mardi, 20 avril 2010
Satory a aussi son "mur des fédérés" ...
Il y a 10 jours, direction Satory ... avec comme but de la ballade la plaque commémorant l'exécution de communards. Une petite plaque, difficile à trouver tant elle est discrète ! Un groupe de militaires, qui habitent pourtant là depuis 20 ans nous disent-ils, n'en a jamais entendu parler ... Heureusement nous savons que ce "mur des fédérés" est proche de l'étang de la Martinière. Nous le trouverons au bout de l'avenue Guichard, juste à côté de la réserve d'eau ...
Tout le monde connaît la "semaine sanglante" de mai 1871, et les exécutions sommaires opérées à travers Paris par les soldats versaillais, les communards fusillés sur-le-champ, au pied des barricades, et la vingtaine de "cours prévôtales" qui jugent hâtivement les hommes et les femmes pris les armes à la main et les font fusiller sur place. ... Thiers télégraphiera le 29 mai aux préfets à propos des Parisiens insurgés : "Le sol est jonché de leurs cadavres ; ce spectacle affreux servira de leçon" !
On connaît moins la " terreur tricolore " qui suit : En quelques jours, fin mai/début juin, les troupes de Mac-Mahon raflent plus de 40 000 prisonniers qui sont parqués en divers lieux improvisés à Versailles, dans les casernes, les dépôts et les maisons d'arrêt, à l'Orangerie ou aux Écuries du château. Parmi eux, Louise Michel, arrêtée le 24 mai, et qui restera au camp de Satory jusqu'en septembre, où elle est alors transférée à la prison d'Arras.
Durant le voyage il y a des exécutions, malgré les ordres de Mac-Mahon : "Quand les hommes rendent leurs armes, on ne doit pas les fusiller... cela était admis. Malheureusement, sur certains points on a oublié les instructions que j'avais données". Le 31 mai, un journaliste raconte que, devant lui, le général De Galliffet fait abattre 83 hommes et 12 femmes. Galliffet déclare "Dimanche matin, sur plus de 2 000 fédérés, 111 d'entres eux ont été fusillés et ce, dans des conditions qui démontrent que la victoire était entrée dans toute la maturité de la situation". Sa férocité envers les insurgés lui vaudra le surnom de "Marquis aux talons rouges"
De très nombreux témoignages racontent que durant le trajet les prisonniers sont injuriés et battus par des habitants de Versailles, sans que les soldats escorteurs n'interviennent. Le bilan officiel, rapporté par le général Appert devant l'Assemblée nationale en 1875, fait état de 43 522 arrestations, parmi lesquels 819 femmes et 538 enfants. On en relâche près de 7 700 qui avaient été arrêtés par erreur !
Au camp de Satory, le calvaire continue: aucune hygiène, peu de soins pour les blessés, les épidémies se développent. On abat même 300 prisonniers pour tentative de fuite dans la nuit du 27 au 28 mai.
C'est le spectacle de ces hommes et de ces femmes entassés les uns avec les autres, et qui vécurent plusieurs mois sans abri ni soin, que dessine Gustave Courbet sur l'une des pages du carnet de croquis au fusain où il a consigné quelques scènes de la Commune et de sa répression.
Un grand nombre meurent de maladie, de blessures ou sont abattus et inhumés sur place, entre l'étang de la Martinière et le "Mur des Fédérés" où subsiste une fosse commune à l'emplacement de laquelle une plaque commémorative a été apposée.
De sa prison Louise Michel écrit le 8 septembre 1871 :
À mes frères
Passez, passez, heures, journées !
Que l'herbe pousse sur les morts !
Tombez, choses à peine nées ;
Vaisseaux, éloignez-vous des ports ;
Passez, passez, ô nuits profondes.
Emiettez-vous, ô vieux monts ;
Des cachots, des tombes, des ondes.
Proscrits ou morts nous reviendrons.
Nous reviendrons, foule sans nombre ;
Nous reviendrons par tous les chemins,
Spectres vengeurs sortant de l'ombre.
Nous viendrons, nous serrant les mains,
Les uns dans les pâles suaires,
Les autres encore sanglants,
Pâles, sous les rouges bannières,
Les trous des balles dans leur flanc.
Tout est fini ! Les forts, les braves,
Tous sont tombés, ô mes amis,
Et déjà rampent les esclaves,
Les traîtres et les avilis.
Hier, je vous voyais, mes frères,
Fils du peuple victorieux,
Fiers et vaillants comme nos pères,
Aller, la Marseillaise aux yeux.
Frères, dans la lutte géante,
J'aimais votre courage ardent,
La mitraille rouge et tonnante,
Les bannières flottant au vent.
Sur les flots, par la grande houle,
Il est beau de tenter le sort ;
Le but, c'est de sauver la foule,
La récompense, c'est la mort.
Vieillards sinistres et débiles,
Puisqu'il vous faut tout notre sang,
Versez-en les ondes fertiles,
Buvez tous au rouge océan ;
Et nous, dans nos rouges bannières,
Enveloppons-nous pour mourir ;
Ensemble, dans ces beaux suaires,
On serait bien là pour dormir.
Et le 4 octobre 1871, toujours de cette même prison :
Les Œillets rouges
Si j'allais au noir cimetière,
Frère, jetez sur votre soeur,
Comme une espérance dernière,
De rouges œillets tout en fleurs.
Dans les derniers temps de l'Empire,
Lorsque le peuple s'éveillait,
Rouge œillet, ce fut ton sourire
Qui nous dit que tout renaissait.
Aujourd'hui, va fleurir dans l'ombre
Des noires et tristes prisons.
Va fleurir près du captif sombre,
Et dis-lui bien que nous l'aimons.
Dis-lui que par le temps rapide
Tout appartient à l'avenir
Que le vainqueur au front livide
Plus que le vaincu peut mourir.
A Versailles siège un conseil de guerre.
Parmi les prévenus, Théophile Ferré, collaborateur à La Patrie en danger, journal d'Auguste Blanqui, orateur au club des "Défenseurs de la République", et membre du 152e bataillon de la Garde nationale (Montmartre), il est délégué au Comité central républicain des Vingt arrondissements. Il dirige la défense des canons de la Garde nationale qui sert de prétexte au soulèvement du 18 mars 1871 et propose de marcher immédiatement sur Versailles où se trouvent l'Assemblée nationale et le gouvernement Thiers. Le 26 mars, il est élu au Conseil de la Commune par le XVIIIe arrondissement. Il siège à la commission de Sûreté générale, dont il démissionne le 24 avril, mais est immédiatement réélu. Le 1er mai, il est nommé substitut du procureur de la Commune et le 13 mai délégué à la Sûreté générale. Il vote pour la création du Comité de Salut public. Le 24 mai, il donne son consentement pour l'exécution des otages, parmi lesquels se trouve l'archevêque de Paris Georges Darboy. Lors de son procès pour avoir participé à la Commune, les juges du 3e Conseil de guerre veulent lui faire également endosser la responsabilité de l'ordre d'incendie du ministère des Finances, ce qui se révèle inexact. Au cours de ce procès, Ferré refuse de se défendre. Cependant, accablé de calomnies, il rédige une lettre dans laquelle il se défend, mais que le tribunal ne lui permettra pas de lire. Il est condamné à mort le 2 septembre 1871 et exécuté au camp de Satory à Versailles le 28 novembre.
Il est le seul membre de la Commune de Paris condamné à mort et effectivement exécuté. C'est aussi le compagnon de Louise Michel, et le film Louise Michel la rebelle nous la montre écrivant au président de la République pour l'insulter tous les 28 du mois en mémoire de son compagnon.
En même temps que Théophile Ferré, est exécuté Louis Rossel. Officier, il est le seul militaire d'importance à avoir participé à l'insurrection. Jugeant que la guerre contre Bismark avait été perdue à cause de l'incompétence de Bazaine et d'autres dirigeants, il a essayé en vain de convaincre Léon Gambetta de continuer le combat. Le 18 mars 1871, quand Paris se soulève, et qu'Adolphe Thiers déplace son nouveau gouvernement à Versailles avec l'armée régulière, il décide alors de rejoindre la Commune de Paris. Il devient chef de la 17e Légion de la Commune, puis Chef d'État-major, et enfin Président de la Cour Martiale mais il démissionne, ulcéré par son manque de moyens et d'écoute. Le Comité de la Commune, allant dans son sens, le nomme Ministre délégué à la Guerre. Pour ne négliger aucune énergie, Rossel fait alors appel aux femmes qui le remercient de son attitude. Mais Rossel se trouve bientôt en butte à l'hostilité de certains membres du Comité du Salut Public et notamment de l'anarchiste Félix Pyat, qui l'accuse d'aspirer à la dictature, alors qu'au contraire Rossel s'y refuse, bien que certains l'y poussent. Alors il démissionne avec éclat mais ne fuit pas la Commune. "Mon prédécesseur, écrit-il, a eu le tort de se débattre au milieu de cette situation absurde. Eclairé par son exemple, sachant que la force d'un révolutionnaire ne consiste que dans la netteté de la situation, j'ai deux lignes à choisir : briser l'obstacle qui entrave mon action ou me retirer. Je ne briserai pas l'obstacle car l'obstacle c'est vous et votre faiblesse ; je ne veux pas attenter à la souveraineté publique. Je me retire et j'ai l'honneur de vous demander une cellule à Mazan." Le jour même, Rossel est arrêté par ordre du Comité de Salut Public et gardé à la questure sous la garde très "souple" et très amicale de Varlin puis Gérardin. La quasi-totalité de la presse prend sa défense. Il faut dire que Rossel défendait fortement la presse libre et avait défendu leur liberté totale alors que la majorité de la Commune avait fait interdire certains journaux. Rossel reste à Paris. Il préfère être "du côté des vaincus, du côté du peuple". Un accident l'empêchant de marcher, il écrit pendant la "semaine sanglante" des notes lucides sur la Commune et sur la société.
Les Versaillais l'arrêtent, le jugent deux fois. Sa famille nîmoise, des étudiants parisiens, des notables de Nîmes, de Metz, de Montauban, des protestants, Victor Hugo, le colonel Pierre Denfert-Rochereau et de nombreux intellectuels le défendent, en vain. Adolphe Thiers propose à Louis Rossel de le gracier s'il s'exile à vie. Il refuse, voulant assumer ses responsabilités, ne voulant pas trahir son pays et ses convictions ni soulager la conscience de Thiers. "Mourir jeune, d'une mort rapide, d'une mort honorable, laisser un nom respecté et un courageux exemple ce n'est pas un sort à plaindre. Ma mort sera cent fois plus utile que ma vie ou qu'aurait été une longue carrière bien remplie. Je ne me plains pas." Il est, lui aussi, fusillé le 28 novembre 1871, à l'âge de vingt-sept ans, au camp de Satory. Le matin de l'exécution, il remet à son pasteur et ami, M. Passa, une lettre qui est son testament politique : "Je vous charge si jamais le parti que j'ai soutenu arrivait au pouvoir et s'il menaçait ses adversaires de sa vengeance, de faire usage de cette lettre pour leur dire qu'à ma dernière heure, je demande instamment à ceux qui ont l'honneur de défendre la liberté, qu'ils ne vengent pas leurs victimes. Ce serait indigne de la liberté et de nous qui sommes morts pour elle. Votre ami dévoué, Louis-Nathaniel Rossel" Son exécution était, pour Adolphe Thiers, motivée politiquement : "Il fallait faire un exemple."
Dans les années qui suivront la répression, naissent des chansons communardes qui seront sauvées par le colportage et la transmission orale
La Complainte de Rossel
Il n'avait pas trente ans, le cœur plein d'espérance
Plein de patriotisme et d'abnégation,
Quand les bourreaux français tranchèrent l'existence
De ce grand citoyen, de ce fier champion.
C'est pour la Commune égorgée
Qu'il est mort frappé par la loi.
Ô Rossel, mon enfant, ta mort sera vengée,
Ô martyr, dors en paix, dors en paix,
La France pense à toi.
On l'a fait fusiller comme un coupable infâme,
Comme s'il eût commis des crimes inouïs,
Ce fier vaillant soldat qui n'avait dans son âme
Que trop d'amour, hélas ! pour son pauvre pays
Il est mort glorieux pour le salut du monde,
Comme le Christ est mort par la main des bourreaux.
Mais son sang généreux vivifie et féconde
Le droit de liberté qu'il défendait si haut.
La République était son amante adorée,
Pour elle, il a donné sa jeunesse et son sang.
Les Français en émoi, la France déchirée
Pleurent avec nous ce fils, pleurent cet innocent.
Adieu, mon fils, adieu. Ton immense infortune
Laisse dans notre cœur un immortel regret.
Mais si le peuple un jour refaisait la Commune,
C'est au nom de Rossel qu'il se soulèverait.
(à écouter sur http://www.deezer.com/fr/music/rosalie-dubois/chants-de-r...)
L'histoire a aussi gardé le nom du sergent Pierre Bourgeois, surtout parce qu'il est présent dans un photomontage du général Appert, " Exécution de Rossel, Bourgeois, Ferré". Au début de mars 1871, le 45ème de ligne est transféré à Paris pour y assurer le maintien de l'ordre. Les soldats cantonnent dans le jardin du Luxembourg. Le 12 mars, le sergent Bourgeois, en état d'ébriété, terrasse un officier odieux. Emprisonné au Cherche-Midi, il est libéré par les Fédérés, le 21 mars et s'engage dans la garde nationale. Il prend part à quelques combats contre l'armée de Versailles. Pierre Bourgeois réussit à sortir de Paris mais il sera dénoncé et arrêté. Il est condamné à mort par le 2ème Conseil de guerre pour outrages et voies de fait envers un capitaine du génie, port d'armes contre la France en combattant dans les rangs des bataillons fédérés de la garde nationale contre l'armée française.
Au total, vingt-cinq condamnés à mort par le conseil de guerre sont fusillés au petit matin au polygone d'artillerie, situé maintenant au bord de l'autoroute A 86, devant cinq mille hommes de troupe et quelques curieux.
"Quoique le bruit de cette triple exécution ait été répandu, la population est presque restée indifférente au tragique événement qui allait se passer, et c'est à peine si quelques curieux ont cherché à assister à cette lugubre cérémonie.
C'est à 5 heures ce matin que les condamnés ont été prévenus que l'heure fatale arrivait pour eux et à 7 h heures le funèbre cortège sortait de la prison et a suivi, précédé d'un peloton de cuirassiers et escorté de la Gendarmerie à cheval, la rue St Pierre, l'avenue de Paris, l'Avenue de la Mairie, l'avenue de Sceau et l'avenue du Camp.
Les trois condamnés étaient dans une voiture des transports militaires dans laquelle avait pris place Mr PASSAT, pasteur protestant et Mr l'Abbé FOLLET, aumônier des prisons.
Arrivés à 7 heures 20 minutes sur le plateau Satory où se trouvaient réunis le Régiment du Génie et des Détachements des différents corps de l'armée de Versailles, R0SSEL est descendu le premier et s'est immédiatement dirigé, accompagné de Monsieur le Pasteur protestant, vers le lieu de l'exécution et s'est placé au piquet qui lui était destiné et en face duquel se trouvait le peloton d'exécution, BOURGEOIS est venu ensuite assisté de Mr l'Abbé FOLLET, puis FERRE seul entre deux gendarmes.
Ils étaient à peine placés qu'un roulement de tambour s'est fait entendre et, quelques secondes après, les feux des trois pelotons d'exécution annonçaient que justice était faite.
ROSSEL est tombé le premier, la mort a été instantanée; 7 balles dont deux avaient traversé le cœur, l'avaient atteint en pleine poitrine - B0URGEOIS et FERRE avaient été moins bien visés; trois balles seulement, dont les blessures n'étaient pas mortelles, les avaient frappés l'un et l'autre et ils ont dû recevoir le coup de grâce pour amener la mort. La contenance de ces trois malheureux a été digne; il n'ont pas eu un mutant de faiblesse.
ROSSEL surtout a été d'une convenance qui a fait l'admiration, si on peut se servir de cette expression des témoins les plus rapprochés au moment de l'exécution.
Tous les trois s'étaient d'abord refusés à avoir les yeux bandés, mais sur l'observation qui leur a été faite ROSSEL et BOURGEOIS ont accepté le bandeau. Seul FERRE auprès duquel on n'a pas pu revenir assez tôt, a été frappé sans avoir les yeux couvert. D'un bandeau." (http://lacomune.perso.neuf.fr/pages/Actua2004B23/pageactu... )
Ils sont ensuite enterrés dans le cimetière Saint-Louis, dans le carré des suppliciés surnommé poétiquement "l'enclos des rossignols" Ils ont droit à une fosse séparée surmontée d'une croix de bois portant leur nom. Ultérieurement, Ferré sera transféré à Levallois-Perret et Rossel au cimetière protestant de Nîmes. De vives manifestations en sa faveur éclatèrent lorsqu'il y fut enterré. En revanche, la dépouille du sergent Bougeois ne fut réclamée par personne, ses parents étant décédés.
Certains hommes politiques ont rendu hommage à Rossel, tels Charles de Gaulle dans Le Fil de l'épée et Jean-Pierre Chevènement, auteur de "Louis Rossel et la Commune de Paris", et 2 téléfilms retracent sa vie, l'un "Le Destin de Rossel" de Jean Prat avec Sami Frey en 1966 puis "Rossel et la commune de Paris", de Serge Moati d'après le livre de Jean-Pierre Chevènement, avec André Dussolier en 1977.
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vendredi, 26 février 2010
Dédicace spéciale
21:13 Publié dans coup de coeur, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
lundi, 07 décembre 2009
Te recuerdo Amanda
Il est des hommes dont la voix et l’engagement politique font vibrer les coeurs et les mémoires bien au-delà de leur mort. Le chanteur Victor Jara est de ceux-là au Chili. 36 ans après avoir été torturé et exécuté lors du coup d‘état d’Augusto Pinochet, il a été enterré dignement hier après trois jours d’hommage national.
“Son corps, détruit par la torture va retourner à la terre, entouré de l’amour de ses filles et de sa femme, et dans l’immense amour que son peuple et le monde ont exprimé,” a déclaré la fille du chanteur, Manuella Jara. Victor Jara avait été enterré à la sauvette en 1973. Sa dépouille a été exhumée en juin dernier pour des examens médico-légaux. Le dossier des morts et disparus de la dictature est loin d‘être clos. “Victor peut enfin reposer en paix après 36 ans, a souligné la présidente du Chili Michelle Bachelet. Mais beaucoup d’autres familles” aimeraient aussi retrouver la paix”. “Il est important de poursuivre la quête de justice et de vérité”. Un souhait partagé par la femme de Victor Jara. Son mari fut détenu dans le stade de Santiago avec 5000 autres prisonniers politiques en 1973. Ses bourreaux s’acharnèrent sur ses doigts de guitariste. Ils les brisèrent avant d’exécuter à la mitraillette le chanteur dont la voix, elle, continue de rimer avec résistance.
http://fr.euronews.net/2009/12/06/chili-enterrement-solen...
Te recuerdo Amanda
La calle mojada
Corriendo a la fábrica
Donde trabajaba Manuel.
La sonrisa ancha
La lluvia en el pelo,
No importaba nada
Ibas a encontrarte,
Con él, con él, con él
Son cinco minutos,
La vida es eterna
En cinco minutos.
Suena la sirena
De vuelta al trabajo,
Y tu caminando
Lo ilumina todos
Los cinco minutos
Te hacen florecer
Te recuerdo Amanda
La calle mojada
Corriendo a la fábrica
Donde trabajaba Manuel.
La sonrisa ancha
La lluvia en el pelo,
No importaba nada
Ibas a encontrarte,
Con él, con él, con él,
Que partió a la sierra
Que nunca hizó daño
Que partió a la sierra
Y en cinco minutos
Quedó destrozado.
Suena la sirena
De vuelta al trabajo ;
Muchos no volvieron,
Tampoco Manuel.
Te recuerdo Amanda…
Victor Jara (1968)
Je me souviens de toi, Amanda.
Les rues qui se mouillaient
tandis que tu marchais vers l'usine
où travaillait Manuel.
Un large sourire,
la pluie sur ton visage,
rien n'avait d'importance
car tu allais te retrouver avec lui,
avec lui, avec lui, avec lui...
Cinq minutes seulement.
La vie est éternelle
Pendant ces cinq minutes.
La sirène sonne,
La reprise du travail.
et toi tu marchais
en illuminant tout ce qui t'entourait.
Ces cinq minutes
t'avaient fait fleurir.
Je me souviens de toi, Amanda.
Les rues qui se mouillaient
tandis que tu marchais vers l'usine
où travaillait Manuel.
Un large sourire,
la pluie sur ton visage,
rien n'avait d'importance
car tu allais te trouver avec lui,
avec lui, avec lui, avec lui
qui est parti à la montagne,
qui ne faisait aucun mal,
qui est parti à la montagne
et qui en cinq minutes
a été déchiqueté.
La sirène sonne,
La reprise du travail.
Beaucoup d'entre eux ne sont pas revenus,
Manuel non plus.
Je me souviens de toi, Amanda.
Les rues qui se mouillaient
tandis que tu marchais vers l'usine
où travaillait Manuel.
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vendredi, 22 mai 2009
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous le braves gens s'y sont mis
Qu'est-ce qui nage dans la nuit
Quels sont ces éclairs ces bruits
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau.
Jacques PREVERT
PAROLES
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mercredi, 08 avril 2009
Femme nue, femme noire
Mon coeur est ardent, comme brûlant, mon soleil.
Grand aussi mon coeur, comme l'Afrique mon grand coeur.
Habitée d'un grand coeur, mais ne pouvoir aimer...
Aimer toute la terre, aimer tous ses fils.
Etre femme, mais ne pouvoir créer;
Créer, non seulement procréer.
Et femme africaine, lutter.
Encore lutter, pour s'élever plutôt.
Lutter pour effacer l'empreinte de la botte qui écrase.
Seigneur!... lutter
Contre les interdits, préjugés, leur poids.
Lutter encore, toujours, contre soi, contre tout.
Et pourtant!...
Rester Femme africaine, mais gagner l'autre.
Créer, non seulement procréer.
Assumer son destin dans le destin du monde
Mbengué Diakhaté Ndèye-Coumba
Filles du soleil.
Nouvelles Editions Africaines, 1980
Que ce poème réponde aux propos racistes et machistes d'Alain Destrem, un élu parisien méprisant et méprisable du 15ème arrondissement ...
Ndèye Coumba Mbengue Diakhaté a été institutrice et écrivaine Sénégalaise. Elle est décédée le 25 septembre 2001. La majeure partie du recueil "Filles du soleil" est composée de poèmes qui posent le problème de la condition sociale des femmes (L'Aveugle - mère , Mirage , Tu n'es qu'une femme , Négresse en laisse , Deux négresses ), mais évoque aussi la douleur face à la mort (Jeune femme morte , Veuve ce jour ). La dédicace du recueil est un poème à l'adresse d'une femme ayant perdu la vie en couches :
Ma soeur si douce!
Fleur à peine épanouie,
Mais très tôt perdit la vie,
Car voulant la donner
A Ndiar, nymphe des clairs de lune,
Et fille de Coumbam'lamb;
A toutes les filles de Râ,
Génitrices de chaleur.
Ventre en gésine,
Seins palpitants
De naissantes vies.
A l'Afrique-Coeur,
Mon coeur,
Et lumière du monde.
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dimanche, 22 février 2009
caminante, no hay camino
Caminante, son tus huellas
el camino, y nada mas ;
caminante, no hay camino,
se hace camino al andar.
Al andar se hace camino,
y al volver la vista atras
se ve la senda que nunca
se ha de volver a pisar.
Caminante, no hay camino,
sino estelas en la mar.
Marcheur, ce sont tes traces
ce chemin, et rien de plus ;
Marcheur, il n'y a pas de chemin,
Le chemin se construit en marchant.
En marchant se construit le chemin,
Et en regardant en arrière
On voit la sente que jamais
On ne foulera à nouveau.
Marcheur, il n'y a pas de chemin,
Seulement des sillages sur la mer.
Antonio Machado
(Proverbios y cantares – chant XXIX ''Campos de Castilla, 1917")
Traduction de José Parets-LLorca
Le poète espagnol Antonio Cipriano José María Machado Ruiz, connu sous le nom de Antonio Machado, fut contraint de fuir vers la France à la chute de la République Espagnole. Arrivé à Collioure, à quelques kilomètres de la frontière, épuisé, Machado y mourra le 22 février 1939, trois jours avant sa mère.
Louis Aragon lui rend hommage dans Les poètes, chanté par Jean Ferrat :
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours.
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vendredi, 20 février 2009
Encore une video ...
Court-métrage d'Arthur de Pins intitulé La Révolution des Crabes, récompensé par le Prix du Public au Festival International du Film d'Animation d'Annecy en 2004, ce petit bijou nous plonge dans les eaux marron de l'estuaire de la Gironde, à la rencontre des Pachygrapsus Marmoratus, appelés communément "chancres mous" ou plus souvent "crabes dépressifs". En effet la nature a permis aux crabes de se déplacer sur le côté mais ne leur a pas en revanche accordé le droit de tourner ... Une tare génétique qui les condamne à marcher toute leur vie en ligne droite ...
LA REVOLUTION DES CRABES
envoyé par Premium-films-Tv
17:44 Publié dans art, cinéma, coup de coeur, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
jeudi, 19 février 2009
Et pourquoi pas une lecture marathon de "la nausée" rue du faubourg Saint-Honoré ?
“La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein. - Ce n'est rien: la Chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe.
J'existe. C'est doux, si doux, si lent. Et léger: on dirait que ça tient en l'air tout seul. Ça remue. Ce sont des effleurements partout qui fondent et s'évanouissent. Tout doux, tout doux. Il y a de l'eau mousseuse dans ma bouche. Je l'avale, elle glisse dans ma gorge, elle me caresse - et la voila qui renaît dans ma bouche, j'ai dans la bouche à perpétuité une petite mare d'eau blanchâtre - discrète - qui frôle ma langue. Et cette mare, c'est encore moi. Et la langue. Et la gorge, c'est moi.
Je vois ma main, qui s'épanouit sur la table. Elle vit - c'est moi. Elle s'ouvre, les doigts se déploient et pointent. Elle est sur le dos. Elle me montre son ventre gras. Elle a l'air d'une bête à la renverse. Les doigts, ce sont les pattes. Je m'amuse à les faire remuer, très vite, comme les pattes d'un crabe qui est tombé sur le dos. Le crabe est mort: les pattes se recroquevillent, se ramènent sur le ventre de ma main. Je vois les ongles - la seule chose de moi qui ne vit pas. Et encore. Ma main se retourne, s'étale à plat ventre, elle m'offre à présent son dos. Un dos argenté, un peu brillant - on dirait un poisson, s'il n'y avait pas les poils roux à la naissance des phalanges. Je sens ma main. C'est moi, ces deux bêtes qui s'agitent au bout de mes bras. Ma main gratte une de ses pattes, avec l'ongle d'une autre patte ; je sens son poids sur la table qui n'est pas moi. C'est long, long, cette impression de poids, ça ne passe pas. Il n'y a pas de raison pour que ça passe. A la longue, c'est intolérable... Je retire ma main, je la mets dans ma poche. Mais je sens tout de suite, à travers l'étoffe, la chaleur de ma cuisse. Aussitôt, je fais sauter ma main de ma poche; je la laisse pendre contre le dossier de la chaise. Maintenant, je sens son poids au bout de mon bras. Elle tire un peu, à peine, mollement, moelleusement, elle existe. Je n'insiste pas: ou que je la mette, elle continuera d'exister et je continuerai de sentir qu'elle existe; je ne peux pas la supprimer, ni supprimer le reste de mon corps, la chaleur humide qui salit ma chemise, ni toute cette graisse chaude qui tourne paresseusement comme si on la remuait à la cuiller, ni toutes les sensations qui se promènent là-dedans, qui vont et viennent, remontent de mon flanc à mon aisselle ou bien qui végètent doucement, du matin jusqu'au soir, dans leur coin habituel.
Je me lève en sursaut : si seulement je pouvais m'arrêter de penser, ça irait déjà mieux. Les pensées, c'est ce qu'il y a de plus fade. Plus fade encore que de la chair. Ça s'étire à n'en plus finir et ça laisse un drôle de goût. Et puis il y a les mots, au-dedans des pensées, les mots inachevés, les ébauches de phrases qui reviennent tout le temps : "Il faut que je fini... J'ex... Mort... M. de Roll est mort... Je ne suis pas... J'ex..." Ça va, ça va... et ça ne finit jamais. C'est pis que le reste parce que je me sens responsable et complice. Par exemple, cette espèce de rumination douloureuse :
j'existe, c'est moi qui l'entretiens. Moi. Le corps, ça vit tout seul, une fois que ça a commencé. Mais la pensée, c'est moi qui la continue, qui la déroule. J'existe. Je pense que j'existe. Oh ! le long serpentin, ce sentiment d'exister - et je le déroule, tout doucement... Si je pouvais m'empêcher de penser ! J'essaie, je réussis : il me semble que ma tête s'emplit de fumée... et voila que ça recommence :
"Fumée... ne pas penser... Je ne veux pas penser... Je pense que je ne veux pas penser. Il ne faut pas que je pense que je ne veux pas penser. Parce que c'est encore une pensée."
On n'en finira donc jamais ?
Ma pensée, c'est moi : voilà pourquoi je ne peux pas m'arrêter. J'existe par ce que je pense. .. et je ne peux pas m'empêcher de penser. En ce moment même - c'est affreux - si j'existe, c'est parce que j'ai horreur d'exister. C'est moi, c'est moi qui me tire du néant auquel j'aspire: la haine, le dégoût d'exister, ce sont autant de manières de me faire exister, de m'enfoncer dans l'existence. Les pensées naissent par derrière moi comme un vertige, je les sens naître derrière ma tête... si je cède, elles vont venir la devant, entre mes yeux - et je cède toujours, la pensée grossit, grossit, et la voilà, l'immense, qui me remplit tout entier et renouvelle mon existence. (...)
Je suis, j'existe, je pense donc je suis ; je suis parce que je pense, pourquoi est-ce que je pense ? je ne veux plus penser, je suis parce que je pense que je ne veux pas être, je pense que je... parce que... pouah!”
Jean-Paul Sartre - la nausée
tableau de Zdzislaw Beksinski
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dimanche, 15 février 2009
La retirada ... suite
En commentaire de ma note, Béeatrice m'a indiqué que Paco Ibanez chante le 21 février à Argeles. En effet l'anniversaire de la retirada est l'occasion de nombreuses manifestations et commémorations, expositions, conférences, marches symbolique, spectacles ... programme à télécharger en cliquant ici
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vendredi, 13 février 2009
Fatrasies
C'est le titre de la version 2009 du Printemps des poètes qui se déroule du 2 au 15 mars.
Alors je vous ai réservé deux petites fatrasies modernes de Pascal Kaeser, poète-mathématicien suisse :
Un icosaèdre
couvre un hexaèdre
de ses leucocytes,
un dodécaèdre
ouvre un tétraèdre
à ses phagocytes.
Si l'icône a ses trachytes,
si l'otage a ses exèdres,
par contre les troglodytes
n'ont jamais pu peler Phèdre,
ni son beau-fils Hippolyte.
Ou encore :
Un chat quadrilingue,
dans une carlingue,
déclenche un esclandre.
Et une meringue
pointe sa seringue
vers l'homme au scaphandre.
" Sandwich à la salamandre ",
réclame un steward cradingue,
" ou mélasse et palissandre ",
ajoute-t-il d'un ton dingue,
avec sa voix de calandre.
En fait, j'ai découvert récemment les fatrasies, ces poèmes médiévaux apparemment incohérents qui, réunis à d'autres, formaient des petites pièces satiriques.
C'était au printemps dernier, lors d'une exposition sur les arts du Moyen-âge qui avait lieu dans mon département, et à laquelle participait ma prof d'enluminure.
Enluminures, donc, mais aussi calligraphie, vitrail, peinture, sculpture, photographie ... et c'est là que je rencontrais Bernadette Wiener et ses sculptures toujours drôles et parfois coquines, mais aussi son amour de la poésie. Elle m'avait donné un marque-pages sur ce sujet, que j'avais gardé et utilisé dans un gros bouquin que j'ai mis du temps à lire.
En fait je croyais que c'était une invention de sa part, et ce n'est donc que cette semaine que j'ai eu la curiosité d'aller vérifier sur internet ... eh oui, cela a bien existé au XIIIe siècle. Des cercles de lettrés s'adonnaient alors à des expérimentations joyeuses sur le langage dignes d’André Breton et de l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) et s'illustrèrent dans ce type de composition comme en témoigne les Fatrasies d'Arras, recueil anonyme (souvent attribuées à Jehan Bodel) composé dans la deuxième moitié du Xlllème siècle dans une langue du Sud de la Picardie et conservé à l'Arsenal.
La fatrasie a une forme très rigoureuse, constituée par une strophe de six vers de cinq syllabes (rimes aabaab), suivis de cinq vers de sept syllabes (rimes babab), soit un onzain), mais son contenu est irrationnel. Les phrases grammaticalement correctes semblent ne pas avoir de sens réel, l'auteur s'y abandonne au pur plaisir des mots. Mais parfois ces phrases cachent des critiques ou des pamphlets du pouvoir en place. Malraux a pu écrire que "l'audience des fatrasies du Moyen Âge ne fut pas moindre que celle de Jérôme Bosch".
Allez, je vous en mets une des Fatrasies d'Arras en vieux picard !
Uns kailleus veluz
Devenoit rendus,
Ses pechiez plourant,
Et uns vieue baüs
Ocist quatre dus
Son cors desfendant ;
Mais mal lor fust convenant,
Se ne fust uns eternus
Qu'il troi firent en dormant,
Qui dit que li rois Artus
Estoit gros de vif emfant.
21:31 Publié dans coup de coeur, litterature, poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |