mardi, 18 avril 2006
Simplification
Le chaud, le froid, les arbres, les montagnes, les animaux, les fleurs, les rivières, les cailloux, les bulles; les hommes, les villes, les livres, les véhicules, la nourriture, les yeux, les films
Bref, si on tasse toutes ces choses dans un cube bien étanche, il restera encore :
Les balais, les roues dentées, les nids d'oiseaux, les nuages, les bébés, les routes, les courants d'air, les médicaments.
Et si on rajoute tout cela à ce qui stagne déjà dans le cube, il restera encore :
Les stylos à bille, Saturne, les coquilles d'escargot, les extra-terrestres, les futurs livres, les graines.
Et si on insiste, si on ramasse tous les objets vivants ou morts pour les fourrer dans le cube, on aura encore oublié :
Les momies, les châteaux-forts, les feuilles mortes, les plumes, les bouées, les fossiles, les écorces, les neiges éternelles.
Et si on s'obstine, si on aspire tout cela, on verra errer encore :
Les fractions d'idées, les univers calfeutrés, les horizons défaits.
Et si l'on arrive – par quel exploit! – à concentrer tout cela dans le cube, il sera toujours possible d'entendre :
Les chocs des vents contraires, les gémissements des îles, le cri de la pesanteur.
Et si – quelle performance ! – on enregistre tous ces bruits jusqu'à les neutraliser, il restera encore :
Le silence, c'est-à-dire la lourde digestion du monde.
Jean-Luc Coudray
(Nona)
éditions L'amourier
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dimanche, 02 avril 2006
A lire et à écouter sans modération ...
SANS PAPIER
J’ai pas de papier
D’après ce qu’on dit
Je vais me faire expulser
Vers ce maudit pays
J’entends même dire
Je vous jure c’est vrai
Que j’allais mourir
Si je résistais
Mettront sur le nez
Un de leur coussin
Voudront m’étouffer
Mais y sont pas bien
Pas de risque que je crie
M’auront bien scotché
La bouche et puis
Les mains les pieds
Tu sais d'où je viens
Y’a pas que des manchots
Ça frappe du poing
Même sur les marmots
Si tu gueules « j’ai faim »
On te coupe la langue
Si c’est « mort aux chiens !»
On te fou la sangle
Je croyais qu’ici
Les bras ouverts
On m’aurait dit
Respire le grand air
Je croyais qu’ici
Finis les cauchemars
Qui me réveillent la nuit
Maman !
J’ai peur dans le noir
Me voilà par terre
Dans cette église
C’est pas l’enfer
Mais ça s’éternise
Paraît que dehors
Y’a des uniformes
Qui veulent ma mort
En bonne et due forme
J’ai pas de papier
D’après ce qu’on dit
Je vais me faire expulser
Vers ce maudit pays
J’ai pas de papier
Et je sais même pas
Si je vais me faire tuer
Ici ou là-bas….
Gavroche
La rue est son univers. Guitare en bandoulière, Gavroche dénonce les injustices sociales et la part d'ombre de l'existence. La poésie de Gavroche est libre et rebelle, parfois teintée d'humour, et se déploie en chansons festives, rock, reggae et tzigane.
Deux de ses chansons à écouter : "Kouleur de la terre" et "sans papiers"
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lundi, 20 mars 2006
Du bon usage de la piraterie
Ce livre est également mis à disposition de tous à travers une licence Creative Commons, qui stipule que l'on a le droit de faire beaucoup de choses avec ce texte, pour peu que l'on cite l'auteur et l'éditeur, que l'on conserve la même licence et qu'on n'en use en aucun cas pour des activités commerciales.
Le livre est au bout de ce lien (format PDF)
Pour que de telles initiatives perdurent, je ne peux bien sûr que vous encourager à acheter ce livre, pour vous, pour l'offrir ou l'abandonner dans un lieu public !!!
A lire également un texte de Michel Valensi pour comprendre l'intérêt de vendre à la fois sur internet et de mettre gratuitement en ligne la culture.
Allez également faire un tour sur le site "Du bon usage de la piraterie", vous y trouverez une version audio et le livre dans d'autres formats
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mercredi, 15 mars 2006
MECENAT DE COMPETENCE, UN ECHANGE "GAGNANT-GAGNANT"
Lorsqu'on nous parle de mécénat d'entreprise, on pense souvent aux fondations d'entreprise qui patronnent des projets généralement culturels ou sportifs comme la Fondation Gan pour le cinéma, la Fondation La Française des jeux pour le sport ou encore la Fondation Cartier pour l'art contemporain. On pense aussi à un soutien financier pour une rénovation d'un musée, à un nom prestigieux associé à une exposition, un prix, une bourse ou un exploit. La culture restait d'ailleurs jusqu'à présent le domaine préféré des mécènes puisqu'elle représentait jusqu'à maintenant plus de la moitié du budget des mécénes.
Mais, ces dernières années, le mécénat a évolué vers une implication plus concrète dans la vie de la cité et dans des actions de solidarité de proximité, où, très souvent, le salarié est l'instigateur ou partie prenante de la démarche. Cela devient un mécénat "en nature", un mécénat technologique, un mécénat de compétence : L'entreprise met à disposition d'organisations d'intérêt général le savoir-faire professionnels de ses salariés pendant une période plus ou moins longue, pendant les heures de travail ou sur le temps libre.
Pour l'association bénéficiaire, cela permet d'acquérir à moindre coût des compétences nouvelles; et pour les entreprises, le mécénat sert à valoriser son image auprès des actionnaires, des milieux financiers ou des médias, ou aide à accompagner la pénétration commerciale de nouveaux marchés. Cela permet également des déductions d'impôts plus avantageuses depuis la loi du 1er août 2003 dont Jean-Jacques Aillagon a été l'initiateur : 60% dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaire hors taxe Les actions de mécénat sont donc désormais l'objet d'une réflexion stratégique dans beaucoup d'entreprises, qui d'ailleurs les maintiennent même en cas de restructuration.
L'exemple le plus récent de mécénat de compétence est celui de SFR, qui a lancé hier le statut de "collaborateur citoyen", dans le cadre d'un accord avec les partenaires sociaux, qui permet à un salarié de bénéficier d’absences rémunérées (jusqu’à 11 jours par an) pour s’investir dans une association engagée dans la protection de l’enfance, l’insertion des personnes handicapées ou l’aide à l’éducation et la formation Cette initiative n'est pas unique, mais jusqu'à présent elle consistait souvent à mettre à disposition à temps plein pendant 2, 3 ou 4 ans un petit nombre de salariés au service d’associations sociales ou humanitaires. Dans le cas de SFR, chaque année 50 salariés pourront bénéficier de ce nouveau statut. Il pourra être attribué pendant trois ans à une même personne. Dans le cadre du droit individuel à la formation, cette entreprise propose également des "formations citoyennes" pour devenir bénévole ou créer et développer son association. C'est donc une "dynamique" nouvelle qui peut ainsi être donnée aux engagements citoyens.
Bien sûr le mécénat n'est pas là pour faire les fins de mois d’un "Etat nécessiteux” et remplacer un gouvernement qui diminue drastiquement les aides aux associations, si vivantes et fertiles dans notre pays. Mais quand la stratégie commerciale de l'entreprise rejoint les engagements citoyens de ses salariés, on ne peut que se réjouir et souhaiter que ces initiatives se multiplient …
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dimanche, 12 mars 2006
Ariane 5 est partie !!!
Plein ciel
Qu'importe le moment ! qu'importe la saison !
La brume peut cacher dans le blême horizon
Les Saturnes et les Mercures ;
La bise, conduisant la pluie aux crins épars,
Dans les nuages lourds grondant de toutes parts,
Peut tordre des hydres obscures ;
Qu'importe! il va. Tout souffle est bon ; simoun, mistral !
La terre a disparu dans le puits sidéral.
Il entre au mystère nocturne ;
Au-dessus de la grêle et de l'ouragan fou,
Laissant le globe en bas dans l'ombre, on ne sait où,
Sous le renversement de l'urne.
Intrépide, il bondit sur les ondes du vent ;
Il se rue, aile ouverte et la proue en avant,
Il monte, il monte, il monte encore,
Au delà de la zone où tout s'évanouit,
Comme s'il s'en allait dans la profonde nuit
A la poursuite de l'aurore!
Calme, il monte où jamais nuage n'est monté ;
Il plane à la hauteur de la sérénité,
Devant la vision des sphères ;
Elles sont là, faisant le mystère éclatant,
Chacune feu d'un gouffre, et toutes constatant
Les énigmes par les lumières.
Andromède étincelle, Orion resplendit ;
L'essaim prodigieux des Pléiades grandit ;
Sirius ouvre son cratère ;
Arcturus, oiseau d'or, scintille dans son nid ;
Le Scorpion hideux fait cabrer au zénith
Le poitrail bleu du Sagittaire.
L'aéroscaphe voit, comme en face de lui,
Là-haut, Aldébaran par Céphée ébloui,
Persée escarboucle des cimes,
Le chariot polaire aux flamboyants essieux,
Et, plus loin, la lueur lactée, ô sombres cieux,
La fourmilière des abîmes!
Vers l'apparition terrible des soleils,
Il monte ; dans l'horreur des espaces vermeils,
Il s'oriente, ouvrant ses voiles ;
On croirait, dans l'éther où de loin on l'entend,
Que ce vaisseau puissant et superbe, en chantant,
Part pour une de ces étoiles !
Tant cette nef, rompant tous les terrestres nœuds,
Volante, et franchissant le ciel vertigineux,
Rêve des blêmes Zoroastres,
Comme effrénée au souffle insensé de la nuit,
Se jette, plonge, enfonce et tombe et roule et fuit
Dans le précipice des astres !
* * *
Où donc s'arrêtera l'homme séditieux ?
L'espace voit, d'un oeil par moment soucieux,
L'empreinte du talon de l'homme dans les nues ;
Il tient l'extrémité des choses inconnues ;
Il épouse l'abîme à son argile uni ;
Le voilà maintenant marcheur de l'infini.
Où s'arrêtera-t-il, le puissant réfractaire ?
Jusqu'à quelle distance ira-t-il de la terre ?
Jusqu'à quelle distance ira-t-il du destin ?
L'âpre Fatalité se perd dans le lointain ;
Toute l'antique histoire affreuse et déformée
Sur l'horizon nouveau fuit comme une fumée.
Les temps sont venus. L'homme a pris possession
De l'air, comme du flot la grèbe et l'alcyon.
Devant nos rêves fiers, devant nos utopies
Ayant des yeux croyants et des ailes impies,
Devant tous nos efforts pensifs et haletants,
L'obscurité sans fond fermait ses deux battants ;
Le vrai champ enfin s'offre aux puissantes algèbres ;
L'homme vainqueur, tirant le verrou des ténèbres,
Dédaigne l'Océan, le vieil infini mort.
La porte noire cède et s'entre-bâille. Il sort !
Ô profondeurs ! faut-il encor l'appeler l'homme ?
L'homme est d'abord monté sur la bête de somme ;
Puis sur le chariot que portent des essieux ;
Puis sur la frêle barque au mât ambitieux ;
Puis, quand il a fallu vaincre l'écueil, la lame,
L'onde et l'ouragan, l'homme est monté sur la flamme ;
A présent l'immortel aspire à l'éternel ;
Il montait sur la mer, il monte sur le ciel.
L'homme force le sphinx à lui tenir la lampe.
Jeune, il jette le sac du vieil Adam qui rampe,
Et part, et risque aux cieux, qu'éclaire son flambeau,
Un pas semblable à ceux qu'on fait dans le tombeau ;
Et peut-être voici qu'enfin la traversée
Effrayante, d'un astre à l'autre, est commencée !
* * *
Stupeur ! Se pourrait-il que l'homme s'élançât ?
Ô nuit ! se pourrait-il que l'homme, ancien forçat,
Que l'esprit humain, vieux reptile,
Devint ange, et, brisant le carcan qui le mord,
Fût soudain de plain-pied avec les cieux ? La mort
Va donc devenir inutile !
Oh! franchir l'éther ! songe épouvantable et beau !
Doubler le promontoire énorme du tombeau!
Qui sait ? Toute aile est magnanime :
L'homme est ailé. Peut-être, ô merveilleux retour !
Un Christophe Colomb de l'ombre, quelque jour,
Un Gama du cap de l'abîme,
Un Jason de l'azur, depuis longtemps parti,
De la terre oublié, par le ciel englouti,
Tout à coup, sur l'humaine rive
Reparaîtra, monté sur cet alérion,
Et montrant Sirius, Allioth, Orion,
Tout pâle, dira : J'en arrive !
Ciel! ainsi, comme on voit aux voûtes des celliers
Les noirceurs qu'en rôdant tracent les chandeliers,
On pourrait, sous les bleus pilastres,
Deviner qu'un enfant de la terre a passé,
A ce que le flambeau de l'homme aurait laissé
De fumée au plafond des astres !
Victor Hugo
Vingtième Siècle, La Légende des siècles, 1e série, 1859
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mercredi, 08 mars 2006
Il reste encore des batailles à mener pour les femmes
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vendredi, 24 février 2006
• Ma rue
Des espagnols qui n’osaient pas montrer
Qu’ils étaient de vieux réfugiés
Qu’avaient fui les cons et les rois
Dans cette rue y avait
Des français n’avaient pas de chance
Ils ont écrit “Vive la France”
Au fronton de leur maison
Dans cette rue y avait
Des portugais fiers comme
Les geôliers de la misère
Quelques arbres fruitiers
Et la pudeur de la terre,
C’était
Ma rue, ma famille
Les mamans qui s’égosillent
C’était : va jouer aux billes
C’était ma rue
C’était pas Manille
Non c’était pas les Antilles
Le marteau ou la faucille
C’était ma rue
Les glaces à la vanille
Et les petites qui frétillent
Qui n’étaient pas si gentilles
C’était ma rue
Bonjour les anguilles
Les condés qui nous quadrillent
Mais c’était pas ma Bastille
C’était ma rue
Dans cette rue y avait
L’Afrique et son mea-culpa
D’avoir un autre dieu je crois
Y z’ont trouvé des cons et des croix
Dans cette rue y avait
Tous les ouvriers de la terre
Y z’ont construit des pieds à terre
Qu’ils n’habiteront jamais
Dans cette rue y avait
Des caravanes comme
Des chariots de la colère
Qu’ont pas peur de l’hiver
De la fureur de la terre
Dans cette rue je crois
Les enfants n’étaient pas de glace
Quand passait le camion de glace
On tirait des langues étrangères
On était dans les bois
On avait des arcs et des flèches
Quand d’autres avaient des cannes à pêche
Mais l’école, elle en veut pas
Un jour on s’est fâchés
On a tout brûlé, on a pas eu peur de l’enfer
Quand on s’est réveillés
Derrière des barreaux en fer
Pour toi
Ma rue, ma famille
Les mamans qui s’égosillent
C’était : va jouer aux billes
C’était ma rue
Zebda
21:35 Publié dans coup de coeur, poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
lundi, 20 février 2006
Chevauchée sidérale
Chevauchée sidérale
A cheval sur ma fusée
Partons pour les galaxies
Cueillir des fleurs étoilées
Dans les nocturnes prairies
Adieu, les maisons, les prés
L’HLM et le verger !
A cheval sur ma fusée
Partons pour les nébuleuses
Cueillir des pommes dorées
Dans les régions ténébreuses.
Adieu, l’école et l’hiver
La rue, le chemin de fer !
A cheval sur ma fusée
Partons pour le fond du ciel
Cuellir la roue du soleil
Qui fabrique les années
Adieu, les gens qui s’ennuient
Dans la peau couleur de suie !
A cheval sur ma fusée
Partons de l’autre côté
Cueillir des chansons nouvelles
Sur des arbres d’étincelles.
Adieu, les bruits, la poussière
Et les odeurs de la terre !
A cheval sur ma fusée
Partons vers la voie lactée
Cueillir songes et merveilles
Avec des joies sans pareilles .
Adieu, chagrins et douleurs
Mal de dents et mal de cœur !
A cheval …..
mais attendez
J’en ai trop à raconter
On dira ce qu’on a vu
Quand on sera revenus !
Georges Jean
MERDE à tous mes anciens collègues, je penserai à vous demain soir en regardant la retransmission du lancement sur internet !!!
Pour info à ceux qui viennent sur mon blog, heures du lancement :
KOUROU : De 19h13 à 20h23, le 21 février 2006
GMT : De 22h13 à 23h23, le 21 février 2006
PARIS : De 23h13 à 00h23, le 21/22 février 2006
WASHINGTON : De 17h13 à 18h23, le 21 février 2006
On peut suivre la retransmission en direct sur le site d'ARIANESPACE, et même revoir les vols précédents !!!
20:20 Publié dans coup de coeur, espace, poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
samedi, 18 février 2006
A visiter absolument !!!
j'adore ce site plein d'illustrations oniriques !!!!
10:30 Publié dans coup de coeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
vendredi, 17 février 2006
Brisons ce silence trop longtemps maintenu !
Le "rôle positif" abrogé officiellement
Un décret du ministre de l'Education abrogeant le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 a été publié jeudi au JO.
Le Journal officiel a publié jeudi 16 février un décret, signé du ministre de l'Education nationale et daté de la veille, abrogeant le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 sur les rapatriés, qui évoquait le "rôle positif" de la colonisation.
Produit d'un amendement, cet alinéa, qui avait suscité la polémique, stipulait que "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit".
Le 31 janvier, le Conseil constitutionnel a déclassé l'alinéa litigieux sur la colonisation française, en déclarant qu'il avait un caractère "réglementaire" et non législatif. Cette décision ouvrait la voie à la suppression par décret, et sans retour au Parlement, de l'alinéa en question.
Par ailleurs, le 9 février, la section permanente du Conseil supérieur de l'Education (CSE), convoquée pour consultation, avait approuvé jeudi à l'unanimité le projet de décret.
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Je réclame le droit de savoir !
Chaque année depuis 1990, le Mémorial de Caen, le Barreau et la Ville de Caen, organisent un Concours International des Droits de l’Homme. Chaque année, ce sont ainsi plus de 1 500 jeunes, originaires de la France entière, qui prennent position pour des causes réelles d'atteinte aux Droits de l'Homme.
Lors du 9e Concours lycéen sur les Droits de l’Homme du vendredi 27 janvier 2006, Aurélie Janice Bayimbi, lycéenne du Lorrain (Martinique) a remporté le premier prix avec une plaidoirie intitulée "Brisons ce silence trop longtemps maintenu ! "
Cliquez ici pour voir la vidéo
La plaidoirie en texte
"Tout commence durant un cours d’histoire. Les élèves et leur professeur échangent avec ferveur, car le thème est passionnant : en effet, il s’agit de la mondialisation. Très vite s’élèvent pêle-mêle la découverte des Amériques, le commerce triangulaire et aussi naturellement la colonisation et la servitude. Le débat s’enflamme et glisse inexorablement sur la vision d’une Afrique qui a avorté d’infinies possibilités du fait de la déportation des millions d’Africains qui sont nos ancêtres.
Chacun y va alors de sa théorie ! « Finalement, la colonisation, ce n’est pas si intolérable que ça puisque maintenant on est civilisé. » Ou encore : « Ah non ! Je ne suis pas un Africain moi ! Je ne vis pas en brousse ! » Tous s’enfoncent dans le gouffre de l’ignorance historique, expliquant le manque de rigueur scientifique de leurs propos. Et c’est au coeur de cette confusion générale que le temps s’est suspendu pour moi, car elle a dit : « Ah non, je ne suis pas noire ! T’as pas vu que ma peau est moins foncée que la tienne ? ! »
Mesdames et messieurs, vous comprenez l’effroi qui me saisit devant une telle répulsion pour son être. Car il s’agit bien d’une jeune fille martiniquaise qui s’exprime ainsi. Se défend presque, comme agressée. Et pourquoi donc ? Parce qu’un de ses camarades, sans doute trop conscient de qui il est réellement, l’a qualifiée de « belle négresse ».
Honte de ses origines. Honte d’être noire. Honte de descendre d’Africains. Complexe d’infériorité. Manipulation. Trouble identitaire. Aliénation de la réflexion. Assimilation à deux revers. Tel est pour moi l’écho des dires de cette adolescente. Tels sont pour moi les traumatismes dus au « silence des aïeux ». Le silence qui enfouit tout ! Qui ne guérit rien ! » D’abord celui de l’impossible parole des traumatisés ! Sauvagement déracinés, les déportés africains furent, dès leur arrivée en Martinique, dépossédés d’eux-mêmes ! Des familles entières furent disloquées. Plongées dans un monde créolisé, les réduisant à un mutisme forcé qui déstructura leur être. Plus de transmission de la mémoire et des traditions ! Plus de mots pour exprimer la douleur !
L’esclavage rompit tout contact culturel, bâillonnant l’esclave au moyen de ses propres cris réprimés. Mais le silence a surtout été imposé par l’État colonial ! Stratégie politique cynique ou revirement humaniste ?
J’estime qu’il est vain d’essayer de trancher car l’assimilation qui suivit l’abolition de l’esclavage, en 1848, est tout cela à la fois : une assimilation à deux revers. L’une des premières mesures de la Seconde République est d’abolir l’esclavage dans les colonies.
Le décret d’application de la loi Schoelcher du 27 avril est prêt : dans un délai de deux mois, aucune colonie française ne portera plus d’esclaves.
« Il n’y a plus parmi nous de libres, ni d’esclaves. La Martinique ne porte plus aujourd’hui que des citoyens », proclama Rostoland, le 23 mai 1848, alors futur gouverneur de la colonie.
« Je recommande à chacun d’oublier le passé. »
Entendez par là, mes chers, que les esclaves, en devenant citoyens français, n’avaient plus d’histoire spécifique.
La République poursuit ainsi sa stratégie de l’oubli forcé !
Au nom de la réconciliation, les nègres marrons et les esclaves insurgés du 22 mai, à qui on doit la liberté effective et sans condition, sont amnistiés ! La France accorda ainsi son pardon aux esclaves pour l’insurrection du 22 mai au lieu de reconnaître l’esclavage comme un crime commis envers eux. Ce n’était pas la violence de la période esclavagiste mais la violence exprimée au moment de l’abolition qu’il fallut oublier pour rétablir la paix sociale.
Le silence sur la période esclavagiste s’accompagna du silence sur l’héroïsme des esclaves !
Si bien que de l’abolition de 1848, on ne retint ainsi que l’idéologie shoelchériste, le mythe du sauveur blanc, de la France émancipatrice et miséricordieuse. La vérité fut honteusement passée sous silence, la réalité historique déformée et instrumentalisée par l’État.
On notera surtout comme finalité de ce mutisme imposé, le maintien de la structure économique où les intérêts des anciens maîtres et de la France métropolitaine passent avant tout.
Je cite : « La liberté n’est pas le droit de vagabonder, mais bien celui de travailler pour vous-mêmes (...). Mes amis, soyez dociles aux ordres de vos maîtres pour montrer que vous savez qu’il n’appartient pas à tout le monde de commander. »
Il est évident que l’on passe d’un capitalisme esclavagiste à un capitalisme où le colonisé devient un travailleur, certes, mais rémunéré en fonction de son assiduité. Il est traité en fonction d’un passé esclavagiste qu’on lui demande par ailleurs d’oublier. On le prive, je cite, « du temps de la gestion mentale du bouleversement social lié en mai 1848. Il n’a ni le temps du deuil ni celui de la jouissance. Seul celui de continuer de travailler pour ces anciens maîtres lui est accordé. »
C’est alors plein d’espoir que l’on se tournerait vers l’école pour l’éradication d’une aliénation culturelle et historique. Mais il faudrait se contenter d’une simple répétition de l’histoire coloniale en marche, car l’école républicaine fut le haut lieu de l’exécution de l’âme martiniquaise !
Les bienfaits de la colonisation y furent enseignés aux écoliers comme on apprend le Notre-Père par coeur, sans même savoir l’écrire ! Alors que, et je me permets de citer Césaire, la colonisation fut synonyme de « cultures piétinées, de terres confisquées, d’extraordinaires possibilités supprimées », notamment avec l’instruction systématique en français, langue alors dite de prestige et de promotion sociale, qui relégua le créole au rang d’idiome vulgaire, reflet d’un passé honteux. Les petits Martiniquais ne reçurent donc aucun enseignement de l’histoire de la Martinique, noyés dans le Rhône et la Garonne et savamment ridiculisés, je l’avoue, par les casques de fer et les mèches blondes de leurs prétendus ancêtres les Gaulois.
Sous la houlette des grands créoles, du clergé et des enseignants, le chaos identitaire issu d’une francisation exacerbée et aliénante fonctionna à merveille.
Aujourd’hui encore, l’omniprésence de l’esclavage dans les esprits persiste. Cent cinquante-sept ans plus tard, le crime est toujours intact et les traumatismes engendrés par les mécanismes sévissent.
Le Martiniquais continue de développer un complexe d’infériorité évident. Le père, réduit au rôle de géniteur du temps de l’esclavage, reproduit ce schéma dans la structure familiale actuelle, où il est déresponsabilisé, au profit de la femme dite « poto-mitan » de la société.
Les critères esthétiques influencés par le modèle de type européen qui exalte la finesse des traits, la blancheur de la peau poussent encore le Martiniquais à vouloir « blanchir sa race », « chaper la peau », comme on dirait en créole. Le Martiniquais en vient à renier ses origines, parfois sa culture et même sa langue.
Il a encore honte de sa peau. De lui-même. D’être noir.
L’acquisition de connaissances quant à la période esclavagiste est donc cruciale pour que les langues se délient et que les traumatismes soient dépassés et vaincus. Or, les programmes d’histoire actuels n’y pourvoient pas ! La reconnaissance de l’histoire des Antilles, de la traite négrière et du système esclavagiste, comme matière à part entière, est donc absolument indispensable : pour un dépassement de la haine, pour une réelle conscience historique, et surtout, pour combattre les manoeuvres des institutions scolaires qui visent à redorer le blason des puissances coloniales et à anoblir l’esclavage. Notamment par la loi sur le discours positif sur le colonialisme. Et cela au mépris de la vérité scientifique et de la reconnaissance par l’État de l’esclavage comme crime contre l’humanité.
Au nom de tous et en tant que lycéenne d’origines antillaise et africaine, engagée dans une construction cohérente de ma personne, je réclame la mise en place de dispositions nécessaires quant à un réel enseignement de notre histoire.
Je réclame « le soleil de la conscience ».
Je réclame le droit de savoir !"
Par Aurélie Bayimbi, du Lycée Pernock-le-Lorrain (Martinique)
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