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lundi, 18 septembre 2006

Prends l'éloquence et tords-lui son cou

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«De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l'Impair

Plus vague et plus soluble dans l'air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose

.

Il faut aussi que tu n'ailles point

Choisir tes mots sans quelque méprise

Rien de plus cher que la chanson grise

Où l'Indécis au Précis se joint.

 

C'est des beaux yeux derrière des voiles

C'est le grand jour tremblant de midi,

C'est par un ciel d'automne attiédi

Le bleu fouillis des claires étoiles!

Car nous voulons la Nuance encor,

Pas la Couleur, rien que la nuance!

Oh! la nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor !

 

Fuis du plus loin la Pointe assassine,

L'Esprit cruel et le Rire impur,

Qui font pleurer les yeux de l'Azur

Et tout cet ail de basse cuisine !

 

Prends l'éloquence et tords-lui son cou !

Tu feras bien, en train d'énergie,

De rendre un peu la Rime assagie.

Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?

Ô qui dira les torts de la Rime ?

Quel enfant sourd ou quel nègre fou

Nous a forgé ce bijou d'un sou

Qui sonne creux et faux sous la lime ?

 

De la musique encore et toujours !

Que ton vers soit la chose envolée

Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée

Vers d'autres cieux à d'autres amours.

 

Que ton vers soit la bonne aventure

Eparse au vent crispé du matin

Qui va fleurant la menthe et le thym...

Et tout le reste est littérature.»

Paul Verlaine, L'Art poétique (1874)

 

12 ans plus tard, le 18 septembre 1886, Jean Moréas publiera dans Le Figaro le "Manifeste du symbolisme".

vendredi, 01 septembre 2006

c'est la rentrée ...

podcast

Le cancre

 
Je vis tout seul au fond d'la classe

Je dis je vis mais pas vraiment

J'ai pas d'cervelle, j'ai que d'la crasse

Faut s'faire tout p'tit, petitement

Et pendant que les purs, les vrais intelligents

Vous savez ceux qui sont toujours au premier rang

Pendant qu'ils vivent la vie des autres

La vie des bons auteurs, la vie des douze apôtres

Moi j'vis la mienne, et vive le naufrage

Moi j'vis la mienne, et vive le voyage

 

Un bout d'soleil tombé du ciel au creux d'ma main

Et je voyage

Un chant d'oiseau qui s'est perdu parc'que personne l'a entendu

Et je voyage

 

Bouche fermé, les bras croisés, les yeux levés écoutez bien têtes incultes

Le bon savoir, le seul savoir, le vrai savoir et vous serez de bon adultes

 

Et mon frère corbeau à l'autre bout du champs

Chante pour lui tout seul la chanson du printemps

 

Le professeur m'a dit que j'étais intelligent, mais pas comme il le faudrait,

C'est pas d'la bonne intelligence

 

Je suis ce qu'on ne doit pas faire

L'exemple à ne pas retenir

Qui rit quand il faudrait se taire

Et mon avenir, ils disent que j'ai pas d'avenir

Et pendant que les autres font des sciences naturelles

Moi je pense à Margot, Margot, qui est si belle

Qui ne sait rien du tout, ni d'Iena, ni d'Arcole

Mais qui à la peau douce et douce la parole

Qui se fout du génie

Et vive le naufrage

Et qui aime la vie

Et vive le voyage

 

Un grand loup bleu danse dans ses yeux quand je le veux

Et je voyage

Puis il me mord au creux des reins c'était hier je m'en souviens

Et je voyage

 

Bouche fermé, les bras croisés, les yeux levés écoutez bien têtes incultes

Le bon savoir, le seul savoir, le vrai savoir et vous serez de bon adultes

 

Et mon frère corbeau à l'autre bout du champs

Chante pour lui tout seul la chanson du printemps

 

Apprendre à lire et à écrire, pour moi aussi c'est important

Mais après pour lire quoi, écrire quoi, ce qui les arrange les grands

Le jour de ma naissance, je suis venu dans le tumulte

Sans doute pour m'avertir que je venais dans un monde occupé par les adultes

Ca s'rait bien l'école, si au lieu de toujours parler d'hier

On nous parlait un peu d'aujourd'hui, de demain

Mais d'quoi j'me mêle moi, j'y connais rien

Pourtant j'ai l'impression que j'apprendrais mieux

Ce qui me touche un peu, ce que j'aime bien

C'est peut-être pour demain, qu'est-ce que ça s'ra chouette

 

Maintenant il faut qu'je rentre, la cloche à sonner

Composition d'histoire, j'aurais dû réviser

Et moi j'suis là à parler, j'perd mon temps oui

Vous savez peut-être, il y a eu un coup d'Etat au Chili

On y assassine pour un non, pour un oui

Au Portugal, il y en a eu un aussi

Au petit matin, c'était la fin de la nuit

Et il paraît qu'en Espagne, on recommence à chanter dans les rues

Mais je n'suis sur de rien, j'ai seulement entendu dire

il vaut mieux que je rentre, la cloche à sonner

Ah, composition d'histoire et j'ai encore oublié

Et pourtant c'est facile, et puis c'est important

Mais.. Mais j'm'en rappelle jamais la date de la bataille de

Marignan

Mais je sais qu'c'est facile, mais j'ai encore oublié, ah merde !

Dimanche j'vais encore être collé

Mais pourtant c'est facile, et puis c'est important, la date de la bataille

De Marignan

C'est ça qu'y est important, la date de la bataille de Marignan

 

Paroles: Leny Escudero. Musique: Thierry Fervant   1974  "Le Voyage"

© Créon Music

 

 

 

jeudi, 24 août 2006

comptine

Un pou une puce

Sur un tabouret

Qui se disputent

En jouant au piquet

La puce en colère

Lui tira les cheveux

Et lui dit : Mon vieux

Tu n'es qu'un pouilleux.

 

Anonyme

mercredi, 23 août 2006

Heureusement qu’il y a de l’herbe

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Il y a des chansons qui reviennent comme revient le mois de mai

Chanson d’amour vieille rengaine ou toujours rime avec jamais

Je veux sur la même musique parler du monde d’aujourd’hui

Mi souriant mi-nostalgique conclurent déclare en ceci

 

Heureusement qu’il y a de l’herbe dans nos villes polluées

Et que la nature est superbe quand telle pousse en secret

Et ce n’est pas demain la veille qu’on viendra nous l’arracher

Un peu d’amour et de soleil suffit à la faire pousser

Un peu d’amour et de soleil suffit à la faire pousser

 

Oui je voudrais en quelque strophe livrer messages et discours

Et être un nouveau philosophe en allant chanter dans les cours

Avec mon piano à bretelle j’irai de pays en pays

Répandre la bonne nouvelle et faire un peu d’écologie

 

Heureusement qu’il y a de l’herbe dans nos villes polluées

Et que la nature est superbe quand elle pousse en secret

Et ce n’est pas demain la veille qu’on viendra nous l’arracher

Un peu d’amour et de soleil suffit à la faire pousser

Un peu d’amour et de soleil suffit à la faire pousser

 

Et si part malheur je m’essouffle à vouloir tout dire en chantant

Je me mettrai dans mes pantoufles je m’arrêterais quelque temps

Mais comme revient l’hirondelle un jour à la belle saison

Je reviendrai à tire d’aile célébrer pelouse et gazon

 

Heureusement qu’il y a de l’herbe dans nos villes polluées

Et que la nature est superbe quand elle pousse en secret

Et ce n’est pas demain la veille qu’on viendra nous l’arracher

Un peu d’amour et de soleil suffit à la faire pousser (bis)

Heureusement qu’il y a de l’herbe elle est douce et si parfumé

 

George Moustaki.

08:10 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

mardi, 25 juillet 2006

La ville détruite

 

Décidemment mon blog devient très "littéraire", mais j'avais hésité à mettre les paroles de la chanson de Gilles Servat toujours tellement d'actualité, et un commentaire de Fanchon m'a décidée ... et aussi à ajouter cette si belle sculpture de Zadkine que j'ai découvert aux Arques dans le Lot (le sculpteur, pas la sculpture qui elle, est à Rotterdam)

 

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Les corbeaux et les sansonnets

Par bandes passent dans le ciel

Dans l'air neigeux, par dessus genêts

Et s'abattent dru comme grêle

Sur les labours de ce pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Les arbres dressent branches nues

Vers les cieux gris silencieux

Tendent leurs branches nues vers les nues

Tandis que des loups orgueilleux

Hurlent partout sur le pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Sur la campagne démembrée

Que le vent transit toute entière

En place des talus arrachés

Poussent les arbres des cimetières

Plantés tous noirs sur le pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Les gens immobiles se taisent

La langue engourdie dans la bouche

Serrés autour de l'âtre où les braises

Rougeoient comme les tas de souches

Qu'on voit fumer sur le pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Les corbeaux et les sansonnets

Par bandes passent dans le ciel

Dans l'air neigeux, par dessus genêts

Et s'abattent dru comme grêle

Sur les labours de ce pays

 

Mon beau pays par l'hiver soumis

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Noire et blanche, noire et blanche

Quand reverrons-nous l'hirondelle

Blanche au ventre et noire aux ailes

 

Paroles et musique de Gilles Servat

 

 

lundi, 24 juillet 2006

Déja, la première hirondelle...

En arrivant en vacances, j'ai vu que des hirondelles ont fait leur nid sous le porche de l'église de mon petit village du Lot. La maison touche l'église et le matin, je me réveille avec leur "tsivitt" aigu …

 

 

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Déjà la première hirondelle,

Seul être aux ruines fidèle,

Revient effleurer nos créneaux,

Et des coups légers de son aile

Battre les gothiques vitraux

Où l'habitude la rappelle.

Déjà l'errante Philomèle

Modulant son brillant soupir,

Trouve sur la tige nouvelle

Une feuille pour la couvrir,

Et de sa retraite sonore

Où son chant seul peut la trahir,

Semble une voix qui vient d'éclore

Pour saluer avec l'aurore

Chaque rose qui va s'ouvrir.

L'air caresse, le ciel s'épure,

On entend la terre germer;

Sur des océans de verdure

Le vent flotte pour s'embaumer ;

La source reprend son murmure ;

Tout semble dire à la nature :

« Encore un printemps pour aimer! »

Alphonse de LAMARTINE

Epîtres et poésies diverses (1872)

17:22 Publié dans poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |

vendredi, 21 juillet 2006

Identité

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Inscris !

Je suis Arabe

Le numéro de ma carte : cinquante mille

Nombre d'enfants : huit

Et le neuvième... arrivera après l'été !

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine

Et j'ai huit bambins

Leur galette de pain

Les vêtements, leur cahier d'écolier

Je les tire des rochers...

Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte

Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Sans nom de famille - je suis mon prénom

« Patient infiniment » dans un pays où tous

Vivent sur les braises de la Colère

Mes racines...

Avant la naissance du temps elles prirent pied

Avant l'effusion de la durée

Avant le cyprès et l'olivier

...avant l'éclosion de l'herbe

Mon père... est d'une famille de laboureurs

N'a rien avec messieurs les notables

Mon grand-père était paysan - être

Sans valeur - ni ascendance.

Ma maison, une hutte de gardien

En troncs et en roseaux

Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?

Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

 

Inscris !

Je suis Arabe

Mes cheveux... couleur du charbon

Mes yeux... couleur de café

Signes particuliers :

Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré

Et ma paume est dure comme une pierre

...elle écorche celui qui la serre

La nourriture que je préfère c'est

L'huile d'olive et le thym

 

Mon adresse :

Je suis d'un village isolé...

Où les rues n'ont plus de noms

Et tous les hommes... à la carrière comme au champ

Aiment bien le communisme

Inscris !

Je suis Arabe

Et te voilà furieux !

 

Inscris

Que je suis Arabe

Que tu as raflé les vignes de mes pères

Et la terre que je cultivais

Moi et mes enfants ensemble

Tu nous as tout pris hormis

Pour la survie de mes petits-fils

Les rochers que voici

Mais votre gouvernement va les saisir aussi

...à ce que l'on dit !

 

DONC

Inscris !

En tête du premier feuillet

Que je n'ai pas de haine pour les hommes

Que je n'assaille personne mais que

Si j'ai faim

Je mange la chair de mon Usurpateur

Gare ! Gare ! Gare

À ma fureur !

 

 

Mahmoud Darwich (1964)

Traduit de l’arabe par Olivier Carré.

© Les éditions du Cerf, 1989. Ce poème a été publié avec d’autres dans un volume intitulé Chronique de la tristesse ordinaire, suivi de Poèmes Palestiniens.

 

 

 

jeudi, 20 juillet 2006

Ballade à la Lune


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C'était, dans la nuit brune,

Sur le clocher jauni,

La lune

Comme un point sur un i.

 

Lune, quel esprit sombre

Promène au bout d'un fil,

Dans l'ombre,

Ta face et ton profil ?

 

Es-tu l'œil du ciel borgne ?

Quel chérubin cafard

Nous lorgne

Sous ton masque blafard ?

 

N'es-tu rien qu'une boule,

Qu'un grand faucheux bien gras

Qui roule

Sans pattes et sans bras ?

 

Es-tu, je t'en soupçonne,

Le vieux cadran de fer

Qui sonne

L'heure aux damnés d'enfer ?

 

Sur ton front qui voyage,

Ce soir ont-ils compté

Quel âge

A leur éternité ?

 

Est-ce un ver qui te ronge

Quand ton disque noirci

S'allonge

En croissant rétréci ?

 

Qui t'avait éborgnée,

L'autre nuit ? T'étais-tu

Cognée

A quelque arbre pointu ?

 

Car tu vins, pâle et morne,

Coller sur mes carreaux

Ta corne

A travers les barreaux.

 

Va, lune moribonde,

Le beau corps de Phébé

La blonde

Dans la mer est tombé.

 

Tu n'en es que la face

Et déjà, tout ridé,

S'efface

Ton front dépossédé…

 

Lune, en notre mémoire,

De tes belles amours

L'histoire

T'embellira toujours

 

Et toujours rajeunie,

Tu seras du passant

Bénie,

Pleine lune ou croissant.

 

T'aimera le pilote,

Dans son grand bâtiment

Qui flotte

Sous le clair firmament.

 

Et la fillette preste

Qui passe le buisson,

Pied leste,

En chantant sa chanson…

 

Et qu'il vente ou qu'il neige,

Moi-même, chaque soir,

Que fais-je

Venant ici m'asseoir ?

 

Je viens voir à la brune,

Sur le clocher jauni,

La lune

Comme un point sur un i.

 

Alfred de Musset

mercredi, 19 juillet 2006

Unité

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Par-dessus l'horizon aux collines brunies,

Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,

Se penchait sur la terre à l'heure du couchant ;

Une humble marguerite, éclose au bord d'un champ,

Sur un mur gris, croulant parmi l'avoine folle,

Blanche épanouissait sa candide auréole ;

Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,

Regardait fixement, dans l'éternel azur,

Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.

«Et, moi, j'ai des rayons aussi !» lui disait-elle.

 

Victor HUGO Les contemplations

vendredi, 14 juillet 2006

Drapeau

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L’heure patriotique du tirage au sort
A fait vibrer le beffroi légal des mairies,
Les gâs aux grands yeux bons sont d’venus conscrits
Et leur troupeau dévale par les rues
Sous le geste dur des houlettes tricolores.

En les voyant ainsi passer, les filles belles
Qui s’avancent par la paix fleurie des venelles,
Se demandent en leur naïveté, pourquoi
L’on gaspille ainsi si belle soie.
Holà ! Nos galants aimés. Holà ! Disent-elles,
Baillez-nous l’étoffe jolie de vos drapeaux,
Nous en ferons des robes bleues, rouges ou blanches
Et nous les froisserons aux danses des dimanches
Contre votre cœur qui s’en montrera plus tendre.

Mais les galants passent et s’en vont sans comprendre
Le bon désir des amantes qui restent seules...
Et demain les drapeaux leurs seront des linceuls.

Gaston Couté (1880-1911)