et encore un débardeur ivre chante au coin d'un pont,
Et encore une amante mord les lèvres de son amant,
Et encore un pétale de rose tombe sur un lit vide,
Et encore trois pendules sonnent la même heure
A quelques minutes d'intervalle,
Et encore un homme qui passe dans une rue se retourne
Parce-que l'on a crié son prénom,
Mais ce n'est pas lui que cette femme appelle,
Et encore un ministre en grande tenue,
Désagréablement gêné par le pan de sa chemise coincé entre son pantalon et son caleçon,
Inaugure un orphelinat,
Et encore d'un camion lancé à toute vitesse
Dans les rues vides de la nuit
Tombe une tomate merveilleuse qui roule dans le ruisseau
Et qui sera balayée plus tard,
Et encore un incendie s'allume au sixième étage d'une maison
Qui flambe au coeur de la ville silencieuse et indifférente,
Et encore un homme entend une chanson
Oubliée depuis longtemps, et l'oubliera de nouveau,
Et encore maintes choses,
Maintes autres choses que l'homme voit à l'instant précis du milieu de sa vie,
Maintes autres choses se déroulent longuement dans le plus court des courts instants de la terre.
Il pressent le mystère de cette seconde, de ce fragment de seconde,
Mais il dit "Chassons ces idées noires",
Et il chasse ces idées noires.
Et que pourrait-il dire,
Et que pourrait-il faire
De mieux.

Robert Desnos, Mi-route, Fortunes [1942]

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samedi, 04 mars 2006

POUR FAIRE LE PORTRAIT D'UN OISEAU

 

medium_braque4.jpg

Peindre d'abord une cage

avec une porte ouverte

peindre ensuite

quelque chose de joli

quelque chose de simple

quelque chose de beau

quelque chose d'utile

pour l'oiseau

placer ensuite la toile contre un arbre

dans un jardin

dans un bois

ou dans une forêt

se cacher derrière l'arbre

sans rien dire

sans bouger...

Parfois l'oiseau arrive vite

mais il peut aussi bien mettre de longues années

avant de se décider

Ne pas se décourager

attendre

attendre s'il le faut pendant des années

la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau

n'ayant aucun rapport

avec la réussite du tableau

Quand l'oiseau arrive

s'il arrive

observer le plus profond silence

attendre que l'oiseau entre dans la cage

et quand il est entré

fermer doucement la porte avec le pinceau

puis

effacer un à un tous les barreaux

en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau

Faire ensuite le portrait de l'arbre

en choisissant la plus belle de ses branches

pour l'oiseau

peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent

la poussière du soleil

et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été

et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter

Si l'oiseau ne chante pas

c'est mauvais signe

signe que le tableau est mauvais

mais s'il chante c'est bon signe

signe que vous pouvez signer

Alors vous arrachez tout doucement

une des plumes de l'oiseau

et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.

 

Jacques PREVERT

Paroles

 

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