Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 20 octobre 2007

Que ferons nous de ce mary jaloux?

70b243cf7e9c7de9e7fbea988c3b5eea.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je pry a Dieu qu'on le puist escorchier.

Tant se prent il de près garde de nous

Que ne pouons l'un de l'autre approchier

A male hart on le puist atachier,

L'ort, vil, villain, de goute contrefait,

Qui tant de maulz et tant d'anuis nous fait!

 

Estranglé puist estre son corps des loups,

Qu'aussi ne sert il, mais que d'empeschier!

A quoy est bon ce vieillart plein de toux,

Fors a tencier, rechigner et crachier?

Dyable le puist amer ne tenir chier,

Je le hé trop, l'arné, vieil et deffait,

Qui tant de maulz et tant d'anuis nous fait!

 

Hé! qu'il dessert bien qu'on le face coux

Le baboïn qui ne fait que cerchier

Par sa maison! hé quel avoir! secoux

Un pou sa pel pour faire aler couchier,

Ou les degrez lui faire, sanz marchier,

Tost avaler au villain plein d'agait,

Qui tant de maulz et tant d'anuis nous fait

 

Christine De Pisan

Balade LXXVIII

 

 

Et en Français d'aujourd'hui ...

 

Que ferons-nous de ce mari jaloux?

Je prie Dieu qu'on le puisse écorcher.

Il nous surveille de si près

que nous ne pouvons nous approcher l'un de l'autre.

Puisse-t-on le pendre à une mauvaise corde,

 l'infâme, l'affreux, le vilain, contrefait par la goutte,

qui tant de maux et tant d'ennuis nous fait !

 

Qu'il puisse être étranglé par les loups,

vu qu'il ne sert à rien, sauf à être un obstacle!

À quoi est bon ce vieillard plein de toux,

sinon à quereller, grogner et cracher?

Le diable l'aime et le chérisse,

je le hais trop, ce cocu, vieux et laid,

qui tant de maux et tant d'ennuis nous fait!

 

Hé ! qu'il mérite bien qu'on le fasse cocu,

le babouin qui passe son temps à espionner

dans sa maison ! Ah ! quelle affaire ! Secoue

un peu ses os pour le faire aller coucher,

ou lui faire descendre, sans marcher,

à toute allure l'escalier, à ce vilain plein de ruse,

qui tant de maux et tant d'ennuis nous fait !

 

 

00:10 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

vendredi, 19 octobre 2007

Lendemain de grève

68eab2b12cc5fd8eea7851aded3edf15.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE TRAIN

 

Une locomotive suivie de vingt wagons.

Quelques gouttes de pluie claquent comme des balles.

Une femme en bleu qu'étreint un homme en noir.

Des enfants que l'on gifle. Des valises qui s'ouvrent.

Des femmes qui s'insultent.

Des hommes qui s'énervent.

Des paquets qui culbutent et cognent les genoux.

Un vieillard qui prend peur, un infirme qu'on porte.

Un agent qui surprend un voleur qui s'enfuit.

Une aiguille qui saute sur un cadran radieux.

Un cheminot qui vient lorsqu'un postier s'en va.

Deux jeunes qui s'envoient des baisers de la main.

Quelques gouttes de pluie.

Un haut parleur qui parle.

Un homme. Une femme.

Un coup de sifflet qui déchire quelqu'un.

Un signal qui s'allume lorsqu'un autre s'éteint.

Un lourd rugissement.

Un homme qui serre les poings.

La gorge qui fait mal.

Deux mains qui se tendent.

Deux larmes qui coulent et un train qui s'en va...

 

Marcel Guy

Paroles à musique

Ed. Jupilles (1982)

02:30 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |

mercredi, 17 octobre 2007

L'éternelle chanson

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,

Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,

Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,

Et je te sourirai tout en branlant la tête,

Et nous ferons un couple adorable de vieux.

Nous nous regarderons, assis sous notre treille,

Avec de petits yeux attendris et brillants,

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

 

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,

Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer,

Nous aurons une joie attendrie et très douce,

La phrase finissant toujours par un baiser.

Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?

Alors avec grand soin nous le recompterons.

Nous nous ressouviendrons de mille choses, même

De petits riens exquis dont nous radoterons.

Un rayon descendra, d'une caresse douce,

Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,

Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,

Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.

 

Et comme chaque jour je t'aime davantage,

Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,

Qu'importeront alors les rides du visage ?

Mon amour se fera plus grave - et serein.

Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,

Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.

Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent

Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.

C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,

Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main

Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,

Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.

 

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,

Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur,

Retenir s'il se peut l'impression trop brève

Pour la re-savourer plus tard avec lenteur.

J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,

Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;

Je serai riche alors d'une richesse rare

J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !

Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève,

Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve

J'aurai tout conservé dans le fond de mon cœur.

 

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,

Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,

Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,

Et je te sourirai tout en branlant la tête

Et tu me parleras d'amour en chevrotant.

Nous nous regarderons, assis sous notre treille,

Avec de petits yeux attendris et brillants,

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs

 

Rosemonde GÉRARD (1871-1933)

02:51 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |

mercredi, 11 juillet 2007

Hommes sous linceul de silence

Camarade,

es-tu vacciné contre toutes maladies toutes?

es-tu tamponné pour l'emballage et l'amour

pour donner

ton sang ta voix tes muscles ton corps

pour la prospérité de leur industrie

pour le bien-être de tous notre humanité

pour rapporter des devises et venir raconter aux autres que là-bas... Ah! là-bas... ce n'est pas comme ici là-bas à Gennevilliers Aubervilliers ou Argenteuil cabanes plombées par treize par sept entassés dans votre fraternité votre solitude votre silence entre le feue et l'usine

avec vos sexes en berne

avec votre désir à jamais refoulé

même pas pour ramasser une infection vénérienne courante

Non, pas de putains pour les Nor'af

 

Assassine en toi l'Arabe

Tu es porteur de germes de barbarie

ressuscite en un autre corps en une autre peau

 

on te veut

comme nos caisses d'oranges

comme nos caisses de conserves

on te veut

sans visage sans regard sans nom sans famille

sans enfants

sans désir sans désir on te veut

brute et force

absolu comme un chiffre

en unité de bulldozer

en bras métalliques

mains calleuses

en acier en fer       marchandise courante

et surtout

refusé au souvenir

camarade.

 

Il est une place

presqu'île dans le silence

où des hommes viennent accrocher le soleil

dans l'indifférence des remparts

et le refus des autres

 

une ombre sort un œil

et le pose sur la natte

 

corps à vendre

pièce maîtresse d'un arsenal dur

et des mains dans les fers

j'ai un front pour casser vos pierres

de l'acier pas de la chair

 

Sur ma vie j'ai prélevé des jours

pour miner votre sommeil

pour pâlir vos rêves

pour polluer l'air

et assurer votre mort

violente

 

Je puise encore dans la réserve des mots-torpilles

des serpents à sonnette

des nids de violence

pour vous préparer un lit dans l'étang cancéreux

attendez pour savoir

vos larmes n'auront pas le temps de conjurer le ciel.

 

 

 

à l'apparition de la lune les hommes ramassent leur corps

et s'en vont le rectifier à la mer.

 

Tahar Ben Jelloun

Hommes sous linceul de silence

Publié en 1970 aux éditions Atalantes

00:33 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

dimanche, 24 juin 2007

Éloge et pouvoir de l'absence

Je ne prétends point être là, ni survenir à l'improviste, ni paraître en habits et chair, ni gouverner par le poids visible de ma personne,

Ni répondre aux censeurs, de ma voix; aux rebelles, d'un œil implacable; aux ministres fautifs, d'un geste qui suspendrait les têtes à mes ongles.

Je règne par l'étonnant pouvoir de l'absence. Mes deux cent soixante-dix palais tramés entre eux de galeries opaques s'emplissent seulement de mes traces alternées.

Et des musiques jouent en l'honneur de mon ombre; des officiers saluent mon siège vide; mes femmes apprécient mieux l'honneur des nuits ou je ne daigne pas.

Égal aux Génies qu'on ne peut récuser puisqu'invisibles,- nulle arme ni poison ne saura venir ou m'atteindre.

Victor Segalen

21:03 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |

jeudi, 14 juin 2007

Commune présence


Tu es pressé d'écrire,

Comme si tu étais en retard sur la vie.

S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.

Hâte-toi.

Hâte-toi de transmettre

Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.

Effectivement tu es en retard sur la vie,

La vie inexprimable,

La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,

Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,

Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés

Au bout de combats sans merci.

Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.

Si tu rencontres la mort durant ton labeur,

Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,

En t'inclinant.

Si tu veux rire,

Offre ta soumission,

Jamais tes armes.

Tu as été créé pour des moments peu communs.

Modifie-toi, disparais sans regret

Au gré de la rigueur suave.

Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit

Sans interruption,

Sans égarement.

 

Essaime la poussière

Nul ne décèlera votre union.

 

René Char

Le Marteau sans maître, 1934

 

 

 

René Char est né il y a cent ans, le 14 juin 1907

 

02:50 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |

vendredi, 08 juin 2007

The night of loveless nights

f6d24ecba3546b8e53b98f39b88e1450.jpg[...] 

Il y a les mains terribles

Main noircie d'encre de l'écolier triste

Main rouge sur le mur de la chambre du crime

Main pâle de la morte

Mains qui tiennent un couteau ou un revolver

Mains ouvertes

Mains fermées

Mains abjectes qui tiennent un porte-plume

O ma main toi aussi toi aussi

Ma main avec tes lignes et pourtant c'est ainsi

Pourquoi maculer tes lignes mystérieuses

Pourquoi? plutôt les menottes plutôt te mutiler plutôt, plutôt

Écris, écris car c'est une lettre que tu écris a elle et ce moyen impur est un moyen de la toucher

79802b4306dd09812a5533e3efc97578.jpgMains qui se tendent mains qui s'offrent

Y a-t-il une main sincère parmi elles

Ah je n'ose plus serrer les mains

Mains menteuses mains lâches mains que je hais

Mains qui avouent et qui tremblent quand je regarde les yeux

Y a-t-il encore une main que je puisse serrer avec confiance

Mains sur la bouche de l'amour

Mains sur le cœur sans amour

Mains au feu de l'amour

Mains à couper du faux amour

Mains basses sur l'amour

Mains mortes à l'amour

Mains forcées pour l'amour

d1efb7d5677033d982a083fcbd36cfef.jpgMains levées sur l'amour

Mains tenues sur l'amour

Mains hautes sur l'amour

Mains tendues vers l'amour

Mains d'oeuvre d'amour

Mains heureuses d'amour

Mains à la pâte hors l'amour horribles mains

Mains liées par l'amour éternellement

Mains lavées par l'amour par des flots implacables

Mains à la main c'est l'amour qui rôde

Mains pleines c'est encore l'amour

Mains armées c'est le véritable amour

Mains de maître mains de l'amour

Main chaude d'amour

Main offerte à l'amour

Main de justice main d'amour

Main forte à l'amour !

Mains Mains toutes les mains

Un homme se noie une main sort des flots

Un homme s'en va une main s'agite

Une main se crispe un coeur souffre

e0eeb94dd67132f968718e81ceb4ef2d.jpgUne main se ferme ô divine colère

Une main encore une main

Une main sur mon épaule

Qui est-ce ?

Est-ce toi enfin ?

Il fait trop sombre ! quelles ténèbres !

Je ne sais plus à qui sont les mains

Ce qu'elles veulent

Ce qu'elles disent

Les mains sont trompeuses

Je me souviens encore de mains blanches dans l'obscurité étendues sur une table dans l'attente

Je me souviens de mains dont l'étreinte m'était chère

Et je ne sais plus

4fd89cc9cac3941822f6de2ebe5a507f.jpgIl y a trop de traîtres trop de menteurs

Ah même ma main qui écrit

Un couteau ! une arme ! un outil !

Tout sauf écrire !

Du sang du sang!

 

Patience! ce jour se lèvera. [...]

 

Robert Desnos

 

Robert Desnos est mort le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt en Tchécoslovaquie

 

 

un autre poème de Robert Desnos à l'annexe

jeudi, 31 mai 2007

Etranges étrangers

reprise de la note du 28 février 2006

 

 

medium_les_4000.jpg

 

Étranges étrangers

Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel

hommes des pays loin

cobayes des colonies

doux petits musiciens

soleils adolescents de la porte d'Italie

boumians de la porte de Saint-Ouen

Apatrides d'Aubervilliers

brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris

ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied

au beau milieu des rues

Tunisiens de Grenelle

embauchés débauchés

manoeuvres désoeuvrés

Polacks du Marais du Temple des Rosiers

cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone

pêcheurs des Baléares ou du cap Finisterre

rescapés de Franco

et déportés de France et de Navarre

pour avoir défendu en souvenir de la vôtre

la liberté des autres

Esclaves noirs de Fréjus

tiraillés et parqués

au bord d'une petite mer

où peu vous vous baignez

Esclaves noirs de Fréjus

qui évoquez chaque soir

dans les locaux disciplinaire

avec une vieille boite à cigares

et quelques bouts de fil de fer

tous les échos de vos villages

tous les oiseaux de vos forêts

et ne venez dans la capitale

que pour fêter au pas cadencé

la prise de la Bastille le quatorze juillet

Enfants du Sénégal

dépatriés expatriés et naturalisés

Enfants indochinois

jongleurs aux innocents couteaux

qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés

de jolis dragons d'or faits de papiers plié

Enfants trop tôt grandis et si vite en allés

qui dormez aujourd'hui de retour au pays

le visage dans la terre

et des bombes incendiaires labourant vos rizières

On vous a renvoyé

la monnaie de vos papiers dorés

on vous a retourné

vos petits couteaux dans le dos

Étranger étrangers

Vous êtes de la ville

vous êtes de sa vie

même si mal en vivez

même si vous en mourez.

 

Jacques PREVERT

(La pluie ou le beau temps)

mercredi, 16 mai 2007

Ah que j'aime Victor Hugo !!!

medium_nicolas-sarkozy-et-laurence-parisot-le-14-mai-2007.jpg5 - CETTE NUIT-LÀ

 

Trois amis l'entouraient. C'était à l'Elysée,

On voyait du dehors luire cette croisée.

Regardant venir l'heure et l'aiguille marcher,

Il était là, pensif ; et, rêvant d'attacher

Le nom de Bonaparte aux exploits de Cartouche,

Il sentait approcher son guet-apens farouche.

D'un pied distrait dans l'âtre il poussait le tison,

Et voici ce que dit l'homme de trahison :

- « Cette nuit vont surgir mes projets invisibles.

Les Saint-Barthélemy sont encore possibles.

Paris dort comme aux temps de Charles de Valois ;

Vous allez dans un sac mettre toutes les lois,

Et par-dessus le pont les jeter dans la Seine. »

Ô ruffians ! bâtards de la fortune obscène,

Nés du honteux coït de l'intrigue et du sort !

Rien qu'en songeant à vous, mon vers indigné sort

Et mon cœur orageux dans ma poitrine gronde

Comme le chêne au vent dans la forêt profonde !

 

medium_vincent-bollore.jpgComme ils sortaient tous trois de la maison Bancal,

Morny, Maupas le Grec, Saint-Arnaud le chacal,

Voyant passer ce groupe oblique et taciturne,

Les clochers de Paris, sonnant l'heure nocturne,

S'efforçaient vainement d'imiter le tocsin ;

Les pavés de Juillet criaient à l'assassin !

Tous les spectres sanglants des antiques carnages,

Réveillés, se montraient du doigt ces personnages ;

La Marseillaise, archange aux chants aériens,

Murmurait dans les cieux : Aux armes, citoyens !

Paris dormait. hélas ! et bientôt, sur les places,

Sur les quais, les soldats, dociles populaces,

Janissaires conduits par Reybell et Sauboul,

Payés comme à Byzance, ivres comme à Stamboul,

Ceux de Dulac, et ceux de Korte et d'Espinasse,

La cartouchière au flanc et dans l'œil la menace,

Vinrent, le régiment après le régiment,

Et le long des maisons ils passaient lentement,

À pas sourds, comme on voit les tigres dans les jongles

Qui rampent sur le ventre en allongeant leurs ongles ;

Et la nuit était morne, et Paris sommeillait

Comme un aigle endormi pris sous un noir filet.

 

medium_alain-juppe-et-michele-alliot-mari.jpgLes chefs attendaient l'aube en fumant leurs cigares.

 

Ô Cosaques ! voleurs ! chauffeurs ! routiers ! Bulgares !

Ô généraux brigands ! bagne, je te les rends !

Les juges d'autrefois pour des crimes moins grands

Ont brûlé la Voisin et roué vif Desrues !

 

Eclairant leur affiche infâme au coin des rues

Et le lâche armement de ces filous hardis,

Le jour parut. La nuit, complice des bandits,

Prit la fuite, et traînant à la hâte ses voiles,

Dans les plis de sa robe emporta les étoiles,

Et les mille soleils dans l'ombre étincelant,

Comme les sequins d'or qu'emporte en s'en allant

Une fille, aux baisers du crime habituée,

Qui se rhabille après s'être prostituée !

 

Victor Hugo

Châtiments

Livre I

mardi, 15 mai 2007

Soirs bleus

Sensation

 

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l'herbe menue,

Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

 

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :

Mais l'amour infini me montera dans l'âme,

Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la Nature, — heureux comme avec une femme.

 

Arthur Rimbaud

Mars 1870

 

medium_hopper_soir_bleu.jpg

 

Un décriptage du tableau "soir bleu" de Hopper sur :

http://laboiteaimages.hautetfort.com/archive/2006/09/13/s...

Edward Hopper est mort le 15 mai 1967